12 : Être libre ou ne pas l'être

Au sommet d’un rocher de cristal

Au-dessus des nuages, parmi les oiseaux

Elle était celle qu’on attendait le moins

Être seul aux ailes brûlées, contemplant sa chute.

Gaüs était la seule dont le cœur était encore d’or

La seule qui pensait encore, la seule à savoir

Que c’était là la seule liberté qu’il lui restait ;

Ses ailes, déchirées par la vie, ne la portaient plus.

Ceux qu’elle avait créés avaient fait du monde une tombe ;

Les bâtiments s’élevaient trop haut, les âmes coulaient

Et plus personne ne voulait apprendre à nager.

La planète mourait par leur faute, et leur mère n’osait plus se relever de ses cendres.

Gaüs n’était pas libre, non ; retenue par la culpabilité

De cette création destructrice ; poussée par le souvenir

D’un amour devenu tragédie

D’un être aimé devenu fantôme.

Pourtant, il lui restait la pensée

La liberté de s’évader, celle de voler

Que le corps n’avait plus.

Elle pensa, imagina, rêva

S’assassina et se ranima de la même manière

Puis elle ouvrit les cadavres de ses ailes, ferma les yeux

Se laissa tomber.

Elle ne toucha jamais la terre

La force de l’espoir répara ses ailes : elle se remit à voler

Se percha à nouveau sur le rocher qui constituait son refuge

Et murmura les quelques mots qu’elle chérissait le plus au monde

Prononcés par son seul et unique amour,

Bien avant que leur histoire ne devienne une catastrophe

Ils s’étaient aimés, et il avait affirmé sans crainte

Ma liberté à moi, c’est toi.

Elle avait créé tout un peuple

Elle avait souffert, s’était reconstruite seule

Elle avait vécu l’éternité

Et elle aimait encore une ombre.