Chapitre 7 : Moins de blabla, plus de mascara

La jeune femme se réveilla tard. La fatigue de ces derniers jours s'étant accumulée, elle se leva à l'heure du repas. Ce dernier fut servi dans une petite salle aux abords des quartiers de la Maison. Elle mangea en compagnie de Dix des pâtes aux jambons. Cera dévora le plat comme une affamée. S'il devait être son dernier, elle le dégusterait avec toute la gourmandise qui lui était dû.

- Le stress ne te coupe pas l'appétit au moins.

La chasseuse ne répondit pas. Que dire de plus ? Ses pensées étaient déjà toutes tournées vers le combat. Elle imaginait déjà différents moyens d'échapper à la mort. La brune protégerait avant tout le cou et la tête, les parties les plus à risque de l'envoyer dans l'au-delà. Elle utiliserait ses poings, comme lui avait enseigné son instructeur. Elle n'avait pas oublié ses mots : « se battre comme un homme. »

Les jours précédents, Cera avait eu l'occasion de voir les hommes de la Maison se battre. Ils utilisaient davantage de force. Ils se reposaient beaucoup sur leurs muscles, des muscles qui manquaient cruellement à la jeune femme. Cédric était sans doute persuadé qu'elle développerait des capacités en l'espace de quelques jours. La chasseuse le considérait de plus en plus comme un idiot, même s'il s'y connaissait probablement plus qu'elle en matière de combat.

- Tu veux descendre dans l'arène ? Elle est libre dans l'après-midi.

- Allons-y.

Cera suivit sa collègue sans grand entrain. Connaître le terrain pour mieux chasser. Chasser. Comme si ses adversaires se trouvaient être de vulgaires morceaux de viande. Elle ne pourrait jamais les considérer comme des animaux à abattre. Ses convictions furent renforcer en les voyant se battre dans l'arène. Elles étaient toutes vêtues d'un pantalon, comme les hommes. Le regard de Cera glissa sur ses propres vêtements : elle portait toujours cette robe qui lui arrivait un peu au dessus des genoux. Ce bout de tissu gênait ses mouvements de jambes et ses coups de pied lors de ses entraînements.

Elle observa une petite brune s'exercer contre un rondin de bois. Ses mouvements étaient rapides, saccadés mais létales. Cera fut impressionnée de voir autant de maîtrise dans un si petit corps.

- C'est une star montante. China de la Maison Argonaute.

La chasseuse retint le nom avant de s'intéresser aux autres candidates. Elle croisa le regard de certaines d'entre elles et ne reçut en échange qu'une certaine hostilité de leur part. Le sourire de la jeune femme se figea avant de totalement disparaître. Quelle ambiance... Elle continua à suivre Dix tout en cherchant une arme chère à son cœur.

- Il n'y a pas d'arc ici ?

- Les projectiles sont interdits. Les combats deviennent moins intéressants lorsque l'une des lionnes tire une flèche et tue son adversaire sur le coup. Il n'y a pas beaucoup de suspens on va dire...

Un spectacle. Tout n'était qu'un spectacle pour ces gens. Pendant que des femmes se battaient pour survivre, d'autres n'en voyaient qu'un divertissement.

- On va te faire essayer ta tenue.

Cera prit la suite de Dix dans ce labyrinthe de couloirs. Les vêtements se trouvaient dans une grande salle cloisonnée afin de permettre à chaque Maison d'avoir son propre espace. Dans chacun d'entre eux, une coiffeuse était mise à disposition, accompagné d'un portant où divers costumes étaient emmagasinés. Des petites ampoules diffusaient une lumière chaude tout autour du miroir. La jeune femme s'admira quelques instants à travers ces soleils artificiels, et grimaça devant la couleur sombre de l'hématome. La plaie avait désenflé mais pas disparu.

- Oui. Il y a du boulot. Enfile ça.

Cera retira sa robe sombre pour endosser un short moulant puis une robe en cuir, plus courte que la précédente, sertie de motifs dorés et complétée d'une fine plaque qui englobait sa cage thoracique. Sa poitrine était presque à découvert dans un col en V trop grand pour elle. Dix fit les derniers réglages et raccourcit les bretelles de sa robe. Le cuir, un marron sombre, mettait sa peau des îles en valeur. Sa collègue attacha des accessoires dorés à ses bras afin de compléter la tenue.

- Ça me compresse les muscles, se plaignit la brune.

- Tu la portes mieux que tes prédécesseures.

Un silence morbide accompagna sa remarque. Cera portait la tenue de ces douze femmes mortes dans l'arène. Elle toucha le cuir de la jupe, pensive. Cette peau de bête était plus agréable au toucher que les animaux qu'elle dépeçait sur le camp. En pensant à son passé, elle essaya d'oublier l'étrange situation dans laquelle elle se trouvait. Elle fit quelques étirements pour voir si son costume gênait ses mouvements. Seule la plaque l'empêchait de bien se mouvoir. L'élément le plus à même de la protéger était aussi le plus encombrant.

- C'est obligatoire tout ça ?

- Si tu te retrouves face à une lame, tu seras bien contente d'avoir un minimum de protection.

Cera ne chercha pas à la contredire. Si ce bout de métal l'empêchait de mourir dans la minute, elle ferait avec. Elle souffla puis toucha tous ces accessoires sans réel utilité. Un bracelet doré sur sa chaque biceps, des chaussures souples dont les lanières remontaient le long de ses mollets... Son regard glissa jusqu'à un casque décoré de jolies arabesques.

- Tu ne porteras pas ce casque aujourd'hui comme ce sont tes débuts dans l'arène. Le public a besoin de reconnaître ta « beauté », expliqua Dix en mimant des guillemets sur le dernier mot.

- Je ne sais pas si ma « beauté » me servira à quoi que ce soit avec une lame enfoncée dans la tête, répliqua la brune en faisant un geste similaire sur le même mot.

Ses mots furent balayés par Dix qui poursuivit son inspection :

- Au moins, ta carrure ne demande pas beaucoup de réajustement au niveau de ta tenue. Je vais commencer par ton maquillage et après, on va essayer de faire quelque chose de ta tignasse.

Cera prit place sur le fauteuil et laissa son visage entre les mains expertes de sa collègue. Elle trouva ça étrange de sentir le touché de quelqu'un d'autre sur son visage mais y prit vite goût. C'était plutôt agréable de se faire masser le visage. Elle somnola le temps de quelques minutes, bercée par les doigts de Dix sur sa peau. Elle sentit les chatouilles des différents pinceaux, la texture crémeuse du fond de teint, l'odeur de la poudre...

- Ouvre les yeux.

La jeune femme vit le visage de sa maquilleuse un peu trop proche du sien et eut un mouvement de recul.

- Ne bouge pas.

La chasseuse sentit son cœur sortir de sa poitrine en voyant un objet non identifié se diriger vers son œil. Elle repoussa brusquement son bras pour se redresser.

- Qu'est-ce que tu fais ? Tu veux me crever l'œil ?

- C'est pour ça que je t'ai dit de ne pas bouger. Regarde droit devant toi et ne bouge pas.

Cera eut beaucoup de mal à garder les yeux ouverts. Ses réflexes la poussaient à plisser les paupières à chaque fois que l'instrument de torture s'approchait d'elle. Cette chose lui brossait les cils. Que cherchait-elle à faire ?

- A quoi ça sert ?

- Moins de blabla, plus de mascara.

Mascara. Oh, peu importe. Elle allait peut-être mourir dans quelques heures. Si Dix avait envie de lui brosser les cils alors...

- Je suis vraiment en train de devenir folle.

- Si tu le dis. Bon, tes cheveux maintenant.

La jeune femme découvrait la véritable souffrance sous ses doigts. Sa chevelure était malmenée dans tous les sens. A travers le miroir, elle vit Dix lui tresser les cheveux avant de les nouer à l'aide d'un élastique. La nuque dégagée par une queue de cheval, Cera admira son apparence. Le mascara et le trait d'eye-liner venaient assombrir son regard. Sous la couche de maquillage, sa peau paraissait sublimée. Parfaite. La brune se trouvait belle.

Elle quitta sa chaise pour s'étirer les membres et jeta curieusement un coup d’œil aux autres cloisons. Il y avait beaucoup plus de monde qu'à leur arrivée. Pendant que certaines étaient en train de se faire maquiller, d'autres étaient en train de s'échauffer. Cera trouva l'ambiance glaciale. Aucun mot ne fut échangé entre les concurrentes.

- Tu peux rester là en attendant que ça commence mais s'il te plaît, ne fais pas n'importe quoi.

Elle n'accorda pas un seul regard à Dix qui s'en allait, bien trop intéressée par ces femmes, ses futures adversaires. Certaines d'entre elles étaient beaucoup mieux préparées au combat : la maigre plaque qui lui couvrait l'abdomen faisait pale figure face à une armure entière. Cette dernière ne laissait que peu de chance à l'ennemi de toucher. Elle aurait peut-être dû insister pour porter le casque... pensa-t-elle à regret.

- Nouvelle ? Demanda une inconnue aux yeux incroyablement bleus.

- Oui.

- Quelle Maison ?

- Celle de mon Maître.

La jeune femme fut visiblement embêter par cette question. Un état que Cera ignora superbement. Elle préférait à la place admirer la tenue de son interlocutrice. Cette dernière portait un pantalon en cuir qui lui moulait les jambes. Son haut, de la même matière, cachait à peine sa poitrine. Des fils sombres s'entrecroisaient et se liaient autour de ses bras et de son ventre dénudé. Tandis que la brune donnait davantage l'allure d'une héroïne d'épopée, la femme à la chevelure corbeau ressemblait plus à une biker des temps modernes. La chasseuse apprécia beaucoup sa tenue.

- Tu ne te sens pas trop serrée là-dedans ?

- T'insinues que je suis grosse ? Répliqua la femme, les sourcils froncés et la mine renfrognée.

- NON ! C'est juste que... avec un truc aussi près du corps... Enfin, tu arrives à te battre ?

Pour toute réponse, l'inconnue lui montra l'intérieur de son avant-bras. Des traces blanches remontait horizontalement sur la longueur de son bras. Cera en compta six. Du moins, pour ceux visibles. Les fils de cuir l'empêchaient d'en voir plus.

- C'est le nombre de combats remportés. Et je ne compte pas m'arrêter là... lui confia-t-elle, le regard sombre.

- Tu t'appelles comment ?

- Althea de la Maison Baltimore.

Alors qu'elle s'apprêtait à se présenter, la voie d'un homme s'éleva dans la salle. Tout comme ses autres concurrentes, son attention se riva sur l'unique écran présent. Le présentateur se tenait au milieu de l'arène, un micro à la main. Ses vêtements blancs et ses cheveux peignés en arrière détonnaient avec le décor antique des lieux.

« Messieurs, bienvenue à l'arène des Jours sans fin. Je suis Eric Crow, ici pour vous accompagner dans cette nouvelle journée palpitante. A vos paris gentlemen, les jeux vont commencer ! »

Cera peinait à comprendre son langage. L'homme parlait beaucoup trop vite pour sa compréhension. Elle vit ses concurrentes sortir une à une de la pièce. La jeune femme s'apprêtait à suivre le mouvement jusqu'à ce qu'une main la retienne.

- Attends qu'on t'appelle, sermonna Dix.

La voix retentit à nouveau et la jeune femme fut cette fois-ci poussée vers la sortie. Elle quitta la salle pour rejoindre cet étrange univers qui félicitait la mort. Le soleil l'éblouit un instant. Son cœur vibra en entendant toutes ces voix, tous ces cris réservés à la gente féminine. Elle avança hébétée jusqu'à ses concurrentes qui se tenaient en ligne devant le présentateur. La chasseuse attendit patiemment un mouvement, un signe de la part de ses futures adversaires.

Son regard glissa jusqu'à une étrange boîte flottant dans les airs. Une lumière rouge scintillait près de l'embout circulaire. Cette particularité lui rappela vaguement un souvenir de l'île. Cette perle de Mercure avait été repérée sur un arbre. Elle n'en connaissait ni l'origine ni la nature à l'époque. Et maintenant qu'elle voyait son visage apparaître sur un grand écran, son utilité n'était plus à questionner. Par curiosité, elle essaya de regarder droit devant elle avant de vite détourner la tête vers la fenêtre de transmission. La jeune femme ne parvenait pas à capter son propre regard...

Elle se redressa quand l'engin flotta jusqu'au présentateur. Celui-ci continuait de parler de sujets dont elle ne comprenait pas le sens. L'attention de Cera fut rapidement ravie par l'assemblée qui s'étendait tout autour d'elle. La brune n'avait jamais vu autant de monde rassemblés à un seul et unique endroit.

Au delà des tribunes remplies, un énorme balcon surplombait le petit peuple. L’œil aiguisé de Cera parvint à distinguer différentes personnalités aux couleurs étonnantes. Ses yeux de lynx parvinrent presque à identifier son Maître aux côtés d'autres hommes. Ses vêtements sombres l'isolaient des autres qui arboraient du bleu pâle, du vert bouteille ou du gris orageux.

« La première épreuve de cette soirée, vous la connaissez. C'est l'épreuve éliminatoire, celle de la très célèbre chasse aux lionnes ! Le principe est simple : gagner le plus de points en touchant ou en tuant l'animal. Si l'une des participantes touche la bête, elle remporte deux points. Si elle la blesse, elle empoche 5 points et enfin, si elle la tue, les jeux s'arrêtent et la victoire revient à la chasseuse. Les scores seront visibles sur l'écran derrière juste derrière moi.

Oooh, je ne sais pas pour vous mais je sens que ce soir va être particulièrement sanglant. Un monstre d'exception va faire son entrée dans l'arène mais avant ça, une délicieuse odeur va se répandre sur nos jolies lionnes. »

Cera fronça les sourcils en voyant des inconnus appliquer une crème sur la gorge de ses adversaires. Une délicieuse odeur de viande lui monta jusqu'aux narines. Elle laissa l'homme faire son boulot sans montrer la moindre forme de protestation. Elle trouvait ça assez curieux de se faire enduire de sauce alors qu'elle était sur le point de combattre. Sa surprise s'accentua d'autant plus quand elle vit une cage descendre dans l'arène. La bête à l'intérieur grognait contre les barreaux de sa prison. La jeune femme frissonna de terreur.

Elle avait déjà vu cet animal poilu quelque part... La brune revit sa flèche s'enfoncer dans la peau de la bête. Elle en avait tirer plusieurs avant qu'elle ne s'effondre, battue par Luna. Le souvenir restait flou mais son corps s'en rappelait. La terreur de cette journée n'était pas facile à oublier.

Cera vit la porte de la cage s'ouvrir. Au même moment, des armes de différentes tailles s’échouèrent au sol. Un nombre limité d'entre elles qui n'allait bénéficier qu'une poignée des concurrentes.

« Que la chasse commence. »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez