Un pantin désarticulé

Comme un coup de pied dans une fourmilière, le campement s'agita brusquement. Le clairon envahissait les allées et se mêlait aux brumes. Extirpés d'un sommeil profond, les novices couraient dans tous les sens. Fil, lui, s'étirait. Il bâillait. Il se massait une échine douloureuse. Étranger à ce monde en accéléré, l'écuyer se réveillait, peu concerné par l'effervescence qui l'entourait. Le soleil étirait ses rayons, masqué par des nuages gris. La pluie avait cessé d'imposer son désagréable crachin, l'humidité imprégnait un environnement en ébullition. Fil se frotta les paupières et observa le fanion lilial de la Justicière, seule touche immaculée dans ce paysage métallique. Malgré l'appel aux armes, la Justicière ne sortait pas de sa tente. Elle semblait accorder sa précipitation sur celle de son écuyer. Il fallut attendre que la confusion se diffusât vers le nord du camp pour que Velya sortît d'un pas calme, hermétique au branle-bas. Sa natte soigneusement tressée tombait sur son épaulière argentée. Son épée au côté et son pendentif exposé sur son plastron scintillant, elle fit un signe de tête engageant à Fil.

Observé par des yeux errants, en dévoué serviteur, Fil se leva et rejoignit sa maîtresse. Elle lui annonça, sans introduction de politesse, d'une voix où son autorité naturelle reprenait ses droits :

— Vous allez être heureux d'apprendre les dernières nouvelles, écuyer.

— Ah oui ma Dame ?

Velya sourit. Elle pesa un silence volontairement allongé.

— Nous partons nous battre, séance tenante. Préparez nos montures.

Outrepassant l'attitude ordinaire d'un écuyer, il soupira, sans gêne, le déplaisir que la corvée lui suggérait. Puis, après un grognement indélicat, il répondit d’un air enjoué :

— Puis-je savoir, Dame Justicière, qui nous affronterons ? Les éclaireurs revenus hier soir annonçaient les troupes de l'Émissaire à plus de trente lieues au nord. Reviendraient-ils sur leurs pas pour nous présenter leurs salutations les plus dévouées ?

— Une de vos plumeries, seigneur souterrain. Ces ennemis de la Paix profitent du désordre actuel pour en ajouter davantage. Une armée venue de l'extérieur n'était pas suffisant, voilà qu'une colonne intérieure se déploie grâce à votre aura douteuse. Une centaine d'entre eux s'est réfugiée dans le domaine d'un grand seigneur de la région, à deux lieues d'ici, lorsqu'elle a rencontré une de nos patrouilles. Nous ne pouvons pas décemment risquer de nous retrouver avec ces pillards dans le dos quand nous remonterons jusqu'à l'Émissaire. Allons-en finir avec cette poche de braillards.

Fil ne sut qui de la nouvelle ou du sourire en coin de la Justicière l'abêtit le plus. Aucune répartie, aucune gouaille ne l'inspira. Seule la colère se manifesta. Faisant fi de tout témoin éventuel, il s'emporta :

— Crapularde ! Si tu crois que ton pendentif te permet d'astico...

La réplique s'arrêta net. Le doigt sur les lèvres, Velya regardait son écuyer s'égosiller en silence. Les braillements insonores et les gesticulations excessives du bedonnant irritèrent la Justicière, pourtant placide. Seul le lien affectif qui unissait l'outrageux avec son frère retint son bras armé. Un corpuscule de cet affront injurieux légitimerait une mort ex abrupto ou, à défaut, une langue tranchée.

Victime récurrente du Don de la Justicière depuis leur rencontre, Fil calma son algarade inutile pour se planter devant elle. Il releva le menton et lui adressa un regard empli d'une fureur noire. Le cuir tanné par la provocation manifeste, l'écuyer ne se déroba pas lorsque sa maîtresse posa la main sur son pommeau blanc. Par esprit de provocation, le frottement caractéristique de l'acier sorti du fourreau s'interposa dans ce duel où, ni l'un ni l'autre, n'envisageait la fuite.

Si un consensus circonstancié les astreignait à la coopération et à jouer ce jeu de dupes, ils n'en étaient pas moins rivaux, ennemis. En d'autres temps, si Augustin n'était pas au centre de toute cette affaire, Velya aurait mis hors d'état de nuire ce fauteur de troubles. La Justicière haussa un sourcil insolent afin d'éprouver la volonté de son écuyer. Après avoir effleuré ses lèvres pour se libérer de son Coût, elle murmura :

— Je vous ai déjà pourfendu une première fois, je le ferai une seconde, sans hésiter.

Fil, lui, envisageait sérieusement de se mesurer à cette émanation de l'injustice parakoïale qui le toisait avec dédain ; Krone attaché ou non à cette figure qui lui donnait envie de vomir. Intégrer en catimini l'ost du Grand Maréchal avait ses avantages dans son projet mais était aussi largement dispensable. Il pourrait frapper le pouvoir du Parakoï de bien des manières. Avec la Justicière à ses côtés, certes, il s'approcherait plus aisément des Grands de ce monde. Cependant, il n'était pas pressé. S'il devait marauder des décennies, comme il l'avait fait jusqu'à maintenant avant d'atteindre son but, il le ferait. Qu'étaient des années de vadrouilles à côté du plaisir intense que procurerait un délicat fil mental autour de la gorge de cette vile provocatrice. Libéré du Don de la Justicière, l'écuyer bravache persifla :

— J'reviendrai alors d'Outremonde une fois de plus car, après tout, j'en suis le roi.

Le stoïcisme glacial et la fougue ardente s'affrontaient dans un choc invisible. Le regard pâle et les prunelles brunes pour armes, les volontés de chacun ferraillaient. Détourner les yeux serait abdiquer. À la recherche de la faille sensible, le mot dur pour soutien dans ce duel puéril, sans honte, la Justicière souffla :

— Que diriez-vous que j'élève votre demoiselle adorée à un rang si élevé que, de votre taille réduite, vous ne la distinguiez pas ? Seriez-vous agacé ? Que ce serait plaisant à voir.

— Me débarrasser de cette pimbêche serait la plus belle des offrandes. Envoyez-la aussi haut que vous le pouvez, jusqu'à ce qu'elle écrase sa tête évidée jusqu'aux limites de la voûte constellée.

Une étincelle farouche brilla soudainement dans l'iris bleuté de la Justicière. L'ost du Grand Maréchal réunissait ses hommes à l'autre bout du camp, mais Velya, force solitaire, lança son coup d'estoc :

— Diriez-vous la même chose pour Augustin ? Après tout, si je l'éloigne de votre vie misérable, il en serait fini de votre duo improbable et des troubles que vous semez sur votre passage.

Une colère sourde remonta comme une bile acide dans la gorge de Fil. Campé sur ses courtes jambes, il enfonça ses talons dans le sol rocailleux, comme pour chercher une stabilité physique et compenser un esprit chancelant.

— J'l'ai protégé de la folie de votre monde, à votre propre demande et, désormais, vous le jetteriez en pâture, dans les griffes de ceux qui ont voulu le livrer à la Justice ? Votre Justice ? Allons voir votre paternel alors et demandons-lui de recevoir ce fils maudit. J'suis sûr que sa fidélité fanatique l’accueillerait avec délectation. Vous le savez tout aussi bien que moi. La bienveillance de votre père, à son égard, n'est pas la nôtre. Choisissez bien vos menaces Justicière et assurez-vous de pouvoir les appliquer. Surtout, n'oubliez pas que de la perfidie, votre dévoué écuyer, en est le génie. Vous seriez alors étonnée de découvrir l'étendue de mon imagination féconde. Nul doute qu'elle dépasserait les hauteurs dans lesquelles vous pouvez envoyer la jeune cruche s'emplafonner.

Les déterminations ne flanchaient pas. Cette opposition statique des plus intenses s'éternisait. Une partie de l'ost quittait le camp dans une marche cadencée dont l'écho lointain parvenait aux duellistes.

— Votre plumerie est en danger, roi démoniaque. Resterez-vous ici à m'admirer pendant que vos serviteurs paieront de leur vie leur dévouement à un roi fantoche ? À une mascarade éhontée ? Allez à leur rescousse, je ne vous en empêcherai pas. Avec un peu de chance, vous périrez, pour de bon, avec vos ouailles.

Fil déglutit devant ce dilemme. Un vent indiscret vint entre les deux protagonistes, balayant les tuniques, glaçant les échines. Pourtant, calme et déterminé, droit et fier, l'écuyer admonesta :

— Est-ce de la sorte que vous vous acquittez de votre dette, Justicière ? Sans votre illustre écuyer, votre frère ne serait plus de ce monde. Une certaine nuit, un visage innocent, presqu'un ange, m'implorait de lui venir en aide. Depuis, la flétrissure maquille ses traits sévères. Qui de nous deux est le véritable démon ? Posez-vous sérieusement la question quand vous débattrez avec votre conscience dans le confort de votre vie amorale, pire, immorale.

Fil cracha une glaire épaisse aux pieds de la Justicière. Il conclut sèchement leur échange :

— Voyez-vous Justicière, j'ai mieux à faire en effet que de me pavaner sous vos beaux yeux. Ces courageux hommes ont besoin de moi. Admirez l'ost de votre Sainteté de père m'embrocheter pour l'occasion, si cela vous chante. Votre conscience n'en est pas à une souillure près. J'rejoindrai le cœur léger la Dame et le P'tit, qui vous doivent une mort insupportable.

Fil se détourna et s'immobilisa devant un cheval dont le garrot le dépassait d'une bonne main. Sans prise, sans selle, le petit bedonnant se trouva quelque peu dépourvu. Ignorant manifestement la moquerie silencieuse de la Justicière, il prit une caisse qui traînait dans l'allée, s'en servit comme marchepied pour monter à cru l'animal. Les rênes et son courage pour seuls équipements, Fil talonna la bête qu'il lança dans un galop effréné. Il ne jeta aucune œillade derrière lui, sans s'inquiéter des soupçons qu'un écuyer, sans sa maitresse, soulèveraient. Le roi d'Outremonde en oublia ses fidèles lieutenants, cantonnés aux marmites et à la surveillance du camp. En une foulée dangereuse, Fil manqua de percuter des hommes affairés et des poules égarées.

Au nord du camp, une troupe imposante de cavaliers, prêt à lancer ses destriers dans l'expédition justicière, encadrait un cortège, tout aussi impressionnant, de spadassins et de piquiers. Quelques archers, montés sur des chevaux impatients, complétaient l'orchestre funèbre. À son approche, Fil s'étonna de cette concentration d'hommes en armes. Pour déloger quelques plumes bleues, la force employée était des plus démesurée. Que ferait une centaine de pauvres paysans, à part brandir des fourches, contre cet ost entraîné à la guerre dont l'arsenal outrepassait en qualité et en quantité celle des miséreux d'en face. C'était enfoncer un clou maigre à l'aide d'une masse à deux mains.

Fil comprit, devant cette marée d'acier, l'improbabilité de sa réussite. Les bardes éclatantes des destriers et les armures polies des chevaliers, le renvoyèrent à sa tunique de lin et au pelage nu de sa monture. Fil stoppa son avancée suicidaire. Les sabots cognèrent une dernière fois la roche froide. Dans un souffle de condensation, le roi d'Outremonde soupira, son aveuglement momentané se dissipa.

L'attention de Fil fut attrapée par une stature imposante. La tête du colosse au doigt brisé dépassait de la houle métallique. Sa carrure impressionnante écrasait la masse tintillante. Sa cervelière à nasal triangulaire, malgré sa solidité évidente, semblait sur le point d'éclater comme un gant de cuir rembourré de trop de coton.

Du sol rocheux jusqu'au ciel brumeux, un monochrome grisâtre étirait sa toile saturnienne. À son image, Fil ruminait. Une fois l'ost en marche, il ne pourrait arrêter l'inévitable. Même s'il arrivait avant les hommes du Grand Maréchal, encore fallait-il qu'il sût où se trouvait sa plumerie, il ne pourrait contenir un assaut à lui tout seul. Tous ces petites gens s'étaient retranchées dans l'espoir de contenir une attaque du Grand Maréchal. Ils n'imaginaient certainement pas la taille de la vague dévorante qui fondait sur eux. Le raz-de-marée, une fois lancé, renverserait tout sur son passage. Fallait-il alors le retenir à son départ. Fil observa le colosse. Un sourire malicieux illumina le visage du vieux briscard. Le grand dadet lui en devait encore une. Après tout, même si la triche parrainait son gain aux dés, le géant s'était éclipsé sans lui payer son dû. Une dette s'honorait, pièces trébuchantes ou à défaut, de sa personne.

Fil descendit discrètement de sa monture. Il se faufila à travers le camp jusqu'à une tente d'un violet qu'il jugea douteux. Camouflé par la toile, une vue dégagée sur le regroupement s'offrait aux doigts agiles et manipulateurs de l'expert en filouteries. S'il ne pouvait combattre l'ost lancé dans un galop meurtrier, le roi d'Outremonde espérait qu'un départ saboté ferait reconsidérer l'intérêt d'une expédition contre des mutins sans envergure.

Le fil mental surgit, comme animé d'une volonté propre, à destination du ciel cendré. Puis, dans un plongeon à rendre jaloux un rapace en chasse, il se précipita vers l'amas de cuirasses jusqu'au personnage dont la tête dépassait de l'attroupement. Le colosse fut en un clin d’œil emmailloté dans un entrelacs invisible, beauté de complexité que Fil, seul, pouvait admirer. Après des courbes élégantes autour des poignets, coudes et autres articulations, le fil revint dans la main libre du roi-écuyer, prêt à manipuler à distance ce pantin désarticulé.

Un premier geste du marionnettiste improvisé fit soulever le bras armé du colosse. La lourde hache qu'il portait brillait d'un éclat menaçant au-dessus de sa tête. La poigne du géant, fermement maintenue au manche par le fil mental, prolongeait la marotte musculeuse d'une arme destructrice. Le regard ahuri du mastodonte ne put empêcher, après un nouveau mouvement abrupt de Fil, de voir s'abattre l'acier en un demi-cercle chaotique. Le tranchant de la lame se planta dans un crâne. Une fontaine écarlate en jaillit lorsque Fil, d'un geste vif, obligea le géant démuni, à se lancer dans un nouveau tourbillon déchaîné.

Le colosse braillait son impuissance pendant que les soldats s'écartaient de la menace en un cercle désordonné. Pour la deuxième fois en autant de jours, il était la victime d'une puissance contre laquelle il ne pouvait lutter. Les hommes du Maréchal soulevèrent leurs écus pour se protéger de ce moulin mortel qui abattait sans relâche ses coups tranchants. Des arcs furent tendus, pointes focalisées sur le possédé. Le colosse recouvert du sang de piquier abattu, implora l'aide de ses pairs.

La lame sifflait. L'air vrombissait. Le colosse tournait comme toupie infernale. Réduit à un simple jeu d'enfants, la terreur des champs de bataille geignait pitoyablement.

— Seul le roi souterrain peut tirer les ficelles de ce chambard. Son lieutenant doit-il apparaître pour signer ce nouveau miracle ?

Le murmure fluet comme introduction, Bulle de Savon apparut derrière la toile. Dans un ample mouvement des mains pour manœuvrer son pantin, Fil ricana :

— Ton amour pour les épluchures de navets n'égale pas celui pour ton roi ! Voilà que tu désertes tes marmites pour patauger dans la gadoue que je remue !

Le grabuge en bruit de fond, le colosse en animation distrayante, le duo retrouvé parlementait bonnement :

— Savonnette, aurais-tu encore une de ces fioles en ta possession ? Un nouveau souffle réchaufferait mon cœur et refroidirait les ardeurs de ces rustres qui osent s'en prendre à mes plumeries.

— Seigneur-roi, je n'ai que mon épluche-légumes pour unique arme. Un marmiton des mieux équipé comme tu peux le voir.

Fil tira à nouveau sur son fil. La hache du colosse se planta dans le sol. Agrippé à son arme par l'attache inviolable, la menace du pantin sur la troupe s'effondra. Comme un ingénu essayant de retirer une arme légendaire d'un rocher, le géant, recroquevillé, ouvrait une faille dans sa défense. Les piquiers firent un pas en avant.

— J'sais pas si toute cette comédie sera efficace. J'ai décidé de revenir à mes premiers principes, agir avant de réfléchir. J’agis Savonnette, si tu pouvais gamberger, j't'en serai reconnaissant.

Fil se pencha en arrière, bras tendus et jambes fléchies, pour maintenir son prisonnier cramponné à son manche. Le colosse opposait une résistance remarquable. Cette lévitation pour le moins anormale arracha au roi d'Outremonde une grimace. Ses cuisses brûlaient sous l'effort. Une poule passa entre ses jambes, donna des coups de bec dans la terre à la recherche d'un ver inexistant, sans s'étonner de la position contre nature de l'humain en sueur.

Le marmiton, au masque de cuir relevé, proposa dans un murmure :

— Veux-tu que j'étende ma bulle pour que ton corps musculeux ne souffre plus de cet effort admirable ?

Fil serra les dents et grogna vers le malicieux bonhomme :

— Pour me coltiner ton sourire séducteur jusqu'à la prochaine aube ? C'est ce que tu appelles raisonner Savonnette ? J'crois que même l'Auguste cancre de ma horde a plus de jugeote que toi.

— Libère ton pantin. L'effroi a saisi la troupe. Ne reste plus qu'à signer ton œuvre.

Fil rappela son Don. Le colosse tomba à la renverse, libéré subitement de l'étreinte invisible. Allongé sur le sentier rocailleux, il leva ses bras vers le ciel gris et constata, avec soulagement, le retour d'une mobilité retrouvée. Ses doigts, ses mains et l'entièreté de son corps répondaient enfin à sa volonté. Malgré le cadavre défiguré à ses côtés, un rire tonitruant s'échappa de sa large gorge. En un cri rageur, il exprima sa victoire sur le malin :

— Le maléfice ! Je l'ai vaincu !

Les piquiers levèrent les pointes mais la prudence guidait leurs gestes méfiants. Personne n'osait approcher le guerrier redoutable. Derrière la toile, la poule gloussait. Elle picorait le cuir des bottes d'un Fil tétanisé.

Sur son lit de pierres, le mastodonte, galvanisé par sa réussite, se laissa submergé par un courage euphorique :

— Qu'il vienne me défier à nouveau, qu'il tremble ! Nul ne peut rivaliser avec ma force légendaire !

— Devant tant d'insistance, me voilà donc pour la suite des réjouissances.

Tous se retournèrent. Une silhouette enténébrée approchait. Dans l'ombre de son capuchon, son sourire brillait. Des flèches lâchées précipitamment se brisèrent sur le petit démon. Un piquier, plus courageux ou inconscient que ses pairs, lança son arme sur l'apparition horrifique. Le lieutenant du roi d'Outremonde leva son index, la pointe s'y pulvérisa en une pluie de poussières éclatantes. La puissante ruade d'un destrier ferré frappa la joue du démon. Le sabot éclata, la corne voltigea et l'animal roula à terre écrasant son maître sous son poids. Les plaintes de douleur de l'étalon, aussi déchirantes, aussi humaines que les cris du chevalier convainquirent l'ost réuni de ne plus rien tenter. Le colosse se redressa sur un coude et hurla :

— Ne le laissez pas m'approcher !

Devant la petite silhouette, l'immense reitre reculait. Ses talons glissèrent, ses mains s'éraflèrent sur les cailloux. Pas plus grand qu'un jeune enfant, le démon dominait de toute sa modeste taille ce géant paralysé par la peur.

Bulle de Savon s'arrêta. L'attention de l'ost acquise, il délivra son message :

— L'armée du roi d'Outremonde sortira de terre à la prochaine pleine lune. Son appétit est grand, sa miséricorde l'est davantage. Dévorer l'Empereur pourrait lui suffire si les adorateurs de mon roi vénéré sont préservés. Touchez ne serait-ce qu'une de ses plumes bleues et sa colère serait des plus terribles. Ni le Parakoï, ni toutes ses armées ne sauraient alors le rassasier. Sachez que mon roi vous observe, plus que vous ne l'imaginez. Il viendra à votre aide pour repousser l'envahisseur, comme il l'a déjà fait à Manidres. Sa seule exigence, je le répète, que ses plumes soient bien traitées et que votre Parakoï réponde favorablement à leurs revendications légitimes. Coopérez, vous survivrez. Opposez-vous à sa majesté et alors, ce ne sera pas une armée que vous devrez repousser, mais une deuxième bien plus redoutable.

Le messager du roi des Ténèbres se retourna alors et partit de son pas lent. Devant une assemblée médusée et atone, il emprunta le sentier montagneux. Petit point à l'horizon, il disparut derrière la végétation. Quelques piquiers profitèrent de l'accalmie pour déposer les armes et libérer le chevalier, écrasé par sa monture mutilée. Soutenu par ses camarades, le soldat à l'armure cabossée boitilla jusqu'à la tente dédiée aux blessés. L'animal, incapable de se révéler, gémissait comme un chiot malmené. Dans ces plaintes navrantes, une voix calme s'invita :

— Nous devrions prendre cette menace au sérieux.

Comme un seul homme, la troupe pivota. La Justicière de Clarens approchait d'un pas majestueux. Sa voix posée fit frémir les soldats les plus expérimentés. Entourée par les hommes de son père, Velya prolongeait l'harangue du prince des Ténèbres. Elle jeta un coup d'œil vers la toile violette. Elle devait le reconnaître, Fil avait raison. Sa dette envers lui était immense. Insolvable. Pouvait-elle alors rendre à ce personnage horripilant, un infime retour pour son combat, son idéal, qu'elle partageait en partie. L'incarnation de la Justice du Parakoï, Son bras, Sa poigne déclara solennellement :

— Entre le Bouclier qui se fissure et ces apparitions démoniaques qui se multiplient, les Bienfaits de notre Parakoï, à n'en pas douter, s'amenuisent.

Ces paroles hérétiques dans la bouche de la Justicière frappèrent chacun des guerriers comme une masse étourdissante. Le colosse, relevé de son épreuve, le premier d'entre eux, baissa les yeux. Témoins du nouveau miracle du prince des Ténèbres, les hommes en armes, par leur silence coupable, corroboraient une adhésion à ces propos, quelques heures auparavant, inconcevable.

La Justicière, main sur le pommeau blanc, continua :

— Reconnaissons que notre Parakoï adoré, n'arrive plus, de lui-même, à contenir les forces maléfiques en dehors de sa zone d'influence. Que ce soit l'Empereur ou ce roi d'Outremonde, les Trois pays subissent des attaques discontinues.

La simple pensée de ces propos outranciers aurait valu la pendaison précédée par une séance de tortures exemplaire. Pourtant, devant l'expression assumée de ces attaques insensées, l'ost écoutait. La Justicière ne se contentait pas d'égratigner la figure intouchable du Parakoï : elle reconnaissait l'existence d'un autre roi, et en filigrane sa nature démoniaque. Ce sacrilège ultime pourtant, ne déchaîna aucune contestation. L'ost ne se révoltait pas donc, il approuvait. Comment réagirait le Grand Maréchal lorsque les échos de cette trahison manifeste lui parviendraient ? Velya s'en désintéressait. Aussi Grand qu'il pût l'être, sans le soutien de son armée, il n'était plus grand chose. Velya replaça une mèche rebelle derrière son oreille. En nouvelle maitresse de la discorde à venir, elle conclut :

— Acceptons la demande du roi d'Outremonde. Laissons les petites gens crier leurs doléances. Soutenons-les dans leurs revendications de Justice. Ne sommes-nous pas les défenseurs de tous les sujets des Trois pays ? Entendons les demandes du roi souterrain. Espérons qu'il vienne nous épauler contre l'invasion de l'Empire car, admettons-le, la seule force du Parakoï sera insuffisante devant le nombre de l'ennemi.

La Justicière fit une pause. Elle caressa le glaive d'or qu'elle exposait fièrement sur son plastron. Droite, sans la moindre considération pour la dépouille à ses pieds, l'influente représentante ordonna la ligne à suivre :

— La victoire est à portée de mains. Seule la bravoure et la volonté de se dresser contre l'oppression nous guideront dans les heures sombres qui nous attendent. Tout repose sur vos épaules. Notre liberté, nos vies, celles de nos enfants présents et ceux à venir. Ne laissons pas la tyrannie de l'Empereur imposer son joug sur ce que nous avons de plus cher. Aidons notre Parakoï à bâtir un monde plus juste. Unissons-nous, Grands et Petits, dans le sang pour l'émergence d'une société idéale. Allions-nous à ce roi démoniaque. Répondons à ses exigences pour le renvoyer dans son monde infernal. Le Parakoï ressortira grandit de cette épreuve divine. Aidons-le à se redresser, venons-lui en aide. Quand ses pouvoirs seront enfin retrouvés, nous l'acclamerons d'une seule et même voix. Alors, hommes des Trois pays, me suivrez-vous dans cette guerre ? Sacrifierez-vous votre vie pour notre Parakoï béni ?

Derrière sa toile, Fil frissonnait à l'écoute des acclamations guerrières de l'ost. Sa révolution prenait une nouvelle ampleur. Si les Grands adhéraient aux demandes du petit peuple, plus rien n'arrêterait la roue de la Justice. Un pouvoir tyrannique, d'où qu'il vînt, face à un peuple uni s'effondrerait immanquablement. Même s'il avait initialement espéré renverser le Parakoï et toute sa clique, le compromis que lui proposait la Justicière méritait réflexion. Bien évidemment, il se réservait le sort de Loren. Toutes les concordes du monde ne sauraient apaiser l'insurmontable révulsion qui l'animait à son égard.

Un Parakoï éclairé, au service de son peuple et non plus l'inverse, pourrait, dans l'esprit, s'accorder avec son combat. Faudrait-il encore que le principal intéressé acceptât une telle concession. Quoi de mieux qu'une invasion extérieure pour précipiter un tel changement ? Car sous la menace d'un écroulement de son système, même le plus absolu des monarques serait prêt à tous les arrangements pour conserver son pouvoir enivrant. Une révolution, imbriquée dans une guerre, renverserait le plus grand des tyrans.

Perdu dans ses rêveries d'espoir, Fil fantasmait le monstre bicéphale qu'une telle alliance engendrerait. La Justicière, en tête des Grands de ce monde, lui, digne représentant des opprimés. Cette hydre fantastique, expectative du genre humain, marcherait sur les Trois pays pour lui apporter la véritable paix et la prospérité. Pour le bien commun, sa rivalité avec la Justicière, il la mettrait en sourdine. Après tout, les malentendus n'existaient-ils pas pour être levés ?

Remis de son Coût, l'écuyer retourna nonchalamment à travers camp jusqu'à la tente de sa maîtresse, sa meilleure alliée. Entre deux sifflements légers doublés de salutations courtoises, le roi d'Outremonde improvisait son hymne révolutionnaire :

 

De la plume bleue au glaive d'or,

Petits et Grands en beau renfort,

Un jugement inquisiteur,

Pour l'Parakoï et l'Empereur.

    

      Cette belle union du sud au nord,

Déboutera enn'mis dehors,

L'premier banni par la terreur,

L'autre soumis ah quel bonheur !

  

      Oh Ilysane m'en voudras-tu,

Si j'viens à la tour aux Pendus,

Le Parakoï la corde au cou,

À quatre pattes comme un toutou ?

 

J't’avais promis un balancier,

J'ferai de lui oh c’est juré,

Depuis son trône manipulé,

Un pantin désarticulé.

 

 

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Syanelys
Posté le 07/05/2023
Hey Clem',

Très réaliste et cohérente la petite session dialoguée entre Fil et Velya. Des répliques pertinentes et des prises de position qui sont agréables à suivre. Tous deux ne peuvent plus considérer l'autre comme auparavant, devant faire converger leurs objectifs sous fond de compromis.

J'ai lu que tu jouais sur la métaphore de manipuler un pantin à travers le nouveau pouvoir de Fil. Il était intéressant de voir son retour aux origines. Là, tu vois, je commence à l'apprécier. Il cesse enfin de se laisser porter par des évènements et se délivre de ses regrets. Le voir redéfinir ses priorités le rend, à mes yeux, enfin intéressant. Là, le fond de ton histoire manipule ton héros dans le bon sens. Il pense avoir la liberté des conséquences de ses actes, il assume enfin qu'il en a toujours été la cause. Un aspect qu'il ne montrait pas du tout avant. Je ne sais pas si cette prouesse était voulue ou pas, mais elle est très plaisante à découvrir.

Ne plus détruire à tout prix le Parakoï, mais le changer de l'intérieur est une belle conclusion à leur débat. Cette perspective d'avenir, définie initialement par une histoire de garde partagée de Krone, est très bien trouvée. Posé sur de solides fondements, elle apparait de manière naturelle dans une réflexion progressive que tes personnages et tes lecteurs découvrent en même temps.

J'aime ! T'arrives à me faire moins apprécier Velya au profit de Fil, chapeau bas :)

Au plaisir de lire la suite !
Syanelys
Posté le 07/05/2023
Une petite coquille sinon : Que feraient une centaine de pauvres paysans, à part brandir des fourches, contre cet ost entraîné à la guerre dont l'arsenal outrepassait en qualité et en quantité celle des miséreux d'en face. -> Que ferait* (une centaine de...)

ClementNobrad
Posté le 07/05/2023
Hello !

Oui, j'ai voulu faire monter la tension entre Fil et Velya, je ne voulais pas que le nouveau groupe soit "lisse" et que tout le monde soit content d'être avec tout le monde. Velya reste au service du Parakoï, elle ne peut pas tout laisser passer à Fil. Et entre les deux, Krone, qu'ils vont se disputer, chacun avec leur arguments. Velya et Fil ne sont pas compatibles. Ils ont trouvé ici un terrain d'entente : venir secourir le Parakoï de l'attaque de l'Empire et en échange, donner plus de droits au "petit" peuple. Un compromis politique mais les intérêts privés, ils seront toujours opposés. Je développe un peu plus cet aspect dans les chapitres suivants, mais ça sera le coeur je pense de la suite des aventures.

"Là, tu vois, je commence à l'apprécier" > Qui l'eut cru ahaha ! J'y arrive petit à petit. Tu verras, à force, tu me réclameras que des chapitres avec lui.

"Ne plus détruire à tout prix le Parakoï, mais le changer de l'intérieur est une belle conclusion à leur débat." > Je me suis un peu inspiré de la Révolution française. Au début, il n'a jamais été question de se débarrasser du roi, au contraire. Ils voulaient réformer son pouvoir absolu pour mettre en place une monarchie constitutionnelle, un peu comme en Angleterre. Un roi éclairée, au service de son peuple, avec un parlement élu qui détient les véritables pouvoirs. Bon, avec la fuite à Varennes, il y a trahison et donc couic Louis XVI, mais le compromis et la Concorde Nationale, c'était le plan de départ. Ici la même chose : désacraliser le Parakoï, lui laisser son pouvoir en partie, mais mettre en place une société plus égalitaire avec la fin des privilèges.

Non, je ne suis pas en train d'annoncer une future fuite du Parakoï ;) C'était juste une source d'inspiration !

"J'aime ! T'arrives à me faire moins apprécier Velya au profit de Fil, chapeau bas :)" > Décidément... Je pense qu'elle va remonter dans ton estime au prochain chapitre !

Au plaisir de te relire !
Camille Octavie
Posté le 31/03/2023
Bonjour :)

J'apprécie énormément le conflit entre Velya et Fil ! Ça me parait très logique, vu leurs caractères, et l'opposition des objectifs, et aussi un peu la "compétition" pour Krone/Augustin. Pour moi c'est le gros point fort de ton chapitre.

Ensuite, je suis assez d'accord avec les autres commentaires, et pour moi (mais ce ne sont que des impressions), c'est assez lié à la bascule d'objectifs qu'on a un peu senti dans les chapitres précédents. Du coup tu arrives dans ce chapitre avec un Fil qui fait des choses qui paraissent décousues (sans mauvais jeu de mot XD).

Question par curiosité: as-tu galéré à travailler ce chapitre ? j'ai l'impression que pour toi c'était moins "facile" à écrire

Je ne pense pas qu'il y ait de grosse incohérence fondamentale, pour moi tu passes plusieurs transitions de besoin/désir/objectif de tes personnages sur un court laps de temps, et ce qui peut manquer, c'est un peu de logique dans tout ça, et un peu d'explications pour le lecteur. Ci-dessous comment je résume la situation:
> Krone qui suivait Fil sans trop "couper le cordon" retrouve sa soeur et entrevoit d'autres possibles
> Fil, arc-bouté sur son plan de vengeance contre Loren voit le cocher mourir, se rend compte que peut-être ça va trop loin, et se dit que, vu la guerre en cours, il y a peut-être des concessions à faire: se venger, ou sauver son pays
> Velya qui a vendu son âme contre un ticket pour la liberté, qui retrouve son frère, se rend compte que pour le réhabiliter elle a des choix à faire / risques à prendre.

En résumé, pour moi tu as tout, mais peut-être pas "dans le bon ordre" (je mets des "", parce que oui, dans la vie non plus on ne fait pas toujours les choses dans le bon ordre, mais en littérature il y a je pense des ordres qui font moins logique que d'autres)
Tu pourrais essayer, après ce chapitre à l'auberge, de séquencer trois scènes ou chapitres, un sur chaque personnage qui change, pour montrer cela. Tu arriverais ainsi à une situation ou le "nouveau plan" est clair, et ça paraîtrait cohérent qu'ils agissent tous pour sauver le pays de l'invasion tout en soutenant "discrètement" les plumeries.
ClementNobrad
Posté le 31/03/2023
Bonjour Camille,

Merci pour ta lecture et tes ressentis !

Alors, ce chapitre n'a pas été "particulièrement" difficile à écrire. Je m'entends... Je galère toujours à écrire mes chapitres, mais celui-ci n'a pas été plus bloquant qu'un être. Par exemple, "Virée sous couvre-feu" et "Chute et sentiments" ont été de véritables purges pour moi :D

Je voulais trouver un truc sympa à faire avec le fil mental de Fil. Cela faisait longtemps qu'on avait pas découvert un nouvel aspect de son pouvoir. Je trouvais que manipuler quelqu'un à distance, comme un pantin, était assez sympa à faire, d'où cette intrigue de l'armée qui s'en va combattre les plumes bleues. En plus, ça permettait de faire un parallèle avec le Parakoï qu'il voulait "manipuler comme un pantin". D'où le compromis que lui propose Velya : On garde le Parakoï au pouvoir, mais il gouverne cette fois-ci pour le véritable bien du peuple. (Un peu ce qui avait été envisagé au début de la Révolution française : un roi éclairé, au service du peuple, mais avec un parlement élu qui a les véritables pouvoirs (une monarchie constitutionnelle à l'anglaise). Bon, la suite de la Révolution a quelque peu dégénérée disons-nous ^^

Du coup, les objectifs de Fil restent sensiblement les mêmes : mettre en place un pouvoir où une véritable Justice serait la règle. Au départ, il pensait à le faire en retournant le Parakoï, maintenant, il pourrait envisager une autre voie. Le même objectif, un autre moyen.

Bon, par contre, Loren ça, il pourrait pas faire autrement, il voudra se venger, faut pas déconner ^^

Pour les chapitres supplémentaires, il faudrait en effet que j'y réfléchisse. Après, je n'arrive pas à caser ce genre de pensées/chapitres, tout en respectant le contexte dans lequel évolue les personnages. Les chapitres où il "ne se passe rien" j'ai un peu de mal :D A part mettre Velya sous sa tente et qui papote à elle-même, ou Fil qui est perdu dans ses pensées sur un plus long chapitre (comme je l'ai fait en fin de chapitre précédent), je n'y arrive pas encore...

J'espère que la suite te plaira !
Camille Octavie
Posté le 31/03/2023
Je comprends, l'introspection c'est très compliqué, moi aussi j'ai beaucoup de mal ^^
Trouves tes propres astuces, tu peux aussi intégrer quelques lignes en plus dans tes chapitres existants, comme tu l'as très bien fait quand Fil a peur que Krone s'en aille ;)
La scène du pantin marche, et elle me plait bien, il faut la garder. C'est entre la mort du cocher et ce passage pantin que tu dois montrer le cheminement de la réflexion de Fil. Le Dialogue avec Velya pourrait servir (je réfléchis en cours de route). En plus de montrer la tension entre les personnages, et d'apporter du conflit, il peut servir à faire passer la pilule de l'introspection .

C'est un travail compliqué, certains chapitres des cénotes je les ai restructurés plusieurs fois, justement parce que les lecteurs ne comprenaient pas la logique ^^
courage ! tu vas y arriver !
Flammy
Posté le 12/03/2023
Coucou !

Bon, Fil est intenable, comme d'habitude ='D Mais bon, en vrai, c'est extrêmement logique qu'il aille aider ses plumes, et c'est cool qu'il se rende compte que son idée première de foncer dans le tas ou de se battre du côté des plumes étaient pas très très pertinente. Fil est est personnage que j'apprécie plus qu'avant (comme quoi :p ), mais c'est bien parfois de le revoir se prendre des petits taquet à l'arrière de la tête pour lui rappeler que tout ne se passe pas toujours comme prévu :p

Par contre, j'ai trouvé un poil frustrant qu'encore une fois, tout se passe au final très bien pour Fil. Je me serai attendue à ce que le colosse manipulé se fasse tuer plus vite par les autres et qu'au final, on le traite juste de fou et que tout le monde parte tranquillement aller tuer des plumes. Ou qu'au moins une partie de l'armée y aille, même si c'est pas tous.

D'ailleurs, j'ai été très surprise par l'intervention de Velya. Elle paraissait vraiment très contre ça et plutôt pro Parakoï, dans le sens où il lui a donné sa liberté, même si elle désapprouve le sort réservé aux porteurs de dons, mais je ne m'attendais pas à un tel revirement, parce que c'est franchement très hérétique ce qu'elle dit et elle risque d'avoir un retour de bâton énorme, et pas seulement avec son père. Qu'elle veuille faire plaisir à Fil pour le remercie d'avoir sauvé Krone, je peux comprendre, mais alors, pourquoi ne pas juste dire "On s'occupera des plumes plus tard, ce sont pas des menaces, autant garder ses forces pour les vrais combats", sans valider le roi des ténèbres ? D'ailleurs, il même si elle représente une très haute autorité, il n'y a pas d'autres Poignes ou un gradé fanatique pour contester un minimum ?

D'ailleurs, pourquoi Fil a tout de suite l'impression que ça peut donner un truc bien avec Velya de son côté, qu'il accepte tout de suite cette idée de Velya avec lui, mais que dès le début, Ombelyne, c'était hors de question ? C'est parce que c'est une porteur de don et qu'elle risque gros aussi ?

Bref, le chapitre est pas mauvais en soit, mais il y a ces deux points qui me chiffonnent un peu ^^'
ClementNobrad
Posté le 13/03/2023
Coucou Flammy,

Merci pour ta lecture !

Velya n'est pas aussi fanatique du Parakoi que peut l'être son père. Elle ne propose pas de s'en débarrasser, au contraire. Peut-être est ce un moyen d'aider son frère dans le combat qui est le sien. Elle propose un compromis qu'elle juge raisonnable : Le Parakoi est sauvé, il reste le roi des Trois pays, mais.en échange il met en place une société plus juste...un peu comme il l a été envisagé lors de la révolution française, avant que Louis XVI fasse n'importe quoi et finisse guillotiné. Mais au départ un "roi raisonné" au service du peuple, était ce qui était envisagé.
Je trouvais du coup que Fil pouvait se contenter de cette solution : après tout, c'est une société plus juste qu'il veut, et pour ça quoiqu'il en dise, il aura besoin des Grands, comme Velya, pour la.mettre en place. Une sorte de convergences, compromis, devant l'extrémité des solutions premièrement envisagées. D'où la petite chanson de fin...

J'espère que ça te chiffonnera pas trop longtemps :p
Peridotite
Posté le 12/03/2023
Coucou Clément,

Fil se dispute avec Velnya et part aider les fermiers révoltés prêts à être massacrés par l'armée. Entre temps, il lance son pouvoir sur un colosse contre qui il a perdu aux dés et soudain Velnya propose a l'armée de s'opposer au Parakoï. Pourtant, elle n'est pas mise aux fers pour trahison ni Fil pour mutinerie. Pourquoi ?

Fil envisage dorenavant une alliance avec Velnya pour renverser le Parakoï.

Je ne sais pas trop quoi penser de ce chapitre. J'ai l'impression que Fil passe par tous les états d'âmes possibles. Pendant un long moment du livre, il est contre le gouvernement du Parakoï qui opprime les porteurs du Don. Entre temps, une révolte des paysans éclate contre les nobles et ceux-ci croient que Fil est de leur côté, alors que c'est un filou. De plus, Fil décide carrément de se battre aux côtés du Parakoï.

Ici, Pourquoi Velnya tourne-t-elle sa veste si soudainement ? Bon, tu me diras, il y a quelques chapitres, elle tuait le maire de la ville et sa propre troupe donc on peut l'imaginer en mode insubordination. Mais du coup, comment fait-elle pour rejoindre l'armée si aisément ? Ne devrait-on pas la cueillir des qu'elle repointe le bout de son nez ? Et pourquoi tue-t-elle Fil si elle le connait car elle lui a confié son frère quelques années plus tôt ? Elle ne l'a pas reconnu ? Et donc pourquoi Fil lui fait-il confiance au point de se dire qu'il va finalement se rebattre contre le Parakoï dans le futur, mais à ses côtés ? Et qu'en est-il de la crise sociale ? Fil n'a rien a voir avec ça en vrai.

Quelques notes :

"ce fouteur de troubles"
> Ce fauteur de troubles

"Enn nouvelle maitresse"
> En

"Une révolution, imbriquée dans une guerre, renverserait le plus grand des tyrans."
> C'est ce que je disais aux chapitres précédents : pourquoi ne pas en profiter pour s'allier aux envahisseurs pour faire tomber le Parakoï ? Peut-être le chef des autres serait plus clément aux porteurs du Don ?

Je suis un peu confuse quant aux objectifs du trio et notamment de Fil depuis quelques chapitres 🤔
ClementNobrad
Posté le 12/03/2023
Coucou Péridotite,

Fil veut toujours la chute du Parakoï. Un peu comme Louis XVI pendant la Révolution française, au début (avant qu'il ne fuit à Varennes) ils avaient décidé de le garder mais de lui enlever tous les pouvoirs pour mettre en place une monarchie constitutionnelle, établir une société plus juste où le roi n'aurait plus aucun pouvoir (comme en Angleterre aujourd'hui). Il se dit qu'un Parakoï manipulé, vaut mieux qu'un Parakoï défait par l'Empire qui mettrait en place un système tout aussi brutal (je rappelle dans un précédent chapitre que dans l'Empire, rien n'est plus juste, encore moins envers les possesseurs de Dons.) En gros, il ne veut plus "tuer" le Parakoï, il veut en faire son pantin, qui obéira à ses ordres. Le Parakoï va avoir deux choix devant lui : accepter ce dilemme et rester en vie et avoir un pouvoir honorifique, où alors crever sous l'attaque de l'Empire.

Pour Vélya, je rappelle qu'elle veut se racheter auprès de son frère. Si elle accepte ce compromis avec Fil (défendre le Parakoï en échange d'un système plus juste), c'est pour le "remercier" d'avoir pris soin de Krone pendant tout ce temps. Le Parakoï, elle s'en fiche un peu, qu'il gouverne avec les pleins pouvoirs ou alors en étant un monarque fantôche, elle s'en fiche, tant qu'elle peut aider son frère. Elle se sent redevable envers Fil, d'où la dispute au début du chapitre finalement qui lui fait réaliser qu'elle doit rendre la pareille à Fil, même si elle ne le supporte pas en tant que tel. Une espèce de main tendue des deux côtés, un compromis dans leurs batailles respestives : Un Parakoï qui n'a plus de pouvoir, contre un frère retrouvé.
Peridotite
Posté le 13/03/2023
"Il se dit qu'un Parakoï manipulé, vaut mieux qu'un Parakoï défait par l'Empire qui mettrait en place un système tout aussi brutal"
> Oui, mais il n'a pas passé le livre à se faire des alliés et des alliances, donc c'est impossible pour lui de faire ça.

"l ne veut plus "tuer" le Parakoï, il veut en faire son pantin, qui obéira à ses ordres."
> Le Parakoi a une immense armée et des fidèles dans tout le pays. Qu'est-ce qu'à Fil ? Juste Bulle ? Il n'a même pas le plein accord de Krone. Et les révoltes des paysans ne sont pas de son fait en vrai. Donc il a convaincu... une personne de le suivre.

"c'est pour le "remercier" d'avoir pris soin de Krone pendant tout ce temps"
> Et ce faisant, elle va mener une rébellion à laquelle elle ne croit pas ou se livrer et se faire pendre ? C'est une noble, elle. Pourquoi ferait-elle un tel sacrifice pour Fil ?

N'oublie pas que je te dis mes ressentis au fil de la lecture. Et tu en fais ce que tu veux. Ils sont là pour t'aider en te montrant ce que peut penser un lecteur lambda en réalisant une lecture approfondie. Tu peux ainsi te poser des questions auxquelles tu n'aurais pas penser ou réfléchir à des passages qui te paraissaient clairs mais qui ne le sont pas forcément pour un autre. Perso, je regarde les possibles incohérences, les trucs pas logiques, la construction des persos ou la présence d'éventuels passages chiants. Ce ne sont que des retours de lecture et je ne t'oblige en rien à changer ton texte si tu ne le veux pas :-)
Vous lisez