Chapitre 4 - Nodia

Notes de l’auteur : Bonjour :D Ce chapitre est assez court, donc je vais essayer de mettre le suivant en ligne dans la journée. A bientôt !
MAJ du 10/06/21 : environ 400 mots ajoutés pour une deuxième version provisoire, qui aidera à clarifier un peu le chaos qu'est Nodia en attendant une version finale ^^

Les pieds de Nodia trouvèrent le sol sans heurt - à peine posé, son talon se souleva de nouveau, et elle courut loin du Manoir, sans se retourner. 

Sans vouloir penser ni à la fenêtre brisée, ni à Volidne et à ses mots. 

Elle courut, sans ralentir un seul instant, entre les arbres et au-dessus des buissons, et ne s’arrêta que lorsqu’elle eut atteint le Bout du Monde.

Là, il n’y avait personne - pas de Soldats de la Nuit, pas de recrues potentielles, pas de directrice, pas d’Enodi Derelle. 

Peut-être même pas de Nodia, si elle se concentrait assez.

C’était injuste, qu’elle n’ait pas été choisie. Et ce n’était pas prudent. La directrice l’avait bien dit, ils étaient en danger… Comme d’habitude, certes. Mais raison de plus pour ne pas seulement se contenter des bons combattants et de continuer à toujours choisir les meilleurs.

Elle aurait dû être choisie.

Elle avait travaillé si dur… 

Mais si c’était pour rester éternellement une recrue et ne jamais rejoindre les rangs des Soldats de la Nuit, peut-être qu’elle aurait dû rester chez elle. Loin de ce bout du monde trop lumineux, cachée dans les collines de son enfance assaillies de Féroces. Elle avait laissée derrière elle ces amis... Des vrais amis, pas comme Volidne. Et même si elle les croisait parfois au port, lorsqu’ils accompagnaient les colporteurs, ils lui manquaient tous terriblement. Là-bas, tout le monde s’en fichait qu’elle ne pouvait pas parler, qu’elle ne ressemblait à personne d’autre, que ses actions n’avaient parfois aucun sens pour eux.  

Dans le Manoir aux Cerises, où tout le monde avait, comme elle, la même peau bleue, les mêmes cheveux noirs, les mêmes oreilles recourbées vers le bas, la même magie qui se complaisaient dans l’obscurité, personne n’était vraiment comme elle. 

Et apparemment, personne ne voulait d’elle non plus.

Nodia s’assit sur le rebord de la falaise, et balança ses pieds dans le vide. La lumière des nuages était presque douloureuse, mais leur va-et-vient la rassurait un peu, et celui de ses jambes lui fit du bien. Elle savait très bien pourquoi elle avait quitté son village dans les collines. Pourquoi elle était ici. Pourquoi elle avait travaillé si dur pendant toutes ces années.

Pourquoi elle était en colère… 

Elle voulait juste pouvoir ressembler un peu à sa mère. Est-ce que c’était trop demander ?

Elle fronça les sourcils. Quelque chose avait bougé, à sa droite, et elle était à peu près certaine qu’il s’agissait d’un bateau. Mais le port était vers sa gauche, et les bateaux ne s’approchaient jamais si près du bord, si ce n’était pas pour accoster la falaise. Elle suivit la courbe du précipice dans sa direction au pas de course, et ne ralentit que lorsqu’elle entendit deux voix, dont les propriétaires étaient masqués par quelques cerisiers. Le bateau, à petite coque, s’était bien accroché là, et tanguait encore dans les airs, ses cordes d’appoint fixées à un stabilisateur de fortune.

Nodia se glissa entre les arbres pour s’approcher le plus possible, et, cachée derrière un tronc, elle jeta un oeil vers les deux voix, dont elle ne distinguait pas encore les paroles.
Les deux personnes étaient toutes les deux vêtues d’une lourde combinaison marron qui ne laissait passer aucun filet d’air, surmontée d’un scaphandre translucide dont les reflets couvraient leurs visages. Accrochés sur leurs épaules, des générateurs à nimbus glougloutaient assez fort pour brouiller leur voix.

Des maegis. Il n’y avait qu’eux pour se promener avec un truc pareil sur le dos.

Nodia se concentra, et se servit de l’ombre des arbres pour contrôler sa magie. Si près du bord, ce ne serait pas évident, mais elle avait assez pour façonner un minuscule sortilège qui chasserait les sons parasites. Après deux essais, elle réussit à capter enfin leurs paroles, aussi clairement que si les deux scaphandriers murmuraient dans ses oreilles.

— Ils doivent tous partir, disait le plus petit. Les Nahara, les Naveri, les Nidré.

— Les Nidrés, ce sera facile, répondit le plus grand. Y’en a qu’une.

— Non. Les index sont formels. Il y en a un deuxième ailleurs.

— Pff. Juste file-moi la carte, que je te trouve des chasseurs pas loin…

Les maegis restèrent silencieux, le temps que le plus grand des deux ne regarde un objet rond qui ne ressemblait à aucun type de carte que Nodia ait déjà vu. 

Nidré. C’était d’elle dont ils avaient parlé. Nodia Nidré… Les Naharas étaient la branche noble principale à laquelle sa mère était rattachée, et les Naveri une autre petite branche, moins connue.

Mais partir ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? S’il y avait des chasseurs impliqués, alors…

Est-ce qu’ils parlaient de tuer tous les membres de ces familles ? C’était au moins une cinquantaine de personnes, et elle en oubliait sûrement… 

Et l’un d’eux avait aussi dit qu’elle n’était pas la seule Nidré…

Est-ce que ça voudrait dire que sa mère n’était pas vraiment morte ?

— Tch, oublie. Personne voudra allez dans le désert, reprit le grand maegis avec un grognement las. 

— Il faut qu’ils soient morts. Sinon, ça ne fonctionnera pas.

— Prépare toi à vider ta bourse, alors. Aucun de ces radins n’ira aussi loin pour les tarifs habituels.

Nodia déglutit. Ils parlaient définitivement d’employer des chasseurs de prime pour les tuer. Mais pourquoi ?

Et dans le désert ? C’était loin, très loin, et personne n’avait de raison d’y aller… 

Est-ce que c’était pour ça que sa mère n’était jamais revenue ? 

Parce qu’elle était coincée là-bas ?

Ce n’était pas un bon moment pour espérer - la majorité de ce que Nodia avait entendu, si elle l’avait correctement interprété, relevait de la haute trahison de tous les accords qui existaient entre Maegis et Valeni, et de la paix de l’Abradja. Elle aurait dû courir vers le Manoir pour alerter au plus vite tous les soldats de la Nuit, et mettre un terme aux sinistres machinations des deux inconnus.

Mais… 

Ils savaient où était sa mère. Alors Nodia ne pourrait pas repartir d’ici avant d’avoir récupéré cette carte.

Il la lui fallait. Personne n’osera plus jamais refuser de voir à quel point elle avait travaillé dur, avec sa mère à ses côtés.

Nodia se concentra. Dès que les deux maegis s’éloignèrent de leur matériel pour aller vérifier les cordages, secoués par un bref coup de vent, elle saisit l’opportunité et courut dans le silence le plus absolu. Elle n’aurait qu’un battement de coeur pour attraper la carte et s’enfuir avec - pas le droit à l’erreur. Pas le droit d’hésiter.

Pas le droit à la malchance.

Le plus petit maegis avait posé la carte ronde là, au-dessus de ce coffre en bois violet. Mais lorsque Nodia s’en approcha, le disque perdit l’équilibre, et glissa avec un raclement retentissant avant d’atterrir dans l’herbe.

Elle aurait dû l’attraper, et courir sans se retourner. Elle aurait été plus rapide qu’eux. Elle le savait.

Mais au lieu de ça, elle regarda vers les deux maegis.

Dans la seconde qu’il lui aurait suffit pour partir, le petit tendit une main, et un sortilège fusa.

Nodia recula d’un pas - et les attaches ensorcelées l’enserrèrent avant même qu’elle ne puisse en esquisser un deuxième. Dès sa première inspiration, les entraves la comprimèrent davantage.

Elle gémit, et un cri s’échappa de ses poumons, juste avant que le maegis ne la baillone avec un dernier lacet de magie.

Il y avait trop de lumière, ici. Pas d’ombres desquelles tirer assez de pouvoir pour se défendre. Et elle n’avait aucune chance de pouvoir lutter contre lui avec seulement la faible magie serrée dans son coeur comme seule ressource.  

— Une de trouvée, on dirait, constata le petit maegis. 

— Ne joue pas avec. Jette là dans le vide, ce serait fait.

Le petit s’approcha d’elle, et elle pouvait désormais voir son visage au travers de la vitre de son scaphandre. Un visage banal, fendu d’un sourire carnassier et d’un regard froid. Sa peau était d’un blanc translucide si clair qu’elle pouvait voir toute les couleurs de sa magie s’agiter au-dessous.

— Plus qu’un à tuer, alors, lâcha-t-il.

Comme le ciel avant un orage, les volutes de sa magie se contractent sous sa peau. 

Sans une once de regret, il projeta son sortilège, et sa prisonnière avec, au-delà de la falaise.

Nodia s’enfonça dans les nuages, incapable ni de bouger ni de pousser un seul cri, sa magie totalement éteinte par la lumière du Bout du Monde.

Elle s’enfonçait, et rien ne pouvait ralentir sa chute.

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Nanouchka
Posté le 09/12/2021
AHAHA, j'ai voulu en lire un autre par gourmandise, et je finis sur un cliff encore plus intense que le précédent.
C'est le genre de bouquin, si je l'ai sur papier, je ne dors pas tant que je ne l'ai pas fini.
Vraiment j'adore Nodia, je suis prête à la suivre jusqu'au bout de son monde.
Je trouve qu'il y a le bon équilibre entre points d'interrogation et réponses.

Des détails d'orthographe :

"Elle avait laissée derrière elle ces amis"
ses amis

"s’en fichait qu’elle ne pouvait pas parler"
pouvait > puisse (je crois)

"Dans le Manoir aux Cerises, où tout le monde avait, comme elle, la même peau bleue, les mêmes cheveux noirs, les mêmes oreilles recourbées vers le bas, la même magie qui se complaisaient dans l’obscurité, personne n’était vraiment comme elle."
complaisait
(et j'adore cette phrase)

"Personne voudra allez dans le désert"
aller

"Prépare toi à vider ta bourse"
Prépare-toi

"Personne n’osera plus jamais refuser de voir à quel point elle avait travaillé dur, avec sa mère à ses côtés."
n'osera > n'oserait

"Dans la seconde qu’il lui aurait suffit pour partir"
J'ai tiqué sur cette formulation, elle me semble étrange.

"Jette là dans le vide"
Jette-la
AnatoleJ
Posté le 09/12/2021
C’est le meilleur compliment que je pouvais recevoir sur mes fins de chapitre, merci :D

Tant mieux si l’équilibre interrogation/réponses est correct ! Ce chapitre a reçu quelques ajouts parce qu’il y avait trop de flous sans réponse avant, je suis content que ça fonctionne mieux comme ça.

Merci pour les corrections orthographiques de nouveau, c’est tout noté !
Mathilde Blue
Posté le 07/06/2021
Re !

Bon le chapitre était court alors forcément j’ai enchaîné. Je suis effectivement plutôt d’accord avec Saltimbanque, ça va très vite alors qu’il y a énormément d’informations à assimiler ! Je ne sais pas si ça a à voir avec la vitesse de lecture, mais comme je lis très vite habituellement, j’étais un peu perdue dans toutes ces nouveautés ^^’

La fuite a un bon rythme, mais je pense qu’insérer une pause un peu plus longue avant que son attention ne soit attirée par le bateau serait un bon début (d’ailleurs ça peut valoir d’insérer des explications sur l’univers à cet endroit, ça pourrait aider !), mais effectivement après ralentir la conversation permettrait une meilleure compréhension ou un peu mieux développer chaque élément, ou les pensées de Nodia alors, (quitte à ce que du coup elle rate un bout de la conversation mais pour nous expliquer autre chose). Enfin voilà, je pense que tu pourrais facilement étoffer tout ça sans perdre non plus en dynamique !

Et sinon, j’étais contente de voir des maegis en action quand même ^^

À bientôt !
AnatoleJ
Posté le 09/06/2021
Je l’ai relu et je commence à avoir assez de recul pour voir aussi que ça fait beaucoup trop vite, même pour moi, c’est dire xD Le projet de la semaine c’est de faire grossir un peu tout ça, si tout va bien je mettrais la nouvelle version en même temps que le chapitre 11 ce week-end ! Probablement en rajoutant des éléments avant l’approche du bateau, tu as raison, c’est le meilleur endroit pour rajouter des choses ^^
Le Saltimbanque
Posté le 25/04/2021
"Personne voudra allez dans le désert," => aller, non ?

Wouaw. Encore une fois, tu ne perds VRAIMENT pas de temps !

Peut-être trop rapide à mon gout. Parce que là, vraiment, j'ai assisté à la fuite de Nodia, la découverte d'un complot, l'introduction de plusieurs branches nobles, sa mère disparue, puis certains éléments de la magie (les ombres...) et enfin une tentative de meurtre ! Le tout en mille mots, on peut dire que c'est express. Je n'ai pas eu le temps de comprendre une chose qu'une nouvelle était introduite. Pour moi, ce chapitre pouvait aisément faire le double de sa taille.

Ça ne m'empêche pas de vraiment attendre la suite.
Voili Voilou.
AnatoleJ
Posté le 25/04/2021
J’admire ta vitesse de lecture, ça fait très plaisir !
(et du coup je me demande si je n’ai pas une tendance à écrire de l’action rapide parce que je suis un lecteur lent ? ça expliquerait beaucoup de choses x) )

Mais tu as raison, il y a sans doute moyen d’étoffer un peu ce chapitre. Ma principale difficulté est que ce qu’il se passe tient en moins d’une quinzaine de minutes (peut-être dix, Nodia ne se chronomètre pas), et est raconté du point de vue de quelqu’un qui n’a pas vraiment envie de penser à ce moment là : du coup je ne sais pas encore à quoi ressemblerait une version plus longue de ce chapitre, mais je me note d’y travailler !

Bien vu pour l’erreur de grammaire perdue, c’est corrigé ! Merci pour tes remarques, elles sont très utiles et motivantes ^^
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