Chapitre 12 - Tord-la-Falaise

Liam s’était réveillé tôt ce matin-là. Bien avant l’aube, il avait bondi de son lit et fait une rapide toilette. Pour lui c’était un jour spécial. La veille, son père lui avait promis de l’emmener pêcher. Pas avec les autres gamins du village qui pataugeaient au bord d’un ruisseau en espérant saisir quelques ablettes. Non. Ce serait sa première virée au large sur l’immensité de l’océan. Rien que lui, son ami Day, son père et les flots d’azur à perte de vue.

Liam avait toujours aimé le large. La mer, ses embruns, son air iodé, il ne les quitterait pour rien au monde. Dès l’âge de sept ans il faussait compagnie au vieux père Gatien qui faisait l’école au presbytère. Ces jours-là, il s’en allait souvent avec Day jusqu’au phare de Boel. Une demi-lieue de marche sur un chemin rocailleux en pente. Ils adoraient crapahuter le long des falaises, flirter avec le vide et les vagues qui s’écrasaient avec fracas en bas dans d’immenses gerbes d’écume. Le sentier qu’ils empruntaient longeait la côte, laissant place lorsqu’il disparaissait à une épaisse forêt de pins séculaires. Il suffisait alors de suivre une piste parmi les arbres pendant quelques minutes pour atteindre la vieille tour à feu au sommet de sa colline. Une fois parvenus au pied de l’édifice, ils s’asseyaient tous deux dans l’herbe chaude et passaient des heures entières à regarder l’océan.

Oh, par Xyron ! Que Liam en avait rêvé, de l'océan !

Des nuits entières il s'imaginait posséder une nef et un équipage, tantôt corsaire et d'autres fois marchand. Day pourrait être son second ou son quartier-maître et ensemble ils vogueraient loin, bien au-delà des confins du septentrion. Sur son grand vaisseau aux voiles de pourpre et d'argent, ils iraient visiter les lointaines contrées du Syndomen de Ran ; ils fileraient ensuite vers le sud pour découvrir les terres sauvages d'Areak, celles où des montagnes immenses dévorent l'horizon et crachent parfois à l'air libre les entrailles rougeoyantes du monde. Liam serait le seigneur des mers et des tempêtes, il commanderait même aux légendaires serakins, ces serpents géants d’une taille si colossale que les marins les confondaient souvent avec de véritables dragons. Le Dieu Englouti serait son unique maître et sous sa protection il ne connaîtrait ni la peur ni les naufrages, écumant les océans d’un port à l’autre pour accumuler dans ses cales un trésor digne des plus grands rois.

« Déjà levé, fiston ? »

Perdu dans ses pensées, Liam n’avait pas entendu son père approcher. Grenn apportait avec lui un bol fumant rempli à ras bord d’une soupe de poisson chaude, ainsi qu’une généreuse tranche de pain de seigle de la veille. Lorsqu’il s’aperçut que son fils avait déjà fait sa toilette et revêtu son plus chaud pantalon doublé de laine, il lui adressa un sourire radieux.

« Tiens moussaillon, mange donc ! Nous avons une longue journée devant nous ! »

Grenn était un grand brun au visage rieur mangé par une barbe de plusieurs jours. Il avait le teint halé des pêcheurs qui passaient les plus belles heures de la journée en mer et une musculature impressionnante à force de remonter à bord les lourds filets chargés de poissons. Il portait ce matin-là un long manteau doublé de fourrure et un pantalon de marin en toile épaisse pour se protéger du vent. Il traînait derrière lui un grand sac brun qu’il jeta négligemment sur son épaule.

« Y’a un sale vent qui vient du sud aujourd’hui, déclara-t-il pendant que son fils dévorait la soupe. On ne pourra pas sortir en haute-mer, c’est bien trop dangereux. On tirera les filets dans la baie de l’Irn.

Devant le regard déconfit et accusateur de son fils aîné, il ajouta :

- Je sais que je t’avais promis une course au large pour pêcher l’estrillon, mais un bon marin sait aussi se méfier de la météo et de la houle. N’oublie jamais que notre bateau est notre bien le plus précieux, alors il faut le protéger à tout prix. »

Liam poussa un soupir mais acquiesça. Il avait de quoi être déçu : l’estrillon à barbe était un poisson gigantesque qu’on ne trouvait que dans la Mer du Soir, à l’heure où la lune scintillait sur les flots. Il remontait alors des profondeurs et flânait près de la surface pour se nourrir à la lueur des étoiles. Pêcher un estrillon nécessitait un périple de trois jours en mer, et neuf fois sur dix les équipages qui tentaient l’aventure revenaient bredouilles. La chair tendre et savoureuse de ce grand barbillon se négociait cinq sceris d’or le kilo, ce qui assurait un revenu suffisant pour vivre confortablement pendant des mois. Les pêcheurs employés par le Gras Luron parvenaient à en ramener un ou deux par an sur son étal. La renommée de ce poisson était telle que lorsqu’un jeune garçon réussissait à en ferrer un, le village entier se cotisait pour lui offrir sa première felouque. Et depuis toujours, Liam rêvait d’avoir son propre bateau.

« Allez, viens ! lui dit son père en reprenant le bol vide. Ton copain Day doit nous attendre. »

Liam en doutait, mais il fit tout de même l’effort de finir rapidement de se préparer. Né et élevé devant le foyer d’une forge, Day ne se réveillait jamais avant l’aube quand son père s’en allait prendre la mer. Il se contentait d’aider Hobb et ses ouvriers en leur apportant des seaux d’eau pour le trempage et en contrôlant la chaleur des fourneaux. Un travail pénible, certes, mais qui lui donnait le droit de dormir bien après l’éveil les jours où le vieux père Gatien décidait de ne pas faire classe.

« Je parie qu’il dort encore, ce fainéant.

- Ne sois pas si dur avec ton ami, le sermonna Grenn. Je suis certain que Day ne manquerait pour rien au monde ta première sortie en mer. »

Ils descendirent tout en discutant du programme de leur journée de pêche. La maison était plongée dans le silence. Yselda, la mère de Liam, et sa petite sœur Juniper avaient quitté le village deux jours auparavant pour un périple d’une semaine. Elles devaient se rendre aux foires d’automne de Cormarin pour y acheter des provisions pour l’hiver. Un voyage dangereux à cause de la guerre civile, mais indispensable pour survivre jusqu’au printemps suivant.

Grenn étouffa les flammes sous la marmite de soupe et Liam s’empara de deux cannes en bois munies d’un leurre à leur extrémité. En mer, son père s’occuperait de la barre ou de tirer les filets ; pendant ce temps, Day et lui pourraient pêcher à la ligne depuis le pont du bateau. Puisqu’ils se rendaient dans la baie de l’Irn, Grenn les autoriserait certainement à quitter le navire pour aller du côté des hauts-fonds attraper quelques anguilles.

Soudain, le bruit lointain d’une cloche se fit entendre. Le père de Liam se précipita vers un vieux coffre en bois terne et en sortit la tête d’un harpon enveloppé dans un châle de laine grise. Il prit aussi la petite boîte ronde où il rangeait ses appâts et fourra le tout dans sa grande besace.

« Tiens, prend ça ! ordonna-t-il en glissant ses pieds dans une paire de bottes. Le père Gatien sonne déjà l’Éveil, on n’est pas en avance ! »

D’ordinaire, Grenn prenait la mer beaucoup plus tôt, environ deux heures avant le lever du jour car c’était à l’Éveil qu’il faisait ses plus belles prises. Mais il avait choisi ce matin-là de laisser dormir son fils et de larguer les amarres au changement des marées. S’ils ne se pressaient pas davantage, ils arriveraient à l’estran après la décrue et leur bateau serait ensablé. Ils perdraient alors une heure à le traîner jusqu’à la mer pour le remettre à flot.

« Bon sang Liam, dépêche-toi un peu ! Tes bottes, près de la porte ! »

Mais le garçon s’était figé. Quelque-chose le dérangeait. Un détail inhabituel l’avait instinctivement frappé sans qu’il puisse mettre le doigt dessus. Puis il comprit enfin. La cloche du père Gatien avait cessé de sonner.

« P’pa, demanda-t-il d’un ton hésitant. Tu ne sens pas quelque-chose d’étrange ? »

Une odeur puissante venait d’accrocher ses narines. Une puanteur rance, proche du fumet d’un gros tas de poissons morts qu’on aurait laissés trop longtemps mariner au soleil.

« Reste ici, mon grand », dit Grenn en dégageant son harpon du vieux sac.

Le pêcheur s’avança d’un pas lourd et ouvrit la porte qui menait vers l’extérieur. Ce qu’il vit alors dans le village le glaça d’effroi. Non loin de là, un bébé hurla.

« Liam ! hurla-t-il d’un ton paniqué. Passe par l’arrière et fonce te cacher chez Hobb ! Cours ! »

Une énorme bête se jeta soudain sur Grenn. Une créature à la peau grise, recouverte de terre et de pustules, qui courait à quatre pattes mais faisait des sauts incroyables. Elle avait le crâne presque nu, de rares cheveux filasse collés par la glaise pendaient le long de ses oreilles atrophiées. De sa gueule béante et dotée de longues dents pointues dégoulinait de la bave sur un goitre prodigieux. Ses bras et ses jambes, quoique très fins, étaient anormalement musculeux. La goule percuta Grenn à pleine vitesse et le pêcheur s’effondra sur le dos, souffle coupé. Aussitôt, la créature projeta sa langue en avant et l’enroula autour du cou de sa victime, tout en claquant des mâchoires pour essayer de le dévorer.

Liam hurla.

Son cri sauva certainement la vie de son père, car la bête tourna ses gros yeux globuleux dans sa direction. Du bout des doigts, le marin parvint à se saisir du harpon et décocha un coup formidable sur la joue de la mortifère. La créature poussa un cri rauque, mais le pêcheur n’avait pas dit son dernier mot. Elle se jeta de nouveau sur lui, crocs en avant. Grenn lui enfonça les trente centimètres de sa pointe de harpon à travers le crâne.

La bête vacilla mais ne s’effondra pas.

De ses mains sombres, elle attrapa la tête de métal et tira de toutes ses forces pour la faire ressortir. Elle ne saignait même pas.

Soudain, une torche enflammée vint s’écraser contre sa gueule et l’immense silhouette du forestier du village apparut. Beor tenait dans son autre main une hachette et du sang coulait le long de ses bras. La goule hurla tandis que les chairs de son visage fondaient comme neige au soleil. En quelques secondes, il ne resta d’elle qu’un corps putréfié dans une mare de boue noire et visqueuse. Mais des centaines vivaient encore. Déjà trois autres mortifères se précipitaient vers les deux hommes. Beor aida Grenn à se relever et ils claquèrent la porte de la maison. Ils barricadèrent l’entrée avec le coffre et une armoire, tout en sachant que ça ne retiendrait pas longtemps la horde vorace à l’extérieur.

« Liam, va-t-en ! » lui ordonna de nouveau son père.

Cette fois, le jeune garçon ne se fit pas prier. Il attrapa l’une de ses cannes à pêche, l’entoura d’un linge qu’il fixa solidement avec le fil et vida le contenu d’une lampe à huile dessus. Il plongea sa torche improvisée dans l’âtre et s’esquiva vers l’arrière de la maison, tandis que de violents coups faisaient trembler le chambranle de la porte.

Liam émergea dans une petite allée encore sombre bordée par sa maison et les caves de l’Écusson. Il pouvait entendre les clients crier dans la petite auberge pendant que les mortifères saccageaient l’intérieur du bâtiment. À l’étage, une fenêtre s’ouvrit et un gros marchand en chemise de nuit essaya d’en franchir le cadre pour s’échapper. Mais de grands bras ternes et boueux l’attrapèrent et il fut traîné de force à l’intérieur. Liam se plaqua contre le mur, le cœur battant. À présent, l’odeur de putréfaction avait envahi tout le village qui résonnait d’appels à l’aide et de hurlements.

D’où venaient ces ignobles créatures ?

Liam déglutit et se força à maîtriser ses tremblements. Il devait trouver une cachette, un endroit où les mortifères ne pourraient pas l’atteindre. Il y avait bien les caves du presbytère au sommet de la colline, mais pour les atteindre il fallait traverser la grande place où se déversaient un flot de nécrophages. Terrorisé, Liam se recroquevilla derrière un tonneau rempli d’eau de pluie et se mit à pleurer. Sa torche improvisée, qui se consumait lentement, ne lui fournirait qu’une bien piètre protection. Serait-ce suffisant pour franchir les halles du marché et trouver refuge dans la crypte ?

Soudain, un souffle rauque se fit entendre et Liam poussa un cri. De la fenêtre de l’auberge au-dessus de lui émergeait le crâne dégarni et visqueux d’une bête de cauchemar. La gueule de la goule débordait de sang, elle semblait renifler l’air à la recherche de sa prochaine victime. Ou de son prochain repas. Le garçon se figea, s’efforçant de retenir son souffle. La mortifère n’avait qu’à baisser les yeux pour le découvrir là, tout penaud et tremblant. Que faire ?

Tenter de fuir ne servirait qu’à être tué. Jamais il ne pourrait battre l’une de ces affreuses créatures à la course. Il les avait vues se jeter sur son père et Beor à une vitesse phénoménale. Ces choses n’avaient rien d’humain. Elles étaient aussi fortes et agiles que leur apparence était repoussante. Par Xyron, que pouvait-il faire ? Son père l’exhortait à fuir, mais Liam n’avait nulle part où aller. Se cacher ?

Trop tard.

La bête poussa un cri guttural et bondit de son perchoir. Elle atterrit dans la ruelle avec un bruit mat et se servit de sa main disproportionnée pour reprendre ses appuis. Elle se propulsa à toute vitesse en direction de Liam, qui se recroquevilla et hurla de terreur. Mais la mortifère s’empala sur sa torche de plein fouet et s’écrasa par terre en couinant de douleur. Ses chairs putréfiées se consumèrent en grésillant, dégageant dans l’air une affreuse odeur d’œuf pourri. Liam n’avait pas bougé.

Le garçon demeura là, figé et tremblant de tous ses membres, pendant ce qui lui parut une éternité. Il n’osait détacher son regard du cadavre difforme de la créature, de peur qu’elle ne revienne subitement à la vie pour le dévorer. Où était son père ? Pourquoi ne venait-il pas le chercher ? Pourquoi la bête s’était-elle jetée directement dans les flammes ? Était-elle dénuée d’intelligence ?

Non, comprit Liam. Cette chose était aveugle.

Elle se repérait certainement grâce à son ouïe ou à son odorat, et c’est pour cela qu’elle avait mis du temps à comprendre qu’il était caché dans la ruelle. Cette découverte lui redonna un peu de courage. Si ces créatures étaient aveugles, alors il pouvait leur échapper. Si elles se repéraient grâce à leur flair, alors il existait forcément un moyen de les tromper. Son regard se posa sur ce qui restait de la goule calcinée. C’était une flaque de boue noire nauséabonde.

Liam sécha ses larmes et renifla. Il ne devait pas avoir peur. Il ne pouvait pas avoir peur. Il venait de fêter ses douze ans. Il était le deuxième homme de la maison et le capitaine d’un navire n’avait peur de rien. Il devait être fort. Il inspira profondément et, d’un pas hésitant, s’approcha de l’étrange substance. Lorsqu’il l’effleura du bout des doigts, il frissonna de dégoût. C’était visqueux, chaud et gluant et ça collait aux doigts comme du goudron. Luttant courageusement contre un haut-le-cœur, Liam plongea sa main dedans et s’en tartina le visage. La puanteur était affreuse mais il s’obligea à continuer. Il s’en recouvrit méticuleusement les bras mais n’eut pas la hardiesse de retirer ses vêtements pour le reste du corps. Il se boucha donc le nez, ferma les yeux et se roula dedans des pieds à la tête tout habillé.

C’était dégoûtant. Les restes de la mortifère ressemblaient à de la morve liquide de couleur noire, aussi poisseuse au toucher que les écailles d’un estrillon. Tout dégoulinant de cette horrible substance, Liam se redressa et reprit son flambeau. Il était entièrement consumé, inutile. Seules quelques braises luisaient encore faiblement à l’endroit où il avait attaché le tissu. Pourtant, il procurait à Liam une étrange sensation de réconfort. Il s’agrippa à sa canne à pêche comme à une planche de salut et s’avança pas à pas vers le centre du village. S’il avait raison, les goules devraient le confondre avec l’une des leurs et le laisser tranquille.

S’il avait raison.

Sa certitude était loin d’être inébranlable et plus il progressait entre les masures silencieuses, plus il se dit que c’était une idée stupide. Mais il était trop tard pour faire marche arrière, il devait choisir une destination. Deux options s’offraient à lui : rejoindre le presbytère sur la colline ou se diriger vers la côte et le vieux phare de Boel. Courir en direction de la plage ne lui serait d’aucune utilité. Il serait incapable de manœuvrer une nef seul en mer, en admettant qu’il parvienne à trouver une embarcation qui ne soit pas déjà ensablée.

Soudain, Liam sursauta et se précipita derrière un arbre.

De l’autre côté de la place du village, un cavalier immense venait de faire son apparition. Il chevauchait un grand palefroi pâle entouré d’une aura plus noire que la nuit et portait sur lui une armure sombre parcourue de nervures de feu. De son heaume ornementé s’échappait une chevelure rougeoyante et un long fourreau battait contre son flanc. Derrière lui, l’armée des mortifères avançait en rangs, marchant au pas comme des soldats accroupis et grotesques. Le sac du village terminé, l’homme regroupait ses légions infernales. Sous les sabots de sa monture, une étrange brume ondoyait sans bruit, dessinant dans l’air des arabesques obscures. Liam retint son souffle et se mordit la langue pour ne pas faire de bruit. Qui que soit cet inconnu, il contrôlait les créatures. C’était donc lui le responsable du malheur qui s’abattait sur Tord-la-Falaise.

Plus il s’avançait vers la cachette de Liam et plus l’homme dégageait une aura effroyable. C’était comme si à son approche l’air devenait plus épais, plus lourd, et une sourde terreur envahissait l’enfant. Il revoyait le visage hideux de la créature qui avait attaqué son père, de celle qu’il avait tuée dans la ruelle quelques instants plus tôt. Liam savait ce qui l’attendait si la horde le trouvait ici : il serait dévoré vivant comme les autres habitants du village. Il déglutit. Une envie furieuse et irrépressible de s’enfuir à toutes jambes le submergea, mais il se força à réfléchir. La substance qui collait à ses vêtements pourrait duper les goules mais pas le cavalier. L’homme le prendrait en chasse dès qu’il le verrait courir, et jamais un enfant ne parviendrait à semer un étalon au galop. Liam resta donc derrière son arbre, se coucha dans l’herbe du mieux qu’il put et pria très fort pour que l’étranger passe près de lui sans le voir.

Les secondes s’égrainèrent, interminables. De la terre autour de lui commençait à s’élever une humidité inhabituelle, qui formait une brume légère mais glaciale. Liam grelotta mais s’efforça de ne pas bouger. Il était paralysé par la peur, transi jusqu’aux os et sentait les larmes perler au coin de ses yeux. Il se trouvait seul, accroché à son arbre comme un naufragé à son radeau en pleine tempête. Le cavalier était désormais si proche que Liam pouvait entendre le souffle de l’immense cheval s’échapper de ses naseaux fumants.

Un peu plus loin, d’autres échos de sabots se firent entendre et un palefroi hennit mais ce furent les seuls bruits qui vinrent briser le silence qui s’était abattu comme une chape de plomb. Un silence angoissant, impénétrable. Presque tangible. Liam frissonna des pieds à la tête et déglutit. Quelque-chose chez ce cavalier n’était pas ordinaire, il n’était pas humain. De bien des manières, il était beaucoup plus effrayant que la nuée de créatures qui erraient dans son sillage.

Enfin, après un temps qui lui parut une éternité, Liam entendit les pas pesants du cheval s’éloigner. Il ne voyait plus rien, prostré au sol et la tête enfouie dans ses bras, mais il devinait que la présence maléfique s’était dissipée. L’air redevint respirable, sa vision plus claire et le sang reflua en cessant de battre contre ses tempes. Restait la puanteur insoutenable des mortifères qui continuaient leur marche grotesque dans une sinistre parodie de défilé militaire. La peur au ventre, Liam risqua un regard au-delà de son arbre pour vérifier que la horde ne venait pas dans sa direction.

Il retint un hurlement.

Une goule se tenait juste à côté de lui. Elle progressait à quatre pattes, sa gueule béante laissant entrevoir sa langue démesurée. Ses yeux globuleux se fixèrent à deux reprises sur Liam sans le voir.

La bête s’approcha davantage, comme attirée par quelque-chose. L’odeur, comprit le garçon, qui se figea de terreur. La goule était à dix centimètres de son visage. Liam pouvait sentir son odeur chaude et fétide sur sa peau. La mortifère s’arrêta et déroula sa longue langue râpeuse. De son extrémité, elle lécha la joue de l’enfant qui tremblait comme une feuille morte. Liam serra les poings et résista une fois de plus à l’envie de se sauver en courant. Raide comme un piquet, il sentit un liquide chaud couler le long de sa jambe dans son pantalon. Enfin, la créature recula et repartit vers la cohorte, apparemment convaincue qu’elle venait de croiser l’une de ses semblables. Liam poussa un long soupir et reprit sa respiration. Le cœur battant à tout rompre, il s’écroula contre l’arbre et leva les yeux au ciel.

Il s’en était fallu de peu.

Il patienta plusieurs minutes tandis que l’armée des mortifères traversait le village. Son cœur battait la chamade et il avait l’impression que sa poitrine allait exploser. Il tremblait de tous ses membres comme une feuille morte. Liam compta cinq autres cavaliers revêtus de la même armure qu'il vit passer juste devant ses yeux. Ils étaient tous montés sur des étalons d’un blanc laiteux, presque translucide. Qui étaient ces hommes et pourquoi les horribles créatures ne les attaquaient-elles pas ? Il l'ignorait mais n'allait certainement pas rester plus longtemps pour le découvrir.

Avec mille précautions, le jeune garçon se redressa et risqua un coup d'oeil de l'autre côté de l'arbre pour vérifier que les cavaliers n'étaient plus là. Il ne les aperçut nulle part. Les dernières mortifères s'éloignaient de la place du village, tournant au coin de la rue et disparaissant entre les maisons en direction de l'échoppe du Gras Luron. Le souffle court, Liam poussa un soupir de soulagement et appuya son dos contre le tronc du chêne pour reprendre sa respiration.

« Liam ! »

Un chuchotement près de lui. Le garçon sursauta et se retourna. Deux grosses têtes hirsutes émergeaient d’un buisson près de la halle. Lorsqu'il reconnut son père et Beor le forestier, le visage de Liam s'éclaira. Grenn avait du sang sur le nez et une vilaine coupure au niveau du front, mais il était bien vivant. Le cœur rempli d’espoir et la peur au ventre, Liam se précipita vers eux. Mais à mi-chemin il trébucha sur une grosse racine et s’étala par terre de tout son long. Il poussa un cri. Aussitôt, une dizaine de mortifères firent volte-face et s’élancèrent dans sa direction, gueules béantes.

« Papa ! hurla le gamin terrorisé. Papa, à l’aide ! »

Il essaya de se relever mais les créatures avaient déjà bondi en avant. Liam sentit une main puissante se refermer sur sa cheville et il fut brutalement tiré en arrière. En face de lui, Beor et son père sortirent de leur cachette en rugissant. Grenn portait toujours la tête de son harpon qu’accompagnait un filet de pêche aux mailles solides. Le forestier brandissait sa hache en avant avec l’énergie du désespoir.

Une goule percuta Beor de plein fouet et le jeta à la renverse. Grenn vint à son secours et empala la créature, mais elle lui asséna un coup dans l’estomac de ses énormes bras musculeux. Une deuxième se jeta sur ses épaules, le forçant à mettre genou à terre. Grenn hurla mais toute sa rage ne lui suffit pas à se dégager de l’étreinte mortelle qui l’immobilisait. Une troisième mortifère bondit sur Beor toujours à terre et laboura sa poitrine de ses longues griffes terreuses. En quelques instants les deux hommes furent submergés sous une nuée de créatures voraces. Liam hurla de toutes ses forces, mais rien n’y fit. La goule qui l’emportait le traînait d’une poigne de fer, ignorant le festin macabre qui se déroulait à quelques mètres de là.

Soudain, il y eut une explosion assourdissante.

C’était comme si une tempête d’une incroyable puissance s’était levée. Les bourrasques semblaient venir de partout et de nulle part à la fois. Le vent traversa le village comme une déferlante, balayant les mortifères comme des fétus de paille. À son contact, les goules s’effondraient et se changeaient en poussière que l’improbable ouragan emportait au loin. Ce vent étrange était si épais qu’il en devenait visible. C’était comme une gigantesque lame qui se jetait sur les créatures en les détruisant sur son chemin.

La goule qui traînait le garçon fut percutée de plein fouet et projetée plusieurs mètres dans les airs avant de disparaître. Liam se couvrit le visage de ses mains, se préparant à un choc terrible, mais à son contact l’ouragan déchaîné se changea en une caresse chaude et agréable qui lui ébouriffa les cheveux. Puis le vent rugit à nouveau et, comme une tornade virevoltante, s’engouffra sauvagement dans l’armée des nécrophages. Les goules poussèrent des hurlements et s’éparpillèrent dans la panique, mais elles ne furent pas assez rapides. Tel un cheval au galop qui renverse tout sur son passage, la bourrasque déferla sur la horde et la disloqua une rangée après l’autre.

Liam se retourna.

Une femme se tenait près de lui, vêtue d’une houppelande écarlate sur laquelle cascadait une chevelure dorée. Autour d’elle, un tourbillon de magie se déchaînait, parcouru de filaments d’or et d’argent d’une beauté irréelle. Un genou fléchi, bras tendus devant elle, l’inconnue effectuait des mouvements énergiques qui ressemblaient à une danse à laquelle le vent obéissait. Mais ce qui retint l’attention de Liam, ce furent ses yeux. Car cette femme avait des yeux vairons d’une profondeur envoûtante, presque infinie. À la lumière de ses sortilèges on eut dit que s’y reflétait le scintillement de milliers d’étoiles. Pendant un bref instant, subjugué par la beauté et la puissance de l’enchanteresse, Liam oublia le danger. Il oublia les cavaliers, son père qui luttait contre les goules et la peur qui ne l’avait pas quitté. Plus rien n’existait que cette magicienne et son formidable pouvoir qui lui réchauffait le cœur et lui redonnait de l’espoir.

Puis l’un des Renégats commença à chanter.

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Edouard PArle
Posté le 24/10/2023
Coucou Ori !
Excellent chapitre !
Je commence par les petits détails qui m'ont un peu intrigué. J'ai été étonné que Liam ne s'inquiète pas plus du destin de sa famille pendant tout le passage entre sa fuite et le moment où il retrouve son père. Surtout au niveau de sa mère, qu'il n'évoque que très tard dans le chapitre. On ignorait même son existence, qu'il aurait pu évoquer dans les premiers paragraphes.
Mais mon impression d'ensemble est ultra positive !
L'introduction du chapitre sur les rêves de Liam est excellente et permet d'avoir une vraie accroche émotionnelle avec ce personnage important. C'est vraiment très bien écrit, on arrive à entrer en empathie avec lui et sa fascination pour la mer. Des petits détails comme le poisson précieux permettent de rendre l'ensemble très vivant !
Le chapitre d'attaque est excellent, très horrifique. Tu réussis vraiment à rendre les goules effrayantes, avec des petits détails comme leur odeur qui viennent appuyer la vraisemblance de l'ensemble. Deux passages que j'ai trouvé excellents : celui où il se camoufle en goule malgré son dégoût (montre l'ingéniosité de Liam) et celui où il se fait pipi dessus. Ca a pas l'air glorieux comme ça mais je trouve que ça rend le personnage plus intéressant, avec une réaction normale pour un petit garçon qui n'a jamais été exposé à un tel danger. Bien mieux que le cliché de l'élu qui peut se déchaîner ses pouvoirs dès le premier danger (à mon avis).
Très sympa la fin du chapitre, on devine que le rythme ne va pas retomber tout de suite et ça donne envie de lire la suite !
Un plaisir,
A bientôt !
MrOriendo
Posté le 24/10/2023
Hello Edouard !

Merci de ton retour ! C'est cool que le chapitre t'ait autant plu, comme il y a un changement de ton assez radical avec le prélude (j'appelle comme ça les dix premiers chapitres maintenant xD) j'appréhende toujours un peu que ce soit trop dérangeant et/ou que le "vrai début du roman" ne soit pas au niveau par rapport à tout ce que j'ai pu rajouter avant.
Effectivement, je ne voulais pas d'un héros-enfant qui sauve le monde dès le chapitre 2 en déchainant les pouvoirs les plus puissants de l'humanité. On est très loin de "l'Elu" dans cette histoire, je préfère l'introduire comme un garçon très ordinaire mais assez débrouillard.
Tu as totalement raison par rapport à sa famille, notamment sa mère et sa petite sœur, ça fait partie des choses qu'il faut que je retravaille pour ajouter encore un peu d'immersion et de vraisemblance.

À bientôt pour la suite :)
Ori'
MrOriendo
Posté le 09/01/2024
Hello Edouard !
Petite info, je suis passé faire une correction sur ton conseil. J'ai ajouté un paragraphe au début du chapitre pour expliquer que la mère de Liam et sa petite sœur ne sont pas présentes au village lors de l'attaque.
Encore merci pour cette remarque précieuse qui ajoute de la cohérence à l'histoire :)

Ori'
Edouard PArle
Posté le 09/01/2024
Bien vu pour le changement (=
Peridotite
Posté le 21/03/2023
Coucou Oriendo,

Encore un bon chapitre. La fuite est bien retranscrite, la peur du garçon, la description des foules, c'était fluide et passionnant.

On s'attend à ce que le garçon pense un peu plus à ses proches. Je glisserais une petite phrase ici ou là où il a l'air vraiment égocentrique, genre ça donne l'impression qu'il s'en fiche de son père.

La toute fin est bien. Tu utilises un peu les ficelles de l'horreur. On croit que tout va bien, que les méchants sont partis et puis bam, en fait non ! Je m'attendais presque à ce que son père et le voisin se fasse tuer par sa faute, ce qui aurait rajouté du tragique à fond, avant que le gamin soit sauvé par El.

La dernière phrase est cool, ça relance bien.

PS : tu n'as plus du tout les soucis de trop d'exposition dans ces deux derniers chapitres, ils coulent tout seuls.

Mes notes de lecture :

"Des nuits entières il s'imaginait posséder une nef et un équipage"
> Est-ce du foreshadowing ? On va par la suite le retrouver en mer ? Ce serait chouette 😀

"Si ces créatures étaient aveugles"
> Tu répètes l'info. J'enlèverais "Cette chose était aveugle." quelques phrases plus haut dans ce cas.

"Il venait de fêter ses douze ans."
> C'est bien de le rappeler je trouve. Je me posais justement la question

"Sa certitude était loin d’être inébranlable et plus il progressait entre les masures silencieuses, plus il se dit que c’était une idée stupide."
> Il manque un petit quelque chose du genre : "Sa certitude était loin d’être inébranlable et plus il progressait entre les masures silencieuses, indisposé par l'odeur, plus il se disait que c’était une idée stupide."
> Je resterais à l'imparfait comme tous les autres verbes le sont.

"Soudain"
> Attention, tu utilises souvent soudain dans ce chapitre

"comme des soldats accroupis"
> Accroupis ? Mais comment peuvent-ils marcher accroupis ?

"Qui que soit cet inconnu"
> Tu peux enlever "cet inconnu", on comprend qu'il désigne le cavalier

"il serait dévoré vivant comme les autres habitants du village. Il déglutit."
> On s'attendrait à ce qu'il ait une pensée pour son père et pour Day ici, qu'il se demande s'ils ont survécu. Ou espère qu'ils s'en soient tirés.

"Liam frissonna des pieds à la tête et déglutit."
> Attention, il déglutit avant
> Dans la phrase que je viens de relever juste avant par ailleurs

"leur marche grotesque"
> Attention tu l'as déjà qualifié de grotesque avant, ce qui crée une répétition

"Enfin, la créature recula et repartit vers la cohorte, apparemment convaincue qu’elle venait de croiser l’une de ses semblables."
> Tu peux supprimer la fin de la phrase ("apparemment convaincue qu’elle venait de croiser l’une de ses semblables"), on a compris.

"Il tremblait de tous ses membres comme une feuille morte"
> Tu peux trouver une comparaison plus adapté, d'autant qu'il est couché dans les feuilles mortes

"Avec mille précautions, le jeune garçon se redressa et risqua un coup d'oeil de l'autre côté de l'arbre pour vérifier que les cavaliers n'étaient plus là."
> Il manque une indication temporelle ici comme "lorsque le silence se fit", "lorsque les cavaliers furent loin", "plus tard" ? On a l'impression qu'il se relève alors que les cavaliers sont juste a côté

"Soudain, il y eut une explosion assourdissante."
> Encore un autre soudain

"Tel un cheval au galop qui renverse tout sur son passage, la bourrasque déferla"
> Là tu fais une référence au Seigneur des Anneaux et à Glorfindel qui noie les Nazguls dans la rivière

"Une femme se tenait près de lui, vêtue d’une houppelande écarlate"
> Jusque là, j'ai cru que c'était lui qui était responsable de tout ça.

Au plaisir de lire la suite, j'arrive déjà à la limite de la publication alors que je suis à fond dedans ! 😱
MrOriendo
Posté le 21/03/2023
Hello Péridotite !

Waow waow waow, que de compliments de ta part, ça me touche merci ! :)

"On s'attend à ce que le garçon pense un peu plus à ses proches. Je glisserais une petite phrase ici ou là où il a l'air vraiment égocentrique, genre ça donne l'impression qu'il s'en fiche de son père."
--> Tu as totalement raison là-dessus, il ne s'inquiète presque pas pour sa mère restée dans la maison non plus. D'ailleurs, on n'en entend plus parler depuis que j'ai supprimé la référence à sa mère et à sa petite sœur. Il faudra que je trouve comment le réinsérer de manière fluide.

"Je m'attendais presque à ce que son père et le voisin se fasse tuer par sa faute, ce qui aurait rajouté du tragique à fond, avant que le gamin soit sauvé par El."
--> spoiler, un des deux est bien mort, je ne te dis pas lequel tout de suite ^^

"PS : tu n'as plus du tout les soucis de trop d'exposition dans ces deux derniers chapitres, ils coulent tout seuls."
--> Merci du compliment ! C'était mon premier chapitre à l'origine, donc j'ai passé des dizaines et des dizaines d'heure à le relire dans tous les sens et à le retravailler. Je voulais vraiment une entrée in medias res, une plongée dans une scène d'action avec une ambiance très orientée horreur-dark fantasy pour attraper le lecteur. Bon, maintenant ce n'est plus du tout le chap 1, mais je trouve qu'après l'arc narratif qui présente le trio Elraza - Oriendo - Roch, ça fait une excellente transition pour dire "ok, maintenant fini de déconner, on attaque les choses sérieuses" :)

"Des nuits entières il s'imaginait posséder une nef et un équipage"
> Est-ce du foreshadowing ? On va par la suite le retrouver en mer ? Ce serait chouette
--> Allez, mini-spoiler pour te faire plaisir : oui, c'est effectivement du foreshadowing ici. Mais ce sera bieeeen plus tard dans la saga ^^

"Là tu fais une référence au Seigneur des Anneaux et à Glorfindel qui noie les Nazguls dans la rivière"
--> Mince, tu m'as crâmé ^^ Je plaide coupable monsieur le juge, j'aimais bien cette image. Après, ne voulant pas copier Tolkien, j'utilise des lames de vent à la place et je m'en sers seulement de métaphore.

"Au plaisir de lire la suite, j'arrive déjà à la limite de la publication alors que je suis à fond dedans ! 😱"
--> Alors ça, "je suis à fond dedans", c'est le plus beau compliment que tu pouvais me faire. Merci du fond du coeur <3

À bientôt pour la suite ;)
Peridotite
Posté le 21/03/2023
"sa mère et à sa petite sœur"
> Ah oui j'avais même pas compris qu'il avait une mère et une petite soeur. Je me disais qu'il vivait seul avec son père. Il peut penser à Day aussi, comme le lecteur le connait, si c'est son meilleur ami et espérer qu'il s'en soit sorti.

"spoiler, un des deux est bien mort, je ne te dis pas lequel tout de suite ^^"
> Arg !

"Je voulais vraiment une entrée in medias res, une plongée dans une scène d'action avec une ambiance très orientée horreur-dark fantasy pour attraper le lecteur."
> Franchement, c'est réussi. À part les 2-3 points relevés, on se laisse en effet attraper et on ressent clairement le coté dark fantasy (que j'aime bien d'ailleurs)

"Mince, tu m'as crâmé ^^ Je plaide coupable monsieur le juge, j'aimais bien cette image."
> Haha c'est pas très grave, on le devine l'influence, mais la scène est clairement pas copiée donc je laisserais comme c'est 🙂

J'ai hâte de connaître la suite 🙂
CelCis
Posté le 05/03/2023
Coucou MrOriendo,

Cette fois-ci, c'est dimanche matin, je devrais avoir mes neurones en place :P
Très peu à redire, comme d'habitude. Tu nous mènes sur des montagnes russes, avec des temps de calme, presque doux, et quand on se pense à l'abri, des tensions qui nous mènent au sommet. Jusqu'au bout.

Ca commence joliment, avec Liam. J'aime la façon dont tu décris ses désirs, son attirance pour la mer, son envie d'avoir sa propre felouque, aussi. Je me retrouve vraiment dans la tête de ce gamin. On ressent bien aussi sa frustration lorsqu'il apprend qu'il ne pourra pas sortir en haute mer (et qu'il mange une soupe qui me paraît délicieuse, avec son épaisse tranche de pain - j'adore en général les descriptions de bouffe).

"Le père Gatien sonne déjà l’Éveil, on n’est pas en avance !" : là on commence à s'inquiéter. On sent que le drame va rattraper ces pauvres pêcheurs qui n'avaient rien demandé à part quelques poissons qui rapportent une fortune. Ca avait pourtant si bien commencé...

« Reste ici, mon grand », dit Grenn: On a envie de lui dire: non, n'y vas pas gaillard.
Mais si, il y va. Et le voilà face à une goule. La description de cette dernière est vraiment bien faite, c'est comme si j'y étais.

"Terrorisé, Liam se recroquevilla derrière un tonneau rempli d’eau de pluie et se mit à pleurer": sa peur est bien transcrite. Ce n'est pas un super héros qui sait exactement que faire. On sent son jeune âge, sa terreur, aussi.

"Trop tard": ca m'a fait penser à un film d'horreur. Je vois bien une voix off dire cela de manière un peu ricanante.

En tout cas, Liam est plein de ressources. Il se reprend, réfléchit, se tartine de goule (on ne peut s'empêcher de penser - pas bête ça). Et pas de magie, seulement de la jugeote jusqu'à maintenant, ce qui est intéressant. La description qui suit du cavalier qui arrive est saisissante.

"Liam s’agrippa donc à son arbre de toutes ses forces, se coucha dans l’herbe du mieux qu’il put et pria très fort pour que l’étranger passe près de lui sans le voir": je comprends mais ça me paraît curieux qu'il s'accroche à l'arbre tout en étant par terre. Mais c'est très subjectif.

La goule qui lui lèche le visage: j'étais totalement dans cette scène. Presque pétrifiée, comme Liam.

Avec l'arrivée d'Elraza, on est de nouveau dans un moment un peu plus rassurant, presque doux. Et puis hop, la phrase finale. Tension is back :D

Toujours aussi passionnée par ton histoire. Au plaisir de te lire!
MrOriendo
Posté le 05/03/2023
Hello CelCis !

Content de te retrouver par ici, premier chapitre et premier commentaire du dimanche lecture validés ! 😁

Tes retours sur le rythme du chapitre me rassurent, je l'ai modifié à plusieurs reprises pour essayer de trouver un bon équilibre entre la présentation de Liam, l'attaque des goules, ses réactions et sa terreur, l'arrivée du cavalier, puis d'Elraza... le plus difficile a été, je trouve, de ne pas trop me répéter dans la description des mortifères et de la peur du garçon.
"Passionnée par mon histoire", ça c'est un commentaire qui fait chaud au coeur ! Merci !

Tu verras que tension is back pour encore une paire de chapitres, on a clairement plongé dans une phase d'action du roman là ^^

À bientôt pour la suite !
Ori
Nathalie
Posté le 21/02/2023
Bonjour Mr oriendo

J'aime beaucoup les premiers paragraphes qui nous permettent (enfin) de donner un peu de corps et de valeur à ce pauvre Liam. Lui donner des envies, des aspirations, des rêves permet vraiment au lecteur de craindre pour la suite en ce qui le concerne (ceci dit, dommage de ne pas l'avoir mis plus tôt, enfin je trouve...).

Petite remarque en passant (mais qui ne concerne peut-être que moi) :
Devant le regard déconfit et accusateur de son aîné
→ J’ai buggé sur cette phrase. Je me suis dit : « Ben non, si c’est lui le père, son fils ne peut pas être plus vieux que lui ». Après seulement je me suis dit « ah non, ok, il a probablement d’autres enfants et Liam est le plus vieux ». Peut-être que je n’ai pas retenu que Liam avait des frères et sœurs. Si ça a été dit, au temps pour moi. Sinon, il faudrait peut-être préciser « de l’aîné de ses enfants ».

Très beau combat. Se recouvrir le corps de morve de goule était-il vraiment une bonne idée ? Quelle horreur. Par contre, on peut supposer que les goules sont sourdes en plus d'être aveugles, sinon, elles auraient aisément perçu les battements cardiaques de Liam (que je suppose les goules n'ont pas).

J'aime beaucoup la phrase choisie pour la fin de ce chapitre. Très suspens :)
MrOriendo
Posté le 21/02/2023
Hello Nathalie !

Merci de ton retour et de tes compliments ! J'ai bien noté ta remarque concernant Liam, il faudra sans doute que je trouve un moyen de le faire rentrer plus concrètement dans l'histoire dès les premiers chapitres, j'y réfléchirai le moment venu :)

Bien vu pour cette référence à "l'aîné", ça signifie en effet l'aîné de ses enfants. Dans une version antérieure je mentionnais sa petite sœur Juniper mais j'ai retiré ce passage, je vais corriger ça :)

Les goules ne sont pas sourdes, d'ailleurs elles réagissent au cri de Liam dans ce passage :
"Il poussa un cri. Aussitôt, une dizaine de mortifères firent volte-face et s’élancèrent dans sa direction, gueules béantes."
Néanmoins on peut imaginer que leur ouïe est mauvaise, ou en tout cas pas suffisante pour percevoir les battements du cœur de l'enfant (après tout, qui parvient à entendre le battement d'un cœur à plusieurs mètres de distance ?)

Content que la fin du chapitre te plaise, j'espère que le suivant sera à la hauteur de tes attentes ;)

À bientôt pour la suite,
Ori
Nathalie
Posté le 21/02/2023
après tout, qui parvient à entendre le battement d'un cœur à plusieurs mètres de distance ?
-> La goule est suffisamment proche pour lui lécher le visage quand même !
MrOriendo
Posté le 21/02/2023
Ah oui, cette goule-là ^^
J'avais répondu en parlant des goules de manière générale, my bad !
En tout cas elles ne sont pas totalement sourdes, mais clairement leur ouïe n'est pas suffisamment développée pour entendre le battement d'un coeur ;)
Neila
Posté le 17/02/2023
Grosse ambiance films d’horreur !
Le chapitre est très réussi je trouve. Ça commence tout en douceur avec Liam et ses grands rêves. Le personnage est immédiatement sympathique. Il dégage une belle vibe de jeunesse pleine de projet, qui conserve encore une naïveté toute enfantine tout en s’apprêtant à se lancer dans la vie d’adulte. <3
Un instant, j’ai eu l’espoir qu’il parte au large avec son père avant que les choses ne dégénèrent… mais non. Tu leur as pas fait cette fleur. x’D
L’horreur, la tension, l’angoisse de la situation est très bien retranscrite et dosée. C’est ni trop ni trop peu. Je trouve ça chouette, aussi, que Liam ait des réactions normales pour son âge. Qu’il pleure, sache pas quoi faire et se fasse pipi dessus. Ça peut sembler évident, mais j’ai lu des histoires de fantasy où des jeunes protagonistes frémissaient à peine alors qu’ils se retrouvaient pour la première fois dans des situations super dangereuses. Ou se transforment en warrior bad ass en peu de temps. Le fait que Liam se fasse dessus (dans tous les sens tu termes) n’empêche pas de voir ses qualités. Déjà, il est futé. Il pense a faire un torche avec sa canne avant de sortir et il a l’idée de se tartiner de jus de goule pour masquer son odeur.

Y a qu’un truc qui m’a fait tiquer, c’est Grenn qui insiste pour que son fils sorte dehors, seul, avec toutes les goules dans le village, alors qu’ils viennent juste de barricader la porte de la maison. Tu dis qu’ils savent que leur barricade ne va pas tenir longtemps, mais ce qui est sûr c’est qu’il y a plein de goules à l’extérieure. Là, à ce moment précis, l’intérieur semble toujours plus sûr que l’extérieur. x’D Ou quitte à se dire qu’il vaut mieux s’échapper de la maison, qu’est-ce qui empêche à ce moment là Grenn et Beor de partir avec Liam par la fenêtre ? Tout simplement, je crois que si tu avais précisé que Grenn et Beor se retrouvaient à devoir tenir la porte pour empêcher les goules d’entrer, ça m’aurait paru beaucoup plus normal qu’il ordonne à son fils de s’enfuir tout seul.

Sinon, côté forme, la comparaison au naufragé m’a paru revenir souvent (assez pour que je la remarque) :
« se cramponnant à son flambeau comme un naufragé à son radeau »
« Il s’agrippa à sa canne à pêche comme à une planche de salut »
« comme un naufragé à son radeau en pleine tempête »
Bon, la deuxième est une variante. A la rigueur, je pense qu’il suffirait juste d’enlever la première ou la dernière.

Bon, mais… dis moi… le papa et le forestier sont pas morts, quand même ? é.è La fin laisse grave le doute… et en même temps, cette histoire de « festin macabre » laisse peu d’espoir. x’D
Heureusement, Elraza est là ! Elle va sauver la situation, j’y crois.
MrOriendo
Posté le 17/02/2023
Hello Neila !

Très content de voir que tu es convaincue par l'ambiance et le rythme du chapitre dans sa globalité. Dans une précedente version du Sildaros il s'agissait du tout premier chapitre de l'histoire (qui s'ouvrait sur celui du Père Gatien en prologue) et on ne découvrait l'histoire d'Elraza et des Trois Couronnes que sous forme de flashback. Autant te dire que j'en ai passé des heures à le bichonner, puisque c'était censé être mon chapitre d'introduction ^^

Le ton du récit change assez drastiquement comme tu as pu le remarquer, puisque les cavaliers rentrent en action. Je te rassure ça ne va pas rester aussi sombre et "film d'horreur" ad vitam eternam, mais on est partis pour quelques chapitres quand même 😊

Heureux que Liam te paraisse sympathique également, je me suis beaucoup efforcé de rendre ce personnage réaliste pour justement éviter de tomber dans le cliché fantasy du gamin de 10 ans qui est "l'élu" et qui devient super badass en 2min pour tout casser et sauver le monde.
Ici, Liam est un mioche terrorisé par les mortiferes et les cavaliers, donc ça me paraissait normal qu'il pleure, crie, se soulage dans ses braies.

Très bonne remarque concernant Green et Beor dans la maison, je n'y avais absolument pas pensé ! Je vais voir comment retravailler légèrement ce passage pour corriger cette petite incohérence.
Merci ! 😊

À bientot pour la suite
Ori
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