Ouvrir le hublot, se pencher en avant, tendre le bras et voir sa main qui cherche, cherche, cherche et, enfin, se referme sur la peluche rose. Non, c’est trop effrayant. Dehors, le parc tourne et tourne, les adultes virevoltent, se succèdent, ici des manteaux rouges et là des sourires gris, tout défile encore et encore et n’en finit plus de tourbillonner. Une maman remplace un papa qui laisse la place à d’autres enfants, impatients de prendre ma place.
Si je veux la conserver, ma place, il faut bien que je saisisse la peluche rose. Tant pis pour les papillons qui s’écharpent dans mon estomac – tant pis pour la barbe-à-papa dévorée tout à l’heure, et que les tressautements du manège menacent d’expulser à tout moment. Il est très important de savoir conserver sa place.
Alors je retente ma chance : ouvre le hublot de mon vaisseau spatial, plonge dans l’espace, la main et le museau frappés par le vent, tends la main et agrippe la peluche. Enfin ! Victoire. Le manège siffle. Le tourbillon exulte. Les papas et les mamans applaudissent et leurs mains créent une banderole sans fin.
Je referme le hublot et, peu à peu, tout ralentit. Les manteaux et les sourires s’effacent, la banderole s’éteint.
J’ai gagné la peluche.
Je vomis.
Je vais devoir rester à bord.
Seul le "je vomis", pourquoi, en définitive ?
Le "je vomis" veut signaler que l'enfant n'a aucun intérêt à rester dans son manège. Mais que, pour des raisons un brin individualistes ("garder sa place coûte coûte"), il décide de rester...
Merci, et à bientôt par ici ou ailleurs !
C'est riche une fois de plus, j'ai l'impression que je pourrais même en faire une dissertation x) Tu utilises beaucoup d'images et la réflexion sur la place à occuper dans le monde me laisse pensive ! C'est intéressant ce mélange entre la simplicité de l'enfance et le regard plus large que tu proposes sur la société. Puis il y a cette hésitation bien caractéristique de notre époque et qui conduit souvent à regretter nos choix. Je pars peut-être un peu loin, mais ce sont mes impressions de lecture ! ^^
C'est vrai que l'on peut voir une sorte d'allégorie du rapport qu'entretient un individu avec le monde extérieur. J'ai voulu montrer un personnage qui se jette sur la première "douceur" venue, avec un petit quelque chose d'invididualiste ("conserver sa place", ça me paraît être un concept absurde car égocentré - comme si "une place" avait une valeur positive inhérente, alors qu'une place peut être bonne ou mauvaise pour soi, et/ou bonne ou mauvaise pour les autres). Au final, ce personnage se trouve piégé par ses propres efforts.
Je suis très contente que tu aies eu cette interprétation !
Pourquoi le titre de Zootrope ? Parc que le monde extérieur devient un dessin animé ?
J’aime la répétition des manteaux et des sourires. Par contre, j’ai été perturbée par le passage de la 3ème personne (voir sa main) à la première à la fin du premier paragraphe (prendre ma place).
Oui tout à fait, "Zootrope" pour évoquer le monde qui tourne et se déforme depuis le manège :-)
En effet l'introduction de la première personne apparaît peut-être un poil tard... J'y réfléchis, et je pense que je peux y remédier en ne modifiant qu'un détail ou deux !