III

Elle se détourna et s'enfuit. Courant, de toutes ses forces, à en perdre la raison. Retenant les hurlements qui menaçaient d'éclore dans sa gorge. Courant tellement loin qu'elle n'entendit pas la cloche du reveil. Et lorsqu'elle ne puit plus continuer, elle s'écroula dans une infractuosité. Seule, ésseulée. Elle ne dormit pas non, non bien sur que non, c'eu été trop facile. Le visage d'Ilian collé en grand sous l'arc fragile de ses pupilles hallucinées. Surimpression qu'elle revoyait encore et encore sa main s'abaissant pour le tuer, revoyant le regard qu'il lui avait lancé. Le tressaillement qui avait sécouée son corps. Ah elle se haïssait, elle se haïssait tellement, beaucoup trop.

- Tu es faible.

La petite voix jaillit dans sa conscience.

Elle plongea a l'interieur d'elle même a la poursuite de l'ombre qui avait parlé. Qui s'effilochait entre ses doigts. Quelque chose d'inquiétant. Puis elle disparu completement et Isha et se heurta aux portes de son Monde. Qui restèrent closes lorsqu'elle frappa, l'emprisonnant a l'exterieur. Elle implora d'abord puis tenta de forcer le passage. Elle se jetait avec rage contre son propre esprit, voilant sa raison sous la violence de ses assauts. Sa conscience vacillait, tremblotante, comme soufflée par les coups de butoir. Isha ne pouvait pas ne pas pouvoir passer. Elle s'acharna, enragée, s'obligea à la douleur pour entrer, mordit a pleine dent dans son bras, le sang dans sa bouche, mais rien toujours rien, comme s'il avait cessé d'exister. Elle ne renonça que lorsque son corps se dressa contre son esprit destructeur, la secouant de convulsions brutales et de vomissements incontrolables. Réaction de rejet qui la laissa pentelante, alongée a même le sol avec un sentiment de faiblesse indéfectible au fond de la gorge.

 

Elle sanglote doucement.

Sa respiration ralentit peu a peu. Elle s'endort. Enfin.

 

Isha baignait d'humeur mauvaise au réveil, la mélasse de sa matière grise comme encore brassée par de longs doigts filiformes et blanchatres. Elle s'accroupit et dodelina du chef, en avant, en arrière, de façon regulière et d' une lenteur execrable. Pendant longtemps elle se contenta d'osciller d'arrière en avant, d'avant en arrière, perdue telle une petite fille que personne n'était venu chercher. Elle avait mal au bras gauche. La trace de ses dents ouvrait une plaie de trois centimètres aux bords déchiquetés. La scène de sa fuite était floue, elle ne parvenait par'a se raccrocher a sa réalité. La seule chose dont elle se souvenait avec clarté c'était l'instant ou elle avait enfoncé ses canines blanches dans sa propre chair, et la petite voix qui avait retentit dans son crâne.

[...]

C'est ce qu'elle avait entendu. Elle se remémorait la démence froide de cette voix, la manière dont la pointe s'était glissée entre les cervicales avec un très léger craquement. C'est le cartilage qui fait ce bruit en cédant.

Alors qu'elle s'attendait a ce qu'une vague d'émotions l'assaillisse a l'évocation de ce souvenir, elle ne ressentit absolument rien. Elle avait tué Ilian d'un coup de couteau entre la troisième et la quatrième vertèbre. Voila. C'était maintenant chose faite.

Un calme étrange noyait le tumulte encore vaseux de sa pensée. Elle trouvait cela agréable. Et c'est presque inconsciemment qu'elle se glissa dans son Rêve. Elle délaissa ses sens et se refugia, a nouveau, dans le silence brumeux de sa conscience. Le bonheur de retrouver sa paix interieure la submergea completement et elle s'abandonna a ce sentiment de plénitude. Elle resta ainsi avec l'impression de flotter entre deux eaux, regardant les courants s'agiter autour d'elle.

 

[ Les ombres dans les confins étaient encore trop lointaines pour qu'elle ne se doute de leur existence.se contentant pour l'instant d'exister. ]

 

Isha emergea peu a peu de son monde, reprennant, en douceur, trait à la réalité. Elle s'aperçut qu'elle pleurait. Du soulagement de n'avoir perdu son Rêve.

Elle essuya les larmes sur ses joues du revers de ses mains et renifla bruyament, au bonheur de cette morve qui descendait dans son ventre. La faim et la soif l'aiguillonèrent, elle commença a revenir sur ses pas. Sa fuite s'était contenté d'être une ligne la plus droite possible et elle n'eu pas de mal a retrouver sa route.

 

Elle parvint a sa chambre deux bonnes heures plus tard. S'assit dans sa piaule en tailleur et fit un point. Elle décida de s'accorder un peu temps avant de signaler l'accomplissement de sa mission. Le temps d'être sure d'avoir recouvré ses capacités rationnelles. Elle s'en alla dans la direction des cuisines, affamée.

 

Laissant Ilian pourrir dans son lit.

 

Magda la sermonna en prenant ses airs de Ma'ma lorsqu'elle apperçut la mine épouvantable de l'une de ses brebis. Les cernes avaient lancés leurs vagues a l'assaut de ses yeux, trainant avec eux cette teinte plus sombre qui tranchait sur la pâleur du reste de son visage, Anse bleutée sur la grève blanche de sa peau. Isha ne répondit pas a la démonstrade maladroite dont Magda faisait preuve. Elle se contenta de quemander de la nourriture. La cuisinière lui servit un bol de ragout et lui donna du pain. Le dit bol était chaud entre ses mains, il y avait même un peu de vapeur s'effilant a la surface de la soupe. Le breuvage lui réchauffa le ventre. Elle se sentit mieux après avoir mangé.

 

Elle laissa ensuite un temps ses pieds trainer au hasard, pensa d'abord aller voir Assar pour lui rapporter l'éxecution puis décida finalement de se rendre directement chez le maître. Elle se trompa deux fois avant de retrouver les marches qui permettaient d'acceder a la porte en fer. Elle resta devant cette porte un moment, intériorisant le sentiment qu'il ne ferait pas bon entrer. Elle ferma son poing et toqua une fois. Sans réponse. Elle retoqua. Sans plus de réponse. Peut être qu'il n'était pas la ?

Isha posa sa main sur le battant, qui céda de quelques centimètre. C'était ouvert. Elle hésita, puis, n'y tenant plus se glissa dans l'entrebaillement qu'elle referma derrière elle. La clarté qui éclairait la salle paraissait irréelle, de cette paleur que l'on donne aux lieux qu'habitent les fantomes dans les récits. L'odeur du vieux cuir, du papier et de l'encre. Elle adorait cet endroit, s'y sentant chez elle, et pourtant ne s'y étant rendu qu'une fois. Elle se dirigea vers la bibliothèque, et laissa ses doigts courir sur la reluire des livres, émerveillée comme seule une enfant peut l'être. Ou un mourrant. Elle fit tout le tour de la pièce comme cela, passa même derrière le bureau du maitre. Consciente de l'interdit qu'elle franchissait et des problèmes que cela pourrait lui causer. Mais l'appel des livres était plus fort, qu'importe que le maitre entre, Ilian était mort pour lui. Elle saisit un livre au hasard, "Traité sur la constitution des corps fulgineux par Ilisgan Poitrieux". Pas banal comme ouvrage. Des représentations en couleurs couvraient les pages, le tout encadré d'annotations denses et griffues, en somme difficilement déchiffrables. Le dessins qu'elle avait sous les yeux representait un être fin et longiligne, tout de striures dorées qui s'enchaissaient les unes les autres jusqu'à aboutir sur une machoire lisse et triangulaire "Les aigueflammes ont une structure annalogue a celle d'un axe de faisceaux semblable a une corde, sans pour qu'autant l'on puisse savoir s'il s'agit d'un réseau sanguin ou musculaire, ou même la simple apparence de l'épiderme. En effet les aigues de feu (qui sont aussi nommée ainsi) secrètent un gaz qui est a l'origine du dégagement de calorifique qui leur sert de mécanisme de défense; Ce proccessus a une autre conséquence qui ne permet pas une étude plus précise du corps, car a la mort l'organisme entre dans un état de combustion spontanée ce qui rend impossible l'observation des organes internes. On peut cependant remarquer..."

Le grincement fit bondir son coeur dans sa poitrine, résonnant jusque dans ses cervicales crispées. Elle se précipita derrière l'épais panneau de bois. Le jet d'adrénaline avait laissé ses muscles tendus au point que l'énergie pulsait a ses tempes en décharges douloureuses. Le livre toujours dans la main, et ce livre la brulait d'un frisson de culpabilité. Elle le dissimula hativement a l'arrière de son futal, sérré par sa ceinture contre les lombaires. La lumière dans la pièce s'alluma doucement.

Elle osa se pencher au coin du bureau pour regarder au fond de la salle d'ou était venu le bruit. Elle discerna la silhouette de la petite aveugle aux cheveux blanc. Inhé.

- Dit Isha, pourquoi tu te caches?

Son coeur loupa un battement. Renonçant a sa cachette, elle se leva.

- Bonjour Inhé, j'ai eu un peu peur lorsque tu es entrée, c'est tout. Tachant d'observer l'expression la plus neutre possible.

- Ah.. La petite fille paru se contenter de l'explication.

Tu veux faire une partie de go ? demanda elle tout de go. La question surpris Isha qui s'empressa de répondre par l'affirmative. Elle voulait voir le maitre et qu'il la trouve entrain de disputer une partie avec Inhé serait moins dangereux que s'il l'appercevait entrain d'étudier sa bibliothèque. La couverture de cuir collait a sa peau. Elle espérait que le renflement de son habit était suffisament discret.

La petite fille ouvrit un tiroir du bureau et en sortit les deux goke. Elles s'installèrent devant la table basse. Inhé proposa de jouer a égalité, et Isha accepta. Elles firent nigri. Ce fut a Isha de commencer la partie.

Elle ouvrit au sansan et lorsqu'Inhé répondit hoshi dans l'angle opposé Isha posa sa deuxième pierre sur le komoku de l'angle a coté d'elle. Inhé prit le dernier angle avec un second hoshi. Et la partie débuta.

Inhé ne paraissait pas réfléchir. Dès qu'Isha posait une pierre elle répondait. Sa main venait doucement caresser le bol en bois, se saisissant alors d'une pierre avant de jouer son coup. Un geste d'une fluduitée empreinte d'un sentiment indéfinissable. Prendre une pierre. Poser une pierre. Regarder le dessin sur le goban prendre forme.

Inhé ne jouait pas contre elle. Elle jouait avec Isha.

Cette finesse que possédait Mashamra a l'art du combat Inhé l'avait au jeu de go. Dénué de toute forme de brutalité. Juste a chaque fois la réponse qu'il fallait. En affrontant Inhé l'on se souvenait que le jeu de go était avant tout une affaire de partage. Dans le jeu d'Inhé l'on voyait que les conflits n'étaient qu'une instabilité désagréable, réduit en une violence inutile lorsque prévalait la puissance des coups stables. Isha sentait a quel point la petite fille était forte, et pourtant, malgrès cela, elle n'avait pas l'impression de perdre.

 

Elle n'avait tout simplement pas encore suffisament conscience du go pour se rendre compte que ce n'était pas malgrès mais grace a cette force qu'Inhé ne lui permettait pas de perdre.

 

Inhé exprimait son savoir sans tenter de lui expliquer. Le go est un chemin infini, et il appartient a l'être de l'arpenter seul. Les autres ne sont qu'une lumière sur le bord qui permet d'avancer un temps. Et peu de gens peuvent se vanter d'avoir parcouru cette route sous un éclat pérpetuel. La pluspart se contentent de tatonnements dans la pénombre pour avancer, gouttant parfois au bonheur de discerner au loin une lueur.

 

Lorsque le maitre pénétra dans la salle par la porte de l'arrière, Inhé baissa ses mains sur le goban et brisa la partie. Le vide dans les yeux. Paraissant se vouter légèrement.

Le maitre ne paraissait pas s'être aperçut de sa présence. Et Isha se garda bien de le lui faire remarquer.

Il jeta sa cape sur le dossier du siège. Elle était détrempée et ne tarda pas a dégouliner sur le sol en bois. Le maitre n'en avait cure. Les yeux d'Isha s'étaient fixée sur cette eau qui qui tombait, goutte après goutte. Plic. Ploc. Plic. Ploc. De la pluie. Le maitre venait de dehors. Et les gouttes qui suaient de sa cape laissaient entendre que la sortie était non loin d'ici. Une quinzaine de minutes, tout au plus. Le maitre ota ensuite le veston qui lui collait au corps, et Isha ne put s'empecher de retourner son regard vers lui. Il était plutot bel homme et une légère chaleur lui vint, de façon impromptue. Les muscles de son torse et de ses bras étaient finements cisélés, et son buste clot de clavicules dessinées d'une ombre sèche. Séduisantes. A croquer. Les traits de sa machoire aiguisaient son visage. Et son regard indéchiffrable semblait venir assujetir l'existence physique de son être.

Il émanait de cet homme une aura de puissance. Et Isha sentit les émotions qu'elle éprouvait a son égard se troubler.

 

Il se pencha a la droite du bureau, tourna une valve grinçante et s'assit sur son fauteuil. Il ferma les yeux et paru goutter la quiétude, un instant.

Le parquet se réchauffa peu a peu. Isha réprima un frisson tandis que la plante de ses pieds s'encombraient d'un plaisir peu commun. C'était le privilège d'être tout en haut.

 

Le maitre reporta enfin son attention sur elle.

- Qu'est ce que tu fais là?

- Je... J'étais venu pour vous parler de...

- Et n'ayant trouvé personne tu a pris l'initiative d'entrer ? La questionna-il, le ton grêlé d'ironie.

- Je ne...

Ce fut Inhé qui répondit a sa place.

- Elle a frappé. Je suis venue ouvrir et je lui ai proposé de faire une partie de go.

Isha retint l'élan de gratitude qu'elle éprouvait pour la petite aveugle. Merci.

Le maitre garda le silence un instant avant d'acquiescer.

Il plongea sa main dans le ventre du bureau et en sortit une bouteille de verre surmontée d'un bouchon de liège. Elle s'ouvrit dans un chuintement creux, et l'ambre de la boisson coula, s'écoula dans le gosier de celui qui buvait a grandes a gorgée; Et il lampa son fond de bouteille, ainsi, en terre aride qui se gorge de toute eau. Un peu de feu passa dans son regard.

- Et donc Isha, expose moi la raison de ta présence.

Cette fois sa voix ne trembla pas.

- J'ai tué Ilian. Comme vous me l'aviez demandé.

- Oh Oh. Bien.

Et tu viens me demander rétribution ? Les inflexions de sa voix étaient devenues plus suaves sur cette dernière phrase. Plus étouffantes.

- Non, je voulais juste venir vous dire que j'avais mené a bien ma mission.

- Tu es sûre ? Je pourrais te faire découvrir des plaisirs que ton esprit n'oserait même pas imaginer. ajouta il un sourire au coin des lèvres.

Isha sentit une rougeur monter a ses joues. Elle contrit ses traits à leur fixité habituelle, mais sans pour autant parvenir à retenir l'écho de ses émotions dans l'éclat de ses prunelles.

  • Non merci. Par contre tout compte fait, je souhaiterais posseder un miroir en guise de récompense.

Les sourcils de son interlocuteur remontèrent légèrements, intrigués.

  • Et c'est tout ce que tu avais à me dire ?

  • Oui. Je peux me retirer ?

  • Range d'abord le goban avec Inhé.

Sans appel et plutôt de nature simple, Isha se dirigea vers la table en bonne créature domestique et entreprit de ranger conscienceusement. Entièrement accaparé par ces quelques pierres qui bruissaient ensemble lorsqu'elle les relachait dans le pot. La sonorité cristalline de la pluie. Ne pas laisser ses pensées s'en revenir s'interesser a cet homme. Lequel l'étudiait avec soin, sinuant son corps délicatement de son regard. Il sortit une seconde bouteille, pleine, et se servit l'alcool dans un verre. Il but une gorgée la savoura un instant avant de reposer la coupe en la claquant contre le bois massif. Il se leva, se rapprocha d'Isha se positionnant juste derrière elle. Isha sentit une bouffée de chaleur l'envahir, et lorsqu'elle releva son buste le maitre glissa ses doigts le long de son flanc avant de saisir l'un des ses seins, lui tirant un frisson. Elle n'osa pas repousser cette main, n'osa pas même bouger.

 

 

Le souffle du maitre qui l'effleure dans le cou. L'impression de ne pas pouvoir resister a son etreinte, de ne pas pouvoir resister a cette main qui découvre son corps. Et a cette fièvre qui la gagne progressivement à cette envie faire saillir sa dague. La main du maitre est passée en dessous de ses vetements, et Isha se sent ceder a son appel. Le duvet sur sa peau s'hérisse au passage de ses caresses. La chaleur se noue dans son bas ventre. Monte, remonte dans ses poumons qu'exhalent un souffle gresillant de désir. Elle se sent fondre lorsqu'il pose ses lèvres au creux de son cou et que ses dents viennent griffer sa chair.

- Non.

La petite voix éclot dans sa tête. Comme un choc. Isha se libèra des entraves brulantes sur son corps. Se retourna, se dérobant. Reculant de peur de s'abandonner. Le maitre ne fit pas mine de l'arreter. Et elle quitta la salle avec la foulée légère, presque volatile, qu'a l'animal effrayé au fond de son coeur.

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