XXVII. Lubinapolis sombre

Par Jibdvx

L’orbe continuait de lentement se désagréger. Un faible rayonnement verdâtre peinait à percer sa surface bosselée, parcourue sporadiquement de faibles vibrations. La vie quittait peu à peu le corps cristallin de Milostivar. À présent il flottait difficilement au ras du sol à la façon d’une énorme luciole. En tendant l’oreille, Emilia et Anton pouvaient entendre des halètements paniqués. Le Prince sentait sa fin arriver. Le mercenaire et l’apprentie s’entre-regardèrent sans trop savoir quoi faire des révélations que chacun tournait et retournait dans sa tête. Jambar ? L’assassin de l’Empereur Tragentopolien ? C’était impossible, personne ne pouvait vivre aussi longtemps ! Et pourquoi revenir alors ? Leur quête avait-elle un autre but ? Emilia fut la première à interrompre le flot de questions qui leur assaillaient les méninges.

— Ça paraît fou mais… il parle le Tragentopolien. Il en sait tellement sur un empire disparu depuis des centaines d’années…

— Cela ne prouve rien, la coupa Anton. Jambar ne peut pas avoir plus de trois cents ans, ça n’a pas de sens !

L’ancien commandant se triturait nerveusement la barbe. Sa raison le poussait à ne pas croire quelque chose d’aussi insensé, mais dans un coin reculé de son entendement, à la lisière de sa pensée, son instinct s’était éveillé et le poussait à douter. Ce sentiment, et l’affreuse impression d’avoir été abusé, réveillait chez Anton des souvenirs qu’il aurait préféré garder enfouit au fond de son cœur. La blessure laissée par la trahison de Sangor, des années auparavant, lui envoya une décharge qui lui parcourut l’échine. 
Emilia était tout aussi perdue que le mercenaire. À l’incompréhension se mêlait maintenant la peur, alors qu’elle réalisait que son maître était seul avec Jambar. Un regard à Anton confirma ses craintes, ils devaient retrouver Sol et l’employeur.

— J’y vais, dit Anton avant que l’apprentie n’ait pu ouvrir la bouche.

Il enfilait déjà son armure et ajustait le fourreau de Faucheuse après en avoir examiné la lame. Elle chuinta dans le cuir épais quand Emilia retint le mercenaire d’une main en s’exclamant.

« — Moi aussi ! Si mon maître est en danger je dois aller l’aider. Je…
Sa voix s’enroua sous le coup de l’émotion. Elle serra les poings en se mordant l’intérieur des joues pour se calmer. Après une profonde inspiration, elle planta son regard dans les yeux taciturnes du mercenaire et déclara :

— Sans Sol, je ne serais jamais devenu magicienne et je serais sans doute morte une bonne vingtaine de fois. Je lui dois tout ! Je ne vous laisserais pas y aller seul. »

L’assurance de la jeune femme désarçonna Anton. Ces paroles ravivèrent d’autres souvenirs. Elle lui avait dit qu’elle ne s’enfuirait pas, qu’elle ne le laisserait pas. La veille de…
Pendant quelques secondes, le temps s’était arrêté pour le mercenaire. Il cligna plusieurs fois des yeux et considéra l’ultimatum d’Emilia. Incertain sur ce qui allait arriver, il aurait préféré refuser fermement. Mais elle avait raison. Les magiciennes ont toujours raison. Il acquiesça et tous deux allaient se diriger par là où Sol et Jambar étaient partis, quand les cliquetis d’une armure et la voix claire d’Elio résonnèrent entre les hauts murs de jade.

— Attendez ! Vous n’allez jamais croire ce qu’on… Pardon, je veux dire qui on ramène !

Une voix étrange grinça dans le dos du chevalier.

— Il n’y a pas de mal messire. J’ai perdu mes traits humain il y a bien des années.

L’apprentie et le mercenaire clignèrent plusieurs fois des yeux, éberlués par l’être mécanique qui accompagnait leurs deux compagnons. Stroï s’approcha et s’inclina avec une fluidité effarante pour un automate. Ses articulations mécaniques chuintèrent tandis que le tourbillonnement des rouages se devinait sous sa peau d’écailles chromées. Emilia resta sans voix quand le majordome exécuta une nouvelle courbette. Ses mouvements étaient si… particuliers ! Admirablement humains pour une machine, mais subtilement dérangeants par leur perfection. L’exécution était trop parfaite, les enchaînements trop fluides et calculés. C’était comme voire les muscles et les tendons jouer à travers la peau, la vision d’un appareil si complexe était à la fois fascinante et repoussante.
Ce sentiment paradoxal s’accentua encore lorsque l’automate saisit lentement la main d’Emilia et en scruta les lignes avec ses yeux luminescents. La sensation du métal froid, parcouru par la douce vibration magique qui animait ce corps artificiel provoquait une étrange empathie chez la jeune magicienne. La chaleur du vivant était absente de cette main de métal, pourtant Emilia ne pouvait pas la qualifier comme un simple objet sans vie.
Stroï continua son inspection avec beaucoup de délicatesse, ce qui installa un silence gênant et contemplatif au sein du groupe. Quand le majordome releva la tête, son coup formait un angle bien trop relevé pour ne pas faire sursauter la magicienne. Stroï relâcha la main de l’apprentie et se confondit en excuses.

— Oh ! Je suis vraiment désolé Madame ! Je vous supplie de me pardonner cette impolitesse. C’est que… j’ai été troublé. J’ai cru un instant reconnaître la magie de mon maître en vous. Une réminiscence d’un lointain passé sans doute…

Emilia, incertaine, chercha des réponses dans les regards hésitants de Orm et Elio. En secouant lentement sa tête de gauche à droite, le chevalier lui fit comprendre que l’automate ne savait rien du sort du Prince. L’apprenti se rappela alors que ce dernier se dégradait toujours non loin. Elle saisit à son tour la main de l’automate qui, surpris, releva ses yeux incandescent vers elle.

— Vous ne vous trompez pas… Monsieur ?

— Stroï, Madame.

À la prononciation de ce nom, l’imperceptible lueur de l’orbe de jade se raviva quelques secondes. Elle réussit même à flotter mollement dans la direction du groupe.

— J’ai bien entendu ? Stroï ? Stroï est ici ? s’écria la voix du Prince dans un souffle ténu. Miuy kamrad ?

L’automate se dégagea vivement d’Emilia et se précipita vers l’orbe, désormais minuscule. Il s’agenouilla et saisit délicatement ce qui restait de son maître entre ses doigts de métal. Son regard luisant se réverbérait sur la surface verte de la sphère, ajoutant le doré à sa teinte verte.
L’échange qui suivit entre le majordome et son maître fut incompréhensible pour les aventuriers. La voix du Prince avait cependant changé. D’abord faible et remplie de remords, ils y percevaient maintenant une fatigue incommensurable. La voix de Stroï, quant à elle, grésillait et fut plusieurs fois secouée de hoquets incontrôlables. Les quatre compagnons ne pouvaient qu’observer ces deux représentants d’un âge oublié se dire adieu, probablement pour la dernière fois. L’orbe se réduisait à vue d’œil, jusqu’à ne plus devenir qu’un fin filet de poussière verte flottant entre les mains de Stroï. Les voix se turent, l’automate regarda la poussière de jade virevolter encore devant ses yeux de verre, il regarda sa lumière s’éteindre, puis les grains tombèrent un à un sur la pierre du palais. Le silence était si total que leur chute résonna comme un carillon  dans l’immense hall. Stroï resta à genoux, les mains contre les dalles froides, le mécanisme de ses épaules tressautait en émettant de courts chuintements. Emilia se risqua à s'agenouiller à côté de l'automate. Celui-ci posa son regard sur elle, il fut impossible pour l'apprentie de déceler la moindre émotion au fond de ses yeux orangés, mais l'agencement que prenaient les mécanismes du visage de Stroï ne laissaient aucun doute sur sa tristesse.

« — Je ne vous en veux pas, murmura simplement Stroï. Milos l'a admis lui-même, il s'est perdu dans ses ambitions. Celles de surpasser notre ennemi commun et mériter sa place en tant qu'Empereur...

Les mots déraillèrent au fond de la gorge métallique de l'automate. Ses traits brillants se firent plus durs.

— Promettez-moi, Madame. Promettez-moi que vous finirez ce que mon Prince n'a jamais pu accomplir. Le mal qui s'est répandu sur l'Empire... était trop grand pour que nous puissions nous en défendre. Mais vous et vos compagnons, vous y arriverez. »

Stroï composa un sourire étonnamment sincère, qui sonnait comme un soupir de soulagement.

Derrière Emilia, Anton décrivait les événements au chevalier et au barbare, il hésita à mentionner la révélation sur leur employeur. Une partie de lui continuait de douter, à juste titre. Milostivar avait essayé de tous les tuer, même de prendre le contrôle d'Emilia. Comment pouvaient-ils lui faire confiance ?

— Anton ? Tout va bien ? demanda Orm qui sentait que quelque chose clochait.

— Attendez ! avertit Elio qui se pencha et posa une main sur le sol. Vous sentez ?

Ils n'y avaient pas prêté attention dans l'immédiat, mais effectivement, les dalles du palais vibraient, de plus en plus fort. Aussi, de façon d'abord imperceptible mais bien visible maintenant, la luminosité baissait. La lumière verdâtre qui éclairait Lubinapolis mourrait petit à petit. Une statue de la grande coupole au-dessus de leurs têtes se détacha et se fracassa de tout son poids, projetant des éclats de jade dans tous les sens. Des fissures lézardaient progressivement les murs, une autre statue s'écrasa au loin, sa chute presque couverte par le grondement menaçant, maintenant bien audible, du palais, non, de la ville toute entière qui s'effondrait !

— Où sont Jambar et Sol ? s'écria Orm qui chargea précipitamment les sacs de provisions sur son dos.

Un choc tonitruant les fit sursauter, Emilia se releva d'un bon. Un bloc de pierre, détaché du plafond de la caverne, venait de tomber sur le palais. Étouffés par la distance, d'autres coups de tonnerre leur parvinrent depuis les rues de Lubinapolis.
Paniquée, Emilia tournait sur elle-même, espérant enfin voire son maître émerger de tout ce chaos. La porte du palais était bloquée, ils étaient coincés. L'apprenti sentit la main froide de Stroï lui attraper le poignet. Elle pencha son regard chargé de peur sur l'automate. Elle remarqua que les yeux du majordome mécanique crépitaient, comme la flamme d'une bougie sur le point de s'éteindre. Quand il lui parla, assez fort pour couvrir le vacarme, les muscles chromés de son visage tressautèrent et sa tête répétait un mouvement bizarrement saccadé de droite à gauche.

— Le coeur... Le coeur de la ville s'est arrêté. Après les excaliers. Une porte secrète jusqu'au tunnel... derrière la statue de l'Empereur.

Stroï reporta ensuite son attention sur  le petit tas de poussière terne qu'avait été son Prince. Il resta ainsi, immobile.
Un énorme bloc de pierre fit éclater la coupole, sa masse colossale déchira la pierre taillée dans une pluie de débris, juste au-dessus du petit groupe. Leurs réactions, accompagnèrent la chute du rocher comme au ralenti. Orm laissa tomber les sacs et hurla quelque chose, Elio dégaina son épée dans un réflexe malheureusement inutile et Anton courrut en avant, droit sur l'apprentie. Emilia ne put que constater avec terreur que l'ombre de pierre se rapprochait mortellement vite, elle voulut crier le nom de son maître mais les mots s'étouffèrent avant de franchir ses lèvres.
Une intense lumière dorée illumina soudain tout le hall. Un trait de lumière magique vint frapper le bloc qui partit valdinguer sur plusieurs mètres, sauvant de justesse le petit groupe. Les yeux d'Emilia s'agrandir de soulagement. Alors que le fragment de caverne qui avait failli leur coûter la vie explosait contre le sol dans un tintamarre assourdissant, Sol, les mains encore fumantes, fonçait sur eux, talonné de près par Jambar. Hormis l'anxiété qui marquait son visage, voire son maître autant en forme soulagea la jeune femme. Un sentiment qui lui parut brusquement déplacé compte tenu de la situation. Anton la fit d'ailleurs brutalement revenir à la réalité en lui secouant l'épaule.

— Pas le temps de rêvasser ! On bouge maintenant ! lui cria le mercenaire.

Le ton sans appel de l'ancien commandant agit comme un électrochoc. Ou étaient-ce les centaines de kilos de roche qui tombaient tout autour d'eux ? le fait est qu'Emilia pointa l'escalier déjà grêlé de cratères.

— Là bas ! Il y a une statue de l'Empereur tragentopolien avec un passage vers l'extérieur !

Anton hocha la tête et fit un signe de tête à Elio et Orm, qui partirent en courant. L'apprentie et le mercenaire furent vite rejoints par Jambar et Sol. Le mage n'eut que peu de temps pour reprendre son souffle.

— Je suis désolé. Tout est de ma faute... C'est... Le coeur, il l'a détraqué et j'ai...

— On a pas le temps ! coupa Anton. Emilia dit connaître une sortie, alors en avant !

Anton avait ordonné cela sans quitter Jambar des yeux. Il avait encore trop de questions, mais il savait d'expérience que le doute ne protégeait pas des pluies de pierres. Ils partient donc en trombe et montèrent les escaliers quatre à quatre. Emilia jeta un dernier regard à Stroï, à genoux, toujours aussi impassible au milieu du chaos qui se déchaînait autour de lui. Elle ne put retenir un hoquet quand la coupole s'effondra completement, engloutissant la silhouette du majordome dans un nuage de bruit, de granite, de débris de statues et de poussière verte.
En haut, ils virent Elio et Orm s'époumonner devant une statue imposante. Elle représentait un homme d'un certain âge, portant un chiton ample et coiffé d'une couronne en forme de soleil. Son visage, encadré par une épaisse barbe aux mèches flottant au vent.

— Et si ce n'était pas lui ? beuglait Elio.

— Tu vois d'autre statues d'Empereur peut-être ?! répondit Orm encore plus fort.

Il se tournèrent vers les trois autres qui accouraient, Elio semblait plus paniqué que jamais.

— On trouve pas de mécanisme ! s'égosilla-t-il.

— Stroï m'a assuré que la sortie se trouve derrière la statue, répéta Emilia.

— Poussez-vous ! ordonna Sol. Je vais libérer la voie.

Tous se rassemblèrent derrière le géomancien, une goute de sueur roula sur la tempe de ce dernier qui joignit les mains. De nouveau, une lueur dorée perça la pénombre du palais bientôt réduit à l'état de ruine. Une onde de choc parcourut le sol jusqu'à la statue qui se souleva de quelques centimètres avant de pencher sur la droite et de s'effondrer sur le côté. La chute de la statue de l'Empereur s'ajouta au vacarme ambiant et la troupe n'y prêta pas la moindre attention; En effet, un renfoncement se dévoila à la place de la statue, un escalier et un tunnel disparaissaient au loin.
Sans attendre, le chevalier, le barbare, l'apprentie, le magicien, l'employeur et le mercenaire se ruèrent dans cette sortie providentielle. C'est à une dizaine de mètres parcourus dans le tunnel, maigrement éclairé par quelques roches phosphorescentes, que Orm se retourna, constatant avec effroi ses mains vides. Il se retourna les yeux exorbités, et tous purent l'entendre crier, chaque syllabe décomposée à la perfection par l'horreur de ce que le ouestar venait de réaliser.

— Puuuuutaaaaain leeeeees proooooviiiiiisioooooons !

Ils se retournèrent juste à temps pour voire, à l'entrée du tunnel, l'un de leurs sacs se faire anéantir par un déluge de débris. Orm tandit vainement une main désemparée vers ce qui n'était maintenant qu'un amas de fragments de pierre.

— Noooooooon ! s'écria-t-il.

La terre tremblait de plus en plus fort autour d'eux, aussi durent-ils reprendre leur course au plus vite. Jambar l'avait remarqué, de certaines fissures s'échappait des filets d'eau. Ils se trouvaient toujours sous le lac et s'en serait fini d'eux si le tunnel venait à s'écrouler lui aussi. Il fut soulager en voyant le chemin remonter, leur route balisée pas des cailloux brillants enchâssés dans les parois. Mais les secousses ne s'arrêtaient pas. Emilia pensa aux rochers qu'elle avait détachés du plafond de la caverne pour couper la route aux statues de jade. Peut-être avait-elle trop fragilisé la poche souterraine et provoqué tout cela ? Elle ne put aller au bout de sa pensée, un fracas lointain suivi d'un bruit de succion glougloutant derrière eux leur indiqua que le tunnel venait de céder !
Ils pressèrent le pas, leur chemin se mua en escalier. Ils le suivirent jusqu'à un palier ou trois chemins s'ouvraient devant eux. Ils se figèrent, ne sachant pas quel passage prendre.

— Celui de droite n'est pas éclairé, fit remarquer Anton. Il ne devait déjà plus servir. Ça nous laisse...

Les autres l'avaient remarqué aussi. Un squelette équipé d'une vieille armure rongée par la rouille, le temps et la roche était avachi devant le couloir le plus à gauche. Une entaille béante dans son casque ne laissait aucun doute sur sa présence ici. Plus loin, un autre gisait à plat ventre dans le tunnel.

— S'ils ont tenté de s'enfuir par là, c'est sans doute le bon chemin...

Sans attendre, Elio ouvrit la marche dans le tunnel de gauche, suivit par Sol et Jambar. Anton fermait la marche derrière Emilia et Orm. Les tremblements gagnèrent en intensité, à un tel point qu'ils eurent du mal à rester debout. Sol tituba et se rattrapa à la paroi du tunnel. Un grondement caverneux inimaginable se répercuta dans tout le souterrain, des fissures zébrèrent le sol et les murs alors que les secousses rendaient leur progression presque impossible.

— Maître attention ! cria Emilia, sa voix noyé par le bruit.

Une stalactite venait de se détacher du plafond et fonçait droit sur le crâne de Sol ! Emilia se jeta en avant mais fut devancée par jambar qui attrapa le magicien en courant et le tira plus en avant dans le tunnel, le sauvant in extremis. Tous deux roulèrent sur le sol humide quand la stalactite explosait en une centaine de fragments tranchants. Un autre tremblement de terre, d'autres morceaux du tunnel leur tombèrent dessus. Jambar grogna de douleur quand, pendant qu'il aidait Sol à se relever, un bloc de pierre lui écrasa l'épaule gauche. Elio leur hurla de courir dans sa direction. Une autre pierre, grosse comme une pastèque faillit écraser la tête d'Emilia. Orm la tira en arrière au dernier moment mais un rocher lui laboura le dos quand un pan entier du tunnel s'effondra derrière eux. Anton esquiva de justesse une pluie de débris, il voulut sauter en avant mais le sol se déroba sous ses pieds, il sentit la roche céder en dessous de lui. Orm et l'apprentie virent avec horreur l'ancien commandant disparaître sous un déluge de pierre. Mais le barbare ne s'arrêta pas. Il empoigna le bras d'Emila et tous deux courrurent vers les autres membres du groupe, quelques mètres plus loin. Sol se retourna et vociféra quelque chose, totalement imperceptible dans l'enfer de silice qui se déchaînait autour d'eux. Le mur et le plafond supplièrent une dernière fois avant de s'effondrer devant Orm et Emilia. Cette dernière regardant terrorisée le visage de son maître s'effacer derrière un manteau de granite. La voie maintenant bloquée, Orm agit selon son instinct. Il serra Emilia contre lui et se jeta dans un trou béant laissé par l'ébouli. Emilia sentit l'air siffler autour de ses oreilles alors qu'ils chutèrent sur plusieurs mètres. Orm réussit à amortir leur atterrissage sur la pierre dure, non sans serrer les dents. Son armure lui avait évité le pire, mais une lance de douleur lui transperça les omoplates.

— Debout ! ordonna-t-il.

Emilia se relevait déjà. Un autre tunnel, plongé dans l'obscurité totale, s'ouvrait devant eux. À peine eurent-ils repris leur course que d'autres roches leur tombèrent dessus. L'une d'elle toucha Orm à la tête. Le barbare tituba, une main sur son front qui commençait à saigner abondamment. Il tomba à genoux, les yeux dans le vague. Sans réfléchir, Emilia se retourna et, voyant un nuage de débris mortels s'abattre sur eux, leva les mains en puisant dans toutes ses forces. Elle serra les dents quand des tombereaux de magie brute s'écoulèrent par tous les pores de sa peau. L'air vibra et s'emplit d'une odeur métallique. La pluie de roche se stoppa au-dessus d'eux. Emilia crispa ses poings et la pierre se compacta. Chaque fragment du tunnel s'amalgama en un grand bloc de pierre vibrante, écrasé par une force invisible considérable. L'apprentie modela ensuite le bloc en une chape de granite sombre qui les protégerait des débris. Les secousses semblaient s'être calmées et la pression retombait petit à petit. Emilia relâcha sa concentration, le dôme de pierre resta en place. c'est le regard vitreux et le souffle court qu'elle constata l'état d'Orm.
Une grande balafre cramoisie barrait le haut de son front. La pierre avait heureusement heurté son crâne de biais. Quelques centimètres et le barbare aurait eu le crâne enfoncé.

— C'est une manie d'aventurier ça, dit-il encore assomé. Ne pas porter de casque pendant une quête. Le style est là mais ça éviterait ce genre de bobo...

Le barbare essuya le sang qui coulait dans ses yeux. ce n'est qu'alors que Emilia remarqua à quel point son armure avait été abimée pendant leur chute. Ses épaisses manches étaient complètement déchirées, des lamelles d'acier de son plastron avaient sauté où c'étaient tordues sous le choc et les protections sur ses jambes étaient méchamment cabossées. Orm se releva en grognant, Emila entendit quelques os craquer.

— Pas bon ça. 'Faut qu'on bouge et qu'on trouve un endroit pour se remettre. Vite. Tu peux éclairer le chemin ? enchaîna le barbare.

Emilia, marmonna un "oui" douloureux tandis qu'un début de migraine lui cisaillait le crâne. Des grondements lointains se répercutaient encore autour d'eux. Les mains de l'apprentie s'illuminèrent d'une douce lueur bleutée, éclairant timidement la grotte où ils se trouvaient. À leur grande surprise, les ténèbres révélèrent un long couloir pavé tapissé de colonnes noires dévorées par l'érosion. Ils s'y engagèrent.
 

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Isapass
Posté le 27/06/2021
Ah oui, là c'est la grosse cata ! Ils sont amochés, séparés, et en plus dans le cas où ils parviendraient à se retrouver, le doute s'est immiscé dans le groupe... et tu nous laisses là-dessus ?! Argh... XD
Décidément tu gères très bien les scènes d'action et les grosses tensions ! Je crois que j'ai lu en apnée ! Quel rythme !
Du coup je n'ai pas grand chose à dire hormis que je crève d'envie de savoir ce qui est arrivé à Anton (tu ne l'as quand même pas vraiment écrasé sous les pierres ?!) et aux trois autres. Emilia à décidément un très grand pouvoir.
Et je suis sûre que l'oubli des sacs de provisions va avoir de grosses conséquences.
Bref, vivement la suite !
Jibdvx
Posté le 27/06/2021
Les aventurier vont être un peu malmenés à partir de là effectivement. C'était encore trop facile aussi ! Mais super en tout cas ! C'est vraiment le genre de sentiment que je voulais faire surgir :) La suite arrive c'est promis !
Flammy
Posté le 04/06/2021
Coucou !

Ce que j'aime bien, c'est qu'on pense que c'est la merde, mais en fait, ça s'empire toujours de plus en plus ='D L'effondrement des souterrains, c'est un peu un classique, mais je trouve que cela fonctionne très bien et que tu le décris/gère bien donc le côté "classique" est absolument pas gênant pour moi =D

Bon, c'est dommage de ne pas avoir de temps de pause pour réfléchir aux dernières révélations, mais bon, je suppose que c'est totalement fait exprès :p A peine réunis qu'ils sont de nouveaux séparés, je trouve ça frustrant même si je comprends totalement x) Je suis très curieuse de voir comment ça va évoluer et surtout de voir ce que ça donnera quand ils pourront discuter un peu =D

Deux remarques :

"Le coeur de la ville s'est arrêté. Après les excaliers." escaliers
"avaient sauté où c'étaient tordues sous le choc" ou s'étaient

Bon courage pour la suite ! =D
Jibdvx
Posté le 04/06/2021
Merci beaucoup pour ton retour ! Surtout sur ce chapitre qui l'a donné beaucoup de mal à vrai dire. Je me suis retrouvé dans une quasi impasse scénaristique au dernier chapitre et j'ai presque dû tout improvisé ici ^^' Mais si ça marche c'est parfait ! J'aurais bientôt du temps libre avec les vacances. On va reprendre les bonnes habitudes :D
À bientôt !
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