II¨

Le début de la journée la trouva roulée en boule sous ses couvertures.

Isha agonit le monde entier avec virulence lorsqu'osa sonner la Cloche du Reveil. Elle se remit tant bien que mal sur son séant et tenta d'extirper son esprit des nasses léthargiques dans lesquelles il était engoncé. Ce qui lui prit de longues minutes. Il lui en fallu d'autres encore pour qu'elle trouve enfin le courage se pencher au dessus du pichet. Le reflet que lui renvoya le broc d'eau avait le teint pale et les trait tirés. Un cadavre a son troisième jour aurait eu plus de charme. Sympathique. Soudainement elle eut très envie qu'Oko la prenne dans ses bras pour la réconforter.

Elle secoua la tête avec nonchalance avant de chasser cette idée stupide. Pour faire bonne mesure elle se gifla légèrement, puis tenta de se rendre plus présentable avec les moyens dont elle disposait : De l'eau. Cela eu au moins l'effet de revigorer son visage, elle ressemblait un peu plus a un être humain désormais, avec ses joues rougies par le froid.

Elle acheva de se reveiller en dénouant ses muscles par quelques assouplissements puis elle s'équipa et partit en direction de la grand'salle.

En parvenant a l'embranchement elle salua le gros homme de pierre d'un : salut ventru ! des plus irréverencieux. Ce rituel lui rendit un chouïa de bonne humeur. Elle aimait bien le Bouddha assit. Comment ne pas aimer quelqu'un qui vous souriait en toute circonstance ?

 

Elle passa son écuelle dans la gueule béante des cuisines, laquelle réceptionna une bonne part d'omelette ainsi qu'une miche de pain. [...] Pourtant Isha remuait son pain dans le jaune sans y penser. Son esprit était focus. Elle tâcha d'éliminer les remords qui s'évertuaient a poindre, s'efforçant à penser en termes techniques. Elle n'avait pas le choix, a quoi bon tergiverser ? Elle avait déja établit que la meilleure façon de respecter les consignes du maitre était le poison. Lequel ? L'atravia ne lui semblait pas mauvais, la cible avait le droit a un bel arret cardiaque trois ou quatres heures après l'ingestion. En le lui faisant prendre pendant le diner il mourrait dans son sommeil. Simple et efficace. Cependant il y avait un problème. L'atravia était un susbtance légèrement visqueuse et sa couleur violette la rendait facile a reconnaitre. Dur d'en planquer dans la nourriture d'Ilian sans qu'il s'en aperçoive. Une approche directe avec un couteau ? Elle aurait du mal a camoufler la mort... Et sa sarbacane ne pouvait pas envoyer une flechette avec suffisament de poison pour le tuer de façon discrète. Elle passait en revue les différents poisons qu'elle connaissait et aucun ne lui paraissait convenir, trop reconnaissables, trop rapides d'effets ou au contraire trop lents. Cette après midi elle rendrait visite à Lothar pour lui demander des conseils.

 

 

 

 

 

 

Elle toqua trois fois et se préparait a tourner talons lorsqu'elle l'entendit gromeller de derrière la porte. Choisissant qu'il s'agissait d'un signe montrant son assentiment elle pénétra dans l'antre du maitre des poisons. L'odeur de souffre mélée de nuances des plus ragoutantes qu'elle sentait vaguement de derrière la porte lui éclata soudainement dans les narines. Comme d'habitude ses tripes se contractèrent sous l'effet de cette bombe olfactive. Et mirent longtemps a se relacher. Isha soupconnait Lothar d'entretenir ces senteurs avec un soin sans cesse renouvellé, se complaisant sans doute dans la solitude induite par la puanteur. Et puis ce devait être un jeu pour lui de concocter ces odeurs immondes. Les pots sur les étagères étaient nombreux, tous étiquetés avec une précaution (quasi) maniaque. On ne plaisante pas lorsqu'il s'agit de poisons. Elle effleurait de ses doigts les petits bocaux de verre, comme envoutée par la passion qu'elle ressentait dans ces rayonnages. Lothar aimait son travail, cela se voyait, il se plaisait a manipuler ces substances capables de donner la mort. Cependant en y regardant attentivement on pouvait aussi voir des potions aux vertues curatives, différents extraits de plantes médicinales ou des sels minéraux possédants des caractéristiques qu'Isha ne connaissait pas. Des centaines d'échantillons accumulé avec soin tout au long d'une vie.

Perdue dans ses pensées elle n'entendit pas le premier appel de Lothar. Elle se revoyait avec Ilian et Oko dans ces même locaux, trois ans auparavant.

Ils étaient venus chercher de quoi executer un dignitaire de la haute résidant dans les tours de la Cité. C'était une mission importante et même Ilian laissait transparaitre un peu d'exitation. La cible aimait les esclaves sexuels particulièrements jeunes. L'inflitration avait eu lieu grâce au fournisseur de mignons, et, étant les seuls a pouvoir benificier de la couverture, ils avaient du effectuer - pour la première fois - une mission en autonomie totale. L'assassinat en lui même n'avait pas posé de problème mais pendant la fuite ils avaient croisé deux gardes. Isha se souvenait du combat bref et brutal qui s'en était suivit. Oko avait reçut un coup d'estoc qui lui avait laissé l'épaule ensanglanté.

- Alors qu'est ce qui t'amène ?

Elle tenta de focaliser son attention sur son interlocuteur mais la vision de l'affrontement s'imposa a elle avec un réalisme frappant. Les deux gardes se précipitant a leur rencontre. Oko qui la pousse sur le coté, déviant le coup qui lui était déstiné. Elle, heurtant le mur, Ilian lui passant a coté et se jetant sur le second garde, laissant le premier aux prises avec Oko. Oko qui se laisse emporter dans un mouvement et ouvre sa défense. L'épée qui lui lacère l'épaule. Le sang qui jaillit de son bras, les quelques pas qu'il esquisse pour s'esquiver maladroitemeent .

- Oh Isha tu m'écoute quand je te parle ?

Le sang qui obscurcit sa vision. Elle qui se rue sur le garde comme une furie et plante son poignard, une fois, deux fois, trois fois. Elle qui sent son couteau fouiller dans les chairs du type au regard plein de surprise. Mais elle ne s'interrompt pas, non, bien sur que non, elle hurle maintenant et plante son couteau encore et encore, bestiale. Le garde est déja mort mais son bras continue de faire des va et vient, réduisant en charpie le ventre de l'homme qui se tient devant elle. Ne s'arrêtant que lorsqu'Oko la retient de son bras valide. Ses mains sont pleines de sang. Son visage... Elle a envie de pleurer, de se recroqueviller, mais ils n'ont pas le temps ils doivent fuir, ses hurlements ont du alerter le reste de la garde. Ils courent, Ilian a déja tué l'autre.

- Oh ! Isha ! Lothar la saisit par les épaules et la secoua sans aménité.

Ils courent. Ils courent, éperdus. La scène perd peu a peu de sa réalité de sa substance, s'efface, se fond.

Hébété, encore sous le coup provoqué par la vision, Isha peina a reprendre pied. La face couverte de croutes de Lothar se rappela à son bon souvenir. Elle tenta laborieusement de se redonner contenance.

- Je... Je suis venue chercher un poison.

Lothar soupira - ce qui ressembla plus au souffle rauque d'un dragon qu'a un soupir - avant de lui répondre de sa voix éraillée:

- Bon. Et qu'est ce qu'il te faut ? Il ne paraissait pas lui tenir rigueur de ce moment d'absence.

- Enfait j'aurais besoin d'un poison qui puisse se glisser dans la nourriture et qui provoque la mort quelques heures après l'ingestion et de façon pas trop spectaculaire. La phrase avait été débité d'un ton monocorde sans que passe une trace d'émotion. Voilà un prompt rétablissement !

- Hmm. Attend je vais te trouver ça. Ton ordre ? Assar est le garant ?

- C'est le maitre lui même qui m'a ordonné.

La regardant, une étincelle dans le creux du regard : - Hmm.

 

Il posa la lame a sciure sur l'établit avant de s'enfoncer derrière la bache de l'arrière salle. Elle l'entendit pester et maugréer a propos d'un bocal prétendument vide. Pousser des trucs. Puis pousser : - Bordel de foutuidieu ! lorqu'un bruit de verre brisé se fit entendre.

 

Isha passa l'embrasure pour lui proposer son aide. Elle ramassa les éclats de verre en regardant la pagaille qui regnait dans la petite pièce. Un bric a brac hétéroclite de plantes et d'outils en tout genre ainsi que des pots et de petites fioles. Il y avait même un foyer sur lequel était monté une bulle en verre, elle même surmontée d'un col qui paraissait denté de l'interieur. Isha se demandait bien a quoi cela pouvait servir. Se demanda tant et si bien que faute d'attention elle s'entailla le pouce avec un tesson.

Elle jura a son tour ce qui eu le mérite d'arracher un sourire au vieux Lothar, lui donnant des airs de dingue. Il faut dire que les croutes qu'il y'avait sur son visage n'étaient pas des plus ragoutantes, sa face ressemblait à un assemblage composite de plaques de peau rougeatres à different stades de décomposition, sourire avait eut pour effet de les distendres selon des angles peu esthétiques. Ignobles pour être honnête.

Isha ramassa les derniers bouts de verre en suçotant le sang qui coulait de son pouce. Quand elle eut terminé Lothar lui tendit une petite fiole de couleur verte munie d'un bouchon en liège.

- C'est de l'essence d'écorce de Sisyphle. annonca il, pas peu fier de sa trouvaille. Deux gouttes suffisent a tuer son homme par contractions musculaires cinq ou six heure après la consommation.

- Par contractions musculaires ?

- Oui jeune fille par contractions musculaires ! les muscles de la cage thoracique se crispent au point d'empecher la personne de respirer, et elle finit par mourir d'étouffement, ou bien d'une crise cardiaque si la personne est de nature anxieuse. Ce qui était apparement le comble du raffinement a en juger par la tronche que tirait Lothar. De plus le substrat d'écorce est quasiment inodore ce qui le rend facile a dissimuler dans de la nourriture ! La c'était l'apothéose, le nirvana des poisons qui se lisait sur son visage. Isha parvint tant bien que mal a taire le dégout que lui inspirait les déformations du faciès de Lothar. Elle lui décocha son sourire le plus éclatant.

  • Merci beaucoup Lothar ! C'est pile ce que je cherchais !

     

 

 

Isha décida d'effectuer un premier un reperage le soir même pendant le diner.

Elle se rendit au cours dispensé par Felwar qui la trouva bien distraite. Il paru même se douter de quelque chose, lorsqu'il fouilla les méandres de sa conscience. Mais malgrès ses imprécations elle ne parvenait qu'a se cacher dans son Monde . Il jura , pesta et finit par la renvoyer en maugréant.

Isha passa le reste de l'après midi a faire le vide en elle, allongée sur sa paillasse les yeux grand ouverts et l'esprit libre. Elle flottait dans une sorte d'hébétude agréable, se sentant elle même atténuée dans son Rêve. Certaines pensées passaient, dénuées de consistance. Elle tenta de réaliser les exercices imposés par Felwar, de ressentir les flux d'énergie qui la parcourait. Dans son monde elle sentait bien les courants agiter l'air mais dès qu'elle s'en approchait les formes mouvantes disparaissaient en de longues trainées fuligineuses. Si elle ne parvint pas a les atteindre elle réussi néanmoins a changer la perception qu'elle en avait : A la fin de la séance les courants étaient devenus de grand dragons longilignes, qui paraissaient se déplaçer en serpentant au travers de couches de nuages stagnant. Elle ne parvenait pas bien à les discerner, une ombre rouge peut être, l'éclat d'une machoire, des remous dans les brumes. Mais elle fut heureuse qu'ils ne soient plus juste une sensation de déplacement dans sa tête. Cette apparence les rendait moins antipathique. Et puis la petite fille dissimulée au fond d'elle même était toute au bonheur de s'être fabriqué des dragons, qu'elle esperait en son fort pouvoir chevaucher un jour.

 

Trois jours plus tard, s'estimant suffisament préparée, Isha décida de tenter sa chance pendant le diner. Lothar lui avait fournit, a sa demande, un petit tube qu'elle utiliserait pour verser la dose nécessaire a l'empoisonnement. Le tube était munit d'un petit opercule a une extrémité si bien qu'il lui suffisait de l'ouvrir pour que l'appel d'air permette au poison de s'écouler. Isha passa quelques minutes a perfectionner son instrument, nouant un fil autour de son poignet et le reliant a l'opercule. Cela lui permettait de n'utiliser qu'une seule main pour décapuchonner le récipient et verser son contenu. Elle passa le reste de l'après midi a s'entrainer avec de l'eau pour fluidifier son geste; elle laissait tomber le tube caché dans sa manche, le saisissait entre la base de son pouce et sa paume, tirait d'un coup sec et retirait sa main. Lorsque l'heure du repas arriva l'opération lui prenait moins d'une seconde, et, s'estimant satisfaite, elle se plongea quelques instant dans la quiétude de son Rêve avant d'y aller.

 

 

La grand'salle était bondée et elle mit du temps a reperer Ilian. Celui ci était au fond de la salle, assis en face de Josua, son maitre, et ils discutaient ensemble. Le repas avait déja commencé et aucune place n'était libre dans son entourage immédiat. Isha retint les invectives qui lui passaient par la tête et tenta de trouver une solution, elle discerna des emplacement libres au fond de la salle et fit semblant de s'y diriger. Lorsqu'elle passa derrière lui elle ralentit, hésitante. Si je fais semblant de me casser la gueule/pretexte une chute je pourrais peut être passer ma main au dessus de son assiette sans que cela se remarque. Puis elle prit conscience du regard que lui lançait Josua. Elle continua sa route en se promettant de retenter sa chance le lendemain. Elle s'assit devant son assiète qu'elle regarda passivement. Elle en était a touiller sa soupe piteusement lorsque Lucianne la tira de son hébétude en s'installant a coté d'elle. Lucianne était l'une des seules femmes de la ronde des vingt-quatres, que son tempérament volubile et gourmand avait rapidement ménée Isha a apprecier. Elle était capable de discourir des heures sans autre but que de converser et elle avait un don certain pour charmer ses interlocuteurs. La jeune femme, tout en rondeurs et en déanchés lascif avait le coup d'oeil aguicheur et la capacité d'emmener n'importe qui dans des discutions des plus scabreuses. Elle prodiguait ses marques d'affection a tout va sans soucis de bienséance ou de sombres concepts tels que le savoir vivre. Isha gardait précieusement dans sa mémoire le souvenir du jour ou elle l'avait vu attraper la fesse gauche d'Assar. Celui ci avait été tellement surpris qu'il n'avait pas esquissé le moindre geste lorsque Lucianne s'était dérobé avec un de ses clins d'oeil langoureux dont elle avait le secret. Elle pouffa rien que d'y repenser, interrompant Lucianne dans son monologue. Cette dernière lui jeta un regard interrogateur, ne trouvant pas son propos propre a suciter le rire. Lorsqu'Isha lui raconta le souvenir elle partit d'un rire tonitruant en se claquant la cuisse. Elle leva son verre et gueula dans la grand'salle : A Assar, mon cochon !

Le regard que le dit Assar leur lança depuis l'estrade des officiers était des plus meurtriers. Isha piqua un fard de gêne, se retenant de toute ses forces de ne pas exploser de rire.

Finalement Isha termina son repas dans la bonne humeur, restant même bien après qu'ils aient finit leur assiette. Et elle ne repensa plus a Ilian du restant de la soirée, et se coucha apaisée.

 

Le lendemain elle passa une grande partie de l'après midi a la salle d'entrainement. Assar ayant été envoyé en mission le matin dans la capitale il ne pouvait pas assurer ses cours, par conséquent elle s'entraina seule dans un premier temps. Elle répetait les huit mouvements de bases en augmentant progressivement la vitesse et la complexité de ses enchainements. Elle avait l'impression de voler avec sa lame, chaque mouvement répondant a celui qui le précedait avec la fluidité qu'offrait l'habitude. C'était agréable. Sa bâtarde sifflait dans l'air a chaque coup, chantant la mort gracieusement. Elle termina en se fendant séchèment d'une dernière taille. Mashamra qui la regardait jusqu'alors du fond de le salle, adossé au mur, se releva d'une légère impulsion et vint a sa rencontre.

- Tu as fais quelques progrès ces derniers temps, ça te dirait d'échanger quelques passes avec un vieillard comme moi ?

Isha arbora un grand sourire. Elle s'inclina légèrement.

- Oui, bien sur.

Elle commençait a se diriger vers l'armoire ou étaient entreposés les armes en bois lorsque Mashamra reprit la parole.

- Allons, ne préfères-tu pas écouter chanter l'acier ?

Elle se figea un instant avant d'infuser le sens de ses paroles.

- Comme vous le voulez.

Ils se positionnèrent l'un face a l'autre et se saluèrent avant d'entamer le combat. Le maitre d'arme possedait un style d'une finesse incroyable, loin de la brutalité dont Assar faisait preuve lors de leurs affrontements. Mashamra pointait ses erreurs sans même l'effleurer, reprenant ses mouvements en accompagnant sa lame de son corps, laissant même des ouvertures intentionnelles pour l'évaluer. Peu a peu le combat prenait du rythme, Mashamra la laissait mener l'échange pour mieux la completer. Elle ressentait l'experience du maitre dans chaque parade, dans chaque pas qu'il esquissait. Elle se laissa prendre au jeu et le maitre accélera encore la cadence, la forçant a réduire ses mouvements inutiles. De plus en plus vite. Toute la salle les regardaient a présent. Mais Isha n'en avait plus cure, seul comptait sa perception de l'être qui se tenait devant elle. Ils dansaient. Il n'y avait plus rien d'autre que les échos des sabres s'entrechoquant. Elle ne ressentait aucune limite a la maitrise de l'homme qui partageait son savoir avec elle. Finalement elle brisa l'enchantement, fit un pas en arrière et s'inclina respectueusement, émue.

- Merci.

Ils rengainèrent.

 

Mashamra apparement enjoué, passa une heure de plus avec elle, lui indiquant ses faiblesses et des exercices qui, a forces de réptitions, renforceraient son oraganisme d'une meilleure façon.

Lorsqu'Isha ne puit plus soulever ses bras ils s'assyèrent et commencèrent a discuter. Mashamra lui parla de la respiration. Il lui expliqua que c'était le rythme profond d'un combat, qu'il fallait entamer ses mouvement et expirant pour mieux concentrer son énérgie dans le coup porté. Et qu'au contraire il fallait inspirer sur les phases de retrait pour ressourcer son corps. Ce faisant ses mains se mouvaient avec une gestuelle précise.

- Passé un certain niveau de maitrise, l'affrontement entre deux personnes se joue sur ce rythme et la capacité a le percevoir, si tu parviens a saisir les moments d'insipiration de ton adveraire tu pourra briser sa cadence, l'épuiser et lui faire perdre ses moyens. Et un adversaire qui ne se controle plus est déja vaincu.

Isha sentait la jalousie qu'elle inspirait aux autres avec ce cours particulier mais n'y pretait pas attention, se consacrant entièrement a l'écoute des enseignements que lui offrait le maitre d'arme.

Elle l'interrompit quelques fois, demandant des explications auxquelles il s'efforçait d'apporter des réponses claires et intelligibles. Ils dévièrent peu a peu et en vinrent a parler de leurs armes respectives. Il prit la batarde d'Isha et fit quelques mouvement avant de la reposer.

- Ce n'est pas une bonne arme pour toi, elle est trop lourde et trop longue pour que tu puisse la manier efficacement a une main tout en étant trop légère et trop courte pour que la manier a deux (mains) représente un atout. C'est ta constitution qui joue en ta défaveur, tu serais batie comme Rusth'al'il Kerishar qu'utiliser cette épée comme un batoir a une main ne te poserait aucun problème. Je pense qu'utilier deux armes, un wakizashi et un poignard par exemple te conviendrait mieux. Ou alors si le sabre est vraiment ce que tu préfère un katana serait plus approprié, la courbe qu'offre la lame d'un sabre rend les changement de direction plus facile qu'avec une épée droite comme la tienne.

Isha soupira, bien sur qu'elle préfererait avoir un sabre rien qu'a elle, mais son grade ne lui permettait pas de prétendre a ce genre de prérogatives.

- Oui c'est vrai. Mais bon, comme on dit, faisons contre mauvaise fortune bon coeur. En revanche votre musamune est une arme magnifique. Il sortit son sabre du fourreau, le déposa sur ses genoux et caressa le fil de la lame avec un regard lointain.

- C'est vrais. C'est mon bien le plus cher.

Isha n'osa par rompre le silence qu'il marqua avant de reprendre.

- Je l'ai eu comme récompense d'une mission du temps ou j'agissait en franc tireur pour le compte du plus offrant. A l'époque j'étais un ronin sans grande ambition, et j'ai beaucoup erré avant de finir içi. Une légère nostalgie, peut être, passa dans son regard.

- Dit moi Isha est ce que tu joue au go ?

Surprise.

- Mon père m'apprenait le go quand j'étais petite, mais ca remonte a loin maintenant et je ne sais pas si je sais encore y jouer.

Il la regarda un instant puis relança :

- Allons faire une partie dans mes appartements, cela fait un moment que je n'ai pas eu de compagnon de jeu.

 

Isha s'installa sur le tapis au milieu du salon tandis que Mashamra apportait le goban, une pièce de bois massif d'un beige ambré. Il le posa entre eux et s'assit en tailleur devant elle. Les deux goke contenant les pierres noires et blanches se trouvaient sur le coté, a la droite de chaque joueur. Isha se souvenait vaguement des après midi passés avec son père devant le plateau. Elle se souvenait des mouvements qui s'enchainaient en geste gracieuse sur le goban.

Mashamra lui donna un avantage de neuf pierres de handicap au début de la partie. Isha avait l'impression que cela faisait beaucoup, trouvant que tout le goban paraissait déja lui appartenir.

-Bonne partie.

-Bonne partie.

La premier coup du maitre claqua d'une manière forminable sur le goban. Il tenait ses pierres comme son père, entre le majeur et l'index, dans une position qui donnait a la petite pierre blanche l'aspect d'une arme, point de concentration de la tension du corps, comme si l'attaque portée sur la partie avait été physique. Isha se jeta sur cette pierre isolé, l'attaqua, tenta de l'entourer. Mais le maitre se contorsionnait, échappant a la nasse qu'elle avait tendue avec maladresse. Il profita de ses faiblesses, écrasant ses formes, brisant ses connexions, tant et si bien que le goban entier s'embrasa dans un conflit pour la survie. Isha voyait les issues se brouiller dans sa tête, penait a voir plus de trois coup au devant de ce qu'elle venait de jouer. Elle mourut en de nombreux endroit, abandonnant des groupes entier a l'emprise de Mashamra. Son avantage initial eu tot fait de tourner en peau de chagrin. Lors d'un moment clef Mashamra, par excès de confiance, tenta une invasion abusive, essayant de détruire un territoire de l'interieur. Isha, par instinct, avait réussi a crever ses yeux, détruisant ainsi son espace vital. Elle pensait avoir réussi a contrecarer l'invasion lorsque le maitre dénicha un ko menaçant de tuer une partie de l'enceinte qui l'empechait de s'épandre. Il n'y avait plus que le désert de grands espaces damé au centre, et la délimitation des territoires était déja presque établie, le koyosé dans sa phase finale. Il ne restait plus de points sinon cela.

Aucun des deux ne pouvait se permettre de perdre le ko. Avec tout ses groupes morts, menacer de survivre obligeait le maitre a rajouter des coups, ce qui lui permettait de reprendre le ko. Ce fut finalement une erreur de sa part qui sauva Mashamra, elle joua un coup auquel il ne répondit pas et préfera clore le ko. Lorsqu'Isha s'apperçut, après une séquence tortueuse, que le coup qu'elle avait gagné en contrepartie ne lui permettait pas de survivre, elle abandonna.

Mashamra lui proposa de revoir la partie, ce faisant il cibla rapidement les erreurs qu'elle avait commise.

- On voit que tu joues par instinct, et la pluspart de tes coups globeaux ne sont pas mauvais, c'est uniquement lorsque se compliquent les séquences que ta lecture ne te permet pas de vaincre. On pourra rejouer d'autres parties si l'envie te dis une prochaine fois.

Elle aquiesça

 

L'esprit perdu elle se rendit à sa chambre tel un automate pour poser ses affaires avant le diner. Distraite au point qu'elle oublia une première fois son poison et dut refaire une partie du trajet. Elle devait assassiner Ilian ce soir. Elle débarassa sa conscience des pensées parasites, se débarassa du sentiments de bien être résultant de l'échange avec Mashamra. S'absorbant uniquement sur sa mission.

 

 

Un tremblement imperceptible agitait ses mains lorsqu'elle poussa la porte de la grand'salle.

Elle se redonna contenance et chercha Ilian du regard. Au fond, tout seul. Résolue ou pensant l'être elle se dirigea vers lui. Il n'avait pas l'air d'humeur loquace ce soir, son attention se limitant quasiment exclusivement aux patates qu'il avait dans son assiette. C'est a peine s'il leva les yeux lorsqu'elle s'assit a coté de lui. Elle essaya de nouer la conversation une première fois. Sans succès. Elle ne savait pas pourquoi elle essayait de lui parler. Elle devait le tuer. C'était tout. Un meurtre. Froid. Pourquoi vouloir engager la conversation ? Pour se mettre a son aise ? Pour justifier son incapacité a agir ?

Isha ne savait pas. Ses doutes lui tordaient les tripes avec une vigueur renouvellée et lui coupèrent l'appetit aussi surement que l'auraient fait un plat de vers grouillants. Elle se mordit l'interieur de la joue, prit son courage a deux mains et lança sa main vers le verre d'Ilian.

 

Qui se renversa sur la table avec fracas.

 

Elle jura interieurement et s'excusa. La ribaude de ses morts ! Comment c'est possible d'être aussi con ! Elle ramassa le verre. Le regard vide d'Ilian ne laissait pas transparaitre qu'il avait vu quoi que ce soit. Normal, il ne s'attend pas a que cela vienne d'une personne proche de lui. Une petite voix a l'arrière de sa tête.

Il ne reste que deux jours.

 

Le lendemain passa avec une lenteur excecrable, et plus le temps avançait plus Isha sentait l'apréhension monter dans son coeur. Elle s'occupa un moment en confectionnant de petits projectiles pour sa sarbacane, qu'elle enduisit de poison. Au vu de l'échec de la veille diversifier ses moyens d'actions ne lui semblait pas une mauvaise idée. Ce serait evidemment moins discret que de verser directement le poison dans le verre ou la nourriture mais au moins avec la sarbacane elle pouvait agir a distance et profiter d'un moment d'innatention pour le

AchhiiiaahhchiiaaahhahhhhhiaaahhChhhhiiaah..

Les exercices. Durs. Les muscles tendus, les mains rivetés sur la garde, l'air siffle contre l'acier, la sueur saillant de ses aisselles et de son front. Le silence au dedans.

 

Elle fut presque soulagée lorsqu'arriva l'heure du diner.

Ilian en face d'Oko. Une place libre a coté de lui. Isha rangea sa sarbacane dans l'étuit contre sa cuisse. Se dirigea vers la place. S'assit. Participa a la discussion sur le tournoi qui allait avoir lieu. Sans y penser. Elle répondait automatiquement et souriait quand il le fallait. Guettant une occasion. Entierement focalisée sur cet instant. Ilian fit tomber son couteau et se pencha pour le ramasser. Elle tendit sa main vers la corbeille a pain placée de l'autre cotée de son assiette. Ouvrit légèrement son poignet. Ressentit l'ouverture de l'opercule. Prit un pain. Retira sa main. Vit le regard d'Oko fiché sur cette main qui tenait le pain. Merde. Elle se mordit l'interieur de la joue. Tout était parfait et il avait fallu qu'il perce de son regard a cet endroit. Elle sentait l'accusation d'Oko dans la crispation de sa bouche.

Ilian se releva et reprit la discution. Quelles allaient être les épreuves ? Isha s'efforça de maintenir l'échange. Ses mains commencèrent a trembler. Elle ne parvenait plus a les retenir. Elle les cacha sous la table de peur qu'Ilian ne s'en rende compte. Et Oko qui ne décrochait pas un mot, qui se contentait de la fixer en silence. Elle avait de plus en plus de mal a empecher sa voix de se briser lorsqu'elle répondait à Ilian. Il paru finir par se douter de quelque chose et la conversation s'éteignit peu a peu. Et Oko continuait de la fixer avec cette intensité qui la brulait de l'interieur. Et Ilian (qui) ne faisait toujours pas mine de boire, de lui oter cette douleur qui lui tordait le ventre, non il mangeait en silence maintenant, sans boire. Isha sentait le sang éclore entre ses machoires serrées. Elle avait l'impression qu'elle ne pouvait plus ouvrir la bouche, qu'une gangue de pierre se faisait l'étau de sa parole. Que plus personne ne pouvait l'écouter a présent. Elle avait franchit la limite.

 

Le temps paru se raffermir, se densifier. Isha vit Ilian tendre sa main vers le verre. Le porter à sa bouche. Elle retint sa respiration, libère moi n'arrête surtout pas ton geste finit en je t'en supplie.

Elle vit en un éclat figé la main d'Oko giffler le verre l'envoyant valser sur la table. Elle vit les gens arrêter des manger et lever leurs regards. Elle vit la sombre compréhension qui passait dans les yeux d'Ilian. Elle le vit douter, incertain un instant, avant de se lever et de partir. Sans rien dire.

La laissant seule en face d'Oko. Oko qui l'étouffait dans son regard. Elle voulait partir, se recroqueviller, disparaitre. Elle n'osait pas plonger ses yeux dans ceux d'Oko.

Finalement il se leva a son tour et s'en alla. Cela fut pire que s'il l'avait frappé. Le tremblement gagna ses jambes, sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle était seule maintenant, seule a machouiller l'interieur de ses joues.

Elle se leva. Elle courru presque jusqu'a la grand'porte courru après Oko, le rattrapa, le plaqua contre le mur, voulu se serrer contre lui, lui demander son pardon. Il la repoussa brutalement et ne lui offrit que son mépris.

- Tu n'es qu'une lâche. articula il avant de se retourner.

Elle voulait l'arreter, lui hurler qu'elle n'avait pas le choix, l'implorer de ne pas l'abandonner, pas lui il n'avait pas le droit. Elle le regarda s'éloigner d'elle en silence. Sanglotante, adossée a ce mur. Le dos courbée et la peine au creux du coeur.

 

Elle marcha jusqu'a sa chambre. Passa la porte, s'accroupit au centre de la pièce et posa son front contre le sol.

- Qu'est ce que je dois faire ?

Elle rejeta son buste en arriere et défit ses genoux pour se mettre en tailleur. Soupira avant de poser sa tête touye lourde entre ses mains. Elle avait mal a la bouche. Son Rève était completement inerte. Une étendue de vide balayé par le vent. Les dragons ne volaient pas en son ciel. Elle s'allongea au milieu. Le reste cessa d'exister, et elle se coucha dans l'enceinte noire du silence matérialisé. Rien ne pouvait l'atteindre d'ici. Elle se laissa emporter dans la texture de l'oubli.

 

- Je le tuerais. Le choix n'existe pas, autant vivre. Isha rouvrit les yeux dans cette réponse, cette détermination. Ecouta, s'absorbant de la litanie des bruits, s'attardant sur un seul. Le souffle d'Ilian courait sur les murs. Il ne paraissait pas dormir, sa respiration était encore trop légère. Elle pencha son attention sur la douce rythmique, inspiration, expiration. S'y abandonna.

 

Se réveilla en sursaut la sueur au cou d'un endormissement sauvage. Elle inspira profondément, que le calme se fasse en son coeur, se leva et prit sa dague.

 

Isha poussa la porte le plus doucement possible, le corps tendu.

Elle se figea. Le grincement avait retentit dans chacune de ses cellules, courant sur sa peau hérissée. L'apréhension l'empechait a présent de respirer alors qu'une peur insidieuse lui coula dans les tripes, surtout, surtout ne pas esquisser ne serait ce qu'un mouvement. Elle resta immobile, presque tétanisée pendant de longues minutes a l'affut de chaque souffle expiré par Ilian. Chaque souffle la rassurant peu a peu.

Après un temps qui lui paru infiniment long elle osa enfin se faufiler par l'ouverture. Ilian dormait, étendu, les traits figés dans un masque serein. Il parraissait tellement sans défense, allongé tranquillement dans son lit.

Isha parcouru les quelques mètres qui la séparait de son camarade en pas de danse discrets. Se pencha au dessus du corps inanimé. Rejeta les remords qui commençaient a l'assaillir, s'obligea au professionalisme le plus implacable; Un instant, cela ne prendrait qu'un instant. Un instant et elle serait enfin libérée de cette obligation macabre. Le visage plein de mépris d'Oko s'imposa a son esprit. Elle s'efforça de l'effacer, il ne fallait pas y penser. Ne pas penser a Ilian qui s'appretait a mourir dans l'incompréhension la plus totale. Il ne s'en rendrait même pas compte, il mourrait dans son sommeil sans avoir conscience qu'il cesserait d'exister. Une petite pression de sa lame dans la nuque et c'en était finit. Juste, un petit geste, rien, qu'un petit geste. Une légère caresse et c'était tout. Il n'aurait même pas le temps de s'en rendre compte.

Isha se sentait vide. Lasse de cette lutte contre nature. Elle n'avait pas le choix, le savait et ne s'y résolvait pas. Elle se mordit l'interieur des joues, indécise. Le gout métallique du sang raffermit sa volonté. Non. Elle ne pouvait pas se dérober. Elle sortit son poignard, le postionna sur le point adéqua, leva son autre main, retint son souffle.

 

Et fut incapable d'abaisser son bras qui pendit, inutile, le long de son flanc.

 

Assise contre le sommier la garde de sa dague posée contre son front. Pourquoi ? Le maitre veut. L'un de ses camarades doit mourir. Le souffle profond encore enfoui dans sa poitrine. Ilian n'était pas l'un de ces animaux de la capitale que l'on execute froidement, sans états d'âme. Et pourtant. Sa lacheté la condamnait a obeïr. Elle se haïssait, haïssait sa faiblesse, son incapacité a se rebeller contre les ordres. Lâche. Lâche. Lâche.

Elle oscilla ainsi passant et repassant son regard sur la lame. A mastiquer l'interieur des ses joues, frénétiquement, transformant peu a peu sa bouche en un amas de chairs sanglantes. La douleur lui faisait du bien, perçant le voile d'apathie qui s'était tissée autour d'elle.

Isha pensa une chose. Elle aurait voulu reveiller Ilian, lui dire qu'elle n'avait pas le choix, rejeter la faute en quelque sorte. Lui permettre de faire ses adieux au monde et de crever les yeux ouvert, conscient de sa fin. Elle ne pouvait pas. Pas plus qu'elle ne pouvait le tuer.

Vacillant de longues heures sur le fil tendu de la folie. De longues heures passées a réduire en charpie l'interieur de ses joues. Ilian bougeait de temps a autres, remuant dans ses couvertures, tout au bonheur simple de rever.

 

Un bruit léger effleura la conscience d'Isha, brisant l'hébétude ou elle s'était plongée. Le pépiement d'un oiseau, plein de liberté. Si loin sous terre, a l'existence impossible. Et pourtant. Un oiseau chantait la vie.

 

Isha abaissa sa main et il mourru.

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