V – Le bon, la brute et le truand

Par Dan
Notes de l’auteur : Jimmy Cliff – You Can Get it If You Really Want

Le bon, la brute et le truand

Alexandria Sulcus, Encelade, satellite de Saturne

 

La région des rayures de tigre était très belle, vue de l’espace – quatre lézardes sur la surface pâle de la lune. Cependant, quand il s’agissait de louvoyer entre les immenses geysers que leurs failles crachaient dans le ciel, on appréciait moins leur élégance. Si Copernic était parvenu à garder un air détaché lors des turbulences d’entrée en atmosphère, il ne réagissait pas aussi sereinement aux pirouettes du vaisseau que Bowie malmenait pour éviter les immenses gerbes de gravats.

T’inquiète, lui souffla-t-il. J’ai déjà fait ça avant-hier, sauf que c’était des lasers.

Pendant qu’il se vantait, Bowie faillit piquer droit dans un panache explosif. Oupsie ! Un heureux coup de manette leur épargna l’extinction d’un moteur, limitant la collision à une mitraille d’éclats de roche sur la vitre panoramique. Copernic se raccrocha à sa ceinture de sécurité ; il aurait volontiers passé un harnais à ses entrailles, au cas où.

— Uff da, tu vas pas nous faire un coulis, hein ? articula Eastwood avec l’air de ricaner.

— On va atterrir, intervint Bowie avant qu’ils aient pu entamer une nouvelle joute. Commencez à vous équiper, il va faire frisquet.

Copernic attendit que Bowie ait stabilisé la course descendante du Major Tom avant d’oser se déboucler pour suivre Eastwood aux cabinets. La famille de Bowie y stockait de vieux vêtements mirandiens ; une impressionnante collection de sarouels, ponchos et tuniques doublés ou molletonnés qui résisteraient au climat d’Encelade – pour peu qu’on arrive à les enfiler.

Copernic avait jeté son dévolu sur le pantalon le plus ample de la garde-robe, sans grand effet : c’était la longueur qui posait problème. Impossible de se couvrir les mollets sans se découvrir les fesses ; l’élastique à la taille lui faisait un anneau gastrique et les bandes aux chevilles des bas de contention. Pendant que Copernic se débattait, Eastwood boutonnait distraitement son ciré en entonnant un medley de mots et de pensées sur l’air de La pêche aux moules.

Copernic serra les dents et s’empêcha de répliquer. Non sans quelques contorsions et muscles froissés, il finit par réussir à s’extraire du sarouel qu’il replia pour ne pas céder à l’envie d’étrangler Eastwood avec. Pressentant qu’il n’aurait pas davantage de chance avec les polaires et les pulls angoras, Copernic s’épargna un second essayage embarrassant, repassa ses habits et se couvrit d’une cape pelucheuse dont le rose terne lui donnait l’allure d’une énorme barbe à papa.

Copernic ne l’entendait pas, mais il voyait Eastwood se tenir le ventre pour dompter ses éclats de rire, écroulé sur la cuvette des toilettes. Sans doute attiré par le bruit, Bowie ne tarda pas à passer son nez retroussé dans l’embrasure. S’il se mordit la lèvre en plissant les yeux, il eut le bon goût de ne rien dire et de ne rien penser devant la tenue du Titanien.

— C’est bon, on est posés, énonça-t-il. Je me suis garé loin. J’aurais bien aimé laisser le générateur d’invisibilité actif, mais avec les moteurs éteints… Fin bref, on devrait pas avoir trop de problèmes, mais faudra marcher un bout. Vous êtes prêts ?

Copernic précéda Eastwood qui récupérait difficilement de son hilarité. Bowie ne mentait pas quand il parlait de basses températures : à peine eut-il ouvert la trappe que tous les poils de Copernic se mirent au garde-à-vous sous sa pèlerine. On était très en deçà du petit zéro frôlé durant les hivers les plus rudes de Titan ; Copernic avait même du mal à évaluer à quel point il faisait froid : tous ses muscles s’étaient contractés et ses extrémités étaient déjà engourdies. Bowie émit à peine un petit « Brrr » avant de s’aventurer à l’extérieur. Ça ne devait pas beaucoup le changer de Miranda, lui.

— Vous voulez retourner vous rajouter une couche ? leur demanda-t-il. On peut encore…

— Nope, coco, on y va. Zou ! Que super-moumoute nous guide !

Copernic prit la tête de leur expédition en espérant que la météo hostile leur ferait au moins le plaisir de frapper Eastwood d’une pneumonie foudroyante. Resserrant leurs manteaux et carrant les épaules contre le froid, ils suivirent une route parallèle à la faille en direction d’Alexandria.

Malgré son élan, Eastwood traîna bientôt la patte à l’arrière ; Copernic entendait ses pensées se rafraîchir et craquer à chaque coup de blizzard. Bowie était moins incommodé, mais il ne se pressait pas pour autant : toutes les maisons de moellons blancs, tous les ateliers de taille de pierres et tous les feux d’artifice de geysers étaient prétextes à s’arrêter. Copernic comprenait bien qu’il n’ait aucune envie de parvenir à destination, mais il n’était pas immunisé contre la douleur, lui, et il tenait à ses orteils.

— J’aurais dû enfiler un deuxième slip, firent les lèvres d’Eastwood lorsqu’il rattrapa Bowie, accroupi pour observer un cairn. Un slip en fourrure.

— Merci pour l’image, renvoya Bowie.

— Faut quand même que tu te secoues la natte, à un moment. Avant qu’on se transforme en sacs à mites.

— En quoi ?

Stalagmites, corrigea Copernic.

— Oh.

Ils atteignirent le village trois quarts d’heure plus tard, à la fois frigorifiés et étuvés par l’effort. Copernic consulta une nouvelle fois son bracelet pour s’assurer du nom de l’établissement et de l’itinéraire. Ils durent presque y traîner Bowie qui lambinait en se raccrochant à sa capuche maintenant qu’ils avaient rejoint la civilisation. Même la touffeur de l’auberge ne lui fit pas sortir le nez de son poncho, et peut-être n’était-ce pas une mauvaise idée : maintenant que les Moutons électriques avaient été arrêtés et innocentés de tout méfait terroriste, Eastwood et lui étaient les deux moonshiners les plus recherchés du système.

Par chance, l’ambiance fumeuse les camouflait assez bien. La lumière ne filtrait que par de minuscules œils-de-bœuf encrassés et ne luttait pas plus loin qu’une ou deux rangées de chaises. Quelques lampes-tempête titaniennes éclairaient les colonnes de soutènement, de petits puits à pétrole nourrissaient des flammèches en cage au centre des tables de pierre et partout le chatoiement des bijoux allumait des étincelles dans les ténèbres en accompagnant les gestes et les signes des clients. L’espace confiné était lourd d’odeurs de transpiration et de friture ; il devait être silencieux, surtout, comme dans la plupart des établissements luniens du système saturnien.

Copernic profita de sa haute taille pour jeter un regard par-dessus les têtes et serra les mâchoires afin de repousser le tumulte des pensées. Sa télépathie fonctionnait comme le sens qu’elle remplaçait : entendre avec son cerveau répondait aux mêmes règles et aux mêmes aléas qu’entendre avec ses tympans. Ainsi, la clarté du signal dépendait de sa puissance et de l’efficacité de son « oreille interne » ; la distance, les obstacles physiques et l’intensité influaient sur la réception des pensées comme sur celle des ondes sonores.

Une plongée en pleine assemblée de sourds et de muets, pour lui, c’était un peu comme se brancher simultanément sur un millier de fréquences emmêlées, allant croissant Prends-moi une cuillère et décroissant Faut que je file, hurlant EH TOI MON QUIGNON DE PAIN, grésillant T’aur dû air ention arde out amé tenant ou s’exprimant dans des patois inconnus V’là t’y pas qu’l’aut’ l’chop’ par l’ colbac et l’secoue comme un tamis ! Mais si les bien-entendants pouvaient éteindre la machine ou se boucher les oreilles, Copernic, lui, n’avait toujours pas trouvé l’interrupteur miracle.

— … perdu, le sundar planétien ?

Copernic baissa les yeux sur la jeune femme qui lui barrait le passage avec un plateau de service, mais trop tard pour lire le début de sa phrase sur ses lèvres. « Beau planétien »… elle parlait de lui ? Après des années de discipline de fer pour ne jamais se laisser aller aux perversions des moonshiners, après des années d’exercices pour masquer les réflexes que ses tares et ses dons lui imposaient, Copernic passait enfin pour un planétien aux yeux de quelqu’un ?

— On a rencard, intervint Eastwood. Un type avec, heu… Je sais plus quoi. Une… fraise, sur la tête ?

— Un fez ?

— Oui, voilà.

Copernic recentra ses idées sur la serveuse qui disait :

— Il est assis dans le fond. Vous pourrez pas le rater.

Et effectivement, dès qu’ils se furent avancés entre les tables bondées, l’orange fluorescent d’un pull à col roulé attira leur regard aussi efficacement qu’un gilet de sécurité. Copernic croyait que la salopette d’Eastwood avait habitué ses yeux aux couleurs criardes, mais l’association du chandail à losanges et du pantalon en lycra rose et bleu était d’un tout autre niveau. Le fez et les moonboots vertes y ajoutaient une touche absurde et tout à fait superflue, de son point de vue. À moins qu’il s’agisse de diversions.

Car Copernic eut beau y regarder à trois ou quatre fois, il était incapable de déterminer de quelle lune cet homme venait. Les coloris l’auraient situé autour de Jupiter, mais le pantalon serré était plutôt saturnien, comme les boucles d’oreilles à clapet et le chapelet de bagues en toc. La note marsienne du couvre-chef finissait de semer le doute.

Copernic savait que les grands voyageurs avaient tendance à piocher dans toutes les modes et à en changer au gré de leurs haltes ou de leurs envies, mais on pouvait généralement reconnaître quelques invariants, d’infimes détails ou des altérations durables qui permettaient de fixer une base. Par exemple, les luniens d’Uranus gardaient souvent des traces de tatouages ou des poinçons de piercing, même s’ils tentaient de les effacer ou de les combler.

Très soucieux à l’idée de ne pas savoir le cerner, mais toujours déterminé à ferrer le poisson, Copernic s’assura que Bowie suivait et se dirigea droit sur Napoléon. Le gageur sirotait un verre de mousse en fabricant des petites poupées à base de cure-dents, de bocks et de serviettes en papier. Voyant leurs trois ombres se planter devant lui – enfin, deux ombres et demie, puisque Bowie restait caché derrière Copernic – il leva des yeux amusés pour les passer en revue, souriant derrière ses mains jointes en salut.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est mon anniversaire ? J’ai droit à un supplément spectacle ? Oh, nahi ! Laissez-moi deviner ! Vous allez danser ? Des claquettes ? De la country ! J’adore la country !

Bowie s’agita dans le dos de Copernic. Eastwood ne lâchait pas Napoléon des yeux.

— Nahi ? Chanter, alors ? Un canon ! Non plus ? Oh je sais, je sais : jongler !

— Ferme donc ton claque-merde, répliqua Eastwood.

Napoléon esquissa un petit sourire détestable.

— À mon avis, vous devriez plutôt…, commença-t-il.

Eastwood tapa de la paume sur la table en faisant tressauter sa collection de poupées.

— Les avis c’est comme les trous du cul, tout le monde en a un. Et on te demande pas le tien.

— Vous êtes très porté sur l’entrefesse, dites-moi.

— T’as pas idée.

— C’est une invitation ?

Pitié

Copernic tira une chaise et s’y assit face à Napoléon pendant qu’Eastwood lui coupait toute retraite vers le comptoir et la sortie. Le sourire du gageur fondit en un clin d’œil.

— Je vous reconnais, vous.

Bowie n’avait plus nulle part où se cacher, mais au lieu de se replier, il sembla rassuré par la subite déconfiture du gageur. Selon lui, leur dernière et unique entrevue s’était soldée par un coup de clé à pipe. C’était loin de suffire à égaliser les scores après que Napoléon l’eut détroussé de cent coupons, mais visiblement, ladite clé avait laissé quelques séquelles psychologiques sur son adversaire, sinon physiques.

— Ah d’accord, je sens venir le traquenard, dit Napoléon. C’est vous qui m’avez contacté ? Le soi-disant client qui me connaissait soi-disant de réputation et qui avait soi-disant besoin d’un contact pour refourguer du ciment coupé à la farine ? Vous venez pour quoi, en vrai ? Vous êtes ses gardes du corps ? Son fiancé et son papi ?

— T’es atteint de coliques verbales, ou quoi ? Ta réputation mentait pas, en tout cas, la plaie !

Napoléon parut sur le point de renchérir, mais Copernic se pencha sur la table en accentuant l’ombre carrée que l’abat-jour dessinait autour de ses épaules.

Voici comment les choses vont se dérouler, exprima-t-il sur spectre large en veillant à garder ses pensées assez ténues pour les cantonner à leur cercle. Nous n’allons pas vous demander de rendre les cent coupons que vous avez volés à Bowie, à condition que vous fassiez ce pour quoi il voulait vous recruter.

— Ce pourq… Vous êtes pas sérieux, là, les gars ? On parle toujours bien de…

Taisez-vous.

Il jeta un yeux alentour. Copernic aurait préféré délocaliser leur propre échange à l’extérieur, mais il doutait que Napoléon accepte gentiment de les suivre : il était plus en sécurité au milieu de la foule. Autour d’eux, les clients semblaient de toute façon trop absorbés par leurs conversations gesticulées pour s’intéresser à eux ; si Copernic ne pouvait pas jurer de leur surdité, il pouvait peut-être détecter les esprits fouineurs. Dans tous les cas, Napoléon pensait ses paroles en même temps qu’il les énonçait, alors autant limiter les canaux.

À l’affût d’un signe de curiosité déplacée de la part de leurs voisins, Copernic reprit en baissant encore la « voix » :

On parle toujours de contacter une prisonnière sur Charon, oui. Et bien sûr, il va sans dire que si vous refusez de nous aider, le remboursement deviendra obligatoire.

Il noua les doigts en faisant saillir les muscles sur ses avant-bras dégagés de sa cape.

— Je…

Copernic le freina d’un regard menaçant.

Je l’ai déjà dit à Bowie, reprit Napoléon. C’est pas seulement les coupons. Vous avez bien conscience que Charon est non seulement la lune la plus surveillée du système, mais qu’en plus Pluton grouille d’officiers de la PI ?

Nous en avons conscience.

Et j’ai aussi déjà dit à Bowie qu’il lui faudrait

Écoutez, si ça peut vous rassurer, vous ne serez pas employé comme fin stratège.

— Eh, qu’est-ce qu’il baragouine, le zozo fézu ? intervint Eastwood en donnant un coup de coude à Copernic.

Il continua à détailler le visage crispé de Napoléon, ses yeux bleus et globuleux qui tranchaient sur sa peau mate, sa crinière de cheveux bruns, son nez prononcé, ses deux incisives supérieures légèrement écartées, les méninges surchauffés qui pulsaient derrière son front, puis répondit :

Il dit qu’il va nous aider.

— Hey, j’ai pas…

Pendant que Bowie ouvrait la bouche de stupéfaction, les pensées de Copernic fusèrent vers Napoléon – et vers Napoléon uniquement – avec la précision et la rapidité d’une fléchette :

Taisez-vous et faites-moi confiance. Nous voulons la même chose, vous et moi, mais ils ne le savent pas encore.

Napoléon cilla à plusieurs reprises mais ne dit plus rien. Pendant un moment, ils restèrent tous les quatre immobiles et muets dans l’agitation étrange de l’auberge.

— Pas de sale coup, cette fois ? demanda finalement Bowie, qui semblait ne pas en croire ses yeux.

Napoléon lança un regard hésitant à Copernic avant de répondre :

— Pas de sale coup. Et vous, pas de coup tout court, d’accord ?

— D’accord.

Ils se défièrent pourtant du regard et Copernic en profita pour sonder leurs esprits. Napoléon réfléchissait à toute vitesse Qu’est-ce que ça veut dire « la même chose » ? Qu’est-ce qu’ils trafiquent ensemble ces trois-là ? et Eastwood ruminait des plans de vengeance au cas où le gageur ne tiendrait pas parole Je dois encore avoir assez de réseau pour écrabouiller le sien. Sinon, un lobe en moins, ça fait toujours son effet. Rien de compromettant pour Copernic, cela dit, qui se serait autorisé un instant de soulagement s’il n’avait pas orienté son écoute télépathique sur Bowie pour s’assurer qu’il ne se se rétracterait si près du but.

Contre toute attente, Copernic ne lut pas chez lui de grands questionnements, seulement de la gratitude. Finalement, heureusement que c’est pas Elion qui est venue. Je vais avoir ce que je veux et en plus ça rétablit un semblant de justice, je crois, avec cette raclure de Napoléon. Comment je vais pouvoir remercier Nick ?

Copernic détourna le regard quand Bowie tendit le bras vers le gageur pour sceller leur pacte. Du coin de l’œil, il vit une main lourde de bagues se refermer brièvement autour d’une main lardée de cicatrices, serrer, secouer un peu, puis se réfugier dans la poche kangourou de son pull.

— Vive les mariés ! lança Eastwood. Allez, maintenant on se ravitaille vite fait. Moins de temps on passe au même endroit, mieux c’est.

Copernic acquiesça et s’empressa de rallier le comptoir où ils demandèrent le chemin du magasin alimentaire le plus proche.

Je dois vraiment venir avec vous ? glissa Napoléon à Copernic sur le trajet – il continuait à le lorgner d’un air effrayé et réticent, et aux coups d’œil qu’il lançait à toutes les ruelles accidentées, Copernic devinait qu’il cherchait encore ou déjà une issue. Je sais pas ce que vous manigancez, mais, au cas où, je vous le dis quand même : un gageur, ça met les gens en relation. Ça crée des contacts entre parties intéressées, ça fait passer des messages, ça trouve une solution à tous les problèmes, mais ça les règle pas soi-même. Ça reçoit pas de message, ça en donne pas directement. C’est pas une partie intéressée.

Ça le deviendra, croyez-moi.

Son sourire en coin fit ralentir Napoléon. Il revint à sa hauteur à petites foulées en continuant :

On peut peut-être s’arranger pour un service à distance, alors ? Faut me comprendre. J’ai d’autres contrats, je peux pas me permettre de disparaître comme ça. C’est un peu un kidnapping que vous me faites là.

Non. Soit vous partez maintenant en nous transférant cent coupons, soit vous nous accompagnez. Il n’y a pas d’autre alternative.

Napoléon plongea dans un silence méditatif – pour Copernic, il n’avait en réalité jamais été aussi bruyant, ce qui n’était pas peu dire. Pseudonymes de clients qu’il devait rencontrer, horaires de navette qu’il allait rater, promesses de troc qu’il allait rompre, raccourcis et excuses qui pourraient lui permettre de s’enfuir avant qu’il soit trop tard… tout y passait, ponctué d’un chiffre, toujours le même, comme un mantra : cent. Cent coupons qu’il n’avait aucune envie de rendre.

Après un moment, Napoléon essaya de fermer ses pensées à l’oreille inquisitrice de Copernic en usant de fragments d’alphabet, de poèmes avortés ou de jurons frustrés. Mais Copernic n’allait pas lui forcer la main : il n’avait aucune réelle intention de lui refaire le portrait si Napoléon décidait de prendre ses jambes à son cou pour garder son pactole et son intégrité. Au fond, il n’avait pas seulement besoin d’un gageur : il avait besoin d’un pigeon. Et la seule façon de pigeonner un arnaqueur, c’était de lui laisser croire que la décision finale lui appartenait.

Ignorant tout des débats intérieurs de Napoléon et des espoirs de Copernic, Bowie et Eastwood expédièrent les emplettes. Moins d’une demi-heure plus tard, ils revenaient au Major Tom avec des sacs de conserves de légumes phobosiens, des barriques d’eau mirandienne et quelques miches de brioche pour faire plaisir à Bowie. Les bras ballants, Napoléon stoppa devant la passerelle pendant qu’Eastwood entassait leurs victuailles dans la soute et que Bowie procédait à une rapide vérification du vaisseau.

Ce serait pas…, commença le gageur en observant le bâtiment peint d’ourlets orange et d’impacts de tirs.

Ça l’est, coupa Copernic. Le Major Tom, le vaisseau le plus recherché de l’Union, avec à son bord deux moonshiners traqués par toute la PI. Vous commencez à voir où je veux en venir ?

Napoléon l’observa, puis suivit son regard éloquent vers Bowie et Eastwood. Ils partageaient une miche de brioche en auscultant le connecteur du camouflage.

Elle s’élève à combien, la récompense pour la livraison de deux criminels qui aideraient l’enquête ? demanda Napoléon.

À un pardon complet, sans doute décoré de quelques dizaines de coupons, vu la vitesse où vont les choses.

Napoléon le scruta, sourit, puis fit un pas sur la passerelle.

Je vois. Eh bien monsieur, c’est une affaire qui marche.

 

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Quine
Posté le 09/08/2018
MAIS QUEL CONNARD. (Oui je commence tous mes commentaires en majuscules)  Je ne portais pas beaucoup Copernic dans mon cœur, puis je me suis que finalement, c'était juste un chic type peu aimable, mais alors la je suis très désappointée ! C'est vraiment pas gentil. (Est-ce que je suis aussi naïve et innocente que Bo ? Je crois bien que oui)
D'ailleurs, je suis épatée par tes dialogues télépathiques qui rendent vraiment bien ! Je trouve géniale rien que l'idée, c'est dire à quel point le résultat m'enchante !  
Heureusement que tu compenses avec la cape rose, des images de Woody en slip fourrure et de potentielles invitations à tâter de la fesse ! XD (sérieusement j'ai mal aux abdos à force de mourir de rire) 
En parlant de fesses, jzbdizbdkbzjz Haccan et Aessa. OUI OUI OUI DEPUIS LE TEMPS QUE JE L'ATTENDAIS HEHEHEHHE. Et je suis contente d'enfin avoir des réponses quant aux projets du conseil (pour palier à mes sérieuses  lacunes en matière de déduction xD)
Je vais de ce pas continuer la lecture voir si je tombe sur d'autres fesses, et si les libertaires atteignent enfin leur but ! Vive la brioche et à bientôt !
Dan Administratrice
Posté le 09/08/2018
HUHUHU. On va dire que Copernic a des circonstances atténuantes, mais oui sans doute que voir l'histoire du point de vue de Bowie ça rend très gentil et on oublie qu'il y a des goujats partout.
Merci pour la télépathie ! C'est tant mieux parce que c'est toujours un peu délicat, techniquement c'est tellement le bordel dans la tête de quelqu'un je suis pas sûre qu'on comprendrait quoi que ce soit si on y avait accès...
Mais oui il y a (presque) toujours une grosse bêtise pour alléger l'atmosphère :p C'est vrai que je m'étais lâchée sur la fesse, dans ce chapitre... il va peut-être falloir que je trouve d'autres blagues, un jour x'D
Hahah "en parlant de fesses, Haccan et Aessa" au début je me suis dit "mais wut ils parlent pas de fesses eux quand même" et puis je me suis souviendue *w* (oui j'oublie ma propre histoire). Mais je suis bien ravie si tu l'attendais, ça prouve que la tension était palpable (comme la fesse).
Merci pour tout Quinou ♥
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