XII

Elle s'adossa à l'oreiller et se laissa faire, presque soulagée d'être remise entre les mains aimantes de la guerrisseuse. Olga palpa son bras avec délicatesse sans pour autant parvenir a lui épargner une pulsation sourde d'une douleur grincante, lui tirant une grimace.

  • Je vais devoir le remettre en place. Isha hoche la tête, vaincue.

Olga va et vient, s'occupant d'autres, appliquant une compresse sur le visage d'Oko. Cela lui fait du bien de le voir étendu non loin d'elle. Elle est lasse, elle a envie que le monde se ferme et la laisse a son silence.

Olga revient vers elle avec ses deux apprentis. Elle leur demande de la tenir pendant qu'elle s'occupe de son bras. Elle lui donne une balle de chiffon pour mordre dedans.

Et au moment ou s'applique la pression le noir se fait et la conscience d'Isha se dilue jusqu'a disparaitre. Elle git, évanouie, sa silouhette fragile repliée sous les draps de lins qu'Olga a remonté sur elle. La guérrisseuse attentionnée laisse dormir ses patients, abhorrant ce maitre et ses jeux barbares. Il y a déja eu quatres morts et un bon nombre de bléssés; mais qu'elle s'avise seuleument de lui dire et il lui répondra, avec cette moue dédaigneuse qui plisse sa bouche, que les morts sont morts parce qu'ils étaient faibles. Alors elle aura envie de le gifler mais ne le fera pas parce que c'est le maitre et que, toute guerrisseuse qu'elle soit elle n'est pas irremplacable. Elle garde le silence sur sa haine et referme la porte de l'antichambre.

 

 

Isha ouvrit les yeux dans la pénombre de la salle. La grosse Lucianne allongeait sa silouhette sur la chaise, a son chevet endormie dans l'attente de son reveil. Sa présence rassurante et chaleureuse. Isha sourit de cette jolie preuve d'amitié. Le tiraillement émergea dans sa conscience, graduellement. Elle avait l'avant bras ensérré d'une atelle qui lui bloquait le coude. Les deux coques de bois étaient maintenues ensemble par une bande d'un tissu rouge qu'elle souleva légerement. Le gonflemment des chairs tendait la peau, la bleuissant de nervures qui étaient, ma foi, rudement peu sensuelles. Elle rejeta son corps sous les draps, enfoui la tête dans l'oreiller. Avec ce bras pété le tournoi est finit pour moi. Elle étouffa un soupir dans le rembourage moltoné de son lit de plume.

  • La ribaude de ses morts. Coassa elle.

C'était agréable de s'entendre pester. Isha usa de son bras valide pour tirer la manche de Lucianne

  • Hé Lucianne, reveille toi !

  • Uhhhh. UHHH. Le baillement colossal qui sortit de l'être au sortir du sommeil engloba toute la pièce, partageant l'issue de cette sieste a ses ouailles(?). Ahmmm. Ca va Isha ?

  • Bof, j'ai le bras en écharpe. Mais c'est toujours mieux que l'autre, la...

  • C'est vrais que t'étais comme une dingue ! J'ai crus que ton ciboulot avait tourné bernique quand j'ai vu ta tronche ! Ah, tu l'as pas raté le bougre ! Pour un peu on a tous pensé qu'il allait clamser...

  • Il est pas mort ?! L'interrompit elle - immédiatement reveillée- , pourtant j'ai vu Olga lui plonger ce petit couteau qu'elle a dans la gorge, et pis après il respirait plus, je me souvient, je... les mots butèrent les uns contre les autres et refusèrent de sortir de sa gorge, son coeur se faisant plus leger et la peine moins grande. Ses yeux s'embuèrent de soulagement, Merci. Merci.

  • Attend que j'te raconte reprit la grosse Lucianne, j'étais la tout a coté, ja'i tout vu ! Notre bonne guerrisseuse a la main sure, ça oui ! Apparement tu lui a enfoncé la glotte dans la trachée et le pov' gars parvenait plus a respirer, et du coup d'un geste sur et assuré, avec une précision, je te dis pas...

  • Tu lambine la, remarqua Isha la voix troublée de quelques trémolos; elle inspira, et reprit, plus assurée : viens en donc aux faits !

  • J'arrive, j'arrive, laisse moi donc savourer la prestance du conteur tenant son public en haleine ! Proclama-elle, avec panache, avant de poursuivre : Donc pour en revenir aux faits, faits que j'aurais exposé bien plus rapidement sans ton intervention, si tu veux mon avis...

  • Lucianne...

  • La bonne Lucianne continua, non sans lui avoir au préalable glissé un clin d'oeil bravache et un gros sourire satisfait, - Alors notre Olga, elle lui a incisé la gorge proprement, comme ça, hop la d'un coup, je te dis, tellement proprement que pas une goutte de sang n'a coulé. Et après c'était trop bizarre le pov' Joanas respirait par un trou dans sa gorge et on voyait les bords du trou se soulever et tout !

  • Et tout ?

  • Et tout ! En tout cas remercions le ciel d'avoir une si bonne guerrisseuse a nos coté, elle a su faire comment pour le sauver en moins de temps qu'il m'en faudrait pour mettre un homme dans ma couche, Ha !

Isha soupira, rassurée. Elle chercha autour d'elle, balayant la salle du regard,

  • Et il n'est pas la ?

  • Pourquoi ? Pour y mettre dans ton pieu ? Nouveau clin d'oeil appuyé accompagné d'un nouveau sourire glouton.

  • T'es bête Lucianne la rabroua Isha le rire au bord des lèvres.

  • Je sais, repondit la dite Lucianne avec un semblant de fierté; puis avec un serieux tout retrouvé, Olga a dit qu'il fallait y déplacer pour qu'il se repose tranquillement dans sa chambre. Le pauvre y peut pas manger tant que sa gorge a pas désenflé.

  • Faudra que j'aille m'excuser marmona Isha d'une petite voix

Lucianne lui attrapa la joue – Ce que tu peux être mignonne quand tu prend ta tronche de souris triste, faudra que tu fasse gaffe a pas trop êt” pleureuse sinon les hommes y tomberont tous les uns après les autres et il en restera plus pour moi !

Un sourire discret étira de petites fossettes le visage d'Isha.

  • Tahm ! Faudra pas trop que tu sois joyeuse non plus ! Tu est trop toute jolie de toute façon ! Je vais arreter de te voir sinon les hommes y m'regarderont pu !

Isha eu un rire du nez, heureuse d'être la cible de cette gentillesse bourue. Et lorsque Lucianne éclata de son rire de grosse vache Isha partit d'un fou rire incontrolable. Le rire de sa comparse était a mi chemin entre le grincement d'une porte et le soufflet d'un forgeron et il était impossible de ne pas s'esbaudir en l'entendant.

 

Perdue dans le destin brulant d'une course mortuaire, les empires s'écrouleront. Genese III verset 1197.

 

Lucianne lui apprit que la finale qui opposait Lao a la petite rousse Miko, aurait lieu le lendemain. Miko avait vaincu son adversaire, Jinsh'a, et, étant donné la réduction drastique du nombre de participants, il n'y aurait pas de demi finale. Isha se promit d'y assister lorsque Lucianne la laissa. Etendue, elle regardait le plafond en somnolant lorsqu'un gémissement vint effleurer sa conscience. Elle tourna la tête vers le fond de la salle, d'ou provenait le bruit. La pénombre voilant à son regard ce qu'elle tentait de distinguer, en plissant les yeux. Les lignes sur le mur presques mortes. C'était donc la nuit. Il n'y avait personne dans l'antichambre et même la guerrisseuse avait quitté les lieu. Bien sur il restait possible de l'appeler grace a la petite clochette au bord du lit, mais il fallait mieux éviter d'y reccourir; Le désir d'un peu de compagnie ne méritait certainement pas qu'elle la tire du sommeil. Un nouveau gémissement perça l'air de la salle. Isha se leva peniblement, engourdie. Elle était pieds nus et le contact froid de l'obsidienne lui tira un frisson. Elle n'était vétue que d'une légère robe de nuit en coton, et la peau blanche de ses jambes se laissait entrevoir lorsque ses pas soulevaient la chute du tissu. D'une nudité proche, mais il n'y avait personne pour la voir, peu importait. Elle traina ses pieds jusqu'au lit du fond. Couché en travers de la couche, Oko s'agitait dans son sommeil, la respiration siflante. Elle s'assit au bord de lit et posa sa tête entre ses mains, pensive. L'observateur attentif aurait pu discerner l'emotion sur son visage. Elle resta ainsi, un instant avant de tourner son regard vers la silouhette étendue. La face enflée et couverte de bandage, oscillant dans un sommeil incertain, le Oko qu'elle connaissait lui parraissait bien faible. Elle s'allongea a coté de lui et enfoui sa tête dans le creux de son épaule. Il gémit faiblement lorsqu'il sentit sa présence mais ne se reveilla pas. La chaleur de son souffle dans le cou, agréable. Elle nicha son corps tout contre le sien, ne sachant pas trop ce qu'elle était entrain de faire. Elle se sentait bien et maintenant qu'elle y était, elle n'allait pas risquer de briser l'instant. Alors elle ferma les yeux et dans la sombre torpeur de la pièce laissa sa conscience doucement glisser vers l'assoupissement. La scène dans le silence d'une seule respiration.

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