Via latrinae

Par Jowie

 

 

Via latrinae

 

Les coups vibrants du clocher marquèrent le couvre-feu. L'heure du mystérieux rendez-vous avait sonné. Enfermée dans sa cellule, Eleonara patientait, assise sur sa couche, les doigts tapotant sur ses rotules.

Des pas faisaient écho dans le couloir ainsi que des bâillements et des « bonne nuit ».

Eleonara se leva, nerveuse, puis s'affaissa derechef sur son matelas de paille. Une retardataire venait de traverser le corridor en courant sur la pointe des pieds.

Sous son voile, ses oreilles en couteau perçaient, scrutaient et excavaient les alentours en quête du moindre détail, soupir ou froissement de feutre qui trahirait une présence hors de son lit.

Des gonds crissèrent, un battant trembla, puis le silence plana à nouveau. La dernière nonne rentrée avait fermé sa porte. C'était le moment.

Sa paire de souliers de seconde voire troisième main coincée sous un bras, Eleonara s'entoura de sa lourde cape d'hiver et s'élança hors de sa cellule. Elle la verrouilla, rangea sa clef personnelle dans sa poche et jeta un œil vers le fond du couloir.

Toujours personne.

Parfait.

Elle se fondit dans l'obscurité des escaliers qui descendaient au rez-de-chaussée. En ce faisant, son cœur fit un bond et cogna un de ses poumons. Elle recula et se retint au mur pour s'éviter de tomber en arrière. Elle avait manqué de percuter une silhouette qui, elle, montait.

Eleonara cligna rapidement des yeux et lut à travers le voile de la pénombre un visage pâle et lunaire, de larges pupilles brillantes et deux sourcils marqués. Elle soupira. Rentrer dans la Chouette à chaque quart de tour était autant un soulagement qu'un fâcheux contretemps.

— Encore habillée ? s'ébaudit l'Einhendrienne, visiblement peu embarrassée par son propre comportement. Où vas-tu ainsi déchaussée ? Par Diutur, tu attraperas un rhume !

Un volume emprunté à la bibliothèque se pressait contre sa poitrine. Il s'intitulait : Curiosités d'outre-désert.

Eleonara avala sa salive.

— Une araignée s'est logée dans une de mes chaussures ; je... je vais la remettre dehors.

Son excuse tenait à peine debout. Elle se gratta la cheville gauche avec ses orteils droits, froids. S'il y avait réellement eu une bestiole dans son soulier, elle n'aurait eu qu'à entrouvrir une fenêtre pour la libérer ou, plus facile, l'écrabouiller sous son talon.

Par fortune, Melvine ne semblait pas d'humeur à chercher la petite bête : elle n'attendait que la fin de sa phrase pour annoncer sa plus récente découverte.

— J'ai une funeste nouvelle à t'annoncer, fit-elle avec la gravité d'un guérisseur livrant un diagnostic fatal. Le Don'hill souffre d'espions potentiels. Je les ai surpris en plein entretien. Naguère, dans le jardin.

— Des espions potentiels ? Qui ça ?

— Le cerf et la panthère.

Au lieu de citer les étrangers du Don'hill par leurs prénoms comme une personne normalement constituée, Melvine leur attribuait à chacun un animal, au nom de la discrétion. Ainsi, Sgarlaad se convertissait en cervidé, Sebasha en fauve et Agnan en furet.

— Je les guettais depuis les croisées de la bibliothèque. Ils ne m'ont pas vue et je ne ne parvenais pas à les entendre. Ils avaient l'air de se parler.

— Une discussion anodine, nul doute, dit Eleonara, traversée de picotements impatients.

Si la Chouette la détenait plus longtemps, elle arriverait en retard à son rendez-vous et offenserait les Nordiques. La ponctualité était la moindre des politesses, surtout qu'elle avait terriblement envie de connaître à quelles fins ils sollicitaient son aide.

— Je ne crois pas qu'il s'agisse de bavardages triviaux, poursuivit Melvine en se penchant en avant. Je manque de preuves concrètes, mais j'ai des pistes. Ils se consultent assez régulièrement, tu sais, régulièrement et jamais en plein jour. Il n'y a pas mille raisons pour ce faire. Soit la panthère et le cerf ont un faible l'un pour l'autre...

Eleonara leva sceptiquement son sourcil droit. Sgarlaad le coincé, Sgarlaad la pièce de mobilier, Sgarlaad le Sans-Tact, enamourer une femme fatale opyrienne sous les feux de minuit. Impossible. Ce genre d'allégation avait de quoi surprendre, surtout en venant de la Chouette, une femme que l'elfe avait jusque-là tenu pour rationnelle.

— Soit ils ont un faible l'un pour l'autre, soit ils conspirent. Je place mes espoirs sur l'hypothèse d'une amourette purement chaste; les complots me gavent. Hélas, ma raison repose autre part.

Une inquiétude s'infiltra dans les pensées de la jeune elfe sans être la bienvenue.

— Comptes-tu les dénoncer ?

— Les dénoncer ? Tant que je ne suis pas certaine de ce que j'avance, non. Je ne suis pas autant pressée de justifier chacune de mes virées nocturnes à Sœur Louve.

Melvine papillonna des paupières et étendit avec légèreté sa main devant sa bouche ; elle bâilla longuement.

— Garde l’œil ouvert, Bronwen. Diutur sait ce qu'ils trament. Bon, je te laisse libérer ton araignée. Fais vite, il fait froid. Allez, bonne nuit et à demain !

— Bonne nuit.

Eleonara ne bougea pas et regarda sa consœur rallier sa chambre. Des gonds chantèrent doucement, puis se turent.

 

À la seconde où la Chouette relâcha la poignée de sa porte, Eleonara entreprit la hasardeuse descente des escaliers. La plupart des marches de l'abbaye étaient en pierre, mais celles-ci, en bois, grinçaient comme la mâchoire d'un centenaire. Ou d'un alchimiste.

Une fois en bas, Eleonara enfila et laça ses chaussures de cuir. S'égarer dans le labyrinthe monastique était facile. De jour, il donnait du fil à retordre ; de nuit, ses carrefours s'effaçaient, ses allées s'imitaient et les chandeliers éteints se changeaient en obstacles périlleux.

Dormant à l'écurie, les Mikilldiens étaient sur place ; Eleonara, elle, devait se rendre de l'autre côté de l'abbaye. Elle avait songé un instant à longer les bâtiments par l'extérieur mais, par crainte des vigiles répartis sur les Crocs des Dragons, elle avait brouillé cette idée de son esprit.

Elle traversa donc le scriptorium, l'abbatiale, le réfectoire, le préau et le grenier. Elle frotta son front rougi ; même en avançant à tâtons, elle avait réussi à se prendre une colonne. Vivement le chemin de retour.

Lorsqu’enfin, elle atteignit l'écurie, elle était lessivée. Déployés au maximum dans une mer noire, ses cinq sens l'avaient aidée à fuir le parcours des veilleurs de nuit. « Pourvu que je sois encore dans les temps », espéra-t-elle en tirant les loquets de la porte à volets.

Drapés jusqu'aux mollets dans leurs capes noires, Agnan et Sgarlaad émergèrent aussitôt d'un tas de foin à la manière de morts vivants.

— Vite, rendez-vous au cimetière ! lança Agnan en guise de bonjour.

Eleonara ne lui demanda pas ce qu'il entendait par-là, car elle s'était figée. Le garçon rabattit sa capuche sur son crâne pelé et voulut l'entraîner avec lui, mais elle résista. Elle avait remarqué un changement à l'écurie.

Quatre chaînes partaient du licol de Voulï et le reliaient à chaque face de sa stalle, si bien qu'il était incapable de se déplacer ou même de faire un tour sur lui-même.

— En quel honneur a-t-on assemblé un attelage aussi scandaleux, te demandes-tu ? fit Agnan, les mains sur les hanches. Eh bien, figure-toi que selon certains témoins – douteux, si tu veux mon avis – Voulï aurait agressé un moine armé. Il lui aurait arraché un doigt. Le majeur, pour être exact. Comme si cet amour était capable d'une atrocité pareille.

Du coin de l’œil, Eleonara vit Sgarlaad croiser les bras et soupirer, le regard au ciel. Agnan était le seul à être dupe de l'apparente non-dangerosité de son poney. Eleonara se promit de faire tout son possible pour ne plus devoir décrotter la stalle de cette boule de poils anthropophage. Agnan continua sur sa lancée :

— Bon, d'accord, je ne pense pas que la victime se soit intentionnellement amputé un doigt, mais je trouve injuste de déconsidérer le contexte de l'incident, quoi. Voulï ressent facilement la frustration ou la colère des gens. D'après mon expérience, Rikard – c'est le nom du plaignant – est un crétin de première catégorie. Il a provoqué Voulï et a reçu ce qu'il méritait. Voilà. C'est aussi simple que ça. J'espère qu'ils ne l'enverront pas chez le boucher.

« Moi, j'espère que si », grommela intérieurement Eleonara.

Un poney assoiffé de sang. Elle se rendait compte de sa chance ; Voulï l'avait mordue, puis relâchée : Le goût de la peau elfique n'avait pas dû plaire à son palais.

— Assez de temps perdu, les pressa Sgarlaad. Allons-y.

Eleonara suivit les Mikilldiens par la sortie arrière de l'écurie et à l'extérieur dans la nuit fraîche. Elle se sentait pareille à un enfant trottant derrière ses parents pressés. Un ou deux renseignements sur le service qu'elle accomplirait ou le rôle qu'elle y jouerait n'auraient pas été de trop.

— Qu'attendez-vous de moi ?

— Tu verras, tu verras, lui sourit Agnan. Pas de quoi s’inquiéter.

Eleonara fit la moue et s'inquiéta.

 

Le trio marcha jusqu'à la ciergerie. Non pas pour subtiliser des bougies ; les Nordiques avaient emporté leur nécessaire avec eux, dont des torches qu'ils s'obstinaient à garder éteintes.

La ciergerie avait été construite sous l'école des novices. Un silence de mort pesait dans l'atelier qui, actif de l'aube au crépuscule, participait à une dimension lugubre la nuit. Il y avait une odeur de poussière, de vieille église, de tombeau. À la moindre secousse, les bougies empaquetées se ballottaient sur leurs étagères. Celles qui séchaient, pendues au plafond par des fils blancs, se balançaient doucement en larmoyant. Au sol, un tapis maculé récoltait les gouttes de cire. La dizaine de places de travail vides aux outils encore sales, laissés en vrac sur les tables, rappelaient un hangar abandonné.

Le cœur battant, Eleonara perçait les recoins les plus sombres du regard, comme si un esprit mesquin la surveillait depuis le dessous d'un meuble. Le mutisme entêté de ses compagnons ne la rassurait guère. Ils lui avaient promis qu'elle ne courrait aucun danger ; la férocité de Voulï lui avait rappelé de ne pas se fier aux apparences.

— Si vous m'aviez dit que nous nous rendrions à la ciergerie, je vous vous aurais attendu ici au lieu de faire le tour complet de l'abbaye, se plaignit-elle à Agnan.

Posant délicatement sa torche à terre, ce dernier se mit à genoux et souleva le tapis taché de cire. Les contours d'une trappe se dessinèrent dans l'obscurité.

— Désolé, c'est juste qu'au moment d'écrire le billet, je ne savais pas encore par quelle trappe nous voyagerions.

— Hein ?

— Suis-nous.

De moins en moins à l'aise, Eleonara suivit les Nordiques dans le trou noir qu'ils avaient forcé. Dans un frétillement de souvenir, cette vue la projeta dans le passé, ravivant des angoisses ensevelies. La trappe de la prison. La fuite échouée. La défaite.

Elle secoua la tête. Là, c'était différent. Elle savait ce qui se trouvait là-dessous : un vieil entrepôt, où s'amoncelait une réserve de cire pour prévenir les jours assombris de l'hiver – ou la fin du monde, à en croire Sœur Griselle.

À quoi bon s'introduire dans un lieu aussi banal ? Eleonara tapota l'épaule devant elle afin de poser la question, mais Agnan barra ses lèvres avec son index, avant de s'agenouiller derechef. À la découverte d'un deuxième tapis plus épais et d'une seconde trappe plus étroite, l'elfe réalisa que les Mikilldiens en savaient peut-être plus sur les quartiers monastiques qu'elle.

Sgarlaad descendit le premier, suivi d'Agnan, qui tendit la main à son amie. Pour atteindre le sol ferme, dix toises sous le plancher de la ciergerie, elle dut éviter une glissade mortelle sur un groupe de marches détériorées par la putréfaction.

— Rabats le tapis avant la trappe, Agnïnwur. Nous ne reviendrons pas ici.

L'interpellé s’exécuta. Pour concilier l'expression ahurie d'Eleonara, Agnan commenta, comme si cela éclaircissait tout :

— Les gens tendent à se plaindre si on froisse leurs carpettes. Va savoir pourquoi.

À la fermeture de la trappe, guindée par l'obscurité envahissante et froide, Eleonara commença à nourrir des idées claustrophobes. Elle se trouvait sous terre dans un lieu aussi avenant qu'un cercueil et ne voyait pas ses souliers. La température avait drastiquement chuté et l'air, empreint d'une senteur désagréable, semblait transporter quelque chose de malsain. Ces éléments avaient pour effet d'emballer d'Agnan à un tel point qu'il gloussait et mimait des applaudissements à des intervalles un peu trop réguliers.

Resserrant les pans de sa mante contre elle, Eleonara eut une petite pensée pour son lit douillet et ses couvertures laineuses. Sa gorge lui faisait mal. Cette virée nocturne avait intérêt à en valoir la peine.

Tandis que ses pupilles s'élargissaient, elle grelottait sous son habit de moniale, espérant recevoir bientôt les directives des Barbares.

Ses souliers ne crochaient pas sur le parterre glissant ; manquant de se casser la figure, elle se raccrocha par réflexe au un bras d'Agnan, avant de le lâcher, étonnée par son diamètre. Ce n'était pas le bras d'Agnan.

— Attention à ne pas tomber, l'avertit une voix caverneuse.

Il lui fallait absolument ne pas perdre Agnan de vue ; l'elfe ne voulait en aucun cas être seule avec l'ex-Sylvain. Ses compliments et ses remerciements des soirs précédents n'avaient pas été gratuits, elle le savait. « Pure de cœur » et tout le bazar avait dû être une espèce de préparation, un amadouement pour qu'elle se montrât serviable. De plus, si Sgarlaad fréquentait l'Opyrienne de près – bien qu'elle peinât à y croire –, mieux valait se tenir à carreau.

 

Les ténèbres avaient avalé les Mikilldiens tout crus, mais elles furent forcées à battre en retraite lorsqu'ils incendièrent leurs torches. Sous le halo orangé, les alentours prirent forme un espace naquit, s'élargissant à mesure que le trio avançait.

Deux chandelles géantes et ambulantes, des colonnes et des dalles en pierre, voilà à quoi se résumait le champ de vision d'Eleonara. Les arches arrondies entre les pièces de la galerie étaient voilées de toiles d'araignées et de stalactites de poussière. C'était à se demander de quand datait la dernière visite humaine en ce lieu. Ses pas, mal assurés, s'accompagnaient en outre de craquements et de « plouf » inquiétants. Des lacs miniatures s'étaient établis sur les pavés disparates et cassés. Avec des fondations aussi aqueuses, c'était un miracle que le Don'hill tînt encore debout.

 

Eleonara comprit ce qu'Agnan avait voulu dire par « Rendez-vous au cimetière ». Une crypte avait été creusée sous les bases de l'abbaye, divisée en plusieurs chambres mortuaires. De la mousse noirâtre et des insectes grouillaient sur les parois humides, sur lesquelles se lisaient les noms de moines-soldats de l'ère passée, enterrés dans des sortes de tiroirs. La plupart des écriteaux étaient sérieux et décrivaient brièvement les exploits des défunts. Les gravures sur les piliers rectangulaires, en revanche, n'étaient pas aussi solennels. Ciselés dans la molasse, des dédicaces, des initiales emmurées dans des cœurs et des caricatures loufoques se côtoyaient, les unes plus bizarres que les autres. Hilare, Agnan pointait les plus tordantes du doigt. Gribouillis grimaçants, pieds de nez, mains pinçant des derrières, ours vêtus de jupons... l'imagerie en disait long sur les premières générations du Don'hill.

 

Sa torche levée à bout de bras, ses cicatrices d'acné et son nez aquilin soulignés par le contraste clair-obscur, Sgarlaad marchait à grands pas de salle en salle, fendant les rideaux de filaments transparents. Derrière lui, son fidèle compatriote comptait :

— Sept, huit...

Tombes, archives, dépôts bien rangés... Était-ce là où les sergents d'antan avaient empilé leurs dossiers, les pactes et les alliances ?

Eleonara leva soudain les yeux au plafond, agacée. Une goutte visqueuse et glacée venait de s'écraser sur le comble de son front.

— Tout va bien ? demanda Agnan, s'assurant qu'elle lui emboîtait le pas.

— Oui, ça va. Où allons-nous ?

Fourrer son nez dans les catacombes d'un ordre militaire et religieux ne prédisait rien de bon.

— Tu verras.

« Tu verras, tu verras... » Il le lui balançait depuis l'écurie et Eleonara avait horreur de ne pas savoir. Depuis le début, sa vie n'avait cessé d'être un tricot de secrets, d'énigmes et de non-dit. À l'instar de la Dame, des Taberné et d'Amazzard, les Nordiques suscitaient plus de questions qu'ils n'apportaient de réponses. Il en valait de même pour les nonnes : elles prétendaient l'éduquer mais lui refusaient l'accès à certains rayons de la bibliothèque sous prétexte qu'elle était novice.

Eleonara, Agnan et Sgarlaad s'arrêtèrent devant une paroi blanchâtre. L'embrasure d'une porte imposante se devinait, mais celle-ci, brûlée lors d'une pénurie de bois pour la cheminée, avait été remplacée par une cloison de plâtre et de torchis. Un trou juste assez large pour un enfant avait été taraudé en bas à droite.

— C'est ici que tu entres en jeu, Bronwen, annonça Agnan.

Sgarlaad désigna l'ouverture exiguë.

— En la creusant, nous ne nous doutions pas de la fragilité de la paroi et de ses colonnes. Si nous l'avions agrandi, la cloison se serait effondrée.

— Et un écho tonitruant serait parvenu à la surface, alertant la population de l'abbaye et cætera, et cætera, compléta Agnan.

Eleonara hocha du menton et considéra les marteaux et les débris laissés près du trou. Ce n'était pas la première promenade des Mikilldiens dans les sous-sols oubliés. Quel dessein, quelle rareté pouvait bien les y attirer ?

— Une fois de l'autre côté, continua l'ex-Sylvain d'un ton neutre, sois attentive aux runes comme celles-ci.

Il déplia un morceau de parchemin où figuraient des lettres jumelles à celles du message reçu par Harpie, comme disaient les Nordiques. Des superpositions de traits qui allaient de haut en bas.

Sgarlaad rangea le papier sous sa cape.

— Le Don'hill cache de nombreux secrets, des secrets de siècles passés, des secrets qui ne lui appartiennent pas. Nous sommes là pour les récupérer et toi, pour nous aider, si tu le veux bien.

Eleonara contempla ses pieds et sourit. Les Mikilldiens allaient piller le sous-sol. Elle allait piller le sous-sol. Elle enfoncerait sa main dans le passé des humains et le leur arracherait par morceaux. Loucher sur les intrigues humaines ne lui avait jamais paru aussi alléchant. Elle allait collaborer avec ceux qui résistaient aux bourrasques du Nord, ces Hommes méprisés des Hommes, dont l'accent, les yeux bridés, la taille et les mœurs juraient avec l'Einhendrie. Ils étaient à l'image de leur pays, isolé à une extrémité des Troyaumes.

Les projets réels des Nordiques et la nature de la relation qu'ils entretenaient avec Sebasha d'Éméride semblaient si proches tout soudain, presque tangibles. Eleonara se réjouissait. Qui savait ce que dissimulait cette façade ? Et si un fétiche en lien avec Hêtrefoux s'y terrait ?

Avant de se lancer toutefois, l'elfe voulut s'assurer d'un détail qui lui échappait :

— Pourquoi m'avez-vous contractée ? Je veux dire, Agnan ne pouvait-il pas se glisser par la fente à ma place ?

— J'ai essayé, coupa l'intéressé, mais avec mon crâne, je ne passe pas.

— Agnïnwur a grossi, élabora Sgarlaad.

— Chut ! Bon, ouais, c'est vrai. Tu es la seule d'entre nous qui puisse passer, Bronwen.

— Je vois. Écoutez, j'accepte de vous rendre service, mais promettez-moi d'abord de ne pas négliger mes conditions. Vous vous en souvenez ?

Agnan cracha par terre.

— Parfaitement. Une faveur pour une faveur. Promis juré.

— Alors, j'y vais.

Eleonara s'accroupit et baissa la tête, prête à s'introduire dans la découpure, lorsqu'elle se retourna pour fixer les deux Nordiques. À leur tour, ils la dévisagèrent, pareils à des gamins espérant que l'on sauve leur chiot d'un puits.

— Combien de temps me faudra-t-il pour trouver ce que vous me demandez, selon vous ?

Agnan voulut répondre, mais son complice s'appuya lourdement sur son épaule comme pour l'obliger à s'asseoir.

— Nous avons toute la nuit devant nous. Tiens, prends ma torche.

 

À quatre pattes, Eleonara pénétra dans les vagues d'une noirceur totale, presque irréelle, qui lui rappelait ses nuits en prison. Une puanteur âgée de siècles la prit au ventre. C'était un parfum de papier mouillé et moisi, combiné à celui de champignons et de roche.

Elle se releva. Un bric-à-brac impressionnant se dressait devant elle et sa torche enflammée : un amas de meubles, de coffrets, de feuilles volantes et d'armes brisées et roussies. Il n'y avait parmi ces objets aucun trésor de nobliau, non, pas de joyaux, pas d'or ou de pierreries ; rien de tel. S'y trouvaient cependant des assiettes difformes, des vieilles chartes et des parchemins – déchirés pour la plupart, à moitié brûlés pour le reste. Les divers éléments du monticule, malgré leur abondance et exubérance, étaient entassés et classés avec soin, ce qui créait, bizarrement, un désordre ordonné.

Tel un loup sur un hécatombe, Eleonara se jeta sur les documents, qu'elle ouvrait à la première page, puis jetait de côté. Cartes, manuscrits, lois et règlements lui passaient entre les doigts par centaines. Des nuages de poussière enveloppaient son visage quand elle retirait les brocatelles recouvrant les tas. Sans sa guimpe, ses cheveux auraient été plâtrés de saletés. Était-il possible d'éternuer douze fois de suite ?

D'un coup de coude maladroit, l'elfe percuta soudain un objet qui s’écrasa avec un bruit sourd. Elle se baissa pour le ramasser et découvrit un cahier doublé de cuir rouge. Intriguée par le raffinement de sa doublure, elle le souleva, le caressa et tomba sur une élégante inscription qui remua ses souvenirs :

 

Hermine de Blodmoore.

Dictionnaire incomplet de la langue mikilldienne.

 

Hermine de Blodmoore. Ce nom ne lui était pas inconnu. Il seyait à la présente duchesse de Blodmoore, qui avait la réputation d'être impitoyable, sévère, radicale, xénophobe. Que venait faire un de ses cahiers de notes dans un tel recoin ? Un dictionnaire, en plus ? Depuis quand les Einhendriens s'intéressaient-ils aux dialectes qu'ils s'efforçaient à éradiquer ?

L'elfe ouvrit le cahier au hasard et étudia ses pages divisées en deux colonnes. Il semblait que, lors d'un voyage au Nord, la duchesse avait recensé deux centaines de mots en dialecte, avant de les traduire en sa propre langue.

Eleonara tendit l'oreille. De l'autre côté de la cloison, Agnan monologuait sur l'abus de poireau dans les soupes du dimanche.

Le temps s'était arrêté. Eleonara était persuadée d'avoir mis le doigt sur une perle rarissime. Un dictionnaire moitié einhendrien, moitié mikilldien, pas exhaustif, mais qui comprenait un alphabet en première page.

Son portail à la civilisation barbare entre les mains, l'elfe fut saisie de la poignante envie de le garder pour elle, de l'enfouir dans la housse de son coussin avec le flacon de l'alchimiste. Elle était tentée de le dévorer, de s'imprégner de ce savoir unique, de satisfaire la gloutonnerie de sa curiosité. Melvine et sa philosophie de l'érudition avaient dû déteindre sur elle.

— À... à quoi ressemble ce que vous cherchez, précisément ? demanda-t-elle angéliquement à l'intention des étrangers, les yeux rivés sur le cahier rouge.

— Aucune idée, répondit une voix fluette.

— Serait-ce, par hasard, un texte écrit par une Einhendrienne ?

— Jamais de la vie ! Nous ne voulons que des runes, rien que des runes. Qu'as-tu trouvé ?

— Oh, rien de spécial.

Elle glissa le livret dans la poche avant de sa tunique.

 

Eleonara cherchait, cherchait, ses bras se fatiguaient et toujours aucun signe de tracés barbares à part le cahier rouge. Elle sondait les étagères, vidait les coffres, vérifiait les billets faufilés entre les feuillets collants des grimoires. Jusque-là, ses doigts avaient touché bois, poussière, étoffe et vélin ; ce fut pourquoi elle se crispa en détectant un poil soyeux sous ses doigts. Elle retira immédiatement sa main.

— Du neuf ? souffla une tête pelée par la fente.

— Je crois... je crois qu'il y a un animal mort, bégaya Eleonara, écœurée.

— Ah. Des ossements.

— Non, plutôt de la fourrure...

— Cette pièce n'a pas été aérée depuis des années. S'il y avait vraiment une bête, elle se serait décomposée et on le saurait par l'odeur.

Un pelage pâle brillait sous l'éclat de la torche mais ni tête, ni corps y étaient attachés. Aspirant une bouffée de courage, Eleonara le saisit et le retourna d'un geste hâtif et sec.

Cloutée à une peau de loup, une banderole gribouillée de symboles illisibles se déroula jusqu'au sol. Des runes. Ce document était trop extraterrestre pour appartenir à l'Einhendrie. Ce devait être l'adaptation nordique du rouleau, faite pour être rembobinée ; une patte desséchée, cousue sur une extrémité, servait d'ailleurs de fermeture.

Du bout de l'index, Eleonara caressa les douze sceaux de cire qui pendaient au bout de ficelles abîmées. Elle y reconnut des estampes représentant des poissons, une flèche et un bélier. Le reste des insignes gaufrées s'étaient effacées ou limées.

 

La pilleuse sut qu'elle avait bien vu lorsqu'elle transmit sa trouvaille aux Mikilldiens. Frôlant le poil blanc qui se détachait par ancienneté, ceux-ci échangèrent un regard incrédule. Sgarlaad déplia lentement le vélin, avant de l'enrouler à nouveau. Il ne dit rien, mais ses yeux, par leur brillance, disaient tout.

— Chapeau bas, Bronwen, la félicita Agnan. Tu n'as pas idée de ce que cela signifie pour nous. Merci, nous te sommes infiniment reconnaissants.

En silence, les étrangers rebouchèrent l'ouverture au moyen d'une espèce de mélange d'eau, de terre et de farine. Une fois leur bricolage fini, ils se remirent debout, rassemblèrent leurs affaires et firent signe à leur adjuvante qu'ils pouvaient s'en aller. Ils se placèrent devant elle pour marcher, sans lui prêter attention, sans l'intégrer dans leur conversation.

Eleonara traînait les souliers, déçue. De un, aucun document ou objet relié à Hêtrefoux. De deux, les nonnes, les Nordiques, tout le monde croyait disposer de son aide à sa guise. Pourquoi donc lever le petit doigt ou prendre des risques puisque l'on pouvait toujours compter sur la gentille, docile et serviable Bronwen ? « Je ne suis pas une serve », grogna-elle mentalement. Elle se sentait utilisée, usée comme un vulgaire jouet. Obtempérer à ce traitement la révoltait.

— Ne jamais recevoir le titre officiel de Frères du Don'hill ne vous dérange pas plus que ça, il paraît.

Sa remarque ne sortait pas entièrement de nulle part. Une chose à retenir des humains, c'était qu'il n'y avait pas mieux qu'une banalité ou une idiotie pour déclencher un dialogue.

— Nous ne quêtons pas la distinction, répondit Agnan.

Après ça, retour au silence.

Zut, elle manquait d'entraînement. Autant saisir le taureau par les cornes et aller droit au but.

— Mes conditions, il y en avait deux, insista Eleonara en s'obligeant à parler fort. La première, vous connaissez : m'apprendre à me battre. En deuxième, se dépêcha-t-elle d'ajouter, j'exige votre confiance et votre respect.

Sa requête haussa des sourcils. Exiger la confiance et le respect, c'était comme ordonner des sentiments. Or comment aurait-elle pu le savoir ? Aux sentiments, elle n'y comprenait rien.

L'homme à la barbiche drue et le garçon aux oreilles décollées gardèrent les lèvres scellées, le temps qu'il fallut au cadet pour décoder l'expression de l'aîné.

— Tu les possèdes déjà, dit Agnan avec précaution. Sinon, nous ne t'aurions pas invitée à cette... balade.

— Ce n'est pas vrai, protesta Eleonara, en trottant pour avancer à leur rythme. J'ai fait ce que vous m'avez demandé et vous me maintenez dans l'ombre. C'est quoi, cette charte poilue ? Comment saviez-vous qu'elle se cachait ici ? Pourquoi vous est-elle si précieuse ? À quoi vous sert-elle ? En tant que complice, j'ai le droit de savoir !

Ses plaintes se répercutaient en notes aiguës dans les chambres froides. Sgarlaad, impassible en apparence, la saisit sous le bras comme un père arrachant son rejeton à un jeu dangereux.

— Parfois, il faut savoir ignorer, lui confia-t-il en la tirant avec lui. L'ignorance peut sauver.

— Mais...

Eleonara se tut. Il y avait quelque chose de final, de fatal et de prêt à tout dans ses yeux gris.

— Cette relique n'est d'aucune valeur à vous, Einhendriens, car elle vous est intraduisible, assura Sgarlaad. Aucun mal n'a été fait, alors ne te torture pas inutilement. Personne ne t'en voudra, car personne ne saura. Personne ne se doutera de sa disparition parce que personne de vivant ne se souvient de son existence.

— Et pourtant, vous, si. Ce document est la raison de votre venue au Don'hill, n'est-ce pas ?

Eleonara n'avait pas voulu finir son raisonnement à haute voix, mais, foudroyée par cette conclusion, elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle avait sa preuve : Agnan et Sgarlaad n'étaient donc pas si obéissants et soumis que ça : deux Nordiques à la recherche de papiers secrets, voilà qui était bien suspect.

L'ex-Sylvain ralentit le pas et la relâcha. Agnan les rattrapa.

— On est venus pour la charte, oui, admit ce dernier, mais pas seul...

Sgarlaad lui lança un regard qui lui cloua le bec. Le garçon se dépêcha de couvrir sa gaffe :

— Ce que tu as vu, tu n'as pas vu, entendu ? Tu restes une Einhendrienne, après tout. Nous ne voulons que te protéger, Bronwen. Pour ne pas t'impliquer.

Ne pas l'impliquer ? Elle avait fait un bain de poussière et de toiles d'araignées après le couvre-feu, dans les catacombes les plus lugubres des Troyaumes, volé et pactisé avec des étrangers. Si elle en embrassait un, là, maintenant, elle aurait violé la totalité des lois monastiques en une nuit !

Eleonara repoussa hargneusement une mèche de cheveux gênante. L'espace entre ses poumons s'était réchauffé et sa gorge s'était resserrée comme pour empêcher sa rage d'émerger. Quand réaliseraient-ils enfin qu'elle ne voulait pas les trahir ? Elle ne devait rien, à l'Einhendrie : elle n'y avait aucune famille, aucun sentiment d'appartenance. Elle n'agissait qu'en fonction d'elle-même et de ses propres intérêts. Elle voulait simplement savoir, comprendre, avoir le cœur net ; mais comment le leur expliquer ?

— Je ne dirai rien à propos de ce soir, vous avez ma parole, maugréa-t-elle.

— S'il te plaît, ne sois pas vexée, la pria Agnan, Un jour, nous...

— Agnïnwur.

Se pliant à l'autorité du Nordique aux joues grêlées, l'adolescent se tut.

 

Les trois ombres des pilleurs divaguèrent longtemps à travers les innombrables secteurs des sous-sols. S'ils avaient fait demi-tour ou tournaient en rond, Eleonara n'aurait pas su dire. Avec la fétidité croissante de l'air, elle avait l'impression d'explorer les tripes d'un animal mort.

Puis, un mur. Les pièces ne se succédaient plus ; ils avaient atteint l'autre bout des catacombes.

Sgarlaad passa sa paume sur la pierre humide de la paroi, essuyant la couche de terre et de bave de ruine. Aussitôt propre, le mur se recouvrit d'une pellicule pâteuse. Le Mikilldien s'accroupit et, rencontrant un anneau, le tira contre lui.

La puanteur devint insupportable. On pouvait presque la goûter sur la langue. Eleonara, sur le point de vomir, osa guigner au-delà du seuil.

Derrière le lourd battant s'allongeait un passage comme un balcon suspendu au-dessus du noir absolu. En levant les yeux, on suivait l'alignement de pierres grises, lisses et vermoulues, badigeonnées de souillures. La maçonnerie montait, montait, et, perforés dans l'obscurité du plafond, des cercles parfaits apporteurs de lumière se séparaient par des colonnes titanesques : les piliers qui soutenaient la forteresse monastique.

Comme prévu, les pilleurs ne ressortiraient pas par la trappe de la ciergerie, mais par une voie bien moins prisée. Les latrines.

L'origine de la pestilence ne présentait plus aucun mystère. Le noir absolu non plus ; c'était la fosse d'aisance.

— Je te présente notre sortie d'urgence, dit Agnan allègrement. Mine de rien, les lieux sont drôlement bien ventilés. Tu sens les courants d'air ? Ils proviennent de la mer.

Trop occupée à se couvrir le nez et la bouche pour éviter une intoxication, Eleonara n'extériorisa pas sa mortification. Ils devaient rentrer à leurs quartiers respectifs avant le cri du coq, pas visiter les coulisses des toilettes !

Gentiment, Agnan lui dirigea le menton vers le haut de façon à ce qu'elle se concentrât sur les orifices des latrines.

— Le petit, là, c'est celui des nonnes. Il t'amènera directement à ton quartier. Tu ne risques rien. L'avantage de se déplacer via latrinae, c'est que si quelqu'un t'y surprend au milieu de la nuit, il ne te posera pas trop de questions.

— Mais comment... ? commença l'elfe, jaugeant la hauteur des trous.

— T'inquiète, les sous-sols étaient un refuge dans l'Ancien Temps, et les latrines la sortie de secours. Il y a des échelles encastrées dans les murs exprès. Pratique, hein ? Allez, monte et ne regarde pas en bas ! À bientôt !

Alors que les Mikilldiens s'empressaient de s'en aller, l'elfe les rappela, paniquée :

— Attendez !

Son écho s'amplifia, se cogna aux parois et se multiplia, avant de s'éteindre. Elle avait peut-être crié un peu fort.

— Ne te fais pas de soucis pour nous, dit Agnan. L'accès à nos latrines n'est pas loin et de toute manière, nous avons les plans des souterrains !

Ce fut bref, mais Eleonara perçut le nuage orageux dans les yeux clairs de Sgarlaad. Il avait beau l'avoir rebaptisée « Pure de cœur » et tolérer sa présence, il ne lui faisait pas plus confiance et serrait les dents à chaque indiscrétion de la part d'Agnan. Sans sa constante surveillance, celui-ci se serait probablement déjà confié à elle sans remords. Celui à convaincre, dans le but de percer ces énigmes, c'était le meneur, celui qu'Agnan avait peur de décevoir.

— Attendez, c'est important, réitéra-t-elle. Ne cachez pas la charte à l'écurie, les dortoirs de tous les étrangers don'hilliens seront fouillés demain.

Les petits yeux des Mikilldiens clignèrent trois fois.

— Comment sais-tu cela ? demanda Sgarlaad, raidi.

— Ordre de l'Abbesse. Elle m'a forcée à perquisitionner la chambre de Sebasha hier.

Ils retenaient leur souffle, elle le voyait bien.

— Et ? dirent-ils en chœur.

Leurs regards se faisaient plus insistants.

— Je l'ai aidée.

— Qui ? L'Abbesse ?

— Non, l'Opyrienne. J'ai saboté le plan des nonnes.

Sgarlaad plissa le front ; Agnan resta bouche bée.

— Me faites-vous confiance, maintenant ? défia Eleonara, en guettant la réaction de celui qui avait été Sylvain.

Elle le crut muet pour de bon, mais sa voix grave finit par se manifester, imprégnée de cet accent coupant que l'elfe distinguait de mieux en mieux.

— Bronwen, que fais-tu dans ce monastère ?

Ses mots étaient doux et rauques, comme pour atténuer leur impact.

Les yeux d'Eleonara roulèrent dans leurs orbites tandis qu'elle choisissait la meilleure réponse.

— Je prie... et je pèle des carottes.

Sous leurs battements de paupières à la fois ensommeillés et inquisiteurs, Eleonara enjamba la barrière et s'accrocha à l'échelle qui descendait vers la fosse et montait vers la lumière. Employant toutes ses forces et évitant de lorgner en bas, elle se hissa, échelon par échelon. Arrivée en haut, elle s'enfila à travers la cuvette comme un fil dans une aiguille et s'essuya les mains, maculées de substances pas motivantes à identifier.

Enfin, l'air était respirable.

Sur la pointe des pieds et pressée de se laver, elle accourut à sa chambre avec la vague impression qu'elle avait mal interprété la question du Nordique.

 

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Isapass
Posté le 30/01/2020
Bon alors déjà j'adore les chapitres où il y a Agnan et Sgarlaad, mais en plus celui-ci est particulièrement réussi ! Le décor, le mystère, les trouvailles, la façon dont Elé se décide à leur parler des fouilles pour qu'ils lui fassent confiance... C'est palpitant !
D'ailleurs, tout est tellement palpitant depuis le chapitre avec Sebasha que j'ai déjà lu plus loin, en fait XD Je rattrape mes comm en retard, mais j'ai lu jusqu'au début de Mort de livre (c'est terrible, je ne peux pas m'arrêter).
Je n'arrive pas à savoir si les Mikilldiens sont là juste pour trouver ce truc ou si ils ont un autre objectif. J'ai bien vu qu'ils restaient après l'avoir trouvé, mais je ne comprends pas pourquoi.
J'aime de plus en plus Sgarlaad. J'adore Agnan et son côté franc, affectueux et dégingandé, mais Sgarlaad est plus complexe, plus profond... et plus mystérieux !
Dommage qu'Elé n'ait pas répondu franchement quand il lui demande ce qu'elle fait au Don'hill. Mais je comprends qu'elle ne prenne pas le risque.
Jowie
Posté le 02/02/2020
Je ne te cache pas que c'est un de mes chapitres préférés (bon, il y a de l'aventure et ça parle de toilettes, donc j'imagine que c'était plutôt évident xD bref, de l'humour niveau Pot-au-Fou.) Du coup je suis ravie que tu l'aies apprécié aussi !
T'aurais-je rendu addict à Hêtrefoux ? xD J'avoue que je n'en reviens toujours pas de ta vitesse de lecture ! Tu mériterais un pin's "Speedy Lectrice" !
La deuxième raison pour laquelle les Nordiques sont venus au Don'hill est mentionnée plus tard dans ce tome (Sergius met le doigt dessus dans le chapitre " Vin, tartelettes et herbe à fumer") ;) SI tu ne t'en souviens pas, ce n'est pas grave, ce sera repris dans le tome 2 !
Oooh tu aimes bien Sgarlaad et Agnan <3 C'est vrai qu'en étant moins démonstratif, Sgarlaad maintient une sorte de mystère autour de lui. Et, une chose est sûre : il a énormément de secrets.
Isapass
Posté le 04/02/2020
La deuxième raison de la présence des Nordiques au Don'hill, c'est d'entrer en contact avec l'Opyrie, c'est ça ?
GueuleDeLoup
Posté le 02/05/2019
Re Jojo (est-ce que ce surnom élégant te convient ^^ ?)
Pour ma part, je n'ai pas trouvé ce chapitre trop long, et je dirai même qu'il est très bien. Comme je le disais au précédent commentaire, on sent bien l'intrigue qui se met en place et c'est très très cool.
J'adore la réponse de fin d'Eleonara: "Je prie... et je pèle des carottes." XD
Sinon en remarque:
Dan sle chapitre "Dans la gueule-du-loup" <3 il y a une phrase qui ne veut rien dire:
"Vous, les Einhendriens, oubliez trop souvent de rendre grâce à notre sable et à nos verriers pour les vitraux de vos cathédrales ont des vitraux."
A mon avis, il y a doigt de moine dans pÔney, si tu vois ce que je veux dire. 
Allez je me lance dans les derniers chapitres, mais pas sûre que j'ai le temps de finir aujourd'hui ^^. 
Jowie
Posté le 02/05/2019
Beaucoup de gens m'appellent Jojo dans la vraie vie alors feu vert !xD
Je suis rassurée que ce chapitre n'était pas trop long et que tu apprécies l'évolution de l'intrigue!
Oui, Eleonara ne sort que des choses d'une profondeur philosophique incroyable, c'est époustouflant!
Merci pour la phrase qui veut rien dire; mon cerveau a dù sérieusement beuguer à ce moment là xD
"Il y a doigt de moine dans pÔney" -> je veux appliquer cette expression dans ma vie quotidienne. Et je confirme, il y a effectivement doigt de moine dans pÒney! 
Merci pour tes commentaires qui me font toujours rire :D
Sorryf
Posté le 15/04/2019
Je ne sais pas trop quoi penser de la potentielle romance Scarlaad/Sebasha. D'un coté ce serait badass, d'un autre... est-ce que je ne serais pas un peu jalouse ? nooooooooooon.
Chouette chapitre, j'adore quand Eléonara traine avec ses bros :D
Je sais pas vraiment ce que les Nordiques magouillent mais je suis de tout coeur avec eux !
A un moment tu écris : "Eleonara repoussa hargneusement une mèche de cheveux gênante" ça m'a fait trop bizarre a cause de la touaille et de la guimpe (tous ces mots que j'ai appris en te lisant !), alors j'ai bugué. Je pense que tu devrais préciser une mèche qui dépasse du voile pour qu'on soit tranquille, même si on le sait.
Je ne pense pas qu'il faille couper ce chapitre en deux, vu qu'il n'a qu'une seule grosse action. Il est pas non plus si long que ça !
Les 2/3 déjà ! mais il y a plusieurs tomes je crois ? ("Hêtrefoux tome 1". Mes facultés de déduction ne sont plus a démontrer xD)
 
Jowie
Posté le 15/04/2019
Coucou Sorryf ! ça me touche de te voir suivre l'histoire si fidèlement <3
Pour la romance, ne t'inquiète pas, ce n'est qu'une hypothèse de Melvine qui, au fond, n'y crois même pas ;) Haha, tu ne serais pas la seule à être jalouse xD
En tout cas, c'est super que tu aies apprécié ce chapitre dédié au fameux trio et que tu ne l'aies pas trouvé trop long ! Il y en aura d'autres sur Team Elé-Sgarli-Agnan et j'avoue que c'est ceux que j'ai préféré scribouiller :D Vive les magouilles !
Ta remarque quant à la mèche de cheveux m'a fait rire parce que tu as raison, c'est tellement pas logique que je me demande comment j'ai pu passer à côté. C'est corrigé! Je spécifie maintenant qu'elle dépasse ;) Je te lance le défi de placer "touaille" lors d'une conversation totalement anodine et de regarder les réactions de tes interlocuteurs xD
Oh oui, c'est vrai, ce sont les 2/3 du tome I, je ne l'ai pas spécifié, je vais arranger ça ! Pour l'instant, je pense qu'il y aura trois voire quatre tomes ^^
Merci beaucoup pour ta lecture et tes commentaires toujours aussi enthousiastes !
Bonne scribouille et à bientôt !
Jowie
Aliceetlescrayons
Posté le 13/04/2019
Je vais commencer par la question de la longueur : plus que le nombre de mots, c'est le rythme du chapitre qui m'a paru trainer un peu. Je trouve que les descriptions des chemins empruntés sont intéressantes et, en même temps, ça m'a fait décrocher un peu vers le milieu du texte. Cette impression de lenteur, je ne l'a pas eu sur les chapitres précédents. Je dirais que ça manque un peu de tension, ce qui est dommage parce que la situation se prète justement à une montée de stress.
Est-il besoin de préciser que je suis scandalisée que Voulï soit aussi maltraité? :D J'adore cette bestiole!
Pour finir :"les complots me gavent" => chère Chouette, quel langage! :o
A très bientôt ;)
Jowie
Posté le 13/04/2019
Hey Alice :)
Je trouve ta remarque parfaitement pertinente; la tension et l'effet "stress" pourraient être plus soulignés ! Je vais travailler sur ce point ;)
Hahah, tu devrais te joindre à Agnan pour défendre les droits des poneys violents et monter une association :D Quand mon frère (qui n'est pas très fantasy de base) a fini de lire mon premier jet, sa première remarque était : "je veux plus de scènes avec le poney". Alors, si Voulï fait ce qu'il fait, c'est grâce à lui xD Et il n'a pas fini de se manifester, ce poney, crois-moi !
J'avoue que la Chouette s'est laissée aller, là, c'est scandaleux !
Merci beaucoup pour ton commentaire Alice et pour tes remarques toujours aussi constructives :D
à toute !
Jowie
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