Simon et Gaëlle

Par Letorpe
Notes de l’auteur : Des regards intenses et émus, mais les mots qui ne viennent pas. Vous connaissez ?

Suspendu dans ses pensées, Simon ne répondit pas à la question de Gaëlle. Tandis qu'elle lui parlait géométrie, son esprit s'échappait systématiquement à des rêveries qu'il ne parvenait pas à lui exprimer. Cela faisait maintenant trois semaines qu'il se retrouvaient quotidiennement sur une terrasse de café pour préparer leurs examens. Il était trop impressionné par la fille pour se concentrer sur leurs révisions. Lorsqu'elle écrivait, penchée sur sa feuille, il observait ses cheveux lisses qui libéraient quelquefois sa nuque. Trois grains de beauté formaient un triangle équilatéral dont la somme des angles...

— 180 degrés, lui répondit-il.

Il griffonna sur sa feuille trois petits points et les relia par des segments, tout en prenant bien soin de conserver les proportions du triangle formé par ses grains de beauté. Il se mit à dessiner toute une série de triangles qui finirent par représenter le visage de Gaëlle. Elle s'interrompit et le fixa droit dans les yeux.

Si Gaëlle était sensible au charme de Simon, elle n'en laissait rien paraître. Jeune fille issue d'une famille bourgeoise, elle semblait réussir tous les projets qu'elle entreprenait. Mais que voulait-elle au juste ? Le savait-elle elle-même ? Dès qu'il s'agissait de ses aspirations personnelles, elle se réfugiait derrière le moindre prétexte pour éluder la question. Et pas plus que Simon, elle ne parvint à prononcer un mot. Ce soir-là, Gaëlle s'aperçut que Simon avait glissé le portrait dans ses affaires. Longtemps, elle l'observa en glissant ses doigts sur les segments de son propre visage et alla jusqu'à embrasser la feuille. Ainsi prirent-ils l'habitude de se laisser discrètement des notes l'un l'autre, dans lesquelles ils laissaient aller librement leurs pensées juvéniles, mais jamais n'en touchaient mot lorsqu'ils se voyaient. Quelquefois, quand leurs yeux se fixaient l'un l'autre, la flamme de leurs regards plongeait au plus profond de l'intimité de l'autre, et le soir même, leurs lettres reflétaient l'intensité de leur émoi. Dans son écriture, Simon avait perdu toute timidité et couchait la fille sur le papier, lui faisant subir mille tourments délicieux. En retour, Gaëlle lui décrivait les jardins paradisiaques dans lesquels il l'emmenait.

L'examen passé, Gaëlle déménagea sans laisser d'adresse. C'était de cela il y a bien longtemps, et toute leur vie durant, chacun ajouta mille feuillets à son journal, car aucun ne voulait que l'histoire ne fût terminée.

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Icezer Cold
Posté le 25/08/2022
Bonjour,

Savoir trouvé les mots juste est souvent difficile et pourtant ici j'ai l'impression que c'est le cas. C'est fort émouvant et ravissant. J'aime beaucoup continu !
Letorpe
Posté le 05/09/2022
Merci encore ! À chaque histoire, une émotion différente, enfin, j'essaye :)
Laurette Follot
Posté le 10/08/2022
Histoire d’amour juvénile très touchante et très très bien écrite ! J’ai aimé le rythme lent, la délicatesse de tes mots. Cette histoire est vraiment ravissante.
Letorpe
Posté le 16/08/2022
Trouver les mots justes, et les dire au bon moment. Rien de plus difficile, à tout âge !
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