Nous on n’a jamais rien demandé au monde. Jamais. Notre vie elle est très bien la vie ordinaire alors quand on est venus et qu’on m’a dit qu’il était double, le monde, et qu’on formait dans l’autre des êtres d’exception, j’ai senti qu’il y avait là un malentendu. Faire de nous des héros, d’apparence ça a l’air génial mais je vois bien qu’en réalité, ça nous mine. On le dit pas et pourtant aujourd’hui je le dis : moi j’me suis jamais senti héros.
Mes réticences on s’en fichait. On m’a embarqué dans l’histoire et j’ai commencé à voir double et j’étais double et j’avais deux identités à gérer en même temps. Vraiment tout ça je regrette ce temps où mes seules préoccupations se résumaient à teindre quelques mèches de cheveux restées obstinément bleues, étudier le mouvement des astres, écouter la violoncelliste qui, chaque jour depuis qu’elle a débarqué dans la Ville Crépusculaire, joue comme ça, de façon à la fois grave et anodine, devant la bouche béante et puante du métro.