1- L’homme avec un hamster qui louchait de travers

Notes de l’auteur : D'avance, je vous remercie de me lire.
Pour celles et ceux qui souhaitent commenter, je précise que j'accepte les propositions de reformulation de phrase et la remise en question de mes idées.
Soyez critiques !

Mise à jour du chapitre : 22/03/2021 à la suite des commentaires et de quelques relectures.

Par où commencer ?

Depuis dix minutes sur le palier, l’homme se posait la question en boucle. Immobile devant la porte du studio qu’il avait refermée, il tenait entre ses doigts la clef qu’il n’avait pas retirée de la serrure. Par où commencer était le sujet qui tourmentait ce colosse de deux mètres vingt pour cent-cinquante-cinq kilos de muscles. Statique, il avait l’air d’un encombrant laissé sur place par des déménageurs découragés à l’idée de le descendre au rez-de-chaussée. C’était un peu la manière dont il se voyait souvent, encombré et encombrant.

Son regard vague fixait un point qu’il avait repéré sur la porte : un éclat dans la peinture noire, situé à fleur de la poignée plaquée en laiton. Ce genre de détail l’insupportait, car il détestait que ses biens s’abîment alors qu’il en prenait soin. Bien sûr, cette remarque le perturba et ne l’aida pas à trouver une réponse à sa question, au contraire. Il tenta de la mettre de côté et d’ordonner ses pensées. À l’évidence, il n’y parviendrait pas dans les dix prochaines minutes ni dans les dix suivantes. Il restait pourtant figé, perdu dans un vague raisonnement.

« Ploc ! » Un son comme celui qu’aurait produit une goutte, tombée de quelque part vers ailleurs.

« Ploc ! » Une autre.

« Ploc ! »

– D’où ça vient ? se demanda-t-il sorti de sa torpeur.

Rien ne l’agaçait plus que tout ce qui s’apparentait aux petits bruits gênants de la vie quotidienne. Celui-là ressemblait à la fuite d’un insupportable robinet qui vous réveille en pleine nuit. Comme aucune plomberie n’équipait les communs de l’immeuble, il craignit un problème de toiture et leva la tête vers le plafond. Fort heureusement, l’absence de trace d’humidité écartait tout risque d’étanchéité à faire réparer. On était vendredi et il n’avait aucune envie d’appeler des artisans le dernier jour de la semaine.

« Ploc ! » Une quatrième goutte. Il scruta le sol et son regard s’arrêta sur Chose, son hamster qui ne le quittait jamais. Atteint d’un strabisme divergent, ses pupilles ajustées à quatre-vingt-dix degrés, le rongeur tremblait comme à son habitude. Il ébroua sa robe blanc et caramel éclaboussée de curieuses pointes rouges qui n’avaient rien à faire là. Intrigué, l’individu se pencha et constata soudain, avec horreur, que la savate gauche de sa paire favorite en cuir souple couleur noisette cirée du matin, sa savate gauche était elle aussi souillée par quatre taches. Du marron foncé… Du sang !

« Ploc ! » Une cinquième goutte claqua à côté des autres.

« Ploc ! » Il jura, souleva le sac poubelle qu’il tenait en main et une septième goutte s’échappa du pli du fond pour s’écraser, « ploc ! », sur le bord du même chausson.

– Mais ce n’est pas possible ! s’écria le géant tout en tournant la clef qui actionna la serrure cinq points.

Il ouvrit la lourde porte du studio dont le bois peint en noir camouflait l’épais blindage.

– Suis-moi ! lança-t-il à l’attention de son animal.

Il marcha avec hâte vers la salle de bain, frottant le parquet de ses pantoufles nerveuses. « Chlip-chlip-chlip-chlip » ! Il devrait tout de même avoir l’habitude depuis le temps, se dit-il furieux contre lui-même. Il tenait haut le sac devant lui, une main dessous creusée pour recueillir les gouttes qui en coulaient. Leur rythme s’accéléra et forma un filet carmin crasseux qu’il ne put contenir. Il vociféra en déposant son fardeau sanguinolent sur le carrelage en mosaïque de la douche à l’Italienne. Il y avait du sang partout, depuis l’entrée jusqu’ici. Ça le rendait malade.

L’homme se lava les pognes à l’eau froide, car le secret avec le sang, c’est l’eau froide. Il les nettoya à quatre reprises tout en se houspillant. À quoi bon entretenir ses affaires s’il les salissait bêtement ? Il frotta les souillures devenues brunes sur le cuir noisette de sa savate cirée du matin. Comme il parvint à les faire disparaître sans laisser de trace — le secret avec le sang, c’est l’eau froide — il se calma un peu. Les jurons laissèrent place à des marmonnements dirigés vers le premier bouc émissaire qui lui vint à l’esprit.

Ah ça, il allait l’entendre le petit gars du Bricotou avec ses conseils à la mords-moi le nœud ! Ses sacs poubelle soi-disant professionnels ne valaient pas mieux que ceux qu’on trouvait en supermarché. Toute sorte d’insultes claquèrent dans le silence du studio et fustigèrent ledit vendeur de contenants en plastique. L’individu conclut son monologue grossier en s’imaginant planter une hache dans le crâne du commis pour le traîner jusqu’aux caisses du magasin de bricolage. Le carrelage hémoglobiné de l’allée centrale servirait d’avertissement à ses collègues : on ne raconte pas n’importe quoi aux clients !

En attendant cette mise au point, l’homme nettoya le sol de la salle de bain sous le regard entortillé de son hamster. L’animal se tenait à l’entrée de la pièce, un œil pointant vers le lavabo et l’autre vers le mur. Ses tremblements perpétuels agitaient les taches écarlates qui parsemaient son poil blanc et caramel. Avec vigueur, son propriétaire le saisit par la peau du cou pour le coller sous un jet d’eau froide. La bestiole grogna et se débattit de la plus vive énergie.

– Ah Chose, tu te tais, hein ! Je ne vais pas te laisser dans cet état. Tu sais très bien que le secret avec le sang, c’est l’eau froide !

Entre la protestation et le gémissement résigné, le petit mammifère poussa quelques sons que son maître étouffa dans une serviette de bain. Il le posa sur la lunette fermée des toilettes et le scruta pour vérifier sa propreté.

Ce hamster était particulier. Il tremblait de manière constante comme atteint d’une épilepsie chronique à laquelle il se serait habitué. Le plus curieux résidait dans son strabisme divergent. Ses yeux partaient dans des directions aléatoires qui défiaient les lois de la physique, de l’ophtalmologie et de la neurologie. Ils regardaient d’avant en arrière, de droite à gauche, d’en haut et d’en bas, de biais et de travers ou encore de dehors à dedans. Parfois un peu de tout cela en simultané, comme s’il jetait ses pupilles aux dés et qu’il s’accommodait du hasardeux résultat. Cela se révélait aussi attendrissant que dérangeant. Incapable de vivre en cage, ce curieux rongeur ne supportait pas la solitude.

– Reste ici, sinon tu vas tout me salir, ordonna l’individu. C’est compris ?

Le hamster émit un autre son.

– Je ne quitte pas le studio, on est bien d’accord ? Tu n’as pas besoin de me suivre.

Il l’observa à l’affût d’un signe qui aurait pu traduire une réaction affirmative. Il n’eut droit qu’à l’expression illisible d’une paire d’yeux qui roula pour s’arrêter, le premier en haut à gauche et le second en bas, à gauche aussi.

– Parfois, je me demande si tu comprends bien ce que je te dis, commenta l’homme. Regarde-moi quand tu me réponds pour voir.

Dans un effort couteux, l’animal tenta tout ce qu’il put. Son orientation oculaire adopta la parfaite symétrie de la précédente.

– Promets.

Le souvenir de l’eau froide était encore très froid. Un œil vers son derrière et l’autre vers le sac poubelle dégoulinant de sang dans la douche, Chose tressaillit de tout son corps en guise de serment. Cela sembla suffire au colosse.

Au son du seul « chlip » de sa savate droite, celui-ci s’occupa de nettoyer le sol de tout le studio. Il s’équipa de l’un des douze seaux, de l’une des quarante-huit serpillières et déboucha l’une des sept bouteilles de détergents qu’il mettait en réserve ici. Il se répétait que le secret avec le sang, c’est l’eau froide. Après huit passages et sept changements d’eau, il se dirigea vers la petite cuisine. Il vérifia avec minutie qu’aucune trace rouge-marron-brun ne souillait plus le parquet du salon. Il ouvrit le bahut sous l’évier où il prit l’un des rouleaux de sacs poubelle marqués deux cents litres. Il en possédait une sacrée quantité. Cela signifiait qu’il ne retournerait pas de sitôt au magasin de bricolage et que le vendeur malingre ne perdait rien pour attendre. Il lança à son intention une ou trois insultes en l’air tout en tirant un sac du rouleau qu’il reposa sur les autres. Ce stock était exagéré et il songea à ralentir la cadence.

Sur son chemin vers la salle de bain, le géant contrôla une nouvelle fois le stratifié du studio. En voulant éviter le tabouret placé sous la corde suspendue au plafond, il se cogna le tibia contre la table basse. Il injuria la mère de l’employé de Bricotou. Ouvrant le sac poubelle d’un coup sec, il fila vers la douche et empoigna le barda à l’origine de tout ce cirque. Il fit attention de ne plus rien salir en fourrant le premier sac dans le second. Méticuleux, il contrôla le pli du fond et, n’y faisant pas confiance, résolut de mettre le tout dans un troisième qu’il alla chercher. Au passage, il scruta le hamster du coin de l’œil. Celui-ci était bien assis à l’endroit où il l’avait laissé. Il tremblait de son imperturbable manière et visait autant le dessous du lavabo que le néon qui le surplombait.

Quand il eut fini d’astiquer la douche, l’homme se retourna pour contempler le résultat de son travail.

– CHOSE ! hurla-t-il.

Un claquement de dents lui répondit, interrogateur et anxieux.

– Tu m’as suivi, ne dis pas le contraire ! Regarde-moi ça, tu as mis des traces de pattes partout où j’ai nettoyé ! Tu crois que je n’ai que ça à faire ?

Un grognement couiné lui parut d’un ton inacceptable et, d’un geste excédé, il ouvrit le tiroir du meuble-vasque. Il en sortit un Desert Eagle, un pistolet massif qu’il écrasa sur la joue de la créature. Elle trembla en silence comme si elle n’avait jamais quitté la lunette des toilettes.

– Ne me mens pas ! Si tu bouges encore de là, menaça-t-il en appuyant un peu plus le flingue sur l’animal, je te tire une balle. C’est compris ?

Le hamster lécha le canon pointé sur lui et, paupières closes, s’y frotta à plusieurs reprises en ronronnant.

– Tu m’énerves, chuchota l’homme.

Il engagea la sécurité de son arme qu’il rangea. Incapable de faire le moindre mal à son compagnon, il se faisait souvent duper. Il ne pensa même pas à nettoyer les pattes de la bestiole qu’il installa sur son épaule, remercié par un éternuement.

– C’est bien de t’excuser, mais faudrait quand même que tu apprennes à rester seul de temps en temps, répondit-il avec douceur.

Le caractère de ce gaillard suivait le parcours imprévisible de montagnes russes. Il chercha l’une des cinquante-deux éponges neuves sous l’évier de la cuisine et du détergent. Il effaça les empreintes du rongeur tout en le réprimandant au sujet de sa difficulté à supporter la solitude. Il devrait savoir que jamais il ne l’abandonnerait !

Après quatre inspections méthodiques, il ressortit du logement et en ferma la porte à double tour. Il descendit par l’escalier de l’immeuble, car l’ascenseur ne fonctionnait pas. Ne fonctionnait toujours pas.

Fichue machine classée par les Bâtiments de France ! Huit mois pour obtenir une pièce fabriquée sur mesure dans une usine perdue en Loire-Atlantique. Pourquoi fabriquait-on des pièces d’ascenseurs classés en Loire-Atlantique, d’ailleurs ? Il s’était posé cette question en montant plus tôt le matin, à midi et après-midi. Il la ressassait et la chassait de son esprit plusieurs fois par jour depuis huit mois, car il oubliait systématiquement l’état de panne de cet ascenseur.

Arrivé au rez-de-chaussée, six étages plus bas, il sortit par l’arrière de l’immeuble. Il jeta son étrange fardeau dans le conteneur des déchets ménagers et expira un grand coup. C’était le moment mérité d’un bon whisky, un Nikka.

 

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– Par où commencer ? se répéta l’homme, à voix haute.

Assis derrière son secrétaire, il affala sa gigantesque stature dans son vieux fauteuil en cuir marron. Il en caressa les impeccables accoudoirs en merisier. Il soupira pour souffler la poussière qui recouvrait son cerveau. Il ne réussit qu’à se ramollir plus encore, à s’enfoncer plus en profondeur dans le désarroi d’une vaine quête d’inspiration. Ses doigts manipulèrent un stylo quatre couleurs prévues pour écrire, compléter, commenter et corriger. Le rouge ne lui servit qu’à griffonner un dessin abstrait qui, tourné en n’importe quel sens, ne lui évoqua rien de plus que rien. Dépité, il abandonna le crayon à bille au profit des feuilles perforées, posées sur le bureau. Il les arrangea de manière à reformer un beau paquet régulier, pour ordonner ses idées. Il se trouva ridicule avec son papier de collégien aux réglures Sieyès. Il l’avait choisi pour écrire quelque chose de propre sur un support propre. Tu parles d’un imbécile.

Il ressassa l’unique question qu’il était parvenu à inscrire en noir sur sa page : « Par où commencer ? » Il chercha une réponse dans les balancements de son siège, tantôt de gauche à droite, tantôt de droite à gauche et d’avant en arrière. Sa main joua avec le verre de whisky vidé à dix-sept reprises depuis son retour du studio. Il compara son ennui à celui de Sherlock Holmes et songea qu’il pourrait suivre des cours de violon… Il nota cette idée sur un bloc de petites feuilles autocollantes sur lesquelles étaient écrites toute sorte d’activités qu’il barrait après y avoir pensé une seconde. À force de réfléchir, il s’avachit au plus bas de son fauteuil. En rotation, il observa une millième fois le cabinet où il était installé.

Il habitait le quartier de la Neustadt à Strasbourg, dans un bel immeuble daté de 1902 et marqué, sur le fronton d’entrée, par l’estampille de son architecte allemand avant-gardiste et un peu fou. Depuis de nombreuses années, le colosse était le seul propriétaire de la bâtisse. Ce qu’il appelait le cabinet était en réalité l’unique appartement du rez-de-chaussée. Il passait le plus clair de son temps dans la pièce principale qui, naguère, avait fait office de grand salon. Deux magnifiques lustres en cristal de Baccarat en ornaient le haut plafond. Ils surplombaient un assortiment de trois généreux canapés en cuir, deux rouges et un doré. Il n’était pas rare qu’il se réveille dans l’un d’entre eux à la suite d’une cuite. Ces meubles étaient agrémentés de divers guéridons, tables et lampes aux abat-jours en peau colorée. Cela créait une ambiance cosy-art déco qui relevait à merveille le parquet en chêne avec le défaut d’attirer la poussière. Ce sol en bois massif était recouvert de tapis orientaux, de magazines et de livres que l’homme déplaçait à chaque ménage, mais qu’il n’aurait rangés pour rien au monde. Ici, il s’octroyait le seul désordre de sa vie. Ce capharnaüm avait une manière esthétique, selon lui, d’accrocher la lumière que diffusaient de larges portes-fenêtres qui ouvraient sur une terrasse. Construite au-dessus de la cour intérieure de son immeuble, il y passait de nombreuses soirées à fumer un cigare Wild Churchill et en buvant un verre de cognac ou deux bouteilles.

Cet immense gaillard aimait l’alcool. C’était la raison pour laquelle la grande cheminée de sa pièce à vivre était aménagée en bar à liqueurs. Pour ne jamais en être trop éloigné, il avait installé son bureau juste à côté. Cet ensemble de collection, le véritable mobilier du Tsar Nicolas II, lui rappelait de longues conversations avec des personnes de qualité. À ce titre, il y portait une affection toute particulière. À part le siège. Il avait relégué ce machin inconfortable et trop étroit dans un coin pour que son hamster y roupille. L’homme, quant à lui, s’était offert un formidable fauteuil anglais des années 50 qui appartint à Ernest Hemingway. C’était là qu’il se tenait, bercé par la musique que diffusait son ampli. Il soupira en pensant à l’écrivain.

La piste Yumeji’s theme, de la bande originale du film In the mood for love, faisait maintenant divaguer son esprit vers sa riche discothèque. Elle occupait l’espace des trois vastes chambres à coucher et du petit salon de jadis. Il avait abattu et consolidé des murs pour organiser le rangement de sa précieuse collection de cent-quatre-vingt-six-mille-deux-cent-soixante-et-onze disques vinyle. Ce mélomane averti les classait avec le soin d’un archiviste.

Angkor wat theme de Michael Galasso accompagna son regard nébuleux vers un large miroir mural qui camouflait un escalier secondaire. Construit à la place de l’antichambre du grand salon, cet escalier assurait une fonction différente de celui des parties communes de l’immeuble. Il s’agissait de l’unique voie d’accès au cabinet dont l’individu avait condamné la porte palière un jour d’ennui. Il avait eu l’idée saugrenue de créer un semblant de chemin secret entre la cave, ce rez-de-chaussée et le premier étage. Depuis dix ans, il conservait le plaisir d’ouvrir cette porte dérobée, cachée derrière un miroir.

Il scrutait toujours son reflet quand Aquiellos ojos verdes par Nat King Cole le tira de sa torpeur.

– Bon ! Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ! soupira-t-il tout en éteignant sa chaine Hi-Fi haut de gamme. Il alla placer soigneusement le disque à l’endroit qui était le sien et, aussitôt suivi par son hamster, monta au premier niveau par le passage secret. Là-haut, au premier, l’appartement était aménagé en une vaste bibliothèque de quatre-vingt-dix-huit mille deux cent quarante-trois ouvrages. Ils étaient triés dans des allées numérotées et répertoriés sur des fiches classées dans un meuble dédié à cela. Il déambula entre les rayons, caressant du bout des doigts quelques-unes des reliures de livres. Aucun mot ne pouvait exprimer son amour de la littérature et le plaisir que lui procurait l’obligation de passer par la bibliothèque en entrant ou en sortant du cabinet. Arrivé dans le vestibule, il chaussa ses savates en cuir souple et couleur noisette qu’il avait cirées une deuxième fois depuis ce matin. Il saisit son trousseau de clefs, claqua la porte qui menait sur le palier et appuya sur le bouton d’appel de l’ascenseur.

 

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Fichue machine classée par les Bâtiments de France ! Huit mois pour obtenir une pièce fabriquée sur mesure dans une usine perdue en Loire-Atlantique. Pourquoi fabriquait-on des pièces d’ascenseurs classés en Loire-Atlantique, d’ailleurs ?

Il monta à pied jusqu’au sixième étage et en profita pour vérifier qu’aucune de goutte de sang soit tombée sur les marches de l’escalier des communs. Il ouvrit la porte blindée habillée de bois peint en noir et y remarqua, une seconde fois, cet éclat dans la couleur près de la poignée plaquée en laiton. Ce genre de détail avait la faculté de l’obséder. Il pénétra dans le studio. En réalité, c’était un petit deux-pièces avec cuisine et salle de bain, mais il l’appelait le studio. Personne n’aurait pu y redire quoi que ce soit, car ce qui s’y passait ne sortait pas de ses murs. Ce logement était son espace le plus intime, son temple.

En prenant toutes les précautions d’un rituel, il se déchaussa et se rendit au salon en prenant soin de ne pas se cogner à la table basse ni au tabouret placé sous la corde suspendue. Il scruta encore le parquet pour s’assurer de sa propreté et gagna ce qui fut autrefois la chambre. Une sorte d’enduit très sombre étanchait la pièce du sol au plafond. L’un des murs supportait un grand cagibi à cinq ventaux et un meuble de cuisine, opaques eux aussi. Une épaisse bâche en plastique était disposée par terre et Chose se roula dessus de bonheur. Il aimait le plastique.

L’homme ouvrit les portes du placard dans lequel étaient rangés différents objets contondants. Comme aucun ne l’inspira, il porta son choix sur une large variété de pistolets et de révolvers qu’il observa avec minutie. Il décida qu’il lui fallait du gros. Il saisit un Taurus Raging Bull et sortit d’un carton six cartouches .44 Remington Magnum. Il les aligna sur le plan de travail du meuble avant d’inspecter le canon de son arme. Ensuite, il fit tourner le barillet près de son oreille, car c’était un geste de film de cow-boys qu’il adorait reproduire. Il actionna alors le mécanisme d’ouverture pour charger le révolver :

– Ben, elles sont où ? s’étonna-t-il.

Ses munitions avaient disparu de l’endroit où il les avait posées. Il regarda au sol puis sous le meuble, dans ses poches. Rien. Il vérifia la boîte dans le cagibi. Oui, il les avait bien prises.

– Mais, je ne suis quand même pas fou ! Chose, tu as vu mes balles ? Je suis certain de les avoir…

Debout sur la bâche, un œil vers le plafond et l’autre vers sa bouche, le hamster tremblait et avait les bajoues pleines.

– Ça ne va pas, non ? Rends-les-moi tout de suite !

Le rongeur piailla tant de travers qu’un filet de bave dégoulina entre ses dents et ses pattes arrière.

– Tu n’arrives même plus à parler, c’est n’importe quoi !

Il saisit l’animal et le secoua avec une vigueur démesurée.

– On-ne-mange-pas-les-munitions ! articula-t-il.

À contrecœur, la tête en bas, Chose recracha les cartouches une à une.

– Faudrait que tu arrêtes de bouffer tout ce qui te passe sous le nez.

L’homme le lâcha. Il chargea son arme, tandis que l’exaspérante bestiole se roula avec joie sur la bâche comme si de rien n’était. Le géant s’avança vers le centre de la pièce en grommelant, inspecta encore une fois son révolver avant d’en poser le canon contre sa tempe.

Il tira.

 

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Écrasé par le cadavre de son maître, Chose manquait d’air et ses yeux hypotropes semblaient sortir de leur orbite. Seules sa tête et ses pattes avant dépassaient du corps inerte qui lui était tombé dessus. Il tenta de s’en extraire en couinant et en tirant de toutes ses forces, ses griffes minuscules plantées dans un parquet stratifié qui n’offrait aucune prise. Le rongeur fournit d’âpres efforts et, dans un douloureux craquement de ses petites côtes, parvint à se libérer de cette lourde masse de chair morte. Étalée sur le sol, la bestiole ressemblait à un hérisson d’autoroute. En quête de souffle, Chose poussa de grands râles rauques tout en se retournant vers le macchabée. Gagné par l’inquiétude de ne percevoir aucun mouvement de vie, le hamster se précipita sur le large torse de la dépouille et fit des bonds à sonner le tambour.

Soudain, « POUF ! »

Quand il ouvrit les paupières, le colosse était allongé sur le dos et son animal de compagnie piaillait de joie. Il maugréa. Il venait de remarquer que le vernis noir du plafond se craquelait par endroits et que l’on voyait du blanc dessous. Maintenant qu’il l’avait repéré, il ne penserait qu’à ça et il devrait repeindre. Pareil, l’éclat près de la poignée en laiton de la porte d’entrée. Il serait obligé de retourner, encore une fois, à Bricotou. Un large sourire se dessina sur son visage. Ha, ha, ha ! Il allait choper le vendeur de sacs poubelle !

Il roula sur le côté et se leva pour plier avec adresse la bâche souillée par son propre sang, ses débris d’os, un œil et des projections organiques de son cerveau. Il ferma le tout avec de l’adhésif très résistant prévu à cet effet et l’emballa dans deux sacs estampillés deux cents litres. Il quitta ensuite le studio pour jeter ses résidus dans le compartiment bleu du local à déchets de l’immeuble.

– Fichue machine classée…

Il termina son habituelle litanie en silence. Arrivé dans la cour, il pensa qu’il faudrait la balayer et se dit qu’il lui manquait quelque chose.

– Mais ce n’est pas vrai ! s’écria-t-il.

Fâché, il monta deux par deux les marches de l’escalier vers le studio. Il y récupérera le rouleau d’adhésif, une paire de ciseaux et deux autres sacs poubelle. En redescendant, après avoir appuyé sur le bouton d’appel de l’ascenseur, il se jura qu’il téléphonerait cette fichue usine en Loire-Atlantique pour leur passer une savonnée. Si jamais, oh si jamais, on osait lui parler de travers, il se rendrait sur place pour la fabriquer lui-même, cette pièce de malheur. Il décida qu’il emmènerait une tronçonneuse pour le cas où les ouvriers s’avéreraient récalcitrants. De retour dans la cour de l’immeuble, il ouvrit le conteneur bleu et entendit de petits grognements étouffés.

– Oh, ça va ! Qu’est-ce que tu faisais dans la bâche, hein ?

Il déchira les sacs.

– Non mais, regarde dans quel état tu es. Eh bien sûr, Monsieur va encore se plaindre quand je le laverai à l’eau froide !

Chose manifesta sa colère par un claquement de dents et tremblait plus qu’à l’accoutumée. Ses journées se suivaient et, peut-être, se ressemblaient-elles trop ? Le hamster dans la main, l’homme remonta au studio pour le nettoyer, ranger l’adhésif et la paire de ciseaux. Il en avait assez de cet escalier ! Il insulta tous ceux qu’il pouvait : le vendeur de sacs poubelle, les Bâtiments de France, les ouvriers de l’usine d’ascenseurs, le directeur de l’usine d’ascenseurs, l’inventeur de l’ascenseur et l’architecte allemand avant-gardiste un peu fou. Au moment où il pénétra dans le studio, un dring agressif retentit. C’était la sonnette d’entrée, en bas de l’immeuble. Ah, c’était bien le moment ! Il redescendit, accompagné par le bruit strident du carillon, ses injures, les « chlip-chlips » de ses savates et les couinements de Chose qui, englué dans des restes organiques, tremblait toujours.

– C’est bon, j’arrive ! lâcha-t-il en ouvrant la porte à un livreur qu’il dépassait de deux têtes.

– Monsieur Éric Dunom wesh ? demanda celui-ci sans le regarder. J’ai un paquet pour vous. Signez là.

En guise de réponse, le coursier eut droit à un dédain non dissimulé. Il était d’un genre détestable, celui à ne pas commencer sa phrase par « bonjour » et à écorcher le nom des gens sans s’en excuser. Il écarquilla les yeux quand il les leva vers le géant. Il aurait été plus intimidé encore s’il avait su que l’autre s’imaginait lui attraper la mâchoire des deux mains et la lui péter en deux, ici sur le trottoir.

– Je vérifie d’abord le contenu, lança le grand bonhomme.

– Vas-y, M’sieur, s’il vous plaît ! J’ai pas le temps, t’sais quoi.

Un silence lourd lui répondit à la manière d’une stèle de marbre. Un échange de regards, que certains auraient qualifié de baston, fit se rabougrir le messager.

– Mais j’peux attendre un peu. Y a pas d’problème, t’inquiètes M’sieur. Ça va, ça va.

Le colosse lui refourgua le hamster contre le paquet et l’ouvrit avec précautions. Il contenait une première édition de The case of Charles Dexter Ward qu’il avait payé un prix assez fort. Le livre était en excellent état et très bien emballé. Il fut satisfait.

– Hé, il est bizarre votre hamster-là ! lâcha son interlocuteur dégoûté de tenir la bestiole poisseuse. Wesh, il est malade ou quoi ? On dirait il a d’la je sais pas quoi sur la gueule.

L’homme saisit le terminal tactile du livreur, le signa, reprit son compagnon et claqua la porte sans dire au revoir. Il entendit un distant « Vas-y, bâtard » auquel il ne prêta aucune attention et remonta vers le studio. Fichue machine classée…

Arrivé là-haut, il lava le rongeur qui glapit quelques fois d’irritation malgré de sévères réprimandes. Il avait qu’à ne pas être resté sur la bâche et il savait très bien que le secret avec le sang, c’est l’eau froide ! L’individu allait ressortir du petit appartement quand il se dit qu’il pourrait bien profiter d’être ici. Il en méritait bien un dernier. Il se rendit alors aux toilettes pour uriner et retourna dans le salon. Puis, il monta sur le tabouret disposé sous la corde suspendue au plafond. Il passa la tête au travers du nœud coulant qu’il avait préparé avec soin la semaine précédente. Dans les règles de l’art, il le serra autour de son cou, fit valser le marchepied sur lequel il se tenait et mourut dans d’horribles convulsions. Les yeux hypertropiques de Chose observaient le corps qui se balançait tel un pendule au-dessus de lui. Hypnotisé par le mouvement horloger, il entendit un « POUF ! » et cent-cinquante-cinq kilos de muscles l’écrasèrent dans leur chute.

Quelques minutes plus tard, le colosse s’éveilla sur le sol. Il était déjà dix-sept heures et il ne s’était suicidé qu’à trois reprises aujourd’hui. Il pensa que c’était acceptable. La veille, il en avait eu besoin de cinq. Avec calme, il reposa le tabouret sur ses pieds, défit le nœud coulant et le prépara pour une prochaine fois. Un feulement lui signala la réprobation de Chose.

– Oui ben, il n’y a pas dix minutes je t’ai dit de ne pas rester où il ne fallait pas. Mais bien sûr, tu ne m’écoutes pas. Ne te plains pas si je te tombe dessus. Viens, je vais cuisiner.

Il inspecta le studio pour vérifier qu’il était bien en ordre et le quitta, apaisé.

Fichue machine classée…

 

#

 

De retour à son bureau, l’homme s’installa dans son confortable fauteuil. Il se servit un dix-huitième verre de whisky, l’équivalent de vingt centilitres bien tassés. Il en but la moitié d’une seule rasade. Il piocha quelques biscuits bretzels dans la boîte qu’il avait posée devant lui et regarda son hamster. L’animal repu par un risotto aux girolles était lové dans le siège du Tsar Nicolas II. Il grinçait des dents en roupillant. L’album Fits of Reason de Brown Bird l’avait aidé à s’endormir. La chanson Bow for blade débutait en même temps que l’écriture sur les feuilles à carreaux Sieyès.

 

Par où commencer ?

Je m’appelle Emrys. Il y a bien des années, j’ai pris le nom de Dūnon. Ça veut dire forteresse ou montagne. En ce qui me concerne, je préfère le deuxième sens.

Je n’ai que très peu de souvenirs de ma mère et j’en ai encore moins de mon père. Ce n’est pas que j’ai été orphelin ou abandonné, non. Je ne me souviens pas bien d’eux, c’est tout. Ils sont loin dans ma mémoire. Je suis mort tant de fois, j’ai traversé tant d’époques — rarement dans le bon ordre — que j’ai souvent du mal à ne rien mélanger dans ma tête.

– T’écris quoi ? Fais voir, lui demanda sur un ton curieux une voix haute perchée et nasillarde, désagréable à l’oreille.

Toutefois, il me reste une chose que je ne peux pas oublier. Comme une mouche peut passer son éphémère existence circonvolutionnaire au-dessus du séant d’une vache, Maeleg passe la sienne collé au mien.

– Techniquement, ma vie est terminée depuis bien longtemps, intervient ledit Maeleg.

– Je sais. Tu es quand même collé à mes fesses. C’est une question de style. Cette phrase me plaît bien.

Techniquement, sa vie s’acheva pourtant il y a bien longtemps.

– Oh, « s’acheva », reprit Maeleg avec emphase. On dirait un verbe d’écrivain qui s’enfile ses propres stylos tellement il s’écoute parler… euh, s’écoute écrire… Attends non, il ne peut pas s’entendre écrire, ou alors il n’entend que son stylo qui fait critch-critch. Il se lit écrire. Ouais, on dirait un écrivain qui se lit écrire.

Maeleg est mon cousin. En réalité, c’était le frère de ma sœur que mon père a eue avec une autre femme que ma mère. Maeleg était bien le fils de son père et de sa mère. Pour simplifier, on a dit que c’était mon cousin. Pour dire vrai, je n’ai jamais compris grand-chose à cette famille.

– Hé, ho ! Pour quelqu’un qui ne se souvient ni d’son père, ni d’sa mère, t’as la mémoire vachement précise à mon sujet, postillonna Maeleg.

Il renâcla et cracha sur le parquet :

– T’écris pour qui ? 

– Pour personne. J’écris pour m’occuper, répondit Emrys, le regard arrêté sur l’épaisse glaire verdâtre collée au sol.

Il entoura en bleu la première phrase au sujet de ses parents. Il devrait prendre le temps d’y réfléchir. Parfois, des réminiscences émergeaient sans qu’il se l’explique.

– C’est complètement con. On écrit toujours pour quelqu’un, sinon on n’écrit pas ! On s’cause à soi-même dans la rue et les gens croient qu’on est timbré. C’qui t’arriverais si tu sortais plus souvent d’chez… 

– J’écris mes mémoires, voilà ! coupa Emrys agacé. 

– Ça me dit pas pour qui, crénom de vache à cul !

– Arrête de jurer ! Je n’écris pour personne ! C’est Emmanuel qui m’a conseillé de le faire pour m’aider à… à me reconstruire.

– Ha ! Ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas entendu parler de ce foutu psy ! « Docteur Emmanuel Schildknecht, pour vous servir », dit Maeleg sur un ton bourgeois si mal prononcé que l’on eut dit un accent du Sud-Ouest de la France. L’est comme son paternel celui-là, avec sa silhouette d’asperge et ses phrases à la con. « Oh ! Tonton Emrys, vous devriez écrire vos mémoires. Diantre, que m’arrive-t-il ? Je crois que je défèque un stylo tout neuf ! Et un quatre couleurs, s’il vous plaît. Tenez, je vous l’offre et j’y ajoute quelques cachetons pour bien vous défoncer la gueule jusqu’à notre prochaine séance. Voilà qui nous fera cent-cinquante euros pour les vingt minutes que vous venez de perdre chez moi. », railla Maeleg en s’imaginant imiter le psychiatre à la perfection.

Il renâcla une seconde fois et propulsa un mollard au même endroit que le premier. 

– Mais tu es écœurant, va cracher ailleurs ! Et nettoie tes cochonneries ! 

– Y a rien à essuyer, tu l’sais très bien Cousin, ricana Maeleg. Sauf si cette fois, tu as craché pour de vrai. Mais ça, tu l’sais pas, hein ? T’as tellement un pet au casque que t’es incapable de faire la différence entre c’que tu fais ou c’que tu penses que je fais.

Emrys regarda le sol qu’aucune glaire ne souillait :

– Manu est un chic type. Sans lui, sans son père que tu dénigres injustement, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui. Tu n’as pas le droit de parler d’eux comme ça, tu m’entends ? Tu n’as pas le droit.

– Calme-toi, Cousin… tu réalises que c’est pas vraiment moi qui parle, pas vrai ?

Emrys garda le silence pendant quelques secondes et reprit son écriture. 

Maeleg n’existe pas. Enfin, il n’existe plus. Je l’aimais comme une partie de moi-même, malgré son côté un peu particulier et son langage de charretier. Tout juste après son décès, j’ai cru qu’il m’était revenu sous la forme d’un spectre. C’est bien plus tard que j’ai compris qu’il n’était qu’une projection mentale de…

– Tu peux marquer que t’es fêlé, hein. C’est bon ça pour la reconstruction, se regarder en face. C’est comme qui dirait de la reconstruction faciale.

Une projection mentale de mon défunt cousin dont la mort avait été pour moi un véritable choc psycho…

– Attends, tu te répètes. Tu écris de la merde. Le lecteur sait déjà que je suis crevé, tu l’as dit juste avant. Y a plus de suspense. Elle est pourrie ta révélation. 

– Ce n’est pas une révélation, c’est une figure de style ! 

– Ouais, eh ben ton style se casse la figure !

– Maeleg, tu commences à me taper sur le système ! Tu balances des vannes à chaque phrase. De toute manière, tu ne sais même pas écrire alors je ne vois pas pourquoi tu la ramènes.

– P't-être que je ne sais pas écrire, Monsieur Emrys, mais je t’entends penser dans ta tête ! Ça va pas du tout, on s’fait chier en lisant ton truc. Tes lecteurs vont croire que t’es une fiotte.

– Je t’ai dit qu’il n’y aura pas de lecteurs !

– Fiotte, fiotte, fiotte, fiotte ! se moqua Maeleg. « Mon papa, ma maman, gna, gna, gna. » On s’en fout, bordel ! Te laisse pas embarquer par ton psy à la con. Nous sommes des guerriers, Cousin. T’es un putain de guerrier ! Tu veux écrire ton histoire ? Alors, commence par la gloire et par le sang. Celui des ennemis que tu as massacrés de tes propres mains.

Chose apparut sur le bureau en un bond surprenant. De l’œil droit, il regarda son maître qui changeait de voix et d’attitude en dialoguant avec son alter ego imaginaire. L’œil gauche reflétait sa méfiance face à ces scènes schizophrènes. En général, cela signifiait qu’il prenait un vilain coup. Il lâcha sur le bureau du tsar une petite ribambelle de crottes nerveuses qu’il dégagea de sa patte arrière avec une discrétion des plus inefficaces.

– Ah ben, le v’là encore celui-là ! s’interrompit Maeleg. T’es toujours pas mort Tic et Tac ?

– Je voudrais bien que tu sois gentil avec lui, demanda Emrys. Ce pauvre animal est aussi maudit que moi.

– Putain, avec tout ce qu’il se mange dans la gueule… J’comprends pas pourquoi y s’barre pas.

– J’ai cessé de me poser cette question il y a longtemps. Je t’avoue qu’il me manquerait s’il n’était plus là. Au moins, je sais qu’il existe.

– Mouais. Faudrait p’t’être penser à de l’orthoptie quand même, hein. J’ai l’impression qu’il a un œil qui va se détacher du nerf et lui tomber au fond du crâne. Tiens, c’est nouveau ça. Il danse maintenant ?

Pendant plusieurs dizaines de secondes, le hamster fut pris de violentes convulsions avant de revenir à son tremblement naturel. Les deux personnalités d’Emrys se regardèrent et décidèrent de l’ignorer. Le grand bonhomme alla chercher un disque en se répondant à lui-même qu’il mettait la bande originale du film Gladiator. Il se félicita de son choix et se servit un dix-neuvième verre de whisky, un généreux Caol Ila de 1981. Il s’installa à son bureau sur lequel il prit une nouvelle feuille de papier. Stylo en main, il tourna la tête et cracha par terre.

– Maeleg !

– C’est pas moi !

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Shangaï
Posté le 17/03/2021
Salut,
je me suis lancé dans ma lecture en me disant que j’allais noté mes remarques au fur et à mesure et j’ai bien fais, car il y a beaucoup à dire !

La répétition de petits détails mettent bien en scène le côté névrosé du personnage. « Avec le sang le secret c’est l’eau froide ! »
Je trouve le hamster vraiment bien représenté entre son strabisme et ses tremblements ! Je l’imagine parfaitement !

Je me demande bien ce qu’il y a de le sac poubelle pour qu’il déverse autant de sang. Au vue de ses pensées vers le vendeur je pense qu’il pourrait bien s’agir de quelque chose de sordide ^^ Le fait qu’il veuille à ce point voir son appartement impeccablement rangé à de quoi mettre la puce à l’oreille !

Je trouve ton personnage génialement loufoque ! Braquer un hamster avec un flingue c’est pas commun et un hamster qui ronronne encore moins…

Les répétitions se suivent et ne se ressemble pas et cela ne fait encore qu’accroître le côté névrosé du personnage, décidément je trouve ta plume très aiguisé !

Pour ce qui est des descriptions vue que c’était à ce sujet que te questionnait, à moins qu’il soit indispensable au lecteur de connaître l’appartement dans ses moindres recoins, je dirais que tu pourrais quelque peu alléger. Effectivement cela mets en avant l’ambiance : le whisky, le shesterfield, … Mais c’est tous de même un gros pavé, qui même si il est parfaitement bien écrit, ma par moment fait décroché de ma lecture car un poil trop long à mon goût. J’ai trouvé par contre tes descriptions clair et je me suis bien visualisé dans le lieu !

Hé bien le coup du « suicide » je ne l’avais pas vu venir ! J’avais encore moins venu venir le fait que l’homme se relève après s’êtes explosé le crâne. Décidément je vais de surprise en surprise avec ton texte !

Original le mec accro au suicide, moi qui pensait au début qu’il avait plutôt assassiné quelqu’un, je ne me doutais pas qu’il s’agissait de quelques chose d’autrement plus bizarre !
Le colosse me fait pensé à un super-héro blazé qui ne ressens pas les effets de l’alcool, la douleur et qui ne peut pas mourir ! En somme quelque de tout à fait sympathique ! Cela dit je suis heureuse de pas avoir un voisin tel que lui…

Je trouve l’idée que ce personnage écrive et nous donne par la même occasion quelques informations très bien trouvé. Le lecteur à commencé à se faire une idée de qui il a affaire et cela vient compléter le tableau !
Je me demande seulement pourquoi son « cousin » vient lui parler seulement maintenant ? Cousin qui soit dit en passant semble tous aussi fêler que le mec en question, mais comme c’est plutôt une façon de se parler à lui même…

Bien le côté très clairement schizo me fait maintenant me demander si cet homme se suicide vraiment ou si il ne fait que le croire ? Le livreur à pourtant bien constaté que le hamster était sale et plein de sang mais le personnage aurait également pu inventer cela !

Bref au bout du compte je suis aussi perdu au début qu’à la fin à propos de ce personnage et il y’a pourtant un sacré paquet d’informations ! Attention cela n’est pas négatif ^^

Je trouve ta plume agréable à lire et clair, je n’ai rien à dire sur le style, et sur le fond je ne peux que dire que j’ai passé un fort bon moment bien que vraiment étonnant x)
FabrysBesson
Posté le 17/03/2021
Merci Shangaï d'avoir pris le temps de commenter !

Je constate avec plaisir que certaines choses fonctionne dans ce premier chapitre et c'est une véritable délivrance !

Les descriptions de ses appartements me servent autant à présenter l'endroit que le personnage principal.
Cependant, quelqu'un m'a déjà fait la même remarque que toi.
Je ne sais pas encore si c'est une question de goût ou si je peux faire mieux. J'attends d'avoir plus de retours pour mieux savoir que je pourrais améliorer.
Je me laisse l'opportunité d'être ouvert à ce sujet.

Au sujet de l'alcool, tu as vu juste.
Il n'en ressent plus les effets, en tous les cas, pas comme nous. Je suis amateur de whisky, mais j'ai parfois du mal à terminer un seul verre.
Par contre, il éprouve la douleur. De ce que j'ai lu, l'ingestion de cyanure n'est pas la plus douce des morts :)

Il y a une raison pour laquelle Maeleg n'apparaît pas plus tôt. Si je l'expliquais maintenant, je dévoilerais une partie du cheminement d'Emrys de manière prématurée. Je me réserve cela pour plus tard (quasiment à la fin du livre, pour tout te dire).
Tu en apprendras plus sur le cousin au prochain chapitre et au huitième.

Encore merci pour tes compliments. Je suis content d'avoir des réactions comme celles que je lis ici.
Tu as bien résumé mon intention qui vise à faire passer un bon moment (avec le cœur bien accroché, tout de même).
En ce qui me concerne, je m'amuse !
Shangaï
Posté le 17/03/2021
Bien bien bien, ta réponse me donne encore plus envi d'aller la suite ! Je le ferai dés que j'aurai un peu de temps devant moi :)
Je te dis donc à très vite !
Pouiny
Posté le 15/03/2021
Ouah, c'est monstrueux x) Comment dire... Il y a une ambiance, entre le glauque et l'absurde, le sale et le poétique ! J'avais un peu l'impression de lire une sorte d'Alice aux pays des merveilles, mais une version horrifique. J'adore les répétitions qu'on a tout le long, c'est vraiment rythmé, c'est prenant ! Par contre, entre le desert eagle et toutes les références musicales anglaise, j'avais pas du tout l'impression d'être en Loire-Atlantique , c'est sans doute voulu ?

Le langage du jeune avec les wesh, ça m'a un peu surpris, parce que jusque là j'avais l'impression d'être dans un monde où on ne sait pas trop quand exactement ça se déroule (si c'est au XXe ou au XXIe) et le "wesh" je me suis dit "waaa ok donc on est aujourd'hui". ça perdait un peu de son aura, je saurai pas trop comment expliquer, mais c'est peut être que moi, aussi !

C'est vraiment impressionnant, j'avais été intrigué par le titre et par le résumé, mais là ça prend vraiment mon intérêt !
FabrysBesson
Posté le 15/03/2021
Hello Pouiny,

Merci pour ton commentaire, j'en ai besoin :)
La preuve est que je n'étais pas clair au sujet de la localisation de ce premier chapitre.
Nous ne sommes pas en Loire-Atlantique, mais à Strasbourg.
J'ai modifié "Il habitait le quartier de la Neustadt à Strasbourg, dans un bel immeuble (...)"
C'est un quartier construit lorsque l'Alsace et une partie de la Lorraine faisaient partie du Deuxième Reich jusqu'à leur libération en 1918.

En ce qui concerne l'époque, il m'a semblé que les références aux sacs poubelle, puis au film In the Mood for love étaient des indications suffisantes. J'ai dû te perdre quelque part :)

J'espère que la suite te plaira !
Pouiny
Posté le 15/03/2021
Woops zut, eh ben j'aurai eu 0/20 sur un questionnaire de lecture dis donc ^^"' J'avais compris qu'on était en France (notamment le langage du livreur) mais comme il y avait beaucoup de fois cité l'usine de Loire atlantique, j'ai fait une confusion X_x' Et j'avoue que j'avais pas toutes les références citées donc au niveau de la temporalité ça m'a également un peu embrouillé, mais du coup j'ai découvert des trucs sympatique ! Merci et désolé x)
Eryn
Posté le 11/03/2021
FabrysBesson, j'ai adoré ton style ! Ce type avec son hamster est génial ! Ce qui est cool c'est qu'à aucun moment tu ne nous expliques ce qu'il y a (qui se trouve) dans le sac, mais bon, ça semble assez clair...
J'ai un peu buggé quand on est passé à Maeleg et Emrys, par contre.
Ah et j'ai adoré le mec qui se plaint de la qualité des sacs poubelles... ah et je suis fan du hamster !
FabrysBesson
Posté le 11/03/2021
Merci pour ton commentaire, Eryn !

Je veux bien que tu m'en dises plus au sujet du bug que tu as ressenti quand on passe à la scène d'Emrys et de Maeleg.
J'ai souhaité qu'il arrive comme un cheveu sur la soupe et qu'Emrys explique qui il est.

Chose réserve son lot de surprises !
Eryn
Posté le 12/03/2021
Bah le bug c'est que j'ai pas compris pourquoi on changeait de personnages, du coup j'ai compris après que c'était une sorte de dissociation de personnalité.
FabrysBesson
Posté le 12/03/2021
C'est même totalement une dissociation de personnalité.
Emrys le sait, mais il s'en accommode et continue de s'adresser à cet alter-ego.

Plus tard, je raconte comment il a basculé dans la schizophrénie.
Roxane Berg
Posté le 07/03/2021
Hello !
Pour donner un avis sur tes questionnements, je trouve les descriptions claires, même l'escaliers. Peut être un peu trop concentrées dans un même paragraphe, vu le style qui s'en suit, ce serait pas mal d'aérer un peu, en profiter qu'il passe et repasse dans les pièces pour distiller les descriptions. Mais ça marche en l'état.

Sinon, je tiens à te dire que "Diantre, que m’arrive-t-il ? Je crois que je défèque un stylo tout neuf !" m'a fait recracher mon thé tellement je riais !
Un "personnage" merveilleux ce Maeleg, j'aurai peut-être même aimé que son véritable état reste dissimulé encore un peu.
Mais quelle intro! Un premier chapitre "lourd" à l'image d'Emrys, alambiqué comme Chose et avec un final hilarant comme Maeleg.
ça démarre fort !
FabrysBesson
Posté le 07/03/2021
Hello Roxane,

Ton commentaire me fait un bien fou !
Je souris, tout content de cette remontée nasale au thé.

Je note ce que tu me dis au sujet des descriptions concentrées dans le même paragraphe. J'y reviendrai après mon chapitre 10 pour tenter d'aménager cela.

Merci !
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