Que fait-on d’une émotion sans image ? La joie perdue au milieu d’un grand vide, sans attaches, cherchant désespérément à s’exprimer par elle-même. J’avais envie de lui donner un visage, un instant, une vue pour la faire jaillir. Mais à la place d’un souvenir, une suite de mots pour répondre à ma demande : « sentiment agréable ou exaltant liée à une cause particulière ». Je me souviens avoir balayé d’un geste tout mon plan de travail dans un cri de rage. Je me suis figé, le souffle court, laissant l’écho du fracas continuer à s’exprimer, tout en fixant l’amas de papiers au sol. La colère, à cet instant-là, avait une image. Un son. J’ai fermé les yeux, l’émotion encore brûlante dans ma poitrine. « Mécontentement accompagné d’agressivité ». L’intensité dans ses mots, qui m’apparaissent sans cesse désormais, est inexistante. Comme une traduction erronée d’un autre langage. Celui du cœur et de la mémoire.