Une affaire à régler (1re partie)

Notes de l’auteur : Une histoire sans grandes prétentions qui, j'espère, vous transportera dans un univers plaisant et cruel, le temps d'une lecture.

Ô toi,

seigneur des larcins, entité des ombres,

puissent ton talent être nôtre

et ton bras nous guider dans nos actions

 

Entité sans nom, Anonyme

 

 

« J'vais pas te le répéter ! Lâche ta bourse et tous tes objets de valeur ! » intima le malandrin qui se tenait au milieu de la route, le coutelas au poing.

Il était déjà tard dans la matinée. La bande de Meaugrint était postée dans les fourrés depuis l’aurore. Jouant de malchance, l'individu intercepté était le premier de leur maigre journée. Pour couronner le tout, le voyageur n’avait pas tressailli, ce qui avait le don d'irriter Meaugrint. « Bon sang ! On devrait lui coller les miquettes, pesta-t-il tout bas.

— Tu crois pouvoir t’en sortir ? Avec ton capuchon sur la trogne ? » fit Meaugrint d'un rire vilain. Le bandit siffla.

Deux autres brigands sortirent de l'abondante végétation qui longeait la Grand-Route. Le coin n’était pas très sûr, le voyageur le savait, mais le temps pressait : il en avait  sauté le petit-déjeuner et était parti avant l’aurore. Le plus grand des brigands, un dénommé Rugeon, avait bien une tête de plus que son acolyte, et portait à deux mains une lourde hache. Blanchard, le second, ressemblait à une petite fouine, avec des yeux très rapprochés et au regard perçant comme un serpent, un corps petit et maigre, une dague à la main. Rugeon n’avait plus sa langue, poussant uniquement des sons gutturaux, le visage cramoisi. Blanchard, lui, arborait un sourire carnassier qui faisait froid dans le dos.

«  T'as deux options. Soit tu fais ce qu’on te dit, et on ne fait que t’esquinter un peu, soit on te zigouille et on prend ce qu’on veut sur ton cadavre avant de le laisser aux corbacs. » Le chef de la bande avait un bandeau sur l’œil droit. Il l'avait perdu dans une rixe contre Rugeon, pour le privilège d'obtenir la dernière saucisse qui restait. Ce dernier eut la langue coupée, pour régler l’affaire. Le voyageur lorgna par-dessus ses épaules, puis soupira.

« Moi, j'en dis que c'est vraiment pas votre jour », lâcha le voyageur d'une voix puissante. Il dégagea son long manteau poussiéreux, où le bleu cobalt dominait les autres teintes, et sortit une lame du fourreau qui se trouvait à sa taille. La lame siffla lorsque le voyageur dégaina, fit des moulinets avec puis se mit en garde. Rugeon avança lentement vers le voyageur et leva sa lourde hache. S’apprêtant à l’abaisser, le bandit se figea. Il n’était, de toute évidence, pas le plus malin du groupe. Son instinct l’avertit néanmoins du danger lorsqu’il vit le froid intense que dégageaient les yeux du vagabond, seuls visibles dans les ténèbres de la capuche. Un regard de haine. D'abord hésitant, Rugeon reprit ses esprits, hurla et abattit sa hache, mais le voyageur fit un pas de côté, et lui enfonça son arme dans le flanc, une main sur le pommeau. La lame se trouvait enfoncée jusqu'à la moitié dans la cage thoracique de Rugeon. L’esquive avait fait tomber le capuchon du manteau du voyageur, dévoilant par la même occasion une chevelure blonde attachée par un ruban rouge cramoisi. Elle retira son arme du corps du brigand qui s'effondra par terre, puis fixa ses deux adversaires.

« Meaugrint ! s’exclama Blanchard, l’air ahuri en pointant du doigt sa cible. Regarde ! une donzelle ! »

« Amenez-vous, j’ai pas toute la journée » fit-elle en les foudroyant du regard.

Meaugrint se redressa puis se mit à sourire. Un sourire mauvais. Leurs victimes n'avaient généralement pas de répondant.

« Eh ben, on va finalement s’amuser, s’exclama-t-il. Romuald ! »

La bretteuse tressaillit. Un choc venait de à l’arrière de la tête. Elle lâcha son arme et tomba à genoux. Sonnée, elle regarda par-dessus son épaule et vit une silhouette se rapprocher d’elle, une fronde à la main. Le quatrième larron la releva et l’immobilisa. Il sentait la mélasse et le hareng salé. Le dénommé Romuald assena un coup dans les côtes de la voyageuse et écarta l’épée, tombé par terre, de son pied. Il approcha son visage du cou de la bretteuse, et se mit à la renifler. Elle écarta son visage du sien, une sensation de dégoût l’envahit. Les deux autres bandits ricanaient en s’approchant. Ils n’étaient qu’à quelques pas. Sentant que Romuald relâchait sa vigilance, la bretteuse lui asséna un coup de tête, qui le fit lâcher prise. D’une grande vivacité, elle s'empara de la dague qu’il avait à la ceinture et la lui enfonça dans l’aine. Romuald s’écroula par terre, hurlant de douleur, gisant bientôt inerte dans une mare mêlée de sang et d’urine. Les ricanements firent place à une certaine appréhension. Les deux bandits devinrent nerveux, des gouttes de sueur perlaient sur le visage. Blanchard avait même reculé d’un pas. Après tout, ils étaient supérieurs en nombre, et leur victime en devenir était sonnée. Mais la vision des corps inertes de leurs camarades avait de quoi refroidir la plus intense des ardeurs.

La bretteuse se rua pour récupérer son épée sur le sol, mais Blanchard s’élança sur elle. Elle para le coup d’estoc qu’il lui assenait avec sa dague, en le frappant au bras, de son poing. Blanchard lâcha son arme en prévision d'une retraite mais la voyageuse ne lui accorda aucun répit. Elle lui asséna un coup au ventre, d’une telle brutalité qu’il en tomba à genoux et cracha de la bile sur le sol. Il releva la tête au bout de quelques secondes. Confus, il ne voyait plus son adversaire. Il comprit trop tard. Se trouvant dans son dos, elle le prit par les cheveux, lui tira la tête en arrière et lui trancha la gorge avec sa propre dague, ne lâchant pas Meaugrint du regard pendant l’exécution.

Le chef de la troupe en souilla ses braies. La bretteuse récupéra son arme puis s’avança inexorablement vers lui. Pris de panique, Meaugrint lâcha son arme et tenta une fuite mais son adversaire s’élança aussitôt sur lui. Elle le transperça d’un coup d’estoc, ce qui le fit s’effondrer à genoux. Du sang s’écoulait de la bouche du larron, jetant un regard effrayé en direction sa plaie et l’arme qui lui transperçait le corps. Son visage était tordu, oscillant entre l’effroi et la douleur. Elle approcha sa tête de la sienne.

« Meaugrint, c'est ça ? tu t’es mis dans un sacré merdier » susurra-t-elle, un air grave sur le visage. La voyageuse extirpa l'épée du brigand, dont le corps s’effondra ventre à terre. Elle s’accroupit à côté du bandit, et essuya sa lame sur son justaucorps, là où son propre sang ne s'était pas encore répandu.

« Bordel de merde, mais qu’est ce que tu m'veux ? » maugréa-t-il. Le bandit avait la moitié du visage plaquée contre le sol. Ne le gratifiant pas d'une réponse, la voyageuse se redressa et remit en place son capuchon. Dans un ultime effort, le bandit parvint à se mettre à quatre pattes et généra un hurlement bestial.

« J’te jure que je te retrouverai, et je vais adorer chaque seconde passée à te charcuter ! » hurla Meaugrint, les yeux injectés de sang. Ces paroles perdirent tout leur sens lorsque la tête du bandit fut détachée du reste d’un coup net. La tête vola et alla rouler dans le fossé.

«  Tu l'as pas volée celle-là » fit-t-elle en direction du cadavre. La voyageuse essuya son arme sur les habits maculés de sang de bandit, puis la rangea dans son fourreau. Elle prit l’annulaire gauche de Meaugrint et y enleva un anneau en fer qu’elle plaça dans une petite bourse en cuir à sa ceinture. Le vent forcit et le ciel se couvrit, sans équivoque pour la bretteuse.

« C'est bien ma veine » fit-elle en reprenant sa route.

 

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Zlaw
Posté le 07/06/2020
Bonjour bonjour. Eh bien au moins, comme ça, l'ambiance est posée !

On s'attend évidemment dès le début à ce que la victime des brigands leur mette la raclée, mais ça ne la rend pas moins satisfaisante lorsqu'elle se déroule sous nos yeux ébahis. J'ai adoré la description de toute la bagarre. C'est plutôt court mais d'une efficacité redoutable, autant que celle qui se profile comme personnage principal, ou en tous cas important. Hâte d'en apprendre plus sur cette femme blonde au ruban rouge et aux compétences de combat avancées. Elle est juste assez mystérieuse pour nous mettre l'eau à la bouche sans que ça en devienne un cliché ridicule. Bon dosage.
Ce n'est peut-être pas grand chose, mais j'ai particulièrement apprécié que chacun se fasse tuer d'une manière différente. Certes, ce n'est qu'une première rixe, mais ce n'est pas toujours évident de ne pas rester monotone dans ces passages-là.
De même, la description de chaque brigand est détaillée, même alors qu'il est couru d'avance qu'il vont mourir sous peu. On sait déjà que tu ne prends pas de raccourci de facilité, ce qui est un bon point.

Et pour couronner le tout, j'ai appris le mot bretteuse. Si j'arrive à le placer quelque part, j'aurais une petite pensée pour cette histoire. Et bonus si c'est avec mes collègues, qui disent déjà que mon vocabulaire est trop belliqueux. =)
Karlsefni
Posté le 08/06/2020
Bien le bonjour!
Merci beaucoup pour avoir pris le temps de laisser un commentaire, détaillé qui plus est. Je suis heureux de savoir que mon histoire plait à certains lecteurs. Quant à "bretteuse", C'est un plaisir d'avoir pu faire un peu plus connaitre ce mot, dont je doutais moi-même de l'existence il y a quelques mois !
Zoju
Posté le 30/05/2020
Salut ! Décidément, on commence fort. Je trouve ta plume agréable à lire. C'est assez fluide. On visualise très bien la scène. J'aime bien le personnage féminin qui semble avoir du caractère. On se demande qui elle est. On est prit dans l'action. Je trouve le vocabulaire que tu emplois pour le combat assez riche. En tout cas, c'est un bon début qui donne envie de connaitre la suite. Le petit paragraphe en italique est très intrigant. S'il y avait peut-être juste une petite remarque de ma part, ce serait pour les dialogues. Je trouve qu'ils manquent un peu de corps ou de poigne. J'ai parfois l'impression qu'il récite. C'est peut-être dans l'intonation ou les mots choisis. Quoi qu'il en soit, je compte bien continuer !
Karlsefni
Posté le 30/05/2020
Merci beaucoup de ta critique, j'ai longtemps réfléchi à comment tourner mes dialogues, dans la manière de les décrire, et cela ne m'étonne pas qu'il puisse sembler peu "naturel"
je compte bien travailler la dessus!
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