L’avion

L'ex Yougoslavie, un pays en guerre depuis plusieurs années.Nous avons été envoyés, projetés, comme nous disons à l'armée, comme casque-bleu, sous pavillon ONU. Je n'avais jamais servi avec le béret bleu ciel de l'ONU et je ne connaissais pas plus la façon de faire particulière de cette organisation. C'est une force d'interposition, vous n'êtes pas là pour combattre ! Nous a t'on dit. Nous avions pris l'avion pour la Croatie dans un premier temps, ou la guerre n'avait pas duré longtemps et avait été très peu touchée, puis le lendemain devions prendre un avion militaire pour nous rendre en zone de conflit.

 

Ces avions ont un confort quasi nul, une rangée de sièges en toile qui faisait face à une seconde, pas d'insonorisation et une isolation inexistante, nous avions juste l'impression de voler les portes ouvertes. Je ne recommande pas cette compagnie aérienne.

On nous avait distribué, avant de décoller, des gilets pare éclats, c'est comme le pare balles sauf que ça ne protège pas des balles, autant dire nous n'aurions rien eu c'était pareil. Donc nous étions tous en rang d'oignons sur nos malheureux sièges en toile, équipés de notre fameux pare-rien, d'un casque lourd , notre arme et de notre paquetage entre les jambes. 

 

Personne n'a ouvert la bouche durant tout le vol, mais en même temps avec le bruit des 2 énormes moteurs à hélice de l'avion il aurait été impossible de s'entendre. J'étais bien loin d'être rassuré, loin de tout ce que je connaissais, de ma famille, de la France avec son vrai train quotidien, je ne connaissais personne dans cette avion, ce qui aurait été un plus, une bouée de sauvetage sur lequel tu peux t'accrocher afin d'exorciser tes peurs, mais là rien, personne sur qui s'accrocher. 48 heures avant j'étais chez moi, sur mon canapé à boire un café en regardant la télévision avec mon petit et ma femme, 48 heures avant je pouvais prendre ma voiture, me balader dans la rue, rire avec les amis, aller voir la famille, sans risquer de perdre la vie, sans même penser que l'on risquerait de la perdre. 

 

Mais maintenant je suis là, dans cette avion, bruyant, il fait froid, tu es équipé pour la guerre, une guerre que tu ne comprends pas, qui ne te regarde même pas, tu as peur, peur comme jamais, mais tu gardes tes émotions, tu ne veux pas que d'autres remarquent cette peur qui transpire de chacune de tes pores, tu es un soldat, un soldat qui a été formé dans ce but: le combat, alors tu te rassures, tu te remémores tous les gestes que tu as acquis pendant ces années, tu penses à autre chose et tu essayes de ne pas flancher, car tu ne dois pas, tu ne peux pas, tu es un soldat et pas n'importe lequel, un troupe de Marine !

 

On nous prévient de l'atterrissage imminent

« Retirez vos gilets pare-éclats et vous les mettez sous le cul! » dit un des gars de l'armée de l'air présent dans l'avion.

 

 S'asseoir sur le gilet, censé nous protéger ? Pour quoi faire? Les questions s'enchaînent dans ma tête, un des types à côté de moi répondra à ma question, comme si je l'avais posée à voix haute.

 

« C'est pour nous protéger des tirs quand nous allons atterrir » Nous protéger des tirs, comment ce gilet pourrait-il nous protéger, tout le monde s'exécute.

 

Le stress s'empare rapidement de nous, tu sens monter la peur en chacun de nous, mais tu restes concentré :c'est une question de survie.

 

L'appareil, énorme, commence à amorcer la descente sur Sarajevo, une descente interminable, le bruit était infernal, les moteurs semblaient s'emballer, tout en poursuivant la descente.

 

Les pilotes tiraient des leurres afin d'éviter d'éventuels tirs de missiles, la tension arriva rapidement à son paroxysme, laissant place au néant.Notre cerveau, par je ne sais quelle réaction chimique, se met littéralement en pause.

L'avion touche la piste, les moteurs font un bruit assourdissant, mais nous étions encore vivants

« L'appareil ne s'arrêtera pas, il va falloir rapidement sortir et vous mettre à l'abri immédiatement derrière les sacs de sable ! » lance le type de l'armée de l'air.

 

On cramponne tous notre paquetage, le casque vissé sur le crâne, on remet le gilet pare-rien sur le dos, le Famas en bandoulière, afin d'être prêt à bondir par l'arrière de l'appareil. L'avion continu sa course sur le tarmac, l'arrière de l'appareil s'ouvre lentement, laissant apparaître la lumière extérieurs.

 

Nous étions tous debouts à la queue leu leu, « surtout ne pas trébucher » ces mots résonnaient dans ma tête, sortir, rejoindre les murs de sacs de sable, mais ou à gauche à droite? Ne pas réfléchir, suivre le mouvement, ne pas mourir, pas aujourd'hui.

 

La porte arrière baissée, nous sortons le plus rapidement possible, l'avion ne s'arrêta pas complètement, il continuait de rouler, lentement, mais roulait tout de même, rendant encore plus difficile la sortie, ceux déjà sur place depuis plusieurs semaines, gueulaient derrière les sacs de sable .

« Venez ici, dépêchez vous ! »

Il nous fallut peu de temps pour atteindre notre destination, un caporal nous accueil avec le sourire

« Il ne faut pas rester longtemps sur le tarmac, les snipers nous plombent direct! » dit-il.

Notre avion commençait déjà à prendre de la vitesse et décolla rapidement sans encombre .

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