.I. Partie 5

Par Filenze
Notes de l’auteur : Bonjour à toutes et à tous,

Dans ce chapitre il y a une brève allusion à une violence sexuelle subie par un des personnages. Je préfère être transparente pour ne surprendre personne.

Amédée frappa d’estoc la gorge du grizzly possédé qui lui faisait face puis, dans un pivot puissant, lui trancha la tête. Aussitôt, il s’effondra. Il laissa la place à un autre animal, trop parasité par le démon pour qu’il soit possible de savoir ce qu’il était originellement. La lame trancha sans rencontrer la moindre résistance sa chaire purulente, la brûlant dans une odeur écœurante. Il s’effondra à son tour. Les possédés ne parvenaient pas à percevoir Amédée qui tournoyait parmi eux en les décimant. Son aura était semblable aux leurs et, rendus fous par la faim, ils perdaient tout discernement. Les battements de ses cœurs ralentissaient. Pour Amédée, la forêt nocturne se parait de teintes irisées où des troncs d’argents se découpaient sous une lumière d’or éclatante. C’était la vision du démon qui partageait son corps. Elle donnait une beauté chatoyante à un monde où la nuit était plus éclatante que le jour. Son sang mi-démon mi-humain bouillait dans ses veines. Une joie sauvage à libérer cette force comprimée étirait ses lèvres d’un sourire carnassier, agrandissant anormalement sa bouche. Lorsqu’au terme de ce ballet léthal le dernier possédé tomba, Amédée se dressa au milieu d’un charnier qui se réduisait lentement en poussière sous ses yeux. La forêt était redevenue silencieuse et immobile.

Plus de cent possédés étaient morts au cours de cette bataille, libérant la route qu’ils devraient emprunter le lendemain. Les mains gantées d’Amédée tremblaient d’excitation et d’épuisement mêlés. L’excitation était le fait du démon tandis que l’épuisement était sa part humaine qui tentait de garder le dessus. De longues respirations lui permirent peu à peu de retrouver le calme. Ses iris redevinrent des onyx perçants et Tombétoile retourna à son fourreau, rassasiée. Passant sa langue sur ses lèvres, le goût amer du sang noir emplit sa bouche. Amédée cracha immédiatement et réalisa que son visage et son corps tout entier étaient teintés du sang des possédés.

En retournant au campement, la barrière de feu ainsi que l’eau de la rivière s’écartèrent docilement sur son passage. Les mercenaires de garde furent saisis d’effroi, ne reconnaissant pas immédiatement son apparence. L’attache de ses longs cheveux avait lâchée et, ses nattes et mèches dévalaient librement ses épaules recouvertes de sang de démon pestilentiel. Sans perdre un instant, le Lame noire prit un récipient dans son paquetage, le plongea dans l’eau claire de la rivière, là où le feu ne l’incendiait pas, et s’aspergea avec. Elle était délicieusement tiède. Amédée s'intalla ensuite au bord de l'eau pour laver et graisser le fil de son épée. Une silhouette quitta furtivement la tente de Brejvik pour venir à ses côtés. Le freyr, un pagne grossièrement noué autour des hanches, était venu s’agenouiller à sa droite. La lumière dansante des flammes faisait miroiter sa peau de reflets cuivrés hypnotiques. Il leva ses yeux encadrés de cils noirs abondants vers le visage d’Amédée et, quand leurs regards se rencontrèrent, il les détourna immédiatement pour fixer le sol, soumis.

« Si ton maître t’envoie pour récompenser mon travail, tu peux retourner à ses côtés et lui dire que tu m’as pleinement satisfait ».

Le freyr releva brusquement la tête, une expression éperdue trahissant son désarroi. Son attitude était cryptique pour le Lame noire et, pour rendre l’échange plus complexe, le freyr était muet, silencieux comme un enfant trop sage. Mais surtout, Amédée réalisa qu’il était incroyablement lumineux et appétissant. Comment cette information capitale avait-elle pu lui échapper ? Seules l’odeur et l’aura irrésistible d’un freyr avaient pu inciter les possédés à s’éveiller et lancer une chasse en pleine journée ! Déglutissant, Amédée détacha d’un geste sa lourde cape de voyage maculée du sang noir des démons et en recouvrit les épaules du freyr. Celui-ci sursauta à l’amorce de son geste, puis dévisagea le Sieur Tombétoile alors que ses mains tiraient sur le lacet afin d’ajuster le vêtement à ses épaules.

« Tu ne devras l’enlever sous aucun prétexte. Il masquera ta présence aux possédés. »

Son manque de vigilance était impardonnable ! Alors qu’il était pourtant évident que voyager ainsi avec cet être lumineux par excellence était un appel à table pour les démons ! Amédée secoua la tête de découragement, son imprudence avait failli tous les tuer dès le premier jour ! Les freyres étaient rares, méprisés et méconnus, mais ce fait n’excusait pas son incompétence. Amédée se demanda si Brejvik avait l’intention de l’utiliser comme leurre en dernier recours ainsi qu’il l’avait fait avant son arrivée à Tête-cendrée. Cela pouvait expliquer qu’il l’emmena avec lui.

Le freyr dévisagea longuement le Lame-noire. Ses iris immenses étaient comme deux galaxies tournoyantes dans lesquelles Amédée se noya. D’un geste lent, il prit un linge humide qu’il avait amené avec lui et essuya doucement les résidus de sang noir du visage du Sieur Tombétoile. Les contacts physiques avec les autres êtres étaient devenus si rares que l’initiative de l’esclave l’avait saisi. C’était sa façon de remercier le Lame noire pour l’avoir sauvé la première fois. A nouveau au contrôle de ses émotions, Amédée accepta ce contact sereinement. Quand il eut fini de nettoyer son visage, il se leva et passa le linge sur ses cheveux jusqu’à les débarrasser du sang, de la terre et des épines de pins qui s’y étaient emmêlés. Puis, d’un geste sûr, il noua la crinière du Lame noire en une queue de cheval haute. Enfin, visiblement content du résultat, il se roula en boule dans l’herbe à côté d’Amédée, comme s’il eut été à nouveau un renard. Blottit dans le manteau qu’on venait de lui offrir, il s’endormit. Cette scène plongea le Lame-noire dans les affres de sa mémoire.

L’aurore du troisième jour naquit après une nuit où les cauchemars des hommes furent peuplés de silhouettes difformes dont les hurlements métalliques imitaient les cris des bébés abandonnés. Ils avaient des faces livides et les yeux fiévreux. Malgré cela, ils se préparaient au départ comme ils l’eurent fait pour n’importe quelle campagne militaire. Amédée s’enquit de l’état de la Banshee dès qu’elle fut éveillée. Déjeunant près du feu, elle dévisagea le Lame-noire avec défiance sous ses cheveux hirsutes. Le guerrier s’accroupit à sa hauteur et examina ses pieds mal chaussés, puis la corde encore nouée à son cou qui lui avait brûlé les chairs. Sans hésiter, il la trancha d’un coup de dague courbe, suscitant par son geste vif un sursaut de peur.

« Vous libérez cette hystérique Sieur Tombétoile ? »

Le soldat qui l’avait jusqu’ici tenue en laisse paru septique. Amédée, flegmatique, observa simplement :

« Elle n’a nulle part où fuir à présent ».

Les lèvres craquelées de la Banshee se retroussèrent et elle feula à leur adresse pour toute réponse. Drovak arriva à leur hauteur, et la jeune femme se recroquevilla sur elle-même tandis que le mercenaire, les pouces dans la ceinture, la déshabillait du regard.

« Une vraie petite sauvageonne ».

Il lui envoya de la terre au visage en frappant du pied dans une motte, puis se tourna vers Amédée et lui dit :

« Sieur Brejvik se demande pourquoi vous avez affublé son « Trésor » de votre cape puante ».

« Dites-lui qu’il doit la porter afin d’éviter que les démons ne se réveillent en plein jour à notre passage ».

Prenant Drovak à l’écart, Amédée ajouta :

« Ne nous mettez pas la Banshee à dos. Sa coopération est essentielle ».

Pour, toute réponse, le mercenaire eut un sourire lubrique.

La journée passa alors qu’ils remontaient le cours d’eau, cheminant sur sa berge accidentée. Ils louvoyaient entre les prêles et les fougères arborescentes géantes qui abritaient des insectes de plus en plus monumentaux. D’abord fuyantes, les bestioles commençaient à voler près des têtes casquées comme si elles jaugeaient leur force vis à vis de potentielles proies. Il faisait également de plus en plus chaud malgré la végétation boréale. La troupe crapahutait en file indienne en regardant de tous les côtés, s’attendant à voir surgir une libellule monstrueuse ou une scolopendre titanesque. Soudain, l’encolure de Kenchra s’affaissa. Amédée manqua de vider ses étriers et se rattrapa in extremis au pommeau de sa selle. L’étalon avait mis le pied dans un trou d’eau et était tombé sur les genoux. Sous l’onde de choc, le sol meuble et moussu tangua. Ils abordaient une vaste fondrière dans laquelle le cours d’eau se perdait. Drovak jura devant le spectacle du sol traitre qui s’étendait entre les troncs massifs. Amédée mit pied à terre et dégaina d’un second fourreau suspendu à sa selle une lourde épée d’acier tout en tenant son bâton fermement dans l’autre main. Une forêt sans chant d’oiseau, résonnant seulement du vrombissement des insectes, avait quelque chose d’oppressant. A la façon d’un signal nerveux qui se propage, tous les mercenaires dégainèrent leurs propres lames dans un tintement. Ils s’engagèrent à sa suite sur le terrain de plus en plus meuble. Drovak qui était à ses côtés jeta un œil à sa lame et lui demanda, les dents serrées :

« Pourquoi changez-vous d’arme maintenant ? »

Amédée, qui tâtait le terrain de la pointe de son bâton en avançant, lui répondit :

« Je préfère éviter d’utiliser Tombétoile sur autre chose que les démons et les monstres. L’acier est pour la faune, le fer de mon bâton pour les fées ou autres créatures du petit-peuple. Même si c’est peu probable qu'on en recontre dans un lieu aussi corrompu. »

- Votre esprit du feu d’hier ne peut-il pas nous protéger ?

- Non, pas lorsque nous sommes en mouvement et pas contre autre chose que des démons. »

Drovak eut un souffle dédaigneux avant de continuer :

- Vous êtes moins puissant qu’un sorcier alors !

Amédée ne s’émut pas de cette remarque mais se demanda ce qui avait conduit le mercenaire à cette conclusion.

- Les Lames noires ne sont pas des mages. La magie que nous maitrisons pourrait paraitre archaïque aux yeux de votre compagnon. »

Le Lame-noire posa son regard sur le mercenaire et vit, à sa plus grande stupeur, un carré de tissu sur lequel avait été dessiné un signe. Il était cousu à l’intérieur de son armure cloutée dont il avait ouvert la première attache à cause de la chaleur. Drovak avait suivi son regard et tapota de l’index le symbole qu’Amédée savait écrit avec du sang. Il déclara :

- C’est le rituel de protection du Sieur Lowras. Tous les mercenaires l’ont cousu dans leur armure. »

Un sourire sarcastique jaillit sur la bouche du chef des mercenaires devant la mine stupéfaite du Sieur Tombétoile.

- Ça a l’air de vous la boucler sévèrement ! J’pensais pas que ce sorcier pouvait faire des trucs qui impressionneraient une engeance mi-humaine, mi-démone.

Amédée ne releva pas l’affront, son esprit était trop perturbé par le fait que le symbole était tout sauf un rituel de protection, c’était un chiffre… agrémenté d’un caractère en langue démone qui signifiait « sacrifice ».

Le sol se mit soudain à vaciller, déséquilibrant les membres de l’expédition. Dans des gerbes d’eau soudaines et chaotiques d’immenses gueules fournies de dents jaillirent des rivières paresseuses. Elles happèrent les hommes en armes comme des baies mûres. Drovak beugla :

- Serrez les rangs autour des chevaux ! Dos-à-dos ! Epées en avant !

Guidés par la voix de leur chef, les mercenaires s’exécutèrent immédiatement. Le sol spongieux laissa passer l’eau et tous crapahutaient à présent dans dix pouces de liquide. Le freyr et la Banshee manquèrent de se faire piétiner par les chevaux pris de panique. Amédée lâcha les rênes de son propre destrier et se jeta dans la mêlée des gueules surgissantes. Les assaillantes étaient d’énormes salamandres aux têtes lourdes et osseuses, pourvues de barillons pointus sur le museau. Son épée d’acier ne lui offrait pas la même aisance que Tombétoile, mais ses talents d’épéiste de mêlée demeuraient entiers. Néanmoins, un coup de l’épée démonique aurait pu couper en deux ces créatures là où sa lame d’acier peinait à y faire une profonde entaille. Amédée serra les dents, poussa un peu plus fort sur ses bras, enfonçant sa lame dans l’interstice des scutelles de l’animal qui claqua les mâchoires de douleur. Lorsque la force brute ne pouvait l’emporter, la faiblesse de l’armure était la solution indiquée. En y appuyant de tout son poids, la lame transperça la créature de part en part. Une fois son épée retirée, Amédée se précipita sur la créature suivante.

L’affrontement durait maintenant depuis plusieurs minutes. Lowras malgré son étrange immobilité, n’était pas resté inactif. Il s’était arrimé avec des sangles sur sa monture avant d’entrer en transe. Face aux démons, utiliser sa magie d’Essiah ne ferait que les attirer sans parvenir à les détruire. Bien que cela lui coûta, il devait admettre que seules les Lames-noires pouvaient officier dans ce domaine. Mais ces bestioles, qui appartenaient au même plan d’existence que lui, allaient gouter sa puissance. Le cœur de démon d’Amédée frémit d’excitation lorsque le maléfice du sorcier se déclencha. Son anima, la petite parcelle d’énergie de la création qui lui était propre, s’était éveillée et de formidables langues de feu frémissantes jaillirent et virent embraser les épées des mercenaires. Galvanisés à la vue de la douleur qu’ils infligeaient à présent à leurs ennemis. Les hommes poussèrent des cris bestiaux en leur tailladant le museau. Ils les forcèrent à retourner dans les profondeurs des rivières noires d’où ils étaient venus. Puis, dans l’euphorie de leur victoire, aussi soudaine qu’inattendue, ils cognèrent les targes fixées à leurs avant-bras pour exprimer leur liesse. Drovak les rappela à l’ordre d’un sifflement, lui n’avait pas oublié où ils étaient, et toute cette magie le rendait plus nerveux qu’heureux. Même s’il était un salopard de mercenaire, il avait été baptisé et sa religion lui avait dépeint l’enfer comme un endroit qui ressemblait fort à celui-ci. La joie subite des mercenaires disparue au moment du décompte des victimes. L’escarmouche avait été brève mais violente. Cinq d’entre eux avaient été emportés dans les gueules des créatures, deux autres avaient péri dans la bataille et leurs corps gisaient, disloqués, dans la mousse et le lichen. Ce lourd tribut leur avait permis d’occire trois de ces animaux gigantesques et de blesser plusieurs de ceux qui avaient réussi à prendre la fuite.

Les deux corps furent portés devant la Banshee. Les mercenaires étaient familiers de la mort, mais rendre l’âme dans l’Enclave, où personne ne se soucierait de leur rendre hommage et où tous ignoreraient ce qu’il était advenu d’eux, était une façon bien solitaire de mourir. Amédée s’approcha de l’un d’eux et, discrètement, dégrafa la première attache de son armure de cuir cloutée. Sans surprise, un carré de tissus portant le numéro seize et le signe du sacrifice, y était cousu. Sentant qu’on l’observait, ses yeux d’onyx se levèrent et rencontrèrent brièvement ceux de Brejvik et de Lowras. Ils se dévisagèrent et, en silence, Amédée referma l’armure. La Banshee devait se hâter, mais elle demeurait immobile. Drovak s’approcha d’elle au pas de charge mais Amédée prit les devants, et de sa voix calme, lui demanda :

« De quoi avez-vous besoin pour officier le chant ? ».

La jeune femme à l’allure bestiale déclara de sa voix rauque à l’assemblée :

« J’ai b’soin des corps des salamandres qu’vous avez tué ».

Drovak lui cracha :

« Pourquoi sorcière ? »

La jeune femme aux joues scarifiées prenait vraisemblablement un malin plaisir à les faire languir, tirant distraitement sur les fils qui pendaient de ses guenilles. Elle expliqua dans un sourire :

« Mais pour les honorer pardi ! Tous les guerriers doivent être honorés, quelle que soit leur armée ».

Amédée dut littéralement faire barrage de son corps pour empêcher les mercenaires à cran de se jeter sur elle et la réduire en charpie. La Banshee éclata d’un rire dément qui ne fit qu’énerver les hommes davantage. Seul Drovak avait l’autorité suffisante pour ramener la discipline dans ses rangs à cet instant, et il posa son index sur le torse d’Amédée, surplombant légèrement le Lame noire :

« Vous avez voulu amener cette sale folle ! Vous en êtes responsable ».

Amédée empoigna vivement le doigt du chef des mercenaires et, approchant sa bouche de son oreille, lui murmura :

« Si vous ne l’aviez pas violé le soir précédant notre départ, elle serait sans doute plus coopérative. Vous êtes aussi responsable que moi de cette situation ».

Drovak dévisagea le Lame noire sans une trace de honte ni de remord, seulement étonné que le guerrier l’eut deviné. Le Lame noire déclara à l’assemblée :

« Ce que la Banshee veut dire, c’est que le chant du recueil doit honorer tous les morts si nous ne voulons pas qu’ils soient possédés. Vous serez impuissants face à ces animaux une fois qu’ils seront devenus des démons. A vous de choisir. »

Les mercenaires eurent la sagesse et la présence d’esprit suffisante pour entendre raison et, à contrecœur, portèrent les lourds cadavres aux crânes massifs à la Banshee. Celle-ci s’approcha de l’eau et y plongea ses mains, lava ses avant-bras puis son visage. L’eau de cet endroit grouillant de vie, d’excroissances et de tumeurs végétales et fongiques était étonnamment pure et limpide. Elle attacha étroitement sa crinière hirsute à l’arrière de son crâne et son apparence de sauvageonne fut transfigurée. Elle avait à présent l’allure d’une jeune prêtresse au teint nacré et aux immenses yeux sombres. Elle s’agenouilla au milieu des corps disposés en étoile autour d’elle et fit tinter une poignée de grelots. Le son cristallin qu’ils émirent suspendit l’attention de tous. Ainsi magnifiée, elle entonna la complainte des morts. Sa voix avait une clarté intacte et égrainait les paroles de la langue sacrée comme si chacune d’elle était un trésor unique, les faisant résonner dans la nature comme si elles eussent été chantées dans une cathédrale. Le cantique s’épanouissait en d’amples mélopées où l’écho de la voix des esprits était perceptible. Il purifiait littéralement l’atmosphère autour d’eux. Amédée commença d’ailleurs ressentir un très léger malaise à se trouver ainsi en contact avec un rituel anti-démon aussi efficace. Cette Banshee démontrait clairement sa compétence. Quand elle eut terminé, Amédée constata avec amusement combien l’auditoire était devenu apaisé et docile. Ils rejetèrent les corps des salamandres à la rivière et inhumèrent leurs camarades aux creux des racines d’un épicéa monumental. Ils étaient à présent protégés des démons dans leur voyage vers le royaume des morts et la Banshee avait gagné le respect des hommes. Elle reprit son attitude sauvage dès qu’elle eut fini, mais à présent, elle ne feulait plus lorsqu’on venait lui parler. Elle se contenta de garder le silence et de lancer des éclairs de ses grands yeux. Le soldat qui avait été responsable de la tenir entravée était même venu lui présenter ses excuses pour l’avoir maltraitée, conscient qu’il préférait la savoir s’occupant de son cadavre dans l’éventualité où un malheur lui arriverait. Seul Drovak restait égal à lui-même, voyant dans le respect témoigné à cette femme par ses troupes une nouvelle défaite vis-à-vis du Sieur Tombétoile qui avait exigé qu’on l’emmena.

L’expédition se préparait à repartir. La jeune femme eut toutes les peines du monde à se relever, et, lorsqu’elle y parvint, avança sur des jambes flageolantes. Le mercenaire qui l’avait tenue en laisse s’en inquiéta et fit remonter le message à Drovak qui gronda :

- Nous ne pouvons pas surcharger les chevaux de bas sur un sol aussi instable.

Le Sieur Emelric, témoin de cet échange proposa de lui laisser emprunter sa monture. Il n’avait pas aimé la façon dont on avait traité cette demoiselle et s’en plaignit à Brejvik et Lowras. Amédée constata avec amusement que tant qu’elle avait été considérée comme une sauvageonne versée dans les arts occultes, personne ne lui avait témoigné d’humanité. Mais dès qu’elle était apparue à leurs yeux comme une demoiselle en détresse, tous se bousculaient pour obtenir ses bonnes grâces. Brejvik s’opposa à la démarche du jeune érudit aux intentions chevaleresques. Afin de débloquer la situation, Amédée siffla doucement Kenchra qui arriva docilement à sa hauteur. Le Lame noire souleva sans peine la jeune femme et la plaça en selle puis expliqua d’une façon prosaïque tout en ajustant les étriers :

« La Banshee est trop importante pour être laissée derrière, et si elle ne peut avancer nous ne le pourrons pas non plus ».

La jeune femme s’était violemment débattue lorsque le Sieur Tombétoile l’avait prise à la taille, mais elle demeurait interdite à présent, les mains crispées sur le pommeau de la selle.

« Je compte sur toi Kenchra ».

La Banshee poussa un petit cri mêlant excitation et stupeur quand le puissant animal se mit en mouvement, suivant son maître à la tête de la colonne.

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Eldir
Posté le 13/10/2020
Hello, j'aime beaucoup votre univers, je le trouve original. J'aime beaucoup aussi ce personnage de Banshee et le fait que ses interactions avec les autres personnages dépend lourdement de son apparence.

"visage en shootant du pied" ==> idem que le chapitre précédent, c'est une question de gout, mais je pense que "frappant" serait plus adapté. Je vais vous laisser le temps de répondre avant de lire les chapitres suivants. Si cela vous ennui, dites-le moi et j'arrête.

Bien à vous
Filenze
Posté le 15/10/2020
Ah non s'il vous plait continuez de lire et de me partager vos impressions et remarques. C'est constructif et agréable, d'autant plus que c'est fait avec considération et respect. Et oui! Les anglicismes ont encore frappé, je dois les corriger... Je suis contente que la Banshee vous plaise :)
Soul_i_an
Posté le 29/07/2020
Super chapitre, ton écriture m'inspire et va me forcer à retravailler certain de mes paragraphes. Ce qui est impressionnant c'est le fil conducteur de ton style et de l'atmosphère qui ne se rond pas une seule seconde pendant se chapitre... On est dedans du début à la fin.
Le verbe “shooter" m'a gêner mais à part ça rien à dire.
Filenze
Posté le 29/07/2020
*_* ton commentaire me touche et m'encourage beaucoup. A force de lire et relire ce que j'ai rédigé, je n'ai plus trop de recul et j'ai parfois l'impression que c'est lourdingue ou que ça ne fonctionne pas. Mais c'est vrai que sur ce chapitre, j'ai vraiment pris mon temps et je me suis bien amusée à faire circuler la narration. Et puis, il a maturé loooooongtemps avant que je me lance sur Plume d'Argent... C'est peut être le fait de faire circuler la narration entre les personnages au fur et a mesure de leur avancée qui donne cette impression fluide de l'atmosphère (?); Ceci dit, je pense que ce fragile équilibre se rompt dans les chapitres suivant (ne serait-ce que parce que pour conserver une dynamique, il faut le déstabiliser... sinon ça devient planplan... non?). En tout cas ton retour m'encourage et... si tu trouve un équivalent à shooter qui traduise en même temps le dédain de Drovak, je suis preneuse :)
Soul_i_an
Posté le 29/07/2020
Il mit un coup de pied/frappa de dépit /rage/frustration ou il toqua de son pied,.... Oui moi aussi si je relis trop mes écrits, ils perdent de leurs saveurs.. ^^
Benebooks
Posté le 13/07/2020
Bonjour !

C'est mon chapitre préféré pour le moment. Il est bien écrit et fait frémir. J'attends la suite avec impatience !

Concernant les coquilles ;) :

« Aussitôt il s’effondra, laissant la place à un autre animal, trop parasité par le démon pour qu’il soit possible de savoir ce qu’il était originellement » : virgule après « aussitôt »

« Tombétoile dans sa main droite trancha sans rencontrer la moindre résistance sa chaire purulente, la brûlant dans une odeur écœurante » : phrase confuse, plutôt : « Tombétoile sans rencontrer la moindre résistance, brulant la chaire purulente dans une odeur écœurante »

« Rendus fous par la faim, ils perdraient tout discernement. » : perdaient

« Une joie sauvage à libérer cette force comprimée étirait ses lèvres d’un sourire carnassier, agrandissant anormalement sa bouche » : j’aurai ajouté « IL EPROUVA une joie… »

Ce combat m’a donné des frissons. Il est bien écrit et Amédée me donne des frissons, il doit faire sacrement peur si on le croise de nuit ! \0/

« L’excitation était le fait du démon tandis que l’épuisement était sa parti humaine qui tentait de garder le dessus. » : sa partiE

« Ses iris redevinrent des onyx perçantes, ET (il me parait nécessaire) Tombétoile retourna à son fourreau, rassasiée. » (et je crois qu’onyx est masculins donc : « perçants »)

« Puis, IL inspecta le fil de Tombétoile, le nettoya à l’eau claire et le graissa minutieusement » (ça sonne mieux je trouve)

« SeulEs l’odeur et l’aura irrésistible d’un freyr avaient pu inciter les possédés à s’éveiller et lancer une chasse en pleine journée ! »

J’espère que ce pauvre freyr va être sauvé par Amédée…

« Amédée, à nouveau au contrôle de ses émotions, accepta ce contact sereinement. » : plutôt « qui avait à nouveau » ?

« Le troisième jour de voyage passa alors qu’ils remontaient le cours d’eau, cheminant sur sa berge accidentée » : tu as déjà précisé avant le dialogue qu’on était au troisième jour. Peut-être le remplacer par « la journée passa »

« Amédée mit pied à terre et dégaina d’un second fourreau suspendu à sa selle une lourde épée d’acier tout en tenant son bâton fermement dans l’autre main. » : virgule après « acier »

« L’acier et pour la faune, le fer de mon bâton est tout indiqué si nous rencontrons des fées ou autres créatures du petit-peuple. » : c’est un peu confus je pense que tu as voulu dire : « l’acier EST pour la faune ET le fer de… »

« - Serrez les rangs autour des chevaux ! Dos-à-dos ! épées en avant ! » : majuscule à « épées »

« Guidés par la voix de leur chef les mercenaires s’exécutèrent immédiatement » : virgule après « chef »

« L’affrontement durait maintenant depuis plusieurs minutes, le sorcier Lowras n’était pas resté inactif malgré son étrange immobilité. » : point par « minutes »
Ce sorcier est vraiment ignoble… quand je pense qu’il a écrit « sacrifice » sur les mercenaires… j’espère qu’il va y passer tient !

« Tenant fermement son Palka, le bâton des sorciers, qui miroitait. » : j’aurai plutôt mis « il tenait », le « tenant » en début de phrase sonne bizarre

« Les hommes, dans l’euphorie de leur victoire aussi soudaine qu’inattendue cognèrent les targes fixées à leurs avant-bras pour exprimer leur liesse » : virgule après « inattendue »

« Drovak les rappela à l’ordre d’un sifflement, lui n’avait pas oublié où ils étaient, et toute cette magie le rendait plus nerveux qu’heureux. » : point après « sifflement »

« L’escarmouche avait été brève et violente. » : j’aurai éventuellement remplacé le « et » par un « mais »

« Ce lourd tribut leur avait permis d’occire trois de ces animaux gigantesques et de blesser plusieurs d’entre eux qui avaient réussi à prendre la fuite. » : j’aurai remplacé « d’entre eux » par « de ceux »

« Amédée commença d’ailleurs ressentir un très léger malaise à se trouver ainsi en contact avec un rituel anti-démon aussi efficace, cette Banshee démontrait clairement sa compétence. » : un « à » après « d’ailleurs » et un point après « efficace »

Au fait, tes tirets de dialogues me semblent petits. Tu utilises le tiret du 6 ? Il vaut mieux utiliser le tiret cadratin.
Filenze
Posté le 13/07/2020
Bonjour :D

Merci! Merci! Merci beaucoup! Tes retours sont très précieux et améliorent vraiment mon style! Je suis super contente :) .
Et merci infiniment pour les tirets de dialogue (effectivement, je faisais des tirets du 6, mais ça n'a vraiment pas belle allure et je me demandais comment faisaient les autres pour avoir d'aussi beaux tirets!) . Je vais les remplacer petit à petit.
Et je suis contente que tu accroches à l'intrigue. A force de lire et relire j'ai l'impression qu'elle perd sa saveur et sa pertinence... donc ça me motive de savoir que tu as envie de savoir ce qui va arriver aux personnages (et notamment celui d'Amédée qui est pour l'instant très... nébuleux).
Benebooks
Posté le 13/07/2020
Ton récit est vraiment bien ! C'est très dynamique, et les descriptions, aussi bien des personnages (ainsi que les dialogues) que des paysages sont nécessaires pour installer une ambiance et développer l'histoire. Ce qu'il faut c'est trouver le bon équilibre entre action et description, et là le contrat est rempli
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