Une chute

Par Fannie
Notes de l’auteur : Cette rédaction, que j’ai écrite à l’âge de 15 ans, était un travail à domicile. C’est un texte autobiographique. J’ai tellement procrastiné que je me suis retrouvée, tard le soir la veille du délai, dans un tel état de fatigue et une telle panne d’inspiration que j’ai décidé d’aller me coucher et de me lever tôt le matin pour faire ce devoir. Je l’ai donc pondu entre 6 et 7 heures, avant de me préparer pour aller en cours… et j’ai obtenu 6, la note maximale.

Une chute

 

Un éclairage plat, une piste sans relief… Tout à coup, mes skis s’arrêtent et moi je continue. Mon élan me porte plus loin et sans que j’aie eu le temps de me rendre compte de ce qui m’arrive, je me trouve là, immobile, à regarder les grosses chaussures noires, rouges, orange, jaunes, bleues, qui continuent de descendre, inlassablement. Je voudrais me lever. Mais une lancée subite, aiguë, arrête mon mouvement, me rend à l’évidence. Je vois mon talon droit en avant, ma pointe derrière. Mon pied s’est retourné comme celui d’une de ces poupées bourrées de chiffon. Du surréalisme dans la réalité. Pour moi, le temps s’est arrêté.

Il me semble que je suis isolée du reste du monde par une paroi invisible derrière laquelle les skieurs défilent. Eux au moins, ils vont où ils veulent. Moi, je ne peux pas bouger ; j’ai une jambe bourrée de chiffon à traîner derrière moi. C’est donc ça qui devait m’arriver… – Je ne me doute pas que cette jambe restera à la traîne pendant deux ans et plus, qu’une décalcification du genou s’installera après cette fracture. – Je considère mes bras et ma jambe gauche. Je les essaie, je fais bouger mes mains, mes doigts ; ma tête tourne normalement. Qu'est-ce qu’elle fait là, inerte, cette jambe droite ? Même le genou est en coton. Dans mes autres membres se forme peu à peu toute une mécanique compliquée qui freine mes mouvements. Je n’ose plus bouger de peur que tout se bloque. C’est donc ça qui devait m’arriver !… Les jambes continuent de défiler sur la piste. Je dois attendre qu’on vienne me chercher.

Tout à coup, une angoisse. Si on me laisse, qu’est-ce qui va m’arriver ? Jusqu’à quand devrai-je rester ici ? Tous ces gens vont retrouver leur chalet ou un restaurant. Moi, je dois rester ici comme si ma jambe était enchaînée à la piste. Un attroupement se forme autour de moi. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Ils restent tous là, stupides, à me regarder. Eh bien quoi ? Vous n’avez jamais vu quelqu’un tomber ? Un homme me prend sous les bras. Mon pied se remet à l’endroit, tout seul. Le maître de ski se penche vers moi. « Je dois être à midi à Corviglia. – Il ne comprend pas bien le français –. À midi à Corviglia dans la salle d’attente. Pas au restaurant, mais dans la salle d’attente ! » Je n’y serai pas. Pourvu qu’il trouve ! Lui aussi s’éloigne. Je dois attendre la luge qui me ramènera au bas de la pente. Pendant ce temps ma jambe se réveille. Une mâchoire de fer la broie. Il faut que je dorme pour ne plus rien sentir.

 

 

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Lucchiola
Posté le 25/11/2019
Et il t'a mis 6 ? Quelle buse.

Pardon, c'est pas très poli de commencer à commenter de cette manière.

Je ne sais pas trop comment t'expliquer ça, mais tes écrits ont le don de laisser un nuage de mélancolie derrière eux. La même brume que l'on attend patiemment d'observer à travers sa fenêtre, pour prendre une tisane chaude au creux de nos mains, et nous emmitoufler dans un plaid plumeux.

J'utilise les mots qui me viennent en tête pour t'expliquer le confort que je ressens en te lisant, même dans les publications les plus simples sur le forum. Et ici, dans ce texte, je me voyais avec la petite que tu étais.

Au cas où tu ne le saurais pas, je pense que tu es bonne dans ce que tu fais. Qu'importe ce qui te bloque : trouve le. C'est ce petit quelque chose qui a besoin que tu l'entendes. Après peut-être, te sentiras-tu mieux vis à vis de ton talent.
Fannie
Posté le 27/11/2019
Coucou Lucchiola,
Merci d’être passée par ici et d’avoir laissé un commentaire.
Dans le système scolaire genevois, 6 est la note maximale. Donc pour un texte pondu en une heure environ, le matin avant de partir pour l’école, c’est déjà pas mal.  ;-) J’étais assez contente, même si je me rendais compte, déjà à l’époque, que ce récit était perfectible. J’ai toujours eu des bonnes notes en rédaction, aussi bien en dissertation qu’en rédaction sur un sujet imposé ou libre. J’en étais fière, mais je ressentais aussi une certaine pression due à l’obligation de tenir mon rang.  :-)
D’autres plumes m’ont fait des remarques qui allaient dans le même sens à propos de l’ambiance de mes écrits. Quand j’imagine une histoire, je suis en mode contemplatif et j’attache plus d’importance aux émotions qu’aux actions, d’où ma crainte d’ennuyer le lecteur. Maintenant, il reste à savoir si j’arrive à faire aussi bien dans des histoires plus longues...
Lucchiola
Posté le 27/11/2019
Ah me voilà rassurée. Je pensais à une note sur 20, et que le 6 était la meilleure note de la classe.. J'ai déjà vu ça !
J'aime lire ce que tu écris, très sérieusement. Y compris les histoires longues. D'ailleurs, tu me rappelles un peu Bottero. C'était différent en un sens, mais tellement poétique et doux...

Je suis vraiment curieuse de la suite :)
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