I, 7 - La sortie

Par Seja

Leibju retint son souffle. Elle avait l’impression que la cabane la fixait et qu’elle n’était pas contente. Mais elle n’osait pas se lever et se jeter sur elle ; Haido lui murmurait toujours des mots rassurants à… à l’oreille ?

Elle sentit le gamin accroché à sa manche. Elle l’aurait bien secouée pour qu’il la lâche, mais elle savait qu’il fallait éviter les gestes brusques dans ce genre de cas de figure.

— Haido ? répéta-t-elle en faisant quelques petits pas dans sa direction.

Il se tourna vers elle et, avec des mouvements lents, s’approcha d’elle.

— Comment t’as fait ça ? couina le gamin. Elles… elles… elles voulaient nous tuer !

— Mais non, répondit Haido avec un large sourire. Il suffit juste de leur parler comme il faut. Elles sont adorables.

— Raconte ça aux squelettes qu’on a trouvés à l’intérieur, grogna Leibju.

— Elles avaient une petite faim.

— C’est ça. Et maintenant, si ça te dérange pas, j’aimerais bien sortir de cette forêt.

Haido garda un silence pensif et Leibju attendit. Il se repérait mieux qu’elle et elle espérait qu’il avait déjà pris ses marques avec les deux soleils dans le ciel.

— On va demander à la cabane, dit-il avec enthousiasme.

Leibju sentit le gamin venir se cacher derrière elle.

— Mauvaise idée, Haido.

— Mais non. Est-ce que j’ai déjà eu des mauvaises idées ?

— Plein.

— Les cabanes sont inoffensives. Ce n’est pas elles qu’il faut redouter dans la forêt.

— Oui, faut faire gaffe aux criquets.

Leibju coula un regard au gamin qui avait trouvé du courage pour donner de la voix.

— Aux criquets ? s’étonna Haido. Non, je pensais plus à la vieille femme qui se balade dans la forêt.

— A la quoi ? couina le gamin et Leibju sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque.

— Il y a quelqu’un d’autre sur ce monde ? demanda-t-elle. T’as vu quelqu’un, Haido ?

— Je lui ai même parlé, dit-il. Mais ce n’est pas avec tout ça qu’on va sortir d’ici. Attendez-moi là.

Il s’éloigna vers la cabane et Leibju se retrouva face aux questions du gamin.

— Comment il peut parler aux cabanes ? C’est qui, la vieille femme ? On va s’en sortir ? Comment je vais revenir chez moi ?

Elle lui lança un regard assassin, mais ça ne le fit pas taire. Ce qui lui fit fermer le clapet, ce fut la vision de la cabane qui s’était relevée sur ses pattes de poulet et qui suivait sagement Haido. Leibju ne l’aurait jamais avoué, mais elle était sacrément impressionnée. Dresser les cafards, c’était une chose. Les cabanes à pattes, une tout autre.

— En route ! s’enthousiasma Haido.

— Elle connait la sortie ?

— C’est ce qu’on va voir.

La cabane les dépassa, émit un drôle de son entre le grognement et le ronronnement et se mit en marche. Haido lui emboita le pas et Leibju le suivit.

— J’ai pensé qu’il t’était arrivé quelque chose, dit Haido sur le ton de la conversation. T’avais promis de sortir avant le coucher du soleil.

— Je… je me suis un peu perdue. À cause de lui, là.

Le gamin semblait tellement impressionné par la cabane qu’il ne protesta même pas.

— Tu l’as trouvé, c’est déjà ça. On va pouvoir le ramener au Bureau.

Leibju lui laissa quelques secondes. Peut-être qu’il savait quelque chose qu’elle ignorait. Il n’en avait pas l’air.

— T’as vu qu’il y avait aucun vortex, pas vrai ? demanda-t-elle enfin.

Il hocha vaguement la tête.

— Et… ? Comment t’envisages le retour au Bureau ?

— Chaque souci en son temps. Sortons déjà de la forêt. Après, on cherchera comment quitter ce monde.

— C’est un monde indépendant, Haido.

— Ca, on n’en est absolument pas certains. On n’a pas assez d’infos dessus. Mais on va en récolter et on trouvera les plateformes de passage et les vortex. Tu verras, tout ira bien.

Leibju ravala toutes les remarques qui lui brulaient la langue. Son optimisme lui mettait parfois les nerfs à vif. Mais là, il lui fit du bien. Depuis la veille, elle se sentait paumée et les questions incessantes du gamin n’aidaient pas.

Elle hocha la tête.

Et pendant ce temps, la forêt commençait à changer autour d’eux. Les sapins se firent de plus en plus rares, des feuillus les remplacèrent. Ça ressemblait plus à l’endroit par lequel Leibju était rentrée, même si elle ne distinguait aucun chemin. Elle tendit l’oreille, mais n’entendit aucun bruit à part les pattes de la cabane qui foulaient le sol jonché de brindilles. C’était la journée et les insectes devaient dormir. C’était au moins ça de pris.

Mais en levant les yeux, elle retint de justesse une exclamation. Le ciel au-dessus d’eux avait changé de couleur. Elle le distinguait à travers le branchage. Il était passé de verdâtre à pourpre, azur par endroits. On aurait dit une aurore boréale, mais en pleine journée. Elle s’arrêta, bouche bée, et sentit le gamin lui rentrer dedans.

— C’est normal ? demanda-t-il en levant à son tour les yeux. C’est… c’est…

— Bien sûr que c’est normal, coupa Leibju et attrapa sur elle le regard de Haido.

Il semblait amusé. Chouette. Au moins, quelqu’un s’éclatait dans cette aventure.

— C’est comme sœur Bérengère avait raconté, continua le gamin sans avoir prêté attention à l’intervention de Leibju. Elle disait que là où les Enflammeurs étaient passés, le ciel avait changé de couleur et la terre avait été réduite en cendres.

— Les Enflammeurs ?

Leibju ne put empêcher la moquerie de sa voix. C’était une histoire pour les enfants. Est-ce que le gamin y croyait vraiment à toutes ces sornettes ?

— Bah oui, dit-il, les Enflammeurs. C’est eux qui ont créé le multivers. Ou les Vers Stellaires. J’ai jamais très bien su qui.

Leibju ouvrit la bouche pour lui répondre, mais sentit la main de Haido sur son bras. Il secoua la tête et elle se tut. Ce n’était clairement pas le moment d’avoir une conversation sur l’origine du multivers.

Et soudain, ils virent une éclaircie, droit devant. La cabane ramassa ses pattes et se précipita vers elle. Leibju, Haido et le gamin accélérèrent aussi le pas. Enfin, ils quittèrent le couvert des arbres et Leibju fronça les sourcils. Ce n’était pas l’endroit par lequel ils étaient entrés. Parce qu’ici, il n’y avait pas d’herbe multicolore à perte de vue. Non, tout ce qu’il y avait ici, c’était des marécages, de la vase et des troncs d’arbres morts dévorés par la mousse.

Leibju tourna un regard vers Haido.

— Je crois que ta cabane connaissait pas vraiment la sortie.

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Fannie
Posté le 10/04/2020
Faut-il comprendre que les cabanes sont inoffensives tant que leur maîtresse ne leur dit pas de faire des horreurs ? Ce n’est pas vraiment rassurant, en fait. C’est certainement le but, d’ailleurs ; pourquoi voudrais-tu nous rassurer ?
Dans le meilleur des cas, la cabane ne connaissait pas la sortie, dans le pire des cas, c’est un piège… Moi, j’ai l’intuition que les Enflammeurs ne sont pas qu’une légende, mais je me demande si tu voudras bien nous les présenter un jour.
Coquilles et remarques :
— dans ce genre de cas de figure. [Un cas de figure est une situation hypothétique ; « dans ce genre de situation », « dans ce genre de circonstances », peut-être ?]
— Il suffit juste de leur parler comme il faut. [« Il suffit juste » est redondant.]
— A la quoi ? couina le gamin et Leibju sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque. [À / c’est la deuxième fois qu’il « couine » ; il peut piailler, geindre ou gémir, peut-être ? / « et Leibju sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque » ne devrait pas être dans cette incise, mais dans la narration.]
— Ca, on n’en est absolument pas certains. [Ça]
— coupa Leibju et attrapa sur elle le regard de Haido. [Je ne comprends pas vraiment l’expression « attrapa sur elle le regard de Haido » : elle cherche et attire son regard ? En tout cas, si tu veux laisser ça dans l’incise, il vaut mieux dire « en attrapant ».]
— Est-ce que le gamin y croyait vraiment à toutes ces sornettes ? [Virgule après « vraiment ».]
— Bah oui, dit-il, les Enflammeurs. [Ben oui ; voir chapitre 3.]
Jupsy
Posté le 20/05/2018
LA MOUSSE
 
ELLE EST LA. PRÊTE A LEUR BOUFFER LA CERVELLE. C'EST ICI QUE TOUT A COMMENCE.<br />ICIIII... 
Sinon c'était un chapitre intéressant avec Leibju que l'on sent prête à avoir des enfants. Bon après si elle l'était, les échanges avec son gamin préféré serait beaucoup moins intéressant à suivre.  
Enchaînons, je veux voir la mousse bouffer leur cervelle ! 
Seja Administratrice
Posté le 20/05/2018
Elle est partout x) Mawi, c'est son instinct maternel qui se réveille :P
Rimeko
Posté le 21/04/2018
Coucou Seja !
Je viens de découvrir qu'il me restait des chapitres à lire sur cette histoire :P
<br />Suggestions :
Chapitre 6 :
"Il frissonna. Dans sa vision des choses, l’exploration, c’était animé, plein de couleurs et de nouveaux mondes. Ce n’était pas des forêts terrifiantes peuplées de cabanes voraces.
— Comment on va sortir ?" Ces phrases sont redondantes avec un passage du même chapitre, un peu plus haut...
" Et tout d’un coup, les sapins se finirent" Le choix du verbe me laisse sceptique ici ^^
Chapitre 7 :
" Leibju ravala toutes les remarques qui lui brulaient (brûlaient) la langue."
 
J'adore les cabanes à pattes de poulet, même si elles ont pas l'air très bien disposées vis-à-vis de tes protagonistes XD Et c'était une drôle de surprise d'en découvrir une ouverte au dialogue ! (Même s'il semble y avoir eu un léger quiproquo quant à leur destination...)
J'ai hâte de savoir la suite en tous cas ! Mais je crois avoir compris que tu bossais pas dessus en ce moment... je me trompe ?
Seja Administratrice
Posté le 21/04/2018
Hey Rim !
Merci beaucoup pour tes corrections :)
Mais si, mais si, elles sont toutes choupinettes, les cabanes :') Disons que je bossais pas dessus... et puis j'ai décidé de reprendre. Ce qui fait que j'ai quasi fini la première partie. Bon, le seul souci, c'est que j'ai écrit à la main, donc je recopie doucement :P En tout cas, j'en vois presque la fin :P 
Moje
Posté le 27/03/2018
Ces cabanes sont de plus en plus amusantes! Et la vieille femme intriguante! Hate de savoir la suite!
Seja Administratrice
Posté le 27/03/2018
Merci pour toutes tes lectures, Moje :))
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