Seize - Action... Réaction

Notes de l’auteur : Ne t'inquiète pas de l'échec, inquiète-toi des chances que tu manquent lorsque tu n'essaies même pas.
Jack Canfielde

- Alors Chloé, c’est d’accord ?

- Sélène, je ne sais pas si c’est une bonne idée…

- Bien sûr que oui. Je n’ai pas le choix.

- Alors c’est ok. Mais ne vient pas te plaindre après. Où est ton Carnet Créatif ?

- Dans mon sac. Chloé, tu es la meilleure !!!

Sélène serra son amie dans ses bras avant de lui confier son cahier puis de filer en récré.  Son plan semblait simple : 1) confier la mission de donner son Carnet Créatif à Chloé. Ça, c’était fait. 2) Chloé donne le cahier à Léo, de sorte qu’il est obligé de le rendre à Sélène avant le vendredi, dans trois jours. Elle avait déjà longuement réfléchi à toutes les solutions possibles, mais celle-ci semblait être la seule envisageable, bien que la jeune fille redoute de se séparer de son Carnet Créatif. 3) Attendre vendredi le plus calmement possible et voir ce qu’il lui répondrait. Le choix était facile : oui ou non, et Léo ne pouvait pas s’en détourner. Il n’y avait rien de plus direct. Même si Sélène restait incroyablement nulle à l’oral, elle n’avait plus le choix si elle voulait obtenir une réponse.

La récré passa incroyablement lentement. Toute les trente secondes, Sélène jetait un coup d’œil à Chloé, lui faisant comprendre que le temps passait. Les minutes s’égrenaient sans que son amie ne bouge, et encore moins qu’elle ne donne le cahier que Chloé tenait dans ses bras. Au bout de quinze minutes, la cloche sonna. Chloé ne l’avait toujours pas donné.

Prenant les choses en main alors que Sélène s’approchait d’elle, Chloé emporta son amie par la main avant qu’elle ne puisse protester et se dirigea droit sur Léo.

- Hey, Léo ! Tu lis le texte où il y a le marque-page, puis tu le lui rends, lui lança-t-elle sèchement.

Léo eut à peine le temps de retrouver ses esprits et de récupérer le cahier qu’elle lui tendait avant que les deux filles ne se soient éloignées, Sélène toujours sous le choc : « Qu’est-ce que je fais là ? », pensait-elle. Son cœur battait à mille à l’heure, ses moites étaient plus moites que jamais, sa tête tournait légèrement, ses jambes vacillaient.

- Chloé ! Tu n’étais pas censée me prendre avec !!! dit-elle, horrifiée par ce qui venait de se passer.

Anglais, c’était la branche qu’ils avaient maintenant. Sélène rentra en classe comme un robot. Elle restait focalisée sur ce qui venait de se passer, regrettant déjà ce qu’elle avait fait. Sans compter que Sélène en voulait à son amie. Quelle idée avait eu Chloé pour l’emmener avec elle ? La première moitié de cours se passa dans un nuage de brouillard pour Sélène. Elle aurait été incapable de dire ce qu’ils avaient effectué. Du moins jusqu’à ce qu’ils écoutent Imagine, de John Lennon. Cette chanson la calma un tant soit peu avant que leur prof de maths n’arrive. Que c’était-il donc passé ? Qu’avait fait Chloé ? Au moins, la balle était entre les mains de Léo, sans compter que Sélène possédait encore un quelconque pouvoir dessus. Parce qu’elle pouvait sans autre le réclamer. Rester choquée une petite heure semblait un bien bas prix pour ce qu’elle recevait en échange.

<3

- Je te le rends demain… Promis.

Léo venait de passer à côté d’elle, et Sélène aurait reconnu sa voix entre mille. Mais il ne l’avait pas regardée dans les yeux, et elle semblait être la seule à s’être rendu compte de cet échange. Enfin, échange… Un bien grand mot. On était le lundi midi, en sortant de l’école. Demain, elle aurait enfin son moment de vérité. Déchirée, ou heureuse comme jamais elle ne l’avait été. Le lendemain, Sélène saurait.

Durant le week-end, Sélène avait envoyé un message à Audrey. Celle-ci n’était pas au courant pour Léo, mais elle faisait partie de sa bande d’amie. Sélène était certaine que son amie possédait le numéro de Léo.

Salut Audrey. Est-ce que tu pourrais me rendre un service ?

Oui ?

Est-ce que tu pourrais transmettre le message suivant à Léo ?

Je t’expliquerai tout demain.

Ok.

Salut Léo. C’est Sélène qui t’écris… J’ai besoin de mon Carnet Créatif pour

mardi après la récré. Tu peux me le rendre avant ?

                                                                                                                                    C’est fait

Merci ! Tu es un ange. Tu peux me dire s’il te répond ?

Ok, pas de soucis

Léo n’avait jamais répondu. Jamais. Tout le week-end, Sélène avait vérifié sa messagerie, en vain. Aucun message de son âme sœur.  Et pourtant, il lui avait murmuré ces mots… Pas de doute, c’était bien lui. Sélène eut du mal à s’endormir ce soir-là, comme tous les autres soirs depuis qu’elle lui avait donné son Carnet Créatif. Elle était sur des chardons ardents depuis jeudi. Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit à n’en plus finir.

<3

Sélène attendit toute l’après-midi. Qu’attendait-elle, d’ailleurs ? La jeune fille n’en savait rien. Sans doute un signe, un mot. Que Léo lui rende son Carnet Créatif. Une fois rentrée chez elle, Sélène se rendit à l’évidence : pour une fois, Léo avait respecté sa promesse. Elle devrait attendre jusqu’au lendemain.

<3

Réveillée bien plus tôt que d’habitude, à 5h48, indiquait son réveil, Sélène ne parvint pas à se rendormir. Trop de sentiments la tiraillaient, la rendaient presque malade. Elle était à la fois joyeuse, triste, effrayée. Apeurée par les événements qui semblaient inévitables.

Six heures plus tard, alors que la sonnerie annonçait la dernière heure de cours, Sélène se dirigea vers l’arrêt de bus pour attendre Alya. Léo n’avait toujours pas donné signe de vie, et elle commençait gentiment à perdre patience. La jeune fille s’assit sur le banc de pierre, ne sachant trop quoi faire. Elle sortait son bouquin de son sac lorsque…

- Sélène ?

Léo. Léo, Léo, Léo. Sa voix, juste derrière elle. Ses mots, aussi grave que le la du piano, celui que la jeune fille utilisait pour la Lettre à Elise. Léo, qui était sur le point de bouleverser sa vie. Léo, qui… Sélène se mit debout, faisant demi-tour au passage. Lui faisant face. Malgré ses petits talons, elle lui arrivait à peine à l’épaule. Pourtant, en cet instant, Sélène avait l’impression qu’ils étaient à égale hauteur.

- Oui ? Oh, Léo, répondit-elle en feignant la surprise. Je… Tu as compris de qui je parlais ?

Il opina légèrement de la tête, geste que Sélène trouvait… craquant. Ce mouvement lui donnait un air timide. Léo confirma, sans toutefois la regarder dans les yeux.

- Oui. Mais il faut encore que je réfléchisse.

- Bien. Mais dépêche-toi, Léo. Ça fait six mois que j’essaie de te le dire. C’est long, tu sais ?

- Je… d’accord.

Sans rien ajouter, il s’engouffra dans le bus, laissant Sélène sur place, abasourdie, sidérée par sa réponse. « Il faut que je réfléchisse » ? Pour qui se prenait-il ? D’accord, elle ne lui avait laissé que quatre jours pour réfléchir, mais tout de même ! Cette réponse n’était pas possible, tout simplement. Comme une question à choix multiple, où il n’y avait que « oui » et « non ». Pas de « Il faut encore que je réfléchisse » !

Malgré les apparences, Sélène avait été agitée tout le long de la conversation. Son cœur semblait au bord de l’explosion ! Alors qu’elle tentait de le faire ralentir, Alya la rejoignit, un grand sourire fixé à ses lèvres. Pour Sélène, rien d’autre n’existait que le carnet qu’elle tenait à la main et les mots prononcés plus tôt, c’est pourquoi elle ne la vit pas arriver.

- Ouh ouh, Sélène ! Ça va ? Qu’as-tu à me dire ?

Sa voix lui fit reprendre contact avec la réalité. Visiblement, son amie avait oublié l’incident qui s’était passé une année plus tôt environ. Alya avait oublié qu’elle était tombée amoureuse, follement amoureuse.

- Viens. Je t’expliquerai dans le bus.

Une fois à l’intérieur, Sélène donna son Carnet Créatif, qu’elle venait de récupérer et qui gisait dans ses mains tremblantes à son amie.

- Lis.

Alya s’exécuta. Plus ses yeux parcouraient les mots, plus les émotions se succédaient rapidement sur son visage. Surprise, interrogations, désespoir (Sélène ne comprenait pas pourquoi son amie semblait aussi désespérée, ce qu’elle ne manquerait pas de lui demander plus tard.), et enfin colère.

- Pourquoi ne m’as-tu rien dit !!! Attends… Chloé est au courant, n’est-ce pas ? Qui d’autre ?

- Je… Chloé, oui. Et Audrey, aussi, enfin seulement à moitié. Et Léo, maintenant.

Elle soupira.

- Je vois… Tu viens de lui donner ce carnet et j’imagine que tu voulais une réponse… Et donc ? Il t’a dit quoi ?

Alya avait prononcé le mot carnet comme si c’était la pire chose au monde. Soudain, Sélène craignit d’avoir fait une erreur. Sentiment qu’elle refoula aussitôt au plus profond de son être.

- Il faut que je réfléchisse. Ça veut dire quoi, ça ?

- Ben… Qu’il doit encore réfléchir. Laisse-lui du temps. Tu vas leur dire quand, aux autres ? Audrey, Amélie, Maïwenn…

- Aucune idée. Bientôt, je pense. Lise sait déjà. Elle a deviné ce matin.

- Lise ! Bon, laisse tomber.

Léo

Six jours plus tôt

Je savais que Sélène allait faire cette erreur. J’en étais certain, la seule question était de savoir quand. Eh bien, c’est fait, maintenant. Heureusement que j’ai réussi à gagner du temps. Même si je sais qu’elle ne tiendra plus très longtemps. Il faut que je me décide, et vite. Mes amis sont là pour m’aider, mais ils disent tous que c’est à moi de faire le choix final. Non mais sérieux ! Comme si c’était facile. Comme si c’était une décision qui n’engendrerait rien. Rien du tout. Triste ironie… Que répondre à cette question ? Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu la regarder dans les yeux. C’était plus fort que moi. J’espère qu’elle n’en apprendra jamais la raison.

Lorsque Chloé s’est approchée de moi, avec Sélène sur ses talons, qui semblait devoir affronter sa pire peur - probablement moi, en fait - j’ai immédiatement compris qu’elle était de près ou de loin liée à cette histoire. Et c’est là qu’elle m’a sorti un « Lis ça, Léo ! ». Enfin, son ton était un peu… non, beaucoup plus stressé. Bref. Il fallait que je trouve le courage de le rendre à Sélène. Plus facile à dire qu’à faire. Je lui donne trois mois tout au plus. Après, elle voudra une vraie réponse. On peut toujours rêver, non ?

<3

Les jours qui suivirent, Sélène avoua ses sentiments pour Léo à de plus en plus d’amies. Elle commença par Audrey, qui était déjà à moitié au courant. Maïwenn se trouvait à côté à ce moment-là, mais elle n’avait pas entendu le prénom de « l’amoureux ». Durant la journée, celle-ci le réclama à une ou deux reprises. Voyant que Sélène ne lâcherait pas le morceau, elle abandonna vite, mais Sélène finit par craquer alors qu’elles allaient à la gym. Une de plus, une de moins… Sauf qu’elle décida de le lui faire deviner.

- Bon, alors, déjà… C’est sûrement pas Léo…

En voyant Sélène devenir écrevisse, Maïwenn s’interrompit subitement, puis un « non » confus et étonné sortit de sa bouche. Au moins, la jeune fille était prévenue ; personne ne pensait qu’elle, la petite Sélène, si timide et tellement inhabituelle et étrange, était tombée amoureuse du grand Léo populaire.

Même Fiona, qui avait dansé avec lui lors de la boom du camp de voile, fut au courant. Ceci ne lui posa aucun problème, heureusement pour Sélène. En quelques jours seulement, toutes ses amies ou presque furent au courant. Il ne manquait plus que Norelia et sa meilleure amie d’enfance, Ava.

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