Une cage appelée "Liberté"

Inari ne se doute de rien, et alors qu'elle pose le pied dans les rues pavées de Balwinder, elle avance tranquillement et observe les grandes bâtisses, des maisons tout en pierre, certaines étaient même encore en construction. Ses pas l'emmènent finalement dans une des grandes rues de la capitale et un spectacle extrêmement vivant se déroule sous les yeux de la prêtresse. Intriguée, elle se met a visiter les boutiques, de celles de luxe aux plus modestes, en passant par différentes boutiques d'armes et d'armures, la femme les passe toutes en revue.

Elle finit par s'arrêter devant un bâtiment géant non loin d'une cathédrale d'environ cent mètres de hauteur, surplombant l'intégralité des constructions alentour, que ce soit par sa taille, ou par son opulence. À côté d'un tel édifice, même le QG des aventuriers faisait pâle figure. Sur la devanture de ce dernier, une pancarte est affichée, où l'on peut lire en différents langages et avec un symbole compréhensible: "guilde des aventuriers". Il s'agit de la seule guilde qui possède presque la même influence et puissance que la religion locale. Inari pousse alors les lourdes portes et entre. À peine arrivée dans le hall, qu'elle entend tout type de conversation, dans plusieurs dialectes, le tout dans un brouhaha incommensurable, à tel point qu'elle se tient rapidement la tête et sort du bâtiment aussi vite qu'elle y est entrée. Habituée au calme de l'île où elle avait vécu jusqu'alors, ce genre d'ambiance très animée mettait son ouïe à rude épreuve. Cependant, ces quelques secondes lui ont suffi pour trouver un moyen de transport vers le district.

Encore hébétée, elle dirige ses pas vers une place où des chariots se trouvent alignés les uns derrière les autres, mais ces derniers ne semblent pas tirés par des chevaux. En effet il ne semble y avoir qu'un conducteur ou une conductrice, tous plutôt jeunes, placés à l'arrière des embarcations pourvues d'une voile, comme de petits voiliers. Après une rapide inspection de ce moyens de transport plus qu'insolite pour la renarde, elle s'adresse au conducteur.

« Bonjour, j'aimerai me rendre au district.

- Ça fera cinq pièces d'argent s'il vous plaît.

- Cinq pièces d'argent ? Mais c'est du vol! s'offusque la femme.

- C'est le prix à payer pour la vitesse et la tranquillité, vous croyez que les mages poussent sur les arbres ? Déjà que côtoyer des nobles à longueur de journée, c'est une torture, alors on peut bien se faire un peu d'argent non ?!

- Des... mages ?

- Cursus oblige, ça fait partie de nos obligations en tant que mages du vent pour dev... Hé, j'ai pas à vous raconter tout ça, vous payez ou pas? »

C'est à contre cœur qu'Inari sort les pièces d'argent et les donne au jeune homme, lui autorisant l'accès à la carriole. À peine fut-elle installée, que le chariot se met en marche, suivant une piste tracée sur la colline, guidant la trajectoire de ces engins, leur permettant d'atteindre une grande vitesse sans risques. Et c'est au bout d'une dizaine de minutes qu'elle arrive à la frontière entre le district et la ville sans encombres.

« Nous sommes arrivées, Madame. »

Inari descend alors du véhicule, et il ne faut pas longtemps pour que ce dernier reparte à toute vitesse, comme s' il fuyait la zone. La prêtresse observe avec attention et remarque que la seule porte pour se rendre dans le lieu qu'elle recherche est gardée. Elle avance vers cette dernière et rentre sans problème dans la partie sombre de la capitale, la capuche bien baissée pour dissimuler son visage. Les gardes sont cependant intrigués par le manteau entièrement blanc avec des motifs ornementaux étranges. Ce n'est qu'une heure plus tard, lors de leur relève, qu'ils apprennent que la prêtresse est portée disparue. Un lien rapide se crée entre cette mystérieuse femme et la disparue, et comme une illumination, les deux gardes qui ont aperçu Inari se dépêchent de fournir leur informations, de peur d'être réprimandés.

Alors que la citadelle est en effervescence, le prince Amine part à la rencontre de sa mère, la reine Alanka Zakarian, pour s'entretenir avec elle.

« Fermez la porte derrière vous Amine et approchez-vous. »

Ce dernier obéit et vient s'asseoir devant le bureau.

« De quoi souhaitez-vous me parler mère?

- J'ai entendu dire que la prêtresse souhaite plus de liberté. Vous a-t-elle donné cette impression?

- Je ne saurai trop dire mais aux vues des paroles tenues, je pense que c'est le cas, et cette disparition, bien que la rumeur d'un enlèvement court dans la citadelle, cela ressemble davantage à une fugue.

- Vous en êtes certain?

- Ce n'est que mon intuition.

- Dans ce cas nous la tenons, il est temps de mettre en place notre cage appelée liberté. Contre un peu de liberté de mouvement, elle nous sera redevable, et accédera à notre demande sans même en parler à son ordre. Amine, veuillez faire le nécessaire auprès des gardes, et... De façon discrète, si votre père la retrouve avant nous, sa cage ne sera plus la liberté, mais belle et bien une chambre du château.

- Et c'est ce qui arrivera ! »

La porte s'ouvre à la volée, laissant apparaître le roi dans son encadrement.

« Amine part d'ici je dois discuter avec votre mère. »

Le prince part rapidement de la pièce alors que des éclats de dispute s'entends de l'autre côté de la porte. Quelques mots comme le prénom du second prince, ou encore le fait que le roi ne veut absolument pas que leur secret soit dévoilé parviennent à ses oreilles. Même l'ancienne prêtresse a le droit à son passage.

À la recherche de gardes de confiance, le successeur au trône décide à lancer la course pour retrouver la femme de son propre chef, quitte à se mettre en opposition avec son père.

Alors qu'Inari s'enfonce petit à petit dans ce lieu où les maisons semblent branlantes et faites avec quelques morceaux de bois et de toile, elle ne peut s'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Des personnes malades, blessées, et même certaines mutilées à vie essaient de gagner leur vie honnêtement. Mais que faire lorsque votre corps, seul outil de travail pour la plupart des personnes vivant ici, n'est plus capable de suivre? À cette question que se pose la femme animale, elle ne voit qu'une seule solution.

Déterminée après le rapide examen de ce bidonville immense, la prêtresse se rend dans une rue bondée et cherche une personne à aider par pure charité. Elle finit, à force de déambuler, par trouver un enfant qui est tombé au sol en jouant avec ses amis. Ce dernier pleure toutes les larmes de son corps, la blessure est profonde et de la boue s'est incrustée dans la plaie, menaçant de s'infecter si rien n'était fait.

Inari se met alors au niveau de l'enfant en lui souriant, elle relève lentement sa capuche laissant apparaître ses oreilles de renarde, qu'elle fait bouger pour amuser l'enfant. Concentré sur la chorégraphie des appendices dorés, le gamin se met à rire alors qu'une lueur pâle se met à scintiller autour du garçon.

« Tu te sens mieux?

- J'sens plus la douleur ! »

L'enfant regarde sa jambe, son corps et il sursaute. L'excitation le pousse à s'esclaffer.

« Mes.. Mes blessures... Mes cicatrices, elles ont toutes disparues ! »

Les mots de l'enfant surprennent la foule autour d'eux. Cette dernière, intriguée, commence à s'agglutiner, la plupart des personnes dans la foule ne croient pas l'enfant, mais ils sont forcés de constater que le jeune garçon semble en parfaite santé physique.

« Eh petit, qui t'as rendu comme ça? demande un homme de la foule

- C'est elle ! »

L'enfant pointe Inari du doigt, et rapidement cette dernière se retrouve entourée par la foule

« Soignez-moi s'il vous plaît !

- Faites-moi regagner ma jeunesse !

- S'il vous plait, aidez ma fille, elle n'arrête pas de tousser ! »

Le bruit et les demandes de la foule deviennent de plus en plus fortes alors qu'Inari se concentre un maximum pour examiner et soigner ces gens sans rien demander en retour. Mais après plus de trois heures de soins intenses sur les personnes présentes, la femme animale se retire et s'excuse. Elle transpire à grosses gouttes et la fatigue visible sur son visage permet à la foule de comprendre et de se disperser.

« Si vous avez besoin de vous reposer, il y a une auberge à quelques rues de là, je vous conseille d'y aller. »

Le vieil homme qui prend la parole indique le chemin à la femme avant de lui donner un petit sac.

« Voyez ceci comme un remerciement, vous devez probablement être la réincarnation d'un dieu, ou simplement un ange tombé du ciel pour posséder une telle gentillesse. »

La foule part, et Inari se dirige vers l'auberge, le sac fraîchement reçu qu'elle serre dans sa main pour ne pas le perdre. Au bout d'un moment, elle arrive enfin devant la taverne de Perath, alors que le soleil commence sa descente dans le ciel.

Une fois la lourde porte passée, la prêtresse cherche une table où s'asseoir. Elle dépose sa cape sur le bord de la chaise, commande un plat et ouvre le sachet. À l'intérieur se trouve une petite sculpture en bois représentant un ange. L'objet arrache un petit sourire à Inari, qui se voit apporter son repas. Après avoir bu et mangé, la prêtresse se sent revivre et soupire de bien-être quand soudain une femme apparaît dans l'escalier et se met à danser dans la taverne. Hypnotisée, la renarde dorée regarde son homologue à la peau mate jouer avec ses attributs. La queue rousse qui prolonge son corps suit le rythme de chacun de ses pas et fait des demi-cercles devant elle quand elle tourbillonne, ses oreilles suivant le rythme et le mouvement de ses cheveux. Mais ceci reste de courte durée, trois autres femmes rejoignent la première et l'instant d'après, les oreilles d'Inari se dressent lorsqu'elle entend un bruit de cassure et un hurlement retentit dans sa tête. La jeune femme se lève alors rapidement et utilise ses dernières forces magiques pour les condenser sur sa main, et c'est dans un rayon de soleil qui aveugle un peu la danseuse, que la prêtresse la soigne

« Vous allez bien? » Demande-t-elle

Mais aucune réponse ne lui parvient, la douleur étant probablement trop intense. Inari repart donc s'asseoir et elle remet rapidement sa cape pour ne pas être reconnaissable. La lune commence à laisser place au soleil et la renarde dorée se réveille en sursaut lorsque la porte d'entrée s'ouvre à la volée et qu'une dizaine de gardes regardent à l'intérieur de cette dernière. La femme se cache sous la table alors que les soldats interrogent les personnes présentes, cependant personne ne semble leur répondre et ils repartent bredouille. Inari se met alors à commander de quoi boire et elle regarde le fond de son verre une fois fini.

{ Comment on en est arrivé la... }

Elle paye ses consommations et part de l'auberge alors qu'il ne reste plus personne à l'intérieur. Une fois sortie, elle se dirige directement vers la ville, sans savoir qu'une dizaine de mètres derrière elle se cache Nobanion, en chasse ou tout simplement curieux d'avoir en vue une femme exotique, il la suit discrètement jusqu'au moment où il arrive proche de la frontière entre la capitale et le district. La prêtresse tourne soudainement dans une rue, et Noba se précipite car il ne souhaite pas la perdre de vue, mais dès qu'il arrive dans la ruelle à son tour, la femme semble avoir disparue. Inari utilise ses barrières pour marcher dans les airs et passer par-dessus la muraille de séparation.

« Tsss et voilà qu'une belle fleur s'échappe encore, il faut croire que j'ai perdu la main ou qu'elles deviennent de plus en plus rusées... Allez mon vieux, retournons à nos affaires... »

Inari met ses pieds à terre dans la capitale et elle cache rapidement ses attributs animaux avec sa magie, elle le fait par prudence. Après tout, revenir au château risque d'être compliqué. Elle commence à marcher dans la ville mais quand elle tourne dans une des rues principales...

« Halte ! Arrêtez-vous ! »

Surprise, la prêtresse s'arrête, à peine dix minutes dans la capitale et la voilà déjà retrouvée ? À quel point sa chance est-elle mauvaise ? Inari se maudit intérieurement, mais il est trop tard, et elle n'a pas la force de continuer le cache-cache.

La nuit passe et au matin, des gardes passent dans toute la cité pour placarder des affiches, et des annonceurs s'empressent de propager la nouvelle.

« Suite à la tentative d'enlèvement de la nouvelle prêtresse, le royaume met a prix la tête des brigands surnommés "les libérateurs". Leurs crimes sont d'une ampleur telle que nous donnons 7 pièces d'argent par tête, et 4 pièces d'or pour leur chef ! »

Un petit homme d'environ un mètre cinquante, caché au milieu de la foule, a un sourire sadique qui se dessine sur son visage. Habillé d'une tenue noir, il tient dans sa main une rose au pétales argentés. Ses cheveux blonds sont surmontés d'oreilles cendrées montrant son appartenance à une race d'homme-bête. Sur son oreille droite brille un anneau d'or aux motifs floraux. Il lance alors la rose vers l'affiche et se retourne. Bien qu'il semble frêle, la fleur se plante et traverse le support sur laquelle l'affiche est accrochée, à tel point que seule la tête de la rose reste visible.

« Voilà qui me payera mes bières pour un petit moment... »
 

Mot des auteurs :

Nous voilà au véritable début de l'histoire, on espère que vous avez hâte de découvrir la suite ! Nous sommes très fiers de pouvoir retranscrire un monde et leurs personnages dans ce novel, on espère que vous continuerez à nous soutenir !

 

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