Acte III

Par Jupsy

Ne pas réfléchir. Ne pas penser. Errer sans but. Il faut. Non. Il le faut. J'avance d'un pas lent. Je ne dois pas aller trop vite. Je marche dans des ruelles. Je tourne en rond. Je ne suis pas une destination fixe. J'obéis au principe de l'errance. Je ne sais pas où je vais. Je me mens. Je triche. J'accélère. Je me reprends. Elle ne doit se douter de rien. Je guette son rire, ses moqueries, ses insultes. Je n'entends rien. Elle ne dit rien. Elle reste silencieuse. Son silence m'angoisse. Trop pesant. Trop irréel. Ma respiration devient sifflante. J'approche du but. Je m'arrête à quelques mètres de lui.

Une église. D'influence gothique, elle est impressionnante. Autour d'elle, un cimetière est dressé. Ancien, plus personne n'y est plus enterré depuis longtemps. Les proches de ces tombes n'y viennent plus, mais les morts hantent ces lieux. Peut-être sont-ils des protecteurs de cette église ? De son prêtre ? D'un rire, elle balaie mes faibles tentatives pour me rassurer. Je sens un vent glacial se lever. Comme dans ces vieux films, le temps se gâte. Les nuages menaçants prennent place dans le ciel. Je pourrais presque entendre le tonnerre s'abattre... Sauf qu'une silhouette attire mon attention. Sur le parvis de l'église, le prêtre se tient debout. Ses yeux me scrutent avec attention. Aucune bienveillance n'est visible. Il est sans expression. Sévère peut-être...

"Il va te maudire, ma chérie."

Je ferme les yeux d'agacement. Puis les rouvre pour voir son doigt se pointer vers moi. Une déchirure se produit au niveau de mon cœur. J'esquisse un pas en arrière. Fuir. Telle une automate, mon corps obéit à cette pensée. Je tourne le dos. Mes jambes se mettent à courir. Je bouscule passants et passantes. Je manque de me faire renverser à plusieurs reprises. Je sens encore le doigt accusateur peser sur moi... Et je finis par m'écrouler sous son poids.

 

***

 

Tic et tic et tac.. Tic, tac, toc Toc, tic, tac... Toc, toc. Non ! Ma main s'arrête en vol. J'ai le souffle court. Mes yeux fixent un vide immense. Où suis-je ? Qui suis-je ? Mes pensées s'envolent. Ma mémoire flanche. Je les poursuis. Et son rire vient m'éclater à la figure... Son rire. Son rire. Son rire. Son rire... Toujours et encore. Ce rire tue mes tympans. Ce rire me fout les jetons. Ce rire me bouleverse. Ce rire me plante une lame en plein cœur. Ce rire me tue... Des larmes coulent sur mes joues.

Mon corps frémit, sursaute. Je tremble comme une feuille. Mes doigts relâchent l'objet entre mes mains. Je n'en peux plus. Sauvez mon âme. Préservez-moi du démon.

- Trop tard, chante-elle dans ma tête.

Ferme-la. Un cri, puis un hurlement. Ma voix se brise encore et encore, puis se tait. Je m'effondre à nouveau sur le sol. Mes mains martèlent le sol à coups de poings. Puis cessent pour glisser dans le liquide poisseux. Mon corps le suit... Je trempe dedans. Chaque parcelle de ma peau se laisse souiller. Mes larmes s'y mêlent. Puis ma bouche s'entrouvre... Ni amer, ni doux...c'est l'âcreté qui me touche. Des sanglots hystériques. Non...non...non...et non. Je n'ai pas pu...non... Mon visage se lève. Mes yeux croisent l'inacceptable. Oh seigneur, ayez pitié de mon âme. Mes doigts s'approchent. Ils frôlent. Puis finissent par toucher. Je m'écarte aussitôt frappée par la foudre de la réalité. Et elle rit. Elle rit à gorge déployée. Elle se moque de moi :

 

Ainsi fait, fait, fait, Ma petite marionnette,

Ainsi fait, fait, fait, Trois petits meurtres et je t'ai.

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