Un dernier vers [DLP - Carte 8]

Par Captain
Notes de l’auteur : INSPIRATION :
Carte de la série Origins illustrée par Clément Lefèvre
et léger copy-cating de Zig !

SOMMAIRE :
• Poème de Madame Sèche
• Dialogue entre Mme Humide et Mme Sèche
• Aparté de Mme Sèche
• Aparté de Mme Humide
• Conclusion de la Rédaction


Je traîne une ombre
À qui rien ne sourit
Une enfant sombre
Qui partout me poursuit

C'est un miroir
Sur qui tombe la pluie
Sans trop y croire
Je voudrais qu'elle m'oublie

Des cheveux sales
À l'orage soumis
Ultime râle
Pour nos coeurs endurcis

Cette tristesse
Prétendue mon amie
Ne me professe
Que de vagues insomnies

Mortes les fêtes
Où les robes jolies
Voilent en cachette
L'angoisse dans leurs plis

Je me retourne
Oubliant ses non-dits
Âme où séjourne
Une peine infinie

– Je veux bien, qu'en ces temps troublés il n'y ait rien de tel qu'un bon gros seau d'Häagen-Dazs, qu'un kilo de Chamallow, mais là… Tu pousses !
– Trop de rimes te chagrines ?
– Sérieux, ton poème, merde, c'est de la guimauve plombée... Je peux pas mieux dire !
– C'est mon cadeau… Pour mettre un peu de joie dans ta vie tellement abîmée…
– Je vois… Madame tente la catharsis ?
– Tu ne vas quand même pas te complaire sous cette ignoble météo ?
– Tu dis ça parce que tu n'as jamais aimée la pluie !
– Je dis ça parce que tu tires une de ces tronches, plutôt…
– Je m'appelle pas Pluto !
– Ouiiii ! C'est très bien, ça, l'humour en temps de crise. Je ne saurais que trop t'encourager dans cette voie !
– "Que trop", t'es sûre ?
– Ah ! Tu me mets le doute ? C'était pour appuyer mon propos mais en y réfléchissant bien, on dirait que ça  l'inverse ? Que tu es drôle quand tu veux ! Alors, pourquoi cette tête d'enterrement sous la pluie ?
– C'est ta faute, ma belle !
– Te serais jalouse de mon soleil, de ma prévoyance ?
– Tu sais où tu peux te les mettre, ton soleil et ta prévoyance ? Et je t'épargne le parapluie !
– Ah ? On ne répond pas à une question par une autre question !
– Et pourquoi pas ?
– Ben, ça fait pas trop avancer le schimlli... le cschhimilli…Schimilimili...
– Je peux déjà te dire que ta ref de vieux, ça ne touche qu'une troupette mort-vivante, échouée ici par quelques requêtes abscondes ?
– Hum… Soit. Tu n'es pas jalouse. Alors, pourquoi refuser mon offrande ?
– Parce que j'ai vu ton regard !
– De tristesse et d'inquiétude ?
– Que tu dis… Ou que tu crois ?
– Attends, je sais ce que je dis. Et je peux te garantir que je sais que je ne dis jamais que ce que je crois.
– Mouais… T'es surtout désolée que je fasse tâche dans ton paysage imaginaire où tout devrait être maîtrisé. T'es même capable de pré-supposer que j'ai moi-même attirée cette pluie qui partout me suit ?

oooOooo

Ah ! Cruels emberlificotages ! J'ai bien peur qu'elle n'aies pas si tord… Je voudrais tellement qu'elle soit heureuse. Au moins autant que je le suis moi-même. Alors, oui, je lui en veux, de ne pas juste essayer de faire autant d'efforts que j'en fais, pour l'aider à se réaliser via un épanouissement personnel adéquat.
Et puis, c'est tellement simple, quand il va pleuvoir, de prévoir un parapluie. Pour être tranquille, de contracter toutes les assurances possibles. Pas né celui qui me verra prise au dépourvu. En plus, ce n'est vraiment pas très compliqué. Si moi j'y arrive… Du coup, je me sens en droit d'envisager qu'elle le fasse un peu exprès, de se mettre dans la merde, juste pour me pourrir la vie. Elle qui n'arrive à rien avec la sienne. Sinon, se perdre sous la pluie.

oooOooo

Mais quelle rapiasse… Je lui demandais juste son parapluie. Pas de me pondre une pendule, ni une litanie de vers obscurs, encore moins de me prendre pour la pâte à modeler du moindre de ses désirs. Elle ne se rend même pas compte que son regard de jugement fâché produit sur moi exactement l'effet inverse de ce qu'elle souhaiterait. Mais putain, qu'elle rendre au plus vite dans son petit confort de coffre-fort mensualisé. Moi, sur ce trottoir, sous cette pluie, j'ai au moins compris qu'ici, on ne fait que passer.

oooOooo

Au moins, elle t'as fait un poème. Ce n'est pas rien un poème.  Malgré sa maladresse affligeante et sa tonne de dénis, j'ai vu en elle une vraie sincérité. Et tu es assez maline pour savoir fouiller sous la surface des êtres, toi qui n'as comme fortune qu'un esprit affûté ? Reproche lui tout et son contraire, mais je t'en prie, accepte au moins ces quelques vers. Eux seuls ont ce pouvoir rare, de réussir à nous unir, sans rien imposer ni demander d'autre en échange qu'un peu d'attention. Nous qui avons tout essayé, par les guerres et les lois, que nous reste-t-il à la fin, sinon la châleur d'un dernier vers ?

 

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Nascana
Posté le 15/08/2020
Tout ça pour une histoire de parapluie... Après, c'est vrai qu'un poème, c'est pas une mauvaise intention.

Je ne sais pas pourquoi j'imagine tes personnes comme deux dames âgées.
Captain
Posté le 15/08/2020
J'aimerais tant qu'on ai le droit de publier les images inspirantes car les aller-retours avec le visuel sont importants dans cet exercice.
Finalement, l'éditeur de Dixit se fait une très mauvaise pub en nous le refusant...
Mais bon, c'est la Loi !
Merci d'être passée !
Zig
Posté le 29/06/2020
Coucou !

Ouuuuh, je fais des émules :p

J'ai beaucoup aimé en tout cas ! Il y a un jeu sur les sonorités que j'ai énormément aimé ! On sent que tu te lances dans quelque chose de très expérimental, et ça fonctionne bien ! (bon après... j'aime les expériences... je ne peux que encourager !)

Comme tu joues à la fois sur les genres et les points de vue, ça donne énormément de richesse à l'ensemble, et tu arrives quand même à garder de la fluidité et de la cohérence (ce qui n'était pas gagné avec un challenge pareil !)

C'est un pari bien réussi ! J'aime beaucoup.
Captain
Posté le 29/06/2020
Hey ! Merci !
J'avoue que la fluidité et la cohérence, c'est pas venu d'un coup d'un seul... Parfois, je me relis en me disant :
– Heing...?
:-D
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