Théodult Gantus

De simples feuilles de papier, aussi fines qu'un cheveu, aussi fragiles que la rosée. Posées dessus, des lignes d'encre, indéchiffrables pour le grand nombre mais porteuses des plus grands secrets et des espoirs intimes. Sur un vélin délicat ou sur des parchemins plus robustes, les sentiments s'étalaient, les tractations se figeaient et les nouvelles se répandaient. Les guerres se gagnaient à l'épée, la paix se forgeait à la plume. Savoirs oraux volubiles devenaient éternels, promesses oubliées se muaient en rappels incontestables. Des empires commerciaux reposaient sur ces liasses empilées et des déclarations emportées s'envolaient au-delà des yeux éloignés. Les cœurs se rapprochaient par ce lien physique, les amours s'entretenaient, les mariages se scellaient et les complots s'ébruitaient.

Dans une fonte scellée, ces objets convoités voyageaient au rythme d'un galop effréné. La Compagnie Metzger, avec ses nombreux agents, sillonnait les trois pays comme une multitude de fourmis. Des relais, distants de quelques lieues, quadrillaient le territoire. L'agent, soucieux de remplir sa mission le plus rapidement possible, y échangeait sa monture éreintée par la chevauchée contre une autre au sang frais et à l'œil vif.

Théodult, le cadet d'une famille de coursiers de père en fils depuis cinq générations, cavalcadait et luttait contre le vent glacial.

Cet ennemi invisible et pourtant si prégnant imposait son fouet brutal. Théodult investissait son champ de bataille en homme solitaire. Il s'opposait aux intempéries que la nature lui soumettait. Sa guerre était quotidienne. Ses exploits, de chaque instant. Sa mission permanente. Il s'imaginait en héros formidable, combattant des chimères épouvantables. Les rafales se muaient en souffle de dragons déchaînés. La pluie battante, en un crachat acide de monstres affamés. Les fossés anodins, en de gouffres effrayants que sa monture survolait majestueusement grâce à ses ailes argentées. Sur son passage, les foules l'acclamaient, les dames s'évanouissaient et les enfants l'admiraient. Du moins, dans le monde fabuleux de Théodult Gantus.

Il approchait de la prochaine forteresse qu'il devait prendre d'assaut avec le soutien de sa légion imaginaire fraîchement invoquée. Ses guerriers redoutables suivaient ses foulées victorieuses. Le relais postal était une simple bâtisse de rondins avec une porte bancale. Dans l'univers fantasmé du commandant Gantus, les murs imposants et les tourelles défensives surplombaient une douve humide infranchissable. Pourtant, le filet d'eau qui traversait le chemin boueux fut enjambé prestement. Il arrêta son destrier fabuleux à l'abri d'un appentis que les ravages du temps menaçaient d'effondrer. Commandant Gantus avait ordonné à ses troupes de pilonner la position sans relâche. La place forte, fragilisée en son cœur, était prête à tomber. Le glas de l'ultime attaque résonnait.

Théodult descendit de sa monture modeste. La bouse dans laquelle il marcha n'atteignit pas la concentration propre aux plus valeureux. Après tout, un héros surmontait les pires horreurs des champs de bataille. Avec les restes de la cervelle éclatée sous ses bottes, commandant Gantus chargea l'ultime défense. En un mouvement assuré, Théodult abaissa la poignée et entra.

Forteresse déserte. L'ennemi, terrifié par sa renommée légendaire, avait fui les lieux. Seule la Reine maudite, sur son trône resplendissant, s'accrochait à ce qu'il lui restait de pouvoir. La Reine, impassible devant le Justicier merveilleux, releva la tête et dit sévèrement :

— Théodult, tu as encore oublié les missives dans tes fontes. Ramène-les tout de suite, tu as pris du retard ! Je t'attendais hier déjà.

Le commandant Gantus reçut cette attaque perfide en pleine face. Ce sortilège, devait-il le reconnaître, surpassait ses capacités de simple mortel. Mais, dans ses quartiers, à l'extérieur de la Citadelle, il gardait précieusement l'arme ultime qui clouerait la langue de cette sorcière. Avec, elle ne pourrait plus lui jeter le moindre maléfice. Par des mouvements fluides et époustouflants d'agilité, le commandant battit en retraite.

Sur le seuil du relais, Théodult manqua de trébucher à cause de la contre-marche de la porte.

Après ce retrait tactique douteux, le commandant revint devant l’effroyable dame avec les nombreux parchemins magiques qu'il possédait. Il les avait obtenus de sa précédente confrontation avec la sœur de la Reine maudite. Héroïquement, il avait vaincu. Traversant la pièce, Théodult déposa de nombreuses liasses sur la table devant laquelle l'agente de la compagnie Metzger était assise. Elle marmonna un remerciement et, après avoir fouillé dans un sac, remit au coursier des missives qu'il devait transporter jusqu'à la cité de Manidres. Elle l'invita à s'assoir sur un banc esseulé où des tranches de fromage et des miches de pain généreuses l'attendaient. Ce festin offert par le Parakoï en reconnaissance des exploits du héros, fut avalé en quelques bouchées. Le commandant interpella l'agente, délestée de sa tenue de sorcière pour revêtir celle d'une servante attrayante :

— À boire, cette chevauchée m'a asséché le gosier.

— Pour qui tu me prends Théodult ? Si tu as soif, tu fais comme d'habitude. Tu vas te servir dans la cuve.

Le jeunot, aussi gringalet que le commandant était colossal, se caressa le duvet qui ombrageait ses joues creuses. Il se leva mollement. Dans l'arrière-salle, il remplit une louche en bois d'eau qu'il porta directement à ses lèvres. Ce calice en or fit scintiller une étincelle de convoitise dans le regard du commandant Gantus. Les réserves du Parakoï regorgeaient de trésors inestimables. Toutefois, sa fidélité, à la hauteur de sa morale, lui dictait sa conduite exemplaire. Le commandant Gantus ne volerait jamais son souverain. Théodult reposa la louche et revint dans la petite salle où s'affairait l'agente.

Cette fois-ci, la servante ne saurait lui refuser le repos du guerrier qu'il méritait. Le commandant approcha de la table et fixa longuement l'objet de ses désirs. L'agente, sans le regarder, fit glisser une pile de papiers et souffla :

— Pour Manidres. Cette fois, n'oublie pas de les prendre.

Le commandant Gantus aplatit sa main sur la missive écrite de la main du Parakoï. Une nouvelle requête, une nouvelle mission. Théodult marmonna d’une voix qui n’avait encore muée :

— D'accord, m'dame.

— Mazeppa est déjà scellée, tu peux partir dès maintenant et tenter de ne pas ajouter du retard à ton retard, si cela est possible.

Le Parakoï savait récompenser ses généraux. Le meilleur de ses étalons en gage de sa considération. Peu de personnes, même parmi les Illustres, pouvaient s'énorgueillir d'une telle amitié. Un jour, le Puissant des Puissants lui offrirait sa propre fille. Alors, jusqu'aux cieux éternels, sa renommée jaillirait et ferait de son père, mort au combat, le plus fier des hommes. La charge solitaire et glorieuse de son aïeul contre l'armée de l'Empire Couchant, cet acte de bravoure, ce sacrifice exemplaire, avait forgé le respect du Parakoï qui prit alors l'orphelin Gantus sous son bras protecteur.

— Et tu salueras ta mère de ma part.

— Oui, m'dame.

À demi-orphelin alors, songea le commandant Gantus. En fils valeureux, il envoyait à sa pauvre mère éplorée une part considérable des trésors qu'il engrangeait. Effondrée par un chagrin insurmontable, sa survie dépendait des exploits guerriers de sa progéniture formidable. C'était son devoir que de supporter, d'entretenir, de prendre soin de sa génitrice.

Dehors, les arbres tanguaient sous le souffle draconique. Un brouillard de guerre, invoqué par un puissant mage, s'accrochait sur la plaine et camouflait difficilement les nombreux cadavres qui s'entassaient ci et là. Mazeppa entre les cuisses, Théodult passa devant un de ces tas de bois que des bûcherons consciencieux empilaient.

Le commandant Gantus évitait les coups de haches que ces guerriers sanguinaires levaient à son passage. Certains le frôlaient, mais la rapidité phénoménale de son étalon les surclassait tous.

Derrière le rideau de brouillard, l'astre, cercle parfait dépouillé de ses rayons, l'observait. Cet œil géant, espion du mage fou sur ce monde décharné, scrutait intensément ses moindres gestes. Le héros Gantus lui montrerait alors l'étendue de sa bravoure. Où qu'il serait, il tremblerait. Où qu'il serait, il s'effondrerait.

Sur cette pensée, le sabot de Mazeppa cogna une racine volage. Théodult, lancé au triple galop, perdit son équilibre, déchaussa les étriers et chuta lourdement au sol. Le commandant Gantus dût reconnaître l'ironie de cette attaque perfide. Ce mage avait de la ressource et commandait aux arbres. Ces géants d'écorce et de sève, manipulés comme de vulgaires pantins, l'attaquaient sournoisement. Théodult se releva, gémit en découvrant les écorchures dans les paumes de ses mains. Un picotement aigu sous le menton lui laissa imaginer une vilaine balafre, trophée de guerre qu'il exposerait fièrement au monde entier. Par chance, sa monture l'attendait quelques toises plus loin. Ce cheval intrépide, encerclé par l'armée de chênes et pourtant si calme, força son admiration. Le Parakoï ne s'était pas moqué de lui. Cet étalon, préparé pour les horreurs de la guerre, gardait son sang-froid et tenait tête malgré le surnombre écrasant de l'ennemi.

Théodult titubait. L'aine rendue douloureuse par le baiser brûlant d'un dragon, le commandant Gantus se frayait un chemin jusqu'à son partenaire de bataille, esquivant les attaques perfides des colosses de bois. Les brumes mouvantes camouflaient les atrocités du champ de bataille. Le râle continu des estropiés et des mourants assourdissaient le commandant. Arrivé à côté de Mazeppa, Théodult lui releva la tête, occupée à se désaltérer dans le courant vif d'un torrent bruyant. Ses bottes enfoncées dans la glaise, Théodult soupira. Décidément, le mage s'acharnait contre lui. Ces sables mouvants n'auraient raison de lui. S'aidant du licou de la bête, le héros Gantus s'extirpa du piège mortel. Grimaçant, le jeune coursier reprit sa place sur la selle et ordonna une marche lente à sa monture.

Un peu de répit. Quelques minutes seulement. Même le plus brave des braves devait récupérer son souffle après une embuscade si violente. Le Parakoï ne lui en tiendrait pas rigueur. Une heure de retard. Peut-être deux. Une journée tout au plus. Deux si le sort s'acharnait sur lui.

Autour de lui, le ciel gris semblait refléter les reliefs de calcaire. La végétation clairsemée le renvoyait à sa solitude. Sur le flanc d'une colline rocheuse, un village retranché derrière une piteuse palissade de bois, surplombait la vallée. Certainement le bastion où se terrait le mage. Ses remparts magnifiques de marbre rosé étaient imprenables. Un héros devait reconnaître une situation désespérée. Pour cette fois, il passerait son chemin et mènerait sa quête principale à bien. Il aurait d'autres occasions de rassembler ses troupes d'élite et d'écraser pour de bon ce couard retranché. La missive parakoïale avant tout. Le destin des Trois pays en dépendait.

Soudain, au gré d'un vent aléatoire, un rayon lumineux vint déchirer les cieux et sa couverture maussade. Un faisceau doré et merveilleux traversait la toile grisâtre pour se perdre au loin, derrière les monts accidentés. Pas de doute, le Parakoï de son doigt divin, indiquait au commandant Gantus le chemin à suivre. Rassuré par ce signe d'évidence, Théodult flatta Mazeppa. Faisant fi de ses blessures, il mit sa monture au trot.

De collines enjambées en bosquets traversés, le sel marin porté par une brise saisissante vint à l'encontre du coursier. Depuis un pic rocheux, dominant le rivage, le commandant observait Manidres. Le soleil, paré de sa tunique orangée, s'éclipsait derrière l'horizon et invitait les ténèbres à le remplacer. La cité, sous la cloche du couvre-feu, fermait ses portes. Le héros Gantus avait échoué. L'intransigeance des gardes du Guet s'élèverait contre son arrivée tardive.

Théodult aurait accueilli chaleureusement une nuitée sous le dôme stellaire, en compagnie de feux les Héros glorieux. Mais les nuages menaçants l’auraient privé de ce spectacle grandiose et de cette communion formidable. Décidément, à cœur vaillant, âme solitaire. Nul autre choix d'attendre que l'aube rayonnât sur un nouveau jour et accueillît le brave éreinté par tant d'épreuves.

Théodult mit pied à terre et vint s'asseoir contre un arbre, emmitouflé dans une couverture qu'il sortit de ses fontes. Trop fatigué par sa chevauchée pour dévorer un banquet débordant, il se contenta de picorer une miche de pain et s'endormit la mie encore à la bouche.

Quand le rêveur invétéré plongeait dans le monde des songes, l'éveil fantasmé perdurait. La frontière avec sa réalité se disloquait et les deux univers ne faisaient plus qu'un. Le coursier contemplateur poursuivait ses aventures idylliques, le commandant Gantus amassait encore gloire et victoires. Le mage qui lui avait échappé dans la réalité physique ne lui résista pas cette nuit. Après un combat épique, le preux chevalier anéantit l'ennemi métamorphosé en un nécromancien millénaire. Son retour dans la cité serait triomphal. Les portes s'ouvriraient devant la légende.

La lune immense derrière son voile de brume, infléchit peu à peu sa trajectoire sur sa courbe éternelle. Un renard, à coups de patte agiles et terribles, s'appropria une souris, seul témoignage d'une activité nocturne des plus calmes. La nuit s'effaça à son tour et rendit à l'astre solaire le monopole du rayonnement. L'humidité de la fraiche nuit avait alourdi la couverture de lourdes gouttes de rosée. Son contact désagréable extirpa le brave de son confort illusoire. Il se frotta les yeux devant les premières lueurs.

Théodult s’extirpa des mousses et des lichens gorgés d'eau par un l’air humide. Le commandant Gantus regretta instantanément cette couche moelleuse mais laissa sa conquête d'une nuit dormir paisiblement dans le lit réchauffé par leur étreinte torride. La plus dure des guerres se cachait souvent dans un au revoir tendre.

Son estomac criait famine, insatisfait par les maigres bouchées de pain noir ingurgitées la veille. La faim, cet ennemi tapis sournoisement dans l'ensemble des Trois pays, meurtrissait les hommes et frappait aveuglément, faibles orphelins et veuves désemparées. Son armée d'êtres invisibles enfonçait des pieux aiguisés dans le creux des ventres et ébranlait un Parakoï impuissant devant cette avancée meurtrière. Les victimes se multipliaient, et l'armée de l'horrible Famine, quand elle ne tuait pas, laissait dans son sillage, enfants amoindris et son bataillon squelettique. Cet envahisseur immoral s'en prenait aux plus fragiles et en embrigadait certains sous sa bannière flanquée d'une plume bleue. Sous la menace d'une exécution sommaire et dans l'espoir d'une survie incertaine, ces malheureux se retournaient alors contre le Parakoï amoindri. Exactions, crimes odieux et pillages en marque de fabrique, cette nouvelle colonne faisait grand bruit. Le commandant Gantus, en de nombreuses reprises, croisa le chemin de ces parias mais toujours s'en sortit indemne.

Au prochain relais, un repas chiche attendrait le coursier de la compagnie Metzger. Dans une heure, tout au plus, le héros serait en mesure de repousser les assauts pernicieux des forces de Famine.

Théodult s'étira en un large bâillement et fit craquer, une à une ses phalanges, ses coudes et sa nuque. Les armes d'un valeureux devaient s'aiguiser régulièrement sinon la rouille s'y invitait insidieusement.

Tandis que le jeune homme aplatissait un épi rebelle de sa maigre main, un sentiment d'incertitude l'étreignit. Ou plutôt, l'assurance qu'un grain bloquait les rouages fragiles de son macrocosme. Le calme imposait sa note mutique. Un silence trop parfait pour être appréciable.

Soudainement paniqué, il fit le tour du pic rocheux et de son unique arbre. Assurément, il manquait quatre pattes, des sabots, une croupe et une crinière. Mazeppa n'était plus là. Ni son ébrouement, ni les fontes qu'elle portait. Envolée dans l'immensité de la nature avec sa charge et les missives. Le coursier, maladroit et étourdi, soumis à la fatigue, n'avait pas attaché sa fidèle bête. Face à cette situation particulièrement critique, commandant Gantus ne trouvait pas les ressources nécessaires pour surmonter cet imprévu. Que le nécromancien se fût vengé par un sort terrifique, que des loups-garous aient emporté sa partenaire ou qu'un démon quelconque venu d'Outremonde ait tiré la jument dans les enfers, le héros ne savait pas comment réagir.

Qu'était un coursier sans ses fontes ? Un forgeron sans enclume, un roi sans couronne, une vie sans naissance.

Aucune empreinte dans la terre meuble ou de brindilles cassées par le poids d'un sabot trop lourd. Même en présence de ces indices prometteurs, les qualités de pisteur du coursier tendaient vers le néant. Tout jeune enfant, le héros en devenir passait des journées entières à rechercher ses camarades de jeu qui, lassés de n'être jamais découverts, s'en retournaient dans leurs fermes sans prévenir le chasseur malheureux. Retrouver ses partenaires présents relevait déjà de l'exploit, alors des amis absents, dépassait l'ordre du miracle.

Loin en contrebas, Manidres dormait toujours. Les innombrables cheminées se liaient au ciel matinal par des remontées de fumée pareilles à des fils de coton. Ce tissage, tout en transparence, appelait au repos et aux foyers réconfortants. Pour la première fois de sa courte carrière, Théodult songea à déserter son poste. La compagnie Metzger ne lui pardonnerait pas son échec et la perte, à la fois d'une monture qu'une décennie de gages ne pourrait compenser, et d'autre part, des feuilles précieuses qui faisaient son commerce. Les clients seraient furieux et, à juste titre, le coupable tout désigné serait puni. La compagnie réputée fermait difficilement les yeux sur des retards de plus en plus récurrents. Le responsable d'une telle déchéance serait sévèrement réprimé. Adieu vie glorieuse. Sa légende si minutieusement façonnée, en un fracas imprévisible, s’effondrait. Commandant Gantus périt sous le coup furieux d'un monstre apocalyptique.

Le destin éventuellement funeste de Mazeppa ne l'effleura guère. Elle l'avait abandonné. De fidèle destrier elle échouait au statut méprisable de vile traîtresse. Qu'elle fût blessée accidentellement ou mangée volontairement, qu’importait. À cause d'elle, le royaume féerique du commandant Gantus s'effaçait.

Après des heures de recherches infructueuses, les yeux rougis par le chagrin et l'estomac serré par la faim, Théodult ne trouva pour unique récompense qu'un coquillage d'une blancheur remarquable. À côté, sur les galets glissant du rivage brumeux, il compléta son trésor par une plume de paon bleue. Il la contempla, hypnotisé par ses reflets argentés. Sur sa dextre, les vagues se retiraient, abandonnant écumes et échos apaisants. Puis, en réponse aux appels déchirants de son ventre, il piqua son pourpoint de la plume et la caressa du bout des doigts.

Commandant Gantus renaissait de ses cendres. De retour parmi les vivants en héros formidable, il ouvrait un nouveau chapitre de sa merveilleuse histoire. S'il devait bâtir sa légende à la tête du bataillon des affamés et rejoindre les rangs de l'armée de Famine, alors il le ferait. Il libérerait le peuple de l'ennemi véritable, qui depuis toujours, évidemment, se masquait dans la figure parakoïale. Théodult sourit, un avenir lumineux se proposait à lui.

Manidres ouvrait ses portes. Les hommes du guet accueillaient les premiers vendeurs ambulants et leurs charrettes croulant sous le poids de leurs cargaisons. Des tisserands espéraient échanger des étoffes contre du poisson fraîchement sortis des eaux du port. Des sacs d'avoine se tracteraient contre quelques pièces de cuivre. Le marchandage et les tractations animeraient à nouveau une ville doucement sortie de son couvre-feu.

En face d'une auberge, un pendu se balançait mollement. Il examinait de son regard vide cette procession marchande. Pains, céréales, vins et outils de bois, menuisiers, forgerons, maréchaux-ferrants mais, même après une analyse plus poussée, aucun coursier pressé. Cette absence, très remarquée, confirmait la nouvelle réputation de la société. Car décidément, la compagnie Metzger n’était plus ce qu'elle était.

Quant aux missives égarées, personne ne les retrouvait ; aussi bien les officielles que le pli parfumé où les i arboraient une fleur à la place du point, signé, ta Constance adorée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Syanelys
Posté le 28/04/2023
Hey Clement !

Après ma petite pause, je m'attendais à lire les réactions d'effroi et de surprise quant à la mort d'un Fil... qui ne me manquera pas. Et là, on découvre Théodult avec sa vie fantasmée et parsemée d'énormes faits d'armes. Un coursier héroïque promis à un grand avenir radieux. Un parfait choix de casting pour renforcer le Parakoi.

Tu maitrises aisément les parallèles entre ce que vit réellement le Commandant et ce qu'il se passe dans sa tête. J'ai cru y retrouver le cher JD de la série Scrubs qui assume complètement ce double-rôle : la situation réelle et sa version fortement édulcorée dans sa tête.

Chapitre plaisant à lire mais parfois long, trop long. Je ne sais pas s'il s'agissait d'une transition ou d'une volonté de ta part d'insister sur l'apparition d'un personnage amené à gagner en importance, mais parfois c'est dur de suivre son avancée. J'aurais davantage insisté sur ses bourdes dans sa carrière de coursier, quitte à exagérer le caractère du personnage.

Très belle chute en tout cas. Notre grand Commandant Héroïque est à l'image de notre belle Poste : sous son titre en lettres d'or, le silence des courriers perdus est d'argent (oui, oui, j'inverse une fameuse citation).

Au plaisir de lire la suite !
ClementNobrad
Posté le 28/04/2023
Hello !

C'est un chapitre qui a été conçu justement pour retarder la réaction à la mort de Fil. Une espèce de petite nouvelle intégrée au milieu du récit, d'où la longueur... on reverra Théodult par la suite. Je l'aime bien ce petit...

J'espère que la suite ne te décevra pas trop !
Camille Octavie
Posté le 16/03/2023
Rebonjour,

Je continue ma lecture avec toujours autant de plaisir.
C'est un personnage absolument magique que tu as là XD aussi perturbant que Fil, mais lui il cause dans sa tête.
Tu as du avoir un travail monstre pour rendre tout ça crédible et surtout lisible. Globalement on sait toujours à peu près quand c'est réel ou pas.

Je pense par contre que, sauf à ce que ce personnage devienne plus tard un personnage vraiment important, ton chapitre est un peu long (en comparaison, ton autre chapitre "transition" fait moins de 2000 mots). Le risque, comme l'ont remarqué d'autres avant moi, c'est que le lecteur zappe... :/

Ce qui est intéressant, c'est que ça sous-entend que l'absence de réponse de la cousine va avoir bien plus d'importance que ce que je pouvais penser ^^
ClementNobrad
Posté le 17/03/2023
Coucou Camille,

Je suis content que Théodult te plaise ! C'est un personnage qu'on reverra dans un autre chapitre effectivement, et je ne me prive pas de le ressortir pour une autre histoire pourquoi pas. Un livre consacré à ses aventures peut-être? :D Il y aurait de quoi dire !

Effectivement, l'intérêt de ce chapitre était surtout dans le paragraphe de fin. La missive de Constance n'arrivera jamais, ce qui met un peu les plans du trio à mal...

Mais bon ils vont rebondir ! ;D
Flammy
Posté le 18/02/2023
Coucou !

J'aime beaucoup le personnage, le parallèle entre sa vie réelle et sa vie fantasmée. Je trouve que c'est très bien géré, dans le sens où à aucun moment j'étais dans la confusion de me demander si c'était la réalité ou non, je trouve que c'est toujours assez clair donc bravo ^^

Bon, j'avoue que pendant tout le chapitre, je me demandais un peu où tu voulais nous emmener. Est-ce que c'est à cause de lui qu'Ombelyne a eu une lettre qu'elle n'aurait jamais dû avoir ? Il a l'air assez doué pour ça ='D Et sinon, il a aussi perdu des lettres à la fin. Peut-être Constance qui dit à sa cousine de ne surtout pas venir et qu'il va y avoir des problèmes ? En tout cas, quelque chose me dit que cette lettre manquante va poser plus d'un souci ='D

Bref, j'ai bien aimé le personnage et sa présentation, même si bon, on va pas se mentir, placer ce chapitre à cet endroit là, c'est méchant pour le lecture et ya une chance non négligeable pour que plus d'un lecteur survole/saute ce chapitre ^^"
ClementNobrad
Posté le 18/02/2023
Coucou Flammy,

Je suis content que ce personnage t ait plu, on le reverra plus tard.

On apprend surtout qu'à cause de lui ils ne recevront jamais la lettre de Constance en effet :) Je n'avais pas pensé à la possibilité que la lettre reçue par erreur par Ombelyne soit de sa faute ! Merci !

Ho, tu as survolé le chapitre alors ?
Flammy
Posté le 18/02/2023
Non, je suis une plumette sérieuse :p Mais ça aurait été un livre papier et pas sur PA en lisant l'histoire d'une Plume, ya honnêtement de grande chance pour que j'ai sauté le chapitre avant d'y revenir plus tard, c'est un truc que je fais souvent sur papier
Peridotite
Posté le 14/02/2023
Coucou Clément,

Un chapitre sympa à lire. Un coursier tête en l’air qui, comme Don Quichotte, se prend pour un chevalier. C’est lui le pendu de la fin ? Le pauvre a eu une fin funeste. Comme quoi, il ne faut pas trop se perdre dans ses rêves parfois.

C’est Krone qui va chourrer son courrier ensuite ? Ou alors des infos cruciales qui ne vont pas arriver à temps ?

Mes notes :

« Des empires commerciaux reposaient sur ces liasses empilées et des déclarations emportées s'envolaient au-delà des yeux éloignés. »
> Phrase un peu alambiquées, peut-être à cause des nombreux participes passé.

« que les ravages du temps menaçaient d'effondrer.”
> Je me suis demandée si « effondrer » était le meilleur verbe. On ne menace pas d’effondrer non ? Plutôt de renverser ? Ou de balayer par exemple ? Enfin, ça m’a semblé bizarre à moi.

« Après tout, un héros surmontait les pires horreurs des champs de bataille. »
> Tu peux arrêter la phrase après « les pires horreurs », ça donnerait un côté plus général que l’horreur des champs de bataille

« Avec les restes de la cervelle éclatée »
> Je mettrais « de cervelle éclatée » sans le « la »

« et écraser pour de bon ce couard retranché »
> « et d’écraser »

« Tandis que le jeune homme tout juste sorti de l'adolescence »
> Je pense que tu peux virer « tout juste sorti de l'adolescence », à ce moment-là, on a compris

« Soudainement paniqué, il fit rapidement le tour du pic rocheux »
> C’est un peu brusque cette panique à mon avis, et puis tu as deux adverbes qui se suivent puis assurément phrase suivante. Je mettrais : « Inquiet, il fit un rapide tour du pic rocheux »

« Le coursier, maladroit et étourdi, soumis à la fatigue, n'avait pas attaché sa fidèle bête »
> Non mais quel imbécile celui-là, j’te jure ! 😊

Hâte de retrouver Krone, c’est cruel de nous faire attendre 😊
ClementNobrad
Posté le 14/02/2023
Coucou Peridotite,

Merci pour ton retour !

Non, ce n'est pas lui le pendu à la fin. On retrouvera même Théodult dans quelques chapitres :)

Pour ce qui est de la lettre, elle est définitivement perdue... mais bon, on va pas s'en arrêter là !

J'avoue que ce chapitre est un peu cruel pour l'attente du lecteur, cest fait exprès ahaha.

Promis, le prochain chapitre on retrouve Krone :p
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