Soirée en terrasse (6) - Têtus d'irlandais

Par Pouiny

L’hiver tardait à s’en aller quand une sonnerie sorti William et Alexandre de leur entraînement du week-end. Charlie travaillait et n’était pas encore rentré à la maison, devant arriver pour la soirée. L’après-midi était bien entamé alors que le soleil réchauffait timidement la terrasse. Étonné, William arrêta la musique avant de se diriger vers la porte d’entrée. Alexandre, s’asseyant par terre, s’attendait à entendre de loin un facteur ou un vendeur de calendrier, quand des cris le firent sursauter. Inquiet, il se précipita vers la porte d’entrée, avant de rester pantois devant le spectacle qui s’offrait à ses yeux. Deux hommes qu’il n’avait jamais vu, grands et bourrus, prenaient son père dans leur bras, en riant avec les yeux humides et en échangeant des mots en irlandais. L’un était roux avec de très longs cheveux attachés en une queue de cheval. L’autre avait les cheveux noir et devait être bien deux fois plus large que son père, avec des mains immenses et tordus laissant imaginer un fréquent travail manuel. Alexandre, gêné de se perdre dans un tableau où il n’avait manifestement pas sa place, fit mine de s’éloigner, quand le plus grand des deux hommes lâcha son père pour se diriger vers lui :

« C’est ton fils, Will ? Demanda-t-il en anglais. C’est fou comme il te ressemble !

– Oui, répondit son père en se séchant discrètement les yeux. Harry, Jimmy, je vous présente Alexandre. Alexandre… Ce sont de très bons amis à moi.

– Tu lui as appris l’anglais au moins j’espère ! S’écria Harry, l’homme aux cheveux roux.

– Évidemment ! Même Charlie préfère l’anglais au français.

– Tu n’as pas l’air de bien comprendre ce qui se passe, petit, remarqua Jimmy. Will, si tu nous offrais de quoi boire ? On a fait une longue route ! »

Ils s’installèrent très rapidement dans les canapés du salon, posant les bières sur la table basse.

« Alors, lâcha William quand même Alexandre fut servi en jus de fruit. Qu’est-ce qui vous amène ici ?

– La reconstitution médiévale, pardi ! Il y a un évènement qui se déroule pas très loin de chez toi, et qui a l’air super. On s’était dit qu’on pourrait en profiter pour enfin te donner une petite visite…

– Ça fait combien de temps, qu’on ne t’avait pas vu ? Ajouta Harry. Dix ans ?

– Vous étiez venu pour la naissance de mon fils, si je ne me trompe pas, répondit William en caressant la tête de son garçon.

– Ah oui, soupira l’homme en jetant un regard à l’adolescent. Quel âge tu as, petit ?

– Quinze ans, répondit Alexandre en se redressant d’un seul coup.

– Oh, bel accent, remarqua Jimmy avec un petit sourire en coin. A croire que tu as appris des meilleurs.

– Vous pouvez parler ! A croire que vous sortez d’un autre siècle. Vous auriez pu au moins faire l’effort de lisser votre langage pour le petit.

– Pas d’un autre siècle ! rectifia Harry avec véhémence. Mais nous, on ne vient du royaume d’Angleterre, monsieur !

– Redites moi encore une fois que je suis anglais parce que je suis né en Irlande du Nord et je vous promet qu’on réglera ça avec vos épées. Je suis sûr que j’ai encore quelques restes…

– Tu veux voir ça tout de suite ? Le gamin peut garder les bières…

– Avec… les épées ? Bégaya Alexandre. »

Les trois hommes parlaient fort et l’échange allait vite. Et bien qu’Alexandre comprenait parfaitement les mots, il n’arrivait pas à en saisir leur sens. William, sentant son fils mal à l’aise, pris sur lui d’arrêter les plaisanteries un instant :

« Quand j’ai quitté le lycée, je fréquentais pas mal de bar pour m’entraîner à la musique et à la danse, pour écouter ce que faisais les autres tout en m’amusant. Et j’ai rencontré tout un groupe d’idiots qui sont devenus mes meilleurs amis depuis. Là, tu en as deux d’entre eux… Ce sont des fans de la reconstitution médiévale et de la tradition celtique. Et, sans surprise, ils sont respectivement historien et linguiste. Harry par exemple, tu as fait des travaux de recherche sur les légendes arthuriennes, si je me souviens bien ?

– C’est exact. Jimmy, lui, travaille pour la ligue gaélique, visant à ne pas perdre la langue irlandaise traditionnelle.

– Traditionnelle, tu veux mon coup de pied au cul ? C’est la langue du pays avant la colonisation de l’île par ces foutus rois anglais, ne me traite pas ça comme une lubie folklorique !

– Jimmy, langage, fit remarquer Harry. Je te rappelle que le petit comprend.

– Et alors ? C’est comme ça que les jeunes parlent, de nos jours. »

William laissa échapper un soupir, en regardant son fils. Il avait le nez dans son verre, avec le regard fixé dans le vague. Il s’approcha de lui en chuchotant :

« C’est grâce à lui que je parle irlandais. Avant lui, je ne savais que quelques mots. Il est vraiment fort dans son domaine. Mais évidemment, je pense que tu t’en doute, il vient de Dublin.

– Hé le britannique, c’est quoi le problème avec notre capitale ! S’écria Jimmy.

– Vous communiquez toujours comme ça ? Chuchota Alexandre à l’oreille de son père. »

Il avait parlé en français, de peur que les deux hommes soient davantage offusqué par la question. Mais William éclata de rire.

« Ah ça, difficile de faire plus grande gueule qu’eux, hein ? Ne t’inquiète pas, ils parlent beaucoup, mais ils sont très gentils. Il n’y a pas à avoir peur !

– Qu’est-ce que tu es en train de dire dans notre dos, l’anglais ? Insista le grand homme avec un sourire qui dévoilait ses dents. C’est pas parce qu’on ne comprend pas qu’on entend pas !

– Je lui disais qu’il n’y a rien de plus bourru qu’un Dublinois, même ceux qui ont daigné porter allégeance à la reine d’Angleterre! »

A la réponse de William, Harry pouffa alors que Jimmy sembla s’étouffer avec sa bière.

– C’est pas parce que j’ai visité ta ville quand j’étais jeune que ça fait de moi un sujet de la reine !

– Il n’y a pas besoin que tu le dise pour le comprendre, répliqua le père d’Alexandre avec amusement. Si on se calmait avec les histoires de frontière ? J’ai besoin de savoir comment va Carbry et les autres. »

 

L’après-midi paru intense pour Alexandre. Les trois hommes ne s’arrêtaient jamais de parler de choses dont il ne savait rien, et qui pourtant concernait de très proche la vie de son père. Il apprit ainsi à la volée qu’il avait un oncle, William étant en froid avec son grand frère resté à Belfast. A quoi ressemblait ses grands-parents, l’état de santé de sa grand-mère qui se dégradait, les anciennes habitudes de son père quand il était plus jeune…

« Si tu savais à quel point ton père était bon avec une épée ! S’exclama Harry, le visage rougi par les pintes qui s’enchaînaient. Ah et pour l’alcool, aussi, il n’était pas le dernier.

– Comment ça ? Demanda Alexandre avec un peu de curiosité.

– Les gars, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, tenta William.

– Ah tu sais, plus d’une fois on a du le sortir du bar ! Plus capable de mettre un pied devant l’autre, le Will. Une fois, il est même resté à faire des câlins à la cuvette des WC en lui disant des mots doux. A croire qu’il allait se marier avec !

– Quoi ?!

– Ça va, j’étais jeune, marmonna le père, assez peu fier face au regard choqué de son fils.

– Un bon fêtard, surtout, oui ! Après tout, qui peut lui en vouloir… L’alcool d’Irlande, c’est clairement le meilleur ! »

William sursauta bien plus qu’Alexandre en entendant la porte claquer. Mais fort heureusement pour lui, Charlie n’avait pas entendu l’anecdote qui venait d’être racontée avec une voix grasse. Le parent sortait tout juste de son travail et salua avec un heureux étonnement ces têtes qu’il connaissait bien de son ancienne vie, avant de s’asseoir près de son fils en silence. Harry fini enfin par sortir les épées et les armes non aiguisées de son coffre et alors qu’ils sortaient sur la terrasse prendre l’air du soir, Alexandre assista médusé à un véritable combat entre son père et l’homme roux, a peine protégé par des gants et deux vieux gambisons.

« Sergent Will, tu devrais porter un casque quand tu utilises ce genre de jouets s’exclama Charlie en voyant son mari prendre un coup un peu haut sur l’épaule.

– Hé, et moi alors ! Qu’est-ce que c’est que ce favoritisme !

– Sauf ton respect, Harry, je considère que tu es assez grand pour savoir ce que tu fais avec tes propres jouets.

– Pardon ? Je suis un enfant, Charlie ? S’étonna William en baissant sa garde.

– Là, actuellement, je vois deux grands gamins trop ivres s’amuser avec des cure-dents en fer à côté d’un enfant. Que suis-je censé voir d’autre ? »

William et Alexandre se retournèrent vers le pama d’un seul geste, vexés tout deux d’être considéré comme des enfants. Mais avec un soupir, les deux irlandais allèrent chercher un casque sans répliquer.

 

Avec la nuit et la fraîcheur qui s’installait, William quitta son rôle de combattant pour chauffer la cuisine, alors que les esprits échauffaient commençaient à se poser quelque peu. Alors que le père d’Alexandre servait le plat, Jimmy s’adressa à Alexandre :

« Et alors, petit, tu es de quelle nationalité ?

– Comment ça ?

– Tu es juste français, où ces deux-là ont fait en sorte que tu gardes l’Irlande sur tes papiers ?

– Il a bien la double nationalité, assura Charlie avec un petit sourire. Après tout, je l’ai moi-même, c’est toujours un avantage.

– Mais je n’ai jamais mis les pieds là-bas, avoua le garçon, honteux.

– C’est vrai ? Mais comment ça se fait ? Qu’est-ce que vous avez foutu avec son éducation, tous les deux !

– C’est assez compliqué… Hésita Charlie.

– Si c’est la famille de l’autre con qui vous fait peur, passez à Dublin ! C’est la plus belle ville du monde.

– L’autre con ne serait pas ravi de ton langage, répliqua Charlie. La langue anglaise est si belle, tu l’as étudiée sous toutes ses coutures, pourquoi diable tu passes ton temps à parler comme un charretier ?

– Les mochetés sont des femmes comme les autres, répliqua l’homme. C’est pas mes études qui me dicteront comment je dois parler, merde !

– J’abandonne, soupira Charlie. Tu vois, Alexandre, ça c’est l’exemple typique de ce qu’est un têtu d’irlandais !

– Moi, je trouve ça drôle, murmura le jeune homme avec un sourire qu’il tentait de cacher.

– Ah bah voilà, au moins un qui me comprend ! Et le têtu d’irlandais, il te lâchera pas avec Dublin. Il faut bien qu’il voit la terre de ses ancêtres au moins une fois dans sa vie, ce petit ! »

Alors que Charlie hésitait, ne sachant comment répondre alors qu’Alexandre lui jetait un regard interrogateur, William s’assit à table en déclarant :

« C’est un problème d’argent. Sinon, on y serait sûrement déjà retourné au moins pour quelques jours. 

– Sérieux ? S’étonna Harry. Vous restez planqué ici juste pour une histoire de fric ?

– Juste pour, à croire que vous avez de l’argent qui pousse sur les arbres, là-bas.

– Non, mais quand même, William…

– On est encore endetté pour notre maison ici, coupa Charlie. Et même si nous travaillons tous les deux, ça suffit juste à bien vivre. Nous n’avons aucune économie, voilà tout. Le peu qu’on a est investi dans notre matériel de travail. La musique coûte cher, vous savez ? »

La prise de parole du parent laissa planer autour de la table un silence pesant.

 

« Merde, c’est dur, souffla Jimmy. Désolé Char, on voulait pas donner l’impression de vous juger la-dessus mais… Vous savez quoi ? Cet été, vous venez, et on s’occupe de payer !

– Quoi ? S’écria Alexandre.

– C’est hors de question, assura William. Si je dois rentrer en Irlande, j’aimerai que ça soit par mes propres moyens.

– Oh allez quoi, par tes propres moyens, si ça veut dire attendre dix ans de plus, ça ne vaut pas la peine ! Insista Harry. Nous, ça ne nous dérange pas, et je suis sûr que ça ferait plaisir à Carbs de voir ton gamin !

– En plus de ça, en juillet, on va tous participer a une médiévalie exceptionnelle près de Dublin. Tous les vieux potes en seront, même Finn ! Paye l’événement pour ta famille et on s’occupe du reste.

– Tu pourras dormir à la maison, proposa le rouquin. Marie serait très heureuse de te rencontrer ! »

William, impuissant, jeta un regard à Charlie, qui haussa les épaules. Alexandre n’entendait plus que son cœur battre.

« Ce n’est pas pour vous mettre mal à l’aise, insista Harry. C’est seulement qu’on vous aime bien, et que vous manquez, au pays.

– Qu’est-ce que tu en penses, Alexandre ? Demanda Charlie à son encontre.

– Hein, quoi, moi ?

– Oui, toi, pas le buffet. Est-ce que tu as envie d’aller là-bas ? »

La réponse était tellement évidente qu’il ne sut pas immédiatement comment la formuler.

« Bien sûr que oui !

– Bon… William ?

– D’accord, j’ai compris… On va y réfléchir.

– Super ! »

Le cri de joie d’Alexandre fut accompagné des rires des deux irlandais, bien heureux de voir enfin de l’enthousiasme un peu plus décomplexé de sa part. Le reste de la soirée passa comme dans un rêve. Les hommes burent tant qu’ils furent obligés par Charlie de rester dormir sur les canapés. Doucement, la joie et le bruit s’estompèrent alors que tout le reste de la famille se préparait à dormir. William parti s’endormir très tôt comme une bûche, si bien que son compagnon dut rester pour ranger et nettoyer tout le bazar provoqués par les têtus d’irlandais. Mais alors qu’il nettoyait silencieusement les assiettes, un léger bruit de pas le sorti de ses rêveries emplies de fatigue.

« Alexandre ? Tu n’étais pas parti te coucher ? »

Ne pas entendre de réponse le fit se retourner, pensant presque avoir rêvé. Mais son fils lui faisait bien face, un visage décomposé. En posant son assiette, il s’approcha de lui avec inquiétude :

« Tout va bien, mon grand ? »

Elle s’était habitué à ce que son fils soit distant et silencieux. Si bien qu’elle fut pris totalement de court quand celui-ci se jeta dans ses bras comme un petit garçon. Mais en l’entendant renifler, il lui caressa la tête comme un réflexe.

« Qu’est-ce qu’il se passe, mon grand ? Tu ne te sens pas bien ? »

Alexandre la serra davantage, comme s’il avait peur de ne plus ressentir son étreinte. En réponse, Charlie serra lui aussi, emmêlant ses doigts dans les cheveux de son fils qui tremblait tant il se tendait.

 

Il avait envie de lui demander s’il pouvait dormir avec elle. Mais sa fierté de jeune adolescent l’en empêchait. Ce qui n’allait pas s’aggravait durant les nuits de solitude et davantage encore après des soirées heureuses et bruyantes. La disparition du son lui faisait peur et le silence bourdonnait avec douleur dans ses oreilles. Il savait donc qu’il devait lui dire quelque chose, qu’il ne pouvait pas rester éternellement ainsi, bien que Charlie ne l’ait en rien repoussé. En lui hurlait dans tous les sens des sentiments mélangés, entre la honte et la peur, la solitude et la tristesse. Tout devenait si disparate, si intangible dans ses pensées qu’il lui fallu une bonne éternité pour prononcer une phrase.

« Je vous ai privé de votre vie. »

A l’entente de ces mots, Charlie se tendit. Son fils tremblait de plus en plus dans ses bras, s’accrochant à son dos comme à une bouée de sauvetage. Désormais, il était presque plus grand que lui. Pourtant, continuer d’émaner de lui une fragilité et des peurs de petit enfant.

« C’est faux, Alexandre. Je n’ai pas les mots tant c’est faux. Tu as été notre choix de vie.

– Sans moi, vous seriez encore là-bas…

– C’est nous qu’avons choisi de partir. Et ce fut pour nous avant d’être pour toi. Est-ce qu’à un seul moment nous avons eu l’air de regretter ce choix ?

– Parfois, papa le regrette. »

Charlie se mordit la langue. Sa réponse silencieuse fit pleurer davantage son fils dont il sentait les larmes couler sur son épaule. En quelques secondes, elle revécu ses premiers instants avec William, cette grande algue irlandaise rêvant de réunification et des légendes de son pays. A chaque fois qu’il en parlait, ses yeux, déjà à l’époque, brillaient de fierté et de joie. S’arracher aux terres où il était profondément enraciné ne lui aurait jamais effleuré l’esprit si ce n’avait pas été pour elle et leur enfant. S’il avait toujours agi comme si cet exil ne lui faisait rien, Charlie n’était pas dupe et désormais, Alexandre était assez conscient de ce qu’il l’entourait pour le réaliser également. William avait fui son pays durant toute la soirée de peur que celui-ci lui revienne.

« Ce que ton père regrette, Alex, c’est que son pays ne soit pas différent. Qu’il n’ait pas été en mesure de répondre à nos besoins. Oui, si l’Irlande était plus tolérante, nous y serions sans doute resté, mais… si elle ne l’est pas, ce n’est pas de ta faute. La France n’est pas parfaite à ce niveau, mais force est de constater qu’elle… est moins pire.

– C’est ce que je dis… Si, si j’étais pas né…

– Ce n’est pas pour toi que nous sommes parti, insista Charlie. C’est pour nous. Notre union était trop risquée, là où nous vivions. Nous n’avions que deux choix : soit ton père se séparait de moi, soit il me suivait en France, plus isolé du monde. En plein centre de Belfast, nous… nous risquions trop. Je regrette de lui avoir imposé ce choix, mais même pour moi, ce n’est pas de ma faute. Le problème vient du pays, des sociétés, du monde. C’est ce monde qui aurait jamais du nous poser de telles complications. Et ça, William le sait très bien. Car il a fait le choix de me suivre. Tu comprends ?

– C’est pas juste…

– Tu as raison, ça ne l’est pas. Mais tu sais quoi ? Avec le temps, avec des garçons comme toi, les choses changent. Regarde, les marches des fiertés qui prennent de plus en plus d’ampleur, le mariage homosexuel qui commence enfin a être envisagé en France… Tu verras, grâce à toi et à plein d’autres gens comme toi, le monde deviendra de plus en plus égalitaire, de plus en plus beau. Et ainsi, tu verras ! Que tu nous auras jamais privé de notre vie, bien au contraire : tu auras tout fait pour la rendre plus belle.

– Mais… je n’ai rien fait, encore…

– Tu en a déjà fait beaucoup, crois-moi, mon grand. Sois patient… ça va aller. Je te promet que tout ira bien. »

En hochant la tête, peu convaincu quand même, Alexandre sécha ses larmes. Il laissa son parent l’accompagner jusqu’à sa chambre, l’embrasser sur le front dans le noir sans protester, avant de le laisser s’allonger et s’endormir. Mais malgré son assurance, Charlie resta assis contre la porte de la chambre de son fils, en silence dans l’obscurité, guettant le moindre son comme quand son fils était un bébé capable de pleurer à tout instant. Immobile et silencieux, il jouait avec ses doigts. Il avait oublié la vaisselle et la lumière allumée dans la cuisine. Jonglant avec son angoisse, il repensait chacun de ses mots, savoir s’ils n’avaient pas un sens qui nécessitait un éclaircissement, si ses phrases avaient porté le bon message. Ce ne fut qu’alors qu’il s’endormait sans réussir à démêler ses pensées qu’il décida de se relever pour rejoindre le lit où son mari ronflait déjà depuis une bonne heure. Sans un mot, en s’installant près de lui, il observa son visage détendu dans l’obscurité. Il dormait comme un bienheureux, comme si rien ne l’avait jamais blessé. Solide comme un roc, il pouvait parfois en paraître presque insensible. Charlie lui caressa la joue, et dans le creux de son oreille, murmura ces quelques mots :

« Je suis désolé, mon cœur. »

Et bien qu’il ne donnait pas l’impression d’avoir besoin d’être consolé, elle lui caressa la tête jusqu’à ce qu’elle-même tombe dans un sommeil paisible.

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