Voix amie ou ennemie

Chapitre 12. 

Caleb avait laissé sa cousine seule près de l’entrée du métro. Dans sa tête se bousculait ses paroles, l’incompréhension des larmes qu’il avait vu naître dans ses yeux. Accompagné jusqu’à la porte de chez-lui par ses propres soupirs, il ouvrit lentement, prêt mentalement à subir les hurlements de son paternel.

James avait entendu le bruit de la porte d’entrée. Lâchant ses invités pour avancer vers son fils, il ne masqua pas son mécontentement et, sans hausser le ton, le pointa du doigt.

- Toi, mon garçon, on va avoir une petite discussion. Tu vas dire bonjour à tes grands-parents et tu viens dans le bureau pour mettre les choses au clair.
- Waah sérieux c’est la journée au quoi! Grogna l’adolescent en laissant son sac tomber dans l’entrée.
- Pardon? Mais il t’arrive quoi là? Tu as 15 ans, pas 30, redescends un peu! Depuis quand tu me parles sur ce ton? Commença à s’énerver James.
- Mais c’est vous là, tous! Fais-ci, fais pas ça, viens là! Faut vous calmer à un moment. La journée à déjà été assez chargée pour que tu en remettes une couche!

Caleb serra les dents, contourna son père pour aller à la rencontre de ses grands-parents qu’il embrassa, il sentit la main de Simon l’attraper par l’épaule et se retourna.

- Pas toi, s’il te plaît pas toi! Tu vas pas me faire la morale!
- Je te sens tendu comme jamais auparavant. Qu’est-ce qu’il t’arrive mon grand. Souffla le grand-père en plissant les yeux.
- Papa, s’il te plaît tu ne t’en mêle pas c’est entre lui et moi. Je sais encore gérer mon fils. Intervint James en leur lançant à tous deux un regard empreint de colère.
- Vas y tu sais quoi gueule un coup maintenant, de toute façon qu’on soit ici ou dans le bureau ils entendront tout pareil! Tempête Caleb en se laissant tomber dans le fauteuil.

Les trois adultes le fixèrent longuement. Il croisait les regards des uns et des autres sans ciller, sans détendre sa mâchoire qui s’était contractée sous le flux d’émotions. Son propre esprit lui donna le sentiment d’être mué en une tempête et l’orage qui éclatait dehors le confortait dans son état. Il sentit tout son corps trembler, comme foudroyé sur place et se leva d’un bond en secouant la tête.

- Assieds toi! Ordonna James en venant saisir son bras.
- Lâche-moi! Merde! Faut que je sorte! Hurla Caleb en se débattant.
- Je ne crois pas non, tu n’iras nulle part! Tu t’assoies et tu écoutes! Reprit son père en serrant plus fort sa prise.

Maddy lança un regard suppliant à son mari qui assistait, aussi impuissant qu’elle, à la scène qui se déroulait sous leur yeux. James tenait bon, essayait de faire valoir son autorité et Caleb continuait de hurler et de se débattre pour que son père le lâche enfin.
Aucun des adultes présents ne comprenait mais chaque coup de tonnerre qu’il entendait, chaque éclair qu’il percevait augmentant significativement sa propre tension.
Simon soupira alors, venant obliger son fils à libérer Caleb, il regarda l’adolscent fuir vers la porte qui claqua derrière lui et grimaça.

- Je suis désolé James. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais laisse-le se calmer. Quand ça ira mieux, il reviendra.
- Mais…pourquoi tu as fait ça. C’était pas à moi de céder! Il a fait n’importe quoi toute la journée. Sa proviseure m’a téléphoné deux fois aujourd’hui. A un moment je veux bien être indulgent mais il a dépassé les limites!
- Ce n’est pas un mauvais garçon et tu l’as bien élevé. Tu sais, il ne te raconte peut-être pas tout. C’est sûrement une histoire de cœur qui tourne mal et il a du mal à encaisser le coup. Rappelle-toi comment tu étais à son âge et même un peu plus vieux. Sourit doucement Maddy en s’approchant de lui.

James ne répondit rien et se laissa tomber dans le canapé avant de se servir un verre. Il connaissait son fils et se doutait bien que tout cela n’avait rien à voir avec une quelconque histoire d’amour.

Dehors Caleb courait à en perdre haleine. L’orage continuait de gronder, de le suivre et l’adolescent se sentit suffoquer. Il passait en revue chaque moment de la journée et finissait par glisser sa main dans sa poche. Appeler Hateya lui semblait être la seule solution et à la première tonalité la jeune femme décrocha. Il était incapable de parler, murmura seulement là où il se trouvait avant de s’adosser au mur en raccrochant. Quelques passants lui demandèrent s’il allait bien et s’ils pouvaient l’aider mais Caleb assurait que ça allait, qu’il avait juste trop couru. Certains parurent satisfaits de cette réponse, d’autres devinèrent qu’il mentait mais s’éloignaient malgré tout. 
Hateya arriva une petite vingtaine de minutes plus tard, s’asseyant auprès de lui, elle le tira pour qu’il pose sa tête sur son épaule et fit une petite moue.

- Que s’est-il passé?
- J’ai mal à la tête, partout. L’orage..il est là. Il résonne dans tout mon corps. J’en peux plus. S’effondra-t-il en larmes.
- L’orage? Mais Waban il…Oh, ce genre d’orage? Écoute, il faut que tu respires lentement, profondément. Dit-elle soudainement plus assurée en allumant une cigarette pour la lui tendre.
- T’es sérieuse? Je suis dans le mal et tu veux que je fume! T’es pas nette toi! Répondit-il en guettant l’oiseau qui revenait en trombe dans le ciel.
-  Ce sont des plantes, ça va t’aider à te détendre. Ça ne t’as pas fait de mal tout à l’heure si? Insista Hateya jusqu’à ce qu’il ne lui prenne la cigarette des mains en haussant les épaules.
- Super, maintenant tu me pousses à me droguer. Ricana Caleb avant de froncer les sourcils et de lui demander. Tu crois que ça me permettra de ne plus le voir?
- Ce n’est pas de la drogue je t’assure. Tu me prends pour qui? Attends, de ne plus voir qui ?
- L’oiseau-tonnerre, il est là, il nous survole sans arrêt depuis tout à l’heure. C’est pas la première fois mais il a l’air encore plus énervé que d'habitude, plus agressif, je ne sais pas comment le prendre.

Hateya sonda le ciel des yeux. Son expression quasi semblable à celle de son jeune cousin, elle attrapa son téléphone et passa quelques minutes à discuter avant de raccrocher.

- J’ai demandé à mon mari d’aller voir Tadi. Mais on a besoin d’informations. Tu le vois depuis longtemps? Il s’est passé quelque chose en particulier avec lui ou avec je ne sais pas moi! Au lac? La créature qui t’a attaqué dans l’eau c’était quoi? Tadi n’a rien voulu m’en dire mais il semblait très inquiet pour toi!
- Ça fait beaucoup de questions! J’ai commencé à le voir en rêve quand j’étais petit, vers 8 ans je crois. Mais depuis un bon moment il est vraiment là, et à chaque fois c’est pareil, l’orage gronde, je le vois lui dans le ciel et je ne sais pas comment l’expliquer maisje ne me sens jamais très bien et pour ce qui est du…

Alors que Caleb s’apprêtait à revenir sur le sujet du lac, l’oiseau plongea vers lui. Par réflexe, il protégea son visage de ses bras mais vit ce dernier ralentir sa course pour se poser à deux pas de lui. Aussi proche l’adolescent pouvait le détailler, se rendre compte de sa superbe. Ses pupilles d’un bleu électrique qui s’accordaient à merveille avec son plumage cendré aux extrémités plus foncées encore. L’oiseau ouvrit alors largement ses deux paires d’ailes et ce fut comme dans le lac, il sentit cette bulle autour de lui qui excluait toute intervention extérieure. Il se sentait pris au piège et paniqua.

- Enfin, on se rencontre. Cher, cher Waban. Entonna une voix mielleuse qui semblait émaner de l’oiseau-tonnerre.
- Quoi? Mais, qu’est-ce que ça veut dire?  Tu es qui toi? Souffla l’adolescent estomaqué.
- Je me présenterai plus formellement plus tard, ce n’est en rien pressé. Pour l’heure je dois te mettre en garde. Le danger qui te guette est grand et tu n’es ni préparé, ni de taille à l’affronter. Résonna la voix alors que l’oiseau repartait dans le ciel d’un battement d’ailes.

Hateya tenait son cousin par les épaules, elle le secouait, l’appelait et fut soulagée en voyant ce dernier faire un bref mouvement de tête. La jeune femme expulsa un long soupir, le serra contre elle avant de reprendre la parole.

- Waban! Que s’est-il passé? Tu me parlais et tout à coup ton visage s'est comme…figé! Tu m’as fait une peur monstrueuse! Ne me refais plus jamais ça!
- Mais je rêve où c’était une menace à peine déguisée? Souffla Caleb confus.
- Quoi? De quoi tu parles? Waban, tu m’écoutes? Pesta Hateya en lui mettant une tape sur le bras.

L’adolescent laissa échapper un grognement en se massant le bras. Si sa cousine n’avait pas tapé vraiment fort, il sentait encore des picotements dans son corps et se recroquevilla sur lui-même en guettant l’oiseau-tonnerre qui s’éloignait de plus en plus. Lorsqu’il fut hors de vue, Caleb se redressa légèrement, planta son regard dans celui de sa cousine et fronça les sourcils.

- Je ne sais pas ce qu’il se passe, pourtant je sens qu'il faut que je bouge. Écoute, rentre chez-toi ça vaut mieux. Je vais…En fait, je ne sais même pas ce que je dois faire mais je vais m’en sortir.
- C’est insensé ce que tu me dis là. Je viens à peine de te trouver et tu crois que je vais te laisser seul? Ne compte pas là-dessus!
- On va se revoir vite, ne t’en fais pas, déclara-t-il pour s’en persuader lui-même. Enfin pour le moment je dois comprendre le truc. Cette voix, je ne l’avais jamais entendue et.... Hésitant il soupira pour la forme, baissa les yeux et ajouta. Peu importe, je vais rentrer chez-moi, dormir et réfléchir à tout ça!
- Je ne quitterais pas New-York même si cette ville me rend malade. Je reste pour toi, c’est mon devoir. Réfléchis à tout ça et quand tu sauras quoi faire appelle moi et je viendrais t’aider d’accord?

Le jeune adolescent hocha la tête. Rien de tout cela n’avait le moindre sens pour lui mais l’esprit de solidarité d’Hateya avait de quoi lui mettre du baume au cœur. Il la laissa seule une fois de plus et rentra en catimini chez-lui en prenant soin d’éviter son père.
En montant l’escalier pourtant, il l’entendit en pleine conversation téléphonique. Ses mots le blessèrent, le peinèrent et s’enfermant dans sa chambre il sentit une vague de rage monter en lui.
Alors comme ça son père ne le reconnaissait plus? Il avait honte de son comportement? Il projettait de l’envoyer en pensionnat pour ses dernières années de lycée? Caleb se jeta sur son lit, étouffa son hurlement au creux de son oreiller et ferma les yeux. Toutes les images de la soirée lui revenaient en tête, tous les mots échangés que ce soit en famille ou avec cette voix. Plus que jamais il se sentait seul, démuni et malgré lui inspira profondément pour s’efforcer de se calmer. Le sommeil le guettait, l'enveloppait au fur et à mesure des secondes qui passaient. Il sombra alors mais ses rêves furent loin d’être paisibles.

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MichaelLambert
Posté le 15/01/2023
Bonjour Elly Rose !

Content de retrouver Caleb après une longue pause dans mes lectures sur PA ! Et c'est bon de le voir s'affirmer, s'opposer à son père, oser appeler à l'aide sa cousine !

J'aime beaucoup l'intervention de l'oiseau ! J'aurais aimé avoir plus de détails sur son apparence. Et je me suis demandé pourquoi Caleb n'osait pas répéter ses paroles à Hateya (alors qu'il était là justement pour qu'elle l'aide).

A très bientôt pour la suite !
Elly Rose
Posté le 31/01/2023
Bonsoir Michael,
C'est un vrai plaisir de te retrouver! Je n'ai pas été présente ces dernières semaines non plus et j'ai pris un gros retard qu'il va falloir que je rattrape.
En attendant, ton commentaire me fait vraiment plaisir et comme toujours je prends bonne note de ta remarque. C'est vrai que pour moi je sais exactement à quoi ressemble l'oiseau mais j'ajouterai des détails pour qu'il puisse aussi être visible par vous!
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