chapitre 15 Des Questions et des Réponses

Par Cathie

Le chevalier suspend son geste. Il allait frapper à la porte des appartements de Copine, mais il réalise maintenant… qu’il a un peu de mal à réaliser, justement et qu’il devrait peut-être prendre un instant pour mettre un peu d’ordre dans ses pensées.

Tout est allé si vite depuis qu’ils sont arrivés au château ! Quelques jours à peine, mais il a l’impression que cela fait des mois !

Juste après les félicitations et remerciements d’usage, le roi avait pris le chevalier à part pour lui proposer le poste de conseiller principal et commandant de sa garde… dès qu'il y en aura une à nouveau, s’entend. Il y avait tant à faire pour reconstruire le pays, les compétences du chevalier ne pourraient trouver meilleure utilisation ; il aurait carte blanche pour prendre toutes les mesures qu’il jugerait nécessaire et pour développer les projets qui lui paraitraient les plus importants.

Le roi avait ajouté qu’il avait pensé lui offrir sa succession, mais qu’un point de détail l’en empêchait : il fallait être citoyen du royaume pour en devenir le roi, et le chevalier… c’était vraiment dommage car lui n’avait vraiment plus ni la force ni le désir de gouverner.

Puis, avant que le chevalier soit revenu de sa surprise, le roi avait abordé avec une certaine timidité un sujet qui lui tenait à cœur. Littéralement, puisqu’il s’agissait de Copine : il avait beaucoup d'affection pour la jeune fille et d'admiration pour ses talents de magicienne… au point d’avoir conçu le projet de la demander en mariage. Il était persuadé qu’elle seule pouvait remplacer sa reine bien-aimée, mais il voulait l’avis du chevalier sur la question.

Le chevalier qui essayait de s’imaginer en conseiller, était tombé des nues et ne sachant que dire, avait fini par proposer d’en parler à Copine pour tâter le terrain.

— Je vous en serais si reconnaissant, se réjouit le roi. Vous voyez, je sens que nous travaillerons vraiment bien ensemble.

Maintenant, il lui fallait parler à Copine d’une offre qui lui semblait un peu extravagante, à y bien regarder. Encore que…

Le chevalier frappe à la porte. Copine, plongée dans son livre, lève la tête pour l’accueillir :

— Tu tombes bien ! J’ai de nouvelles infos sur la prophétie.

— La prophétie ? s’étonne le chevalier. Pourquoi faire ? Maintenant qu’on a débarrassé le pays du dragon, on n’en a plus besoin… si tant est qu’elle ait jamais servi à quelque chose !

— Le Livre affirme, au contraire, qu’il ne faut pas prendre les prophéties à la légère, elles révèlent des points essentiels ; elles ont pour vocation à être élucidée entièrement, jusqu’à ce que chaque élément en soit compris ! Oui, le dragon a été vaincu, mais alors, il faut que tu sois celui dont elle parle… et là, nous sommes du loin du compte.

— À mon avis, le compte, c’était celui du dragon et on le lui a réglé. Et moi, j’ai une info qui a un besoin urgent de ton attention.

 

— Oh ! Comme il est mignon ! s’exclame Copine quand le chevalier lui a rapporté les intentions du roi. Je suis vraiment très touchée et je dois avouer que j’ai tout de suite eu un faible pour ce pauvre souverain abandonné dans son château.

— Il est quand même nettement plus âgé de toi…

— Et de toute façon, les magiciennes n’ont pas vocation à se marier : la tradition insiste même sur le célibat qui permet de se consacrer complètement à sa mission. Sa reine était une exception, encore que récemment, on nous encourage à nous marier. Mais c’est pour ensuite nous inciter à nous consacrer à notre famille et à délaisser notre vocation !

Elle s’arrête et fulmine le chevalier du regard comme s’il était responsable de cet état de fait puis elle se lève et va regarder pas la fenêtre

— Ceci dit, reprend Copine, l’idée de rester ici m’a traversé l’esprit. Avec la protection du roi, je pourrais aider tellement de gens, et ainsi accomplir ma mission en m’épanouissant en tant que magicienne.

Le chevalier la rejoint près de la fenêtre et ils contemplent un instant les jardins dont la beauté transparait encore à travers les ronces et les mauvaises herbes.

— Quelle que soit ta décision, ne le fais pas trop attendre. Il m’a envoyé en émissaire, mais je pense que vous devez en discuter tous les deux, n’est-ce pas ?

 

— Le voilà !

Le roi désigne à Copine un médaillon posé sur le manteau de la cheminée.

— C’est mon souvenir le plus précieux de la reine. Quand elle compris qu’elle ne survivrait pas au chagrin, elle me donna ce médaillon en me faisant promettre, sur notre amour et en souvenir d’elle, d’y déposer un baiser en répétant ces mots : « Par le pouvoir de notre amour, le souvenir reste sanctuaire » puis de replacer le médaillon sur la cheminée, devant le miroir. Et ce, chaque soir !

Le roi prend le bijou entre ses doigts fatigués et le tend à la jeune fille.

— Ce que j’ai fait religieusement, malgré le désespoir et la fatigue, toutes ses années. Mais cela, ma charmante magicienne, n’est pas très magique. C’est simplement de l’amour. J’ai peur de ne pas vous aider beaucoup. Au moins, est-ce un gage de la sincérité de mes sentiments pour vous et de la confiance que je vous fais.

Doucement, Copine ouvre le médaillon. Regardant par-dessus l’épaule de la jeune fille, le chevalier admire la facture précieuse du bijou et s’émerveille de la grâce du portrait miniature qu’il renferme. Comme il aimerait avoir un médaillon similaire avec l’image de la princesse !

— Votre confiance m’honore, murmure Copine, et je ne mets pas en doute vos sentiments… mais détrompez-vous quant à l’utilité de ce souvenir : c’est exactement ce que je cherchais. Il est bien lié à ce sort de sanctuaire très affaibli mais encore opérant que j’ai ressenti dès que je suis entrée dans le château. Il en est même l’élément de maintenance principale ; il a permis à la reine de pérenniser le sanctuaire alors même que sa mort aurait dû le dissoudre !

Copine rend le médaillon au roi et son geste est empreint de respect et d’admiration :

— Permettez-moi de rendre hommage à cette magicienne, car il s’agit d’un sort étonnant, complexe, d’une grande virtuosité. Cependant, il nous reste à comprendre comment accéder à cet espace et ce que la reine voulait mettre à l’abri… si tel est votre souhait, bien sûr.

— Est-ce le vôtre, Mon Ange ? demande le roi, en replaçant le médaillon à sa place. Auquel cas, c’est le mien aussi !

— Alors, Sire, montrez-moi les appartements de votre reine, car je pense que ce que nous cherchons, clé ou point/temps de contact, s’y trouve.

— C’est une excellente idée, déclare le chevalier, mais, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais vous laisser continuer vos recherches sans moi. Je n’ai aucune expertise en la matière et il y a ici des spécimens de livres rares que j’aimerais examiner, avec votre permission, Sire.

— Mais faites, Chevalier ! Tout ceci sera bientôt à votre disposition, n’est-ce pas ? Faites connaissance !

Resté seul dans le cabinet du roi, le chevalier se promène le long des étagères. Il admire les reliures précieuses et s’arrête de temps en temps pour déchiffrer un titre.

Il préfère de beaucoup être ici qu’en train de chercher un sanctuaire dans lequel est enfermé dieu sait quels vieux squelettes qu’on devrait laisser tranquilles là où ils sont.

Avec précaution, il tire de son rayon un grand livre à la reliure de cuir ouvragé et il en observe attentivement la première page. Mais il a bien du mal à en apprécier la beauté : ses pensées partent vagabonder sans qu’il puisse les retenir.

Elles reviennent encore et encore à l’offre du roi, qui correspond si parfaitement à ce qu’il espérait trouver en sortant de HEC… en beaucoup mieux, en fait ! Mais c’était avant qu’il ne rencontre la princesse, avant qu’il ne veuille plus que tout passer le reste de sa vie à ses côtés. Pourtant, la princesse l’attend-elle toujours ? Un parti plus digne d’elle ne s’est-il pas présenté avec une offre impossible à refuser ?

Cette idée le met si mal à l’aise qu’il referme le livre, le range et se détourne des rayonnages.

Dans le miroir qui habille la hotte de la cheminée, son reflet semble lui demander : mais qu’est-ce que tu fais encore ici ?

Incapable de soutenir son propre regard, le chevalier baisse la tête et ses yeux se posent sur le cadre ouvragé puis sur le médaillon de la reine.

Il ne peut s’empêcher de noter une ressemblance de formes et de couleurs entre le miroir et le bijou qu’il prend délicatement et retourne entre ses doigts. Pour le voir étinceler dans un rayon de soleil, il le lève devant lui, et remarque aussitôt, en haut du miroir, un espace vide, un manque à l’harmonie de l’ensemble qui attire sa main. Se haussant sur la pointe des pieds, le jeune homme approche le médaillon de l’espace où il s’emboîte parfaitement.

Aussitôt, le chevalier se plie en deux, le ventre broyé par une douleur moitié crampe, moitié nausée qui disparait aussi rapidement qu’elle est apparue.

Quand il se retourne, une grande partie des étagères ont disparues et les murs sont recouverts de tableaux.

Les yeux écarquillés du chevalier tombent alors sur le portrait grandeur nature d’un couple d’artistes : le troubadour, reconnaissable à sa tunique crénelée, jaune à droite et bleue à gauche ainsi qu’à la cape rouge maintenue sur l’épaule par un fermoir d’argent, a les traits fins mais empreints d’une profonde mélancolie. Un capuchon pointu cache sa chevelure et il tient contre lui un luth dont il semble caresser les cordes de ses longs doigts. Une jeune femme merveilleusement belle, habillée en danseuse et très enceinte se tient à ses côtés.

Le chevalier a l’impression que l’air autour de lui est devenu si dense qu’il va s’arrêter de respirer.

L’irruption de Copine et du roi suffit cependant à lui faire avaler une goulée d’air alors que la jeune fille s’exclame :

— Formidable ! Tu as trouvé la clef et le point d’entrée.

Le regard toujours rivé sur le portrait, le chevalier est incapable de répondre. Son malaise augmente encore quand il sent le roi se figer à côté de lui.

— Mais enfin, qui sont ces gens et qui a fait leur portrait, s’exclame alors Copine en se plantant dos au tableau pour faire face aux hommes.

Le roi s’effondre alors sur une chaise en sanglotant.

Le chevalier répond :

— C’est ma mère. C’est impossible, mais c’est elle !

 

Réfugié dans l’embrasure d’une fenêtre, le chevalier laisse son regard errer sur les tableaux : à part quelques portraits d’inconnus et des paysages, la plupart dépeignent l’un ou l’autre des troubadours. Il est sous le choc et c’est d’une oreille distraite, il écoute le vieux roi qui déambule à travers la pièce en leur racontant sa triste histoire :

Très jeune, il avait manifesté, à travers le dessin et la peinture, une grande sensibilité artistique. Hélas, son cruel tyran de père n’avait ni apprécié ni accepté ce penchant, et sa mère, une reine éclairée aussi douce que son mari était dur, n’avait su comment protéger son fils.

Le jeune prince n’eut pas le courage de partir vivre sa passion ailleurs et encore moins celui de se conformer au désir de son père. Aussi, finit-il par tomber malade d’une affection que personne ne parvint à soulager.

Du moins jusqu’à l’arrivée inespérée d’un jeune couple d’artistes d’un pays voisin : lui était musicien, poète et sa voix suave envoutait ; elle dansait et chantait avec autant de passion que de talent et le duo qu’ils formaient avaient subjugué la châtelaine et très vite le prince.

Inspiré et encouragé par le couple, le prince avait repris ses pinceaux, et les longs moments de pose passés ensemble avaient consolidé une amitié naissante.

Avant que cela ne devint évident, le prince savait que la jeune femme attendait un enfant et il avait comprit à demi mots que le jeune couple avait fui pour échapper à la famille noble mais intransigeante du troubadour. Il se rendit compte aussi que le jeune poète n’était pas bien portant.

Une étrange ironie du sort voulue que plus sa femme s’arrondissait plus ce dernier maigrissait, et qu’il s’affaiblissait au rythme auquel le prince retrouvait la santé. Cependant, la reine, auprès de qui son fils avait intercédé en leur faveur, leur avait offert l’hospitalité pour aussi longtemps qu’ils le souhaiteraient.

Le roi ne s’était d’abord guère préoccupé de ses invités mais, aussitôt son fils rétabli, il le maria à une princesse du voisinage. Ce fut la seule et unique fois où le choix du père ne meurtrit pas le fils : la jeune épouse, qui était aussi une magicienne accomplie, appréciait et encourageait les activités artistiques de son mari et elle avait rapidement sympathisé avec le couple de troubadour. Ils auraient pu ainsi, couler encore des jours heureux, mais c’était sans compter sans la tyrannie du roi.

Il décréta brusquement que le couple de troubadour avait une mauvaise influence sur son fils. Ainsi, alors que le poète était loin d’être rétabli et que sa femme était proche de son terme, le couple fut sommé de déguerpir.

— Ni ma mère ni moi n’avons rien pu faire, conclut le vieux roi en regardant le grand portrait d’un air désolé. Et je n’ai jamais su ce qui leur était arrivé.

Copine, qui avait écouté le vieux roi avec sollicitude, se lève alors :

— Votre reine…

— Après le départ du couple, interrompt le roi, mon père détruisit tous mes tableaux dans un de ces accès de violence qui me terrifiait, et il me fit jurer de laisser là ces enfantillages.

— Mais votre épouse, prévoyante, créa ce sanctuaire sans en rien dire, pour sauver quelques- unes de vos œuvres, conclut Copine. N’a-t-elle jamais essayé de vous en parler, plus tard ?

— C’est possible, répond le roi, mais je ne voulais plus entendre parler de cette période de ma vie !

— Elle a trouvé un moyen, pour que la vérité éclate, un jour…car, Sire, par un heureux hasard, nous pouvons vous donner des nouvelles de vos amis.

Copine lui raconte l’histoire du jeune couple dont la vielle femme rencontrée près de la frontière, leur avait parlé.

— La coïncidence est troublante, en effet, marmonne le roi.

— Mais le plus extraordinaire, reprend Copine en se tournant vers le chevalier, c’est que grâce au portrait, tu as reconnu ta mère ! Si tu ne sais rien, c’est qu’elle a voulu vous protéger de cette humiliante tragédie en effaçant toute trace de votre passage ici. Elle vous a inventé une autre histoire, plus simple, plus sûre ! Mais cela ne fait plus de doute, tu es celui nommé par la prophétie !

— Arrête avec cette prophétie, gronde le jeune homme. C’est le dernier de mes soucis.

— Pourtant, cela change la donne ! lance le vieux roi. Car elle vous identifie aussi comme mon successeur. Or, puisque vous êtes né sur notre sol, vous voilà légalement apte à exercer le pouvoir ici.

Le roi s’approche alors du jeune homme et lui met une main tremblante sur l’épaule :

— Chevalier, oubliez mes propositions antérieures ! Voulez-vous devenir le roi légitime et prophétisé de ce pays ? C’est le moins que je puisse faire, à la mémoire de vos parents. Ils n'avaient pas mérité la façon dont mon père les a traités !

Comme le chevalier le regarde les yeux ronds de stupeur, il insiste :

— Je comprends votre hésitation, vu l’ampleur de la tâche et la responsabilité qu’elle implique, Chevalier. Mais en acceptant, vous me tirez d’un mauvais pas, bien plus que je ne vous récompense.

Copine, qui s’est approchée, s’appuie sur l’embrasure près du chevalier et lui envoie un coup de coude joueur dans les côtes :

— Le chevalier est sous le choc, Sire, et qui ne le serait pas à sa place. Mais, pour ma part, je trouve l’idée magnifique, un dénouement inespéré à nos aventures, un destin digne de nos rêves les plus fous !

— Et il va sans dire, reprend le roi, que j’assurerai l’intérim, pour vous donner le temps de vous familiariser avec la situation, Chevalier. Ainsi, ce qu’il me reste de vie sera utile… et agréable si vous acceptez de m’épouser, Ma Mie.

Puis, se détournant brusquement pour se diriger vers la porte, il conclut :

— J’ai besoin de me reposer un peu ! Remettez-vous de vos émotions. Réfléchissez…

Puis il disparait derrière le battant pour reparaitre aussitôt :

— Il va falloir désactiver ce sanctuaire, je me perds déjà dans le château !

Copine saute sur ses pieds et, prenant le vieil homme par le bras, elle le reconduit vers la cheminée.

— Je vais m’en occuper, Sire ! En attendant, passez par là, vous serez dans votre bibliothèque.

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Miaoo!
Posté le 28/12/2019
Le site ne donne des sueurs ... à chaque fois que je quitte pour une pause, il perd le lien et je me suis retrouvée à avoir écrit plusieurs observations mais elles ont été effacées
😩 marre de me reconnecter !!!!!
Il y a une conjugaison : augment sans e et une phrase que je ne trouve plus ( à moins de recommencer du début 🤔) où justement il y un double « sans » quand le deuxième je crois devrait être un avec .. mais ce n’est pas clair ... suis au la montagne et mauvaises connexion en plus de l’exigence du site ... une autre relecture ? Prochainement ...
Cathie
Posté le 29/12/2019
Merci, je vais corriger. ET oui, le truc, c'est de copier/mettre ton commentaire dans le presse papier avant de l'envoyer. Comme ça s'il y a un bug (et les bugs c'est la vie) tu ne l'as pas perdu.
On en reparle alors ;-)
Miaoo!
Posté le 29/12/2019
Oui, mais en plus il faut un certain nombre de mots pour publier ... et même si j’ai trouvé comment m’y prendre, sur portable il est bien plus compliqué !!!
Cela attendra le retour de vacances 😉!
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