*The New Start*

— Kimberley ! Que t'arrive-t-il ? m'interroge Katherina.

Je n'ai rien à lui dire, je la contourne, une fois à droite, ensuite à gauche. Ma tante ne semble pas vouloir me laisser passer, elle se met en travers de mon chemin. Je monte dans ma chambre, ma valise est sur le lit, je la bourre d'affaires, en les jetant dedans. Les cintres s'écrasent par terre sous la précipitation de mes gestes dans un fracas à en faire siffler les oreilles. Je lève les yeux au ciel, quand je vois qu'elle insiste à me suivre comme une enfant qui vient de commettre une bêtise. Ma respiration est assez forte. Je suis agacée et surtout déroutée, ça ne devait en aucun cas se dérouler de cette façon, elle n'aurait jamais dû découvrir ça.

— Rien ! Laisse-moi s'il te plaît. Je dois préparer mes affaires.

Je souffle en tentant de la contourner.

— Non ! Kimberley, je vois bien que quelque chose se passe ! Tes yeux ont changé ! Mais qu'est-ce qu'il t'arrive à la fin ?

Elle veut bien oublier ce qu'elle vient d'apercevoir sérieusement ! Mon bide se contracte à l'idée qu'elle puisse divulguer ma vraie nature. Mes terminaisons nerveuses sont à vif, elles font frémir tout mon être, mais il est hors de question que Katherina s'en rende compte !

Merde !

Il est clair que mon départ est inévitable après cette révélation de cette partie de moi. Mon cœur ne veut pas s'arrêter de tambouriner dans ma poitrine, il tente par tous les moyens de sortir tellement le stress est présent. J'inspire et expire, mais mes tremblements ne cessent pas à mon plus grand désarroi.

Elle me fait passer pour un monstre ! Elle continue de déblatérer ses bêtises, ce qui commence à m'énerver de plus en plus. Mes gestes sont brusques et froids, ses accusations ne s'arrêtent plus. Alors que mes regards sont dubitatifs et paniqués.

— Mais cesse un peu ! Mes pupilles vont très bien, il n'y a rien d'anormal ! Je lui crie dessus, exaspérée.

Je dois paraître naturel !

— Ils étaient rouges ! Et ses rides hideuses sous tes yeux... débecte-t-elle.

Je ne comprends pas pourquoi elle se met dans des états pareils. J'arrête d'écouter ce qu'elle me dit, je continue à faire mes sacs, des allers-retours permanents entre ma chambre et la salle de bain où sont stockées certaines de mes affaires. Ma penderie est désormais vide, ma valise est bouclée, mon portable est dans mes mains. Je suis sur le point d'appeler Brooke, une amie merveilleuse, en réalité ma seule véritable copine... Heureusement, elle ne m'entend pas.

Elle péterait plus haut que son cul.

D'ailleurs, je pense que son unique but dans la vie est d'être le centre du monde.

Enfin, le sujet n'est pas là, tiens elle me téléphone ! J'allais répondre lorsque je vois Katherina faire de grands signes avec ses mains, sa voix prend une teinte aiguë signifiant qu'elle ne va pas tarder à exploser.

— ARRÊTE ! Arrête d'agir comme si tout était normal ! Je sais ce que j'ai vu alors ne me prend pas pour une folle de première classe s'il te plaît ! Dis-moi ce que tu es !

— Tu es devenue complètement hystérique, Kat, dis-je dans un calme olympien.

Enfin, c'est l'effet que je tente de donner.

Le niveau d'entente avec ma tante s'est détérioré au cours de ces derniers mois. Dès que la moindre petite chose se produit, ça la met hors d'elle. Pourtant d'aussi loin que je me souvienne, notre relation n'était pas aussi médiocre, je ne sais pas ce qu'il a bien pu se passer pour qu'on en arrive là...

Quelques heures plus tôt

Bien que je sois en vacance, je décide de me réveiller assez tôt ce matin. Il nous reste plus que ce week-end avant de reprendre les cours. Entre la brume et le brouillard du mois de mars, ce grand retour au printemps me motive à me lever pour rejoindre ma meilleure amie. Je me trouve désormais chez Brooke, assise en tailleur dans son jardin fleuri. On discute de la soirée d'hier et du beau gosse avec qui elle a passé la nuit. Je la côtoie depuis quelques années maintenant elle a toujours été là lorsque j'en avais le plus besoin.

En réalité, on s'est rencontré en seconde, nous étions dans la même classe et on ne pouvait pas se voir en peinture. C'était crêpage de chignon sur insulte, sur provocation. Durant toute cette année ça a été la guerre entre nous jusqu'au jour où nous nous sommes battus et que cette cruche a giflé le surveillant qui nous avait séparés. L'heure de colle qui nous a été donnée, c'est transformé en un véritable film d'horreur.

Quelqu'un ou quelque chose se trouvait dans l'enceinte du lycée, avait assassiné notre surveillant et nous avait traqués pendant toute la nuit alors que l'on été enfermé dans le bahut. La semaine qui a suivi, nous avons fait plusieurs séjours au commissariat pour homicide involontaire avant d'être innocentés. Nous n'avons jamais su ce qui été arrivé ce soir-là. Seule chose que ça nous a apportée est cette amitié.

Depuis ce jour, on ne s'est plus quitté, j'ai appris à connaître Brooke et à l'aimer. Malgré son apparence sure d'elle et son égocentrisme avec parfois un côté hautaine, c'est une fille avec un grand cœur et un taux de débilité surhumain qui peut me faire mourir de rire comme elle peut être insupportable ! Mais c'est ce qui fait son charme malgré tout, c'est comme moi j'ai des qualités et des défauts qui la faire sortir de ses gonds.

Depuis qu'on traîne ensemble, elle a toujours été là quand j'en ai eu le plus besoin et m'a beaucoup épaulé. Elle a vite découvert ma vraie nature et à ma plus grande surprise, elle n'a pas été si étonnée que ça, voire même ravie de l'apprendre. Ça a été un immense soulagement de pouvoir en parler librement avec quelqu'un. A par elle, personne ne connait cette part de moi et de devoir la cacher en permanence n'est pas évident.

Elle m'a toujours soutenue et encouragée même au point de m'autoriser de m'abreuver d'elle dans un cas d'extrême urgence. Je lui ai fait promettre de ne jamais me laisser la toucher, même si je la suppliais. Dorénavant, on est comme cul et chemise, c'est mon bras droit, je suis sa jambe gauche. Jamais la blonde sans sa brune. Je donnerai tout pour elle, mon cœur, mon âme, ma vie. Je tuerai quiconque la blesserait et lui ferai du mal.

Je souris face à Brooke, qui est aux éclats quand elle m'explique sa nuit folklorique. J'ai comme une sensation de vide autour de moi, seul le son rayonnant de ses rires me parvient. Ses yeux pétillent et me réchauffent le cœur. La voir heureuse est tout ce que je souhaite dans ce bas monde.

Notre conversation s'interrompt et me ramène à moi quand ma tante m'appelle pour que je rentre prétextant une raison urgente.

J'habite dans une immense banlieue chic du Michigan, un regroupement de maisons individuelles séparées par des barrières en piquet blanc qui sont visibles de chaque côté de la route. Les jardins sont tous entretenus, les pelouses sont parfaitement tondues. Tous les voisins se connaissent, je croise d'ailleurs madame Willer qui prend un thé avec madame Ralph. J'aperçois leur enfant jouer ensemble, ils font de la balançoire. Je leur fais un beau sourire et un signe de main avant de me diriger vers mon allée. J'arrive chez moi sur les coups dès quinze heures. Une petite maison épurée assez design se dresse devant moi avec un parterre de rose qui s'étend jusqu'à devant ma porte.

En entrant, un grand calme se fait ressentir dans l'ensemble de la pièce. Je pose mon trousseau de clés sur le meuble d'entrée, avant de m'avancer vers le salon.

L'atmosphère y est étrange, ce n'est pas comme d'habitude.

Je m'arrête quand je vois Katherina sur le canapé, une tasse de café à la main. Elle m'attendait. Je suis postée devant l'encadrement de la porte. Elle m'observe, les membres légèrement tremblants, elle resserre sa prise sur la tasse fumante, avant de prendre la parole.

— Écoute... Je suis désolée, mais je ne peux plus te garder à la maison, tu dois partir, m'annonce-t-elle en baissant la tête honteuse.

Mon corps se fige quand ses propos atteignent mes oreilles. Je ne sais pas ce qui lui prend, son air est très sérieux et pourtant sa respiration s'accélère et son regard est désormais fuyant. Je ne comprends pas, elle me considère comme sa fille, enfin c'est ce que je pensais avant que j'apprenne qu'elle veuille me foutre dehors. Je n'arrive pas à savoir comment je dois réagir. J'admets que je ne suis pas toujours facile à vivre, mais delà à me virer, c'est un peu radical comme solution. Qu'ai-je fait de mal ? Elle sait ce que je suis ? Il y a eu un souci et elle ne veut pas m'en parler ?

— Pardon ? Tu déconnes Katherina, j'espère, c'est une blague ? je m'esclaffe nerveusement.

— Non, ce n'est pas une plaisanterie Kimberley. Il est probablement mieux que tu partes pour notre bien à toutes les deux. Brooke n'est pas quelqu'un de correct, et encore moins quelqu'un de fréquentable. Elle t'entraîne dans ses conneries depuis déjà beaucoup trop longtemps et je ne le supporte plus ! Tout ira pour le mieux lorsque tu reprendras ta vie en main, seule. D'ici là, tu seras placée dans une nouvelle famille, loin d'ici. 

Mon souffle se coupe à cette nouvelle.

Elle est sincère ?

Mes poings se ferment, tremblant comme des feuilles prêtes à se déchirer. Une colère noire m'envahit, elle s'insinue en moi avant de s'accrocher pour submerger mon âme, je ne peux plus me contrôler. La porte vitrée qui se trouve derrière Katherina laisse transparaître mon reflet. Je peux sentir le changement qui se déroule sous ses yeux. Ma certitude se confirme quand j'aperçois que mes iris verts sont à présent d'une couleur rouge, gorgée de sang. Des veines saillantes teintées de bordeaux s'éveillent sous mes yeux. La rage parcourt mon corps à une vitesse surprenante.

Dans mon élan de colère, je m'approche instantanément de ma tante, prête à lui faire regretter ses paroles, à cet instant, une seule pensée me hante... Mon visage se déforme au fil des secondes qui s'écoulent. Ma rancœur commence à dominer ma raison. Quelques centimètres nous séparent. Elle se tient devant moi, tétanisée, face à la bête qui la menace. Sa respiration s'accélère. Derrière le voile de larmes qui monte à ses yeux, elle doit à peine me discerner. Mon souffle qui s'écrase sur son cou l'a fait frissonner de terreur.

Je suis si près que je peux entendre très distinctement la circulation de son sang à travers ses veines et les battements de son cœur totalement saccadé. Tandis que le mien balance entre la haine et la peine comme une pendule choisissant entre le bien et le mal.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Je ne peux quand même pas m'en prendre à elle. Je ne suis pas comme ça, elle ne mérite pas de mourir. Je suis si prête à lui ôter la vie d'un simple coup et pourtant je ne peux m'empêcher de me remémorer ces instants avec elle... Un pas, deux pas en arrière, mes yeux retrouvent leurs verts d'origine. Mon minois reprend sa forme initiale.

Comment vais-je faire maintenant qu'elle a vu mon vrai visage ?

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