Second chapitre le réveil : partie 1

Notes de l’auteur : Pour information : Tsechen-coordinateur : Titre moitié militaire-moitié civil pouvant correspondre à un grade intermédiaire entre colonel et général pour l’armée et à celui de gouverneur pour le civil ; URBAS : gouvernement d’Exerys ; Syb : Cette mesure de la température est le fruit d’observations d’un Salke, le physicien Glonk Slyderb. Un Syb est équivalant à un de nos degrés Celsius.

POUR INFORMATION : Pour des raisons de compréhension et de facilité de lecture, tout ce qui va suivre (hormis les descriptions) a été retranscrit en langage et écriture humaine. Afin que le lecteur humain ne soit pas tenu de se plonger dans de fastidieux calculs au cours de sa lecture, une correspondance approximative des poids et mesures, ainsi que de temps, se substituera à celles employées par les Exerys et autres peuplades du cosmos.

 

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 Planète : Exerys                                              Date : Non encore définie.

Continent 2     Base N°12                                   Localisation : Désert

Population interne : 1 047 596 Exerys         Conditions externes de vie : favorable

Répartition de la population :

Salke : 53 031    Reken : 200 063   Exten : 794 501    Ristan : 1

Temps depuis la mise en stase de la population : estimé à 998 527 Spires Solaires (1SS = 372 jours 1/4)

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Dans un silence total, des drones, entièrement autonomes, s’activent. Un froid intense règne en ces lieux et l’obscurité y est totale. Depuis la mise en stase de la population, chaque unité remplit inlassablement la tâche qui lui est dévolue. Des drones électriciens, des drones plombiers, des drones porte-charges et des drones remplissant quantité d’autres fonctions œuvrent pour l’entretien de l’énorme bâtisse. Quand l’usure du temps a rendu les autoréparations inopérantes, les drones se dirigent vers une structure du complexe destinée à leur démantèlement. De nouveaux drones sont alors assemblés à partir des pièces nouvellement usinées à partir des matières premières récupérées. Un cycle immuable qui perdure depuis la nuit des temps, semble-t-il.

Or, pour la première fois, depuis des temps extrêmement reculés, la monotonie de ce rituel immuable semble s’interrompre. Une faible lueur s’est matérialisée au plafond d’un des innombrables couloirs du Complexe. Augmentant très vite d’intensité, la lumière éclaire d’une couleur rougeâtre les couloirs, provoquant de multiples réfractions sur ses parois métalliques. Mais, aussi soudainement qu’elle est apparue, l’onde lumineuse disparait replongeant les lieux dans le noir. Pourtant, un léger ronronnement est devenu perceptible. Les uns après les autres, les couloirs s’illuminent d’un éclat sans provenance précise, le ballet inlassable des drones ne donne naissance à aucune ombre.

Peu à peu, l’activité semble se complexifier. Des robots- transbordeurs s’animent et sortent des niches d’ombre qui ponctuent un couloir. Ils se saisissent de caissons de métal placés dans certaines chambres et les acheminent vers une vaste salle aux parois creusées d’alvéoles dans lesquelles ils insèrent le sarcophage. L’alvéole s’illumine, ronronne, et le processus de réveil commence. Dans le même temps, le ballet des drones et de robots s’augmente de nouveaux sujets, activés progressivement. La vie de ceux qui doivent se réveiller doit reprendre dans les meilleures conditions possibles.

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« - Ne bougez pas Tsechen. Je suis I.A.B.E-C.M, C.M. pour Conception Médecine. Je veille sur votre réveil. Si vous m’entendez, bougez un doigt.

La forme allongée sur le dos, bras croisés sur la poitrine, soulève lentement un doigt.

 - Parfait. Surtout, ne bougez pas cela serait dangereux pour vous pour le moment. Je vais augmenter petit à petit le débit d’oxygène dans la capsule avant son ouverture. Actuellement, bien qu’encore très lentes, vos fonctions vitales sont dans la norme requise dans cette phase. Avez-vous compris ? Si oui, levez deux doigts.

- Parfait ! Je vais maintenant vous injecter du liquide par la commissure des lèvres, faites-le tourner lentement dans votre bouche avant de l’avaler par petites gorgées, une par une et très doucement. Il faut que votre cerveau dirige ce liquide dans la bonne direction. Nous avons eu des problèmes inattendus lors des essais cliniques de cette phase de réveil. Vous vous en souvenez ? Si oui, clignez des paupières. Bien. Je vais vous laisser tranquille quelques minutes, le temps de refaire un bilan complet de votre organisme.

De multiples tressaillements parcourent le corps étendu, signe que l’organisme reprend de la vitalité. Peu à peu, il reprend des couleurs : bleu, vert, rouge, noir et blanc. Certes, les couleurs sont encore ternes, mais, une fois leur vivacité et leurs dégradés recouvrés, le subtil mélange indiquera à tous que ce Reken est incontestablement un Reken.

« - Je vais faire glisser le couvercle de votre caisson, dès que vous le voudrez, vous pourrez vous mettre en position assise.

- Pas maintenant !

- Comme vous voulez. Selon le protocole, je dois vous poser quelques questions pour vérifier votre mémoire et vos capacités cognitives. Êtes-vous d’accord pour cette opération ? Normalement, vous avez maintenant la capacité de répondre. On commence ?

Un son rauque ponctué de toux se fait entendre. La première voix non mécanique depuis presque un million d’années…

« - Oui !

- Quel est votre groupe ethnique ?

- Reken

- Votre nom ?

- Narwen

- Votre fonction en ces lieux ?

- Tsechen-coordinateur membre de ce qu’il reste de l’URBAS

- Quelles sont vos prérogatives ?

- Analyser les données qui me sont fournies par l’I.A. centrale et par les responsables de la bonne marche de la cité. Les synthétiser, prendre des décisions et les faire exécuter.

- Bien. Nous allons passer à un autre type de questions. Quel est votre dernier souvenir ? »

Le corps de Narwen se crispe. Lentement une sorte de feulement de colère sort de sa bouche. Le premier souvenir qui lui revient en mémoire est la dernière pensée qu’il a eue au moment de s’endormir.  Colère contre la cause de l’exode de son peuple vers les temps futurs : la guerre ; une guerre perdue !

Revivant en mémoire le quasi-génocide planétaire de sa race, des races, qui composent son peuple, son feulement se transforme en un hurlement de rage. Les survivants n’avaient pas eu d’autres choix que celui d’une fuite dans le temps.

L’expérience des temps passés leur avait appris l’inanité de la guerre.

Pourtant, ils n’avaient pas négligé l’art de la guerre, peut-être par coutume, peut-être aussi en raison de certaines découvertes sur des planètes lointaines. Ainsi, leurs équipements militaires étaient bien supérieurs, à tous les points de vue, à ceux des envahisseurs. Mais, l’analyse des vestiges sur les exoplanètes ne les avait pas assez préparés à affronter cet ennemi. Un peuple qui défiait toute logique ; une plaie purulente pour l’ensemble de l’univers.

Technologiquement inférieure, cette masse avait pour elle le nombre et l’absence de respect pour la vie, quelle que soit sa forme. Transformer une planète en un désert aride et se multiplier encore et encore semblaient être le but ultime de cette engeance.

Les dieux soient loués ! Le cadavre d’autres civilisations extra-terrestres les avait avertis du danger. Ils avaient eu la présence d’esprit de construire des abris en prévision de cette rencontre qu’ils présentaient inéluctable. Ainsi, leur tactique ultime, si le pire devait arriver, était celle du lézard qui simule la mort pour tromper son prédateur. Comptant sur l’œuvre de la grande horloge pendant un million d’années pour ressusciter la vie dans toute sa splendeur sur Exerys. Peut-être auraient-ils une chance, dans un lointain futur, de pouvoir un jour reconstruire leur monde. Peut-être aussi, pourraient-ils, espéraient-ils, un jour au détour de l'espace, demander des comptes à cette race maudite, si elle n’avait pas déjà rencontré plus fort qu’elle.

« - Tsechen. Ça va ?

- Non ! Très mauvais souvenir.

- À noter : à cette question des patients peuvent avoir de très mauvaises réactions : augmentation notable de la température, de la tension, une crise de colère…

- Hé ! Ho ! la machine c’est à moi que tu parles ?

- Non, désolé ! c’est à l’adresse de l’I.A. centrale. Parmi les 1 047 552 autres patients, il est fort probable que vous ne soyez pas le seul à avoir ce type de réaction. Pour tout dire, votre réaction à cette question n’est pas inscrite dans mes algorithmes. Résultat : chose quasi impossible, moi et l’I.A. centrale avons eu quelques centaines de secondes de bug.

- Bien. On reprend ?

- Pouvez-vous me citer, par ordre d’importance, ceux qui sont à réveiller en priorité dans le protocole de réveil ?

- Trois maraichers, deux éleveurs, cinq cuisiniers

- Excusez-moi Tsechen, mais j’ai demandé de les citer par ordre d’importance

- Oui, on est bien d’accord ! Mais c’est mon ordre d’importance pour le moment et ceci pour une bien simple raison : j’ai faim !

- L’intérêt collectif doit passer avant l’intérêt personnel

Narwen se redresse dans son sarcophage. Son regard devient noir.

- J’ai FAIM… Je reprends dans l’ordre désiré : cinq médecins ; dix superviseurs entretien général ; huit superviseurs fabrications diverses ; quatre astrophysiciens ; un climatologue ; deux géologues ; trois biologistes, dont un spécialiste en biologie végétale et les deux autres en biologie du vivant. Soit quarante-trois forces vives, qui à l’inverse de certaines machines, vont avoir faim.

- On a compris ! les processus de synthétisation de l’alimentation ainsi que de récupération de l’eau dans l’atmosphère sont en cours. Il me semble que vous avez entièrement retrouvé vos capacités et votre esprit. »

Narwen sort de ce qui fut sa couche-prison durant de nombreuses, trop nombreuses spires de temps. Un sourire effleure son esprit. Il s’est endormi dans une des salles de mise en stase, mais il se réveille dans son propre bureau. Merci IRAL ! rajoute-t-il toujours silencieusement.  

Rien n’a bougé depuis son départ vers la salle de stase. Tous les objets sont à l’endroit exact où il les avait abandonnés lorsque, dernier être vivant réveillé des lieux, il s’était dirigé là où il devait dormir pour une presque éternité. Une bouffée de la légère appréhension qui l’avait saisi alors, flotte encore en arrière-plan dans son esprit. Les essais cliniques faits quelques siècles auparavant sur des volontaires, en phase terminale de vie, avaient tous réussi...À l’exception d’une Exten, décédée lors de la troisième phase de l’opération. Il est vrai qu’elle était déjà mourante quand elle s’était proposée comme cobaye. Quel était son nom déjà ? Ah oui : Slinarel … Obayaze Slinarel… Merci Obayaze ! et merci à tous ceux qui ayant ouvert la voie, nous ont permis aujourd’hui, de renaitre à une autre époque, mais toujours sur notre planète mère !

« - IRAL, j’aimerais avoir un exposé de la situation actuelle.

- Bonjour Narwen, bien dormi ? 

- C’est de l’humour ça ?

  La voix se fit presque glaciale

- Humour non intégré dans mes algorithmes de fonctionnement. Recherché formule de politesse la mieux adaptée à la situation, à votre situation Monsieur le Tsechen-coordinateur.

- Pas d’humour, mais un caractère de clapix. Tes concepteurs, Salke et Ristan, avaient mangé un mauvais glaphum, ce jour-là ?

La voix devient glaciale

- Veuillez reformuler votre question… Veuillez reformuler votre question… Veuillez...

- C’EST BON IRAL ! Exposé sur situation actuelle… Merci !

- Le Tsechen-coordinateur aurait-il mangé un mauvais glaphum ?

Exposé sur la situation actuelle :

Presque un million d’années se sont déroulées depuis la fin de la mise en condition et mise en sommeil de la base.  

Les conditions externes au complexe sont, pour le moment et selon les sondes, jugés viables, ce qui a amené au réveil du personnel de première ligne. Les analyses déjà faites doivent être complétées à l’extérieur afin de vérifier si tous les paramètres sont remplis pour une sortie de la base. …

Début de la phase de réveil de la population ; salles de réveil en condition et opérationnelles à 95%. Début du réveil des blocs 1 à 10.

 Zones de vie : opérationnelles à 60 %.  Pour les 40% restant, ce sont des problèmes de structure. Des expertises seront effectuées au fur et à mesure de la disponibilité des techniciens concernés.

Actuellement : Mise en place des priorités de réveil des personnels les plus essentiels.

Mise en route des filtres d’air : soit 95% du parc.

Mise en route des trieurs/séparateurs de l’air vicié : soit 98% du parc.

Mise en route du reste des chauffages : soit 97% du parc, les 3% restant ayant été affecté à la salle de réveil et au bureau du Tsechen.

Remise en service, secteur par secteur, des canalisations de distributions d’eau. Opération faite en très basse pression sous la surveillance des drones plomberie. Mise en eau complète après passage et autorisation des ingénieurs hydrauliciens et lorsque la température du complexe sera remontée au-dessus de 5Syb.

- Désolé de t’interrompre, mais une question me tracasse : Avons-nous des informations sur les autres abris ?

-  Je n'ai reçu aucune donnée. Le système de communication interabris est endommagé.

- Tâche prioritaire : réparer les communications interabris

- C’est noté.

- En ce qui concerne les zones de vie : 60% opérationnels

- C’est bien suffisant pour le moment.

- État des hangars et des autres structures de service et des productions primaires ?

- Hangars de la flotte : dégâts structurels et perte complète d’un vaisseau.

- Quel type ?

-Chasseur type Z1-K

- Autres dégâts dans la flotte ?

- Dégâts très importants sur quatre des cinq chasseurs restants. Dégâts importants sur le porteur F2-P, minimes sur le porteur F2-Q.

- Les spatiaux ?

- Intactes.

- Continu.

- Productions primaires : Cultures hydroponiques en cours de plantations. Élevage, en cours de sortie de stase. Nourriture présente assurée par les rations synthétisées.  Temps estimé de la consommation des rations avant la rupture des stocks : six mois. Estimation basée sans apport extérieur…

Production énergétique : la Géothermie est à 45% de sa capacité. En cours de réparation en raison de dégâts minimes sur les forages, mais en augmentation constante… Assemblage des photovoltaïques dès l’autorisation de sortie de la base. Le stockage des matériaux de base et les pièces pour les constructions extérieures sont intacts.

Je tiens à vous faire remarquer que la chaine des robots d’entretien a parfaitement fonctionné au cours de ces 998 527 ans

 

- On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! s’amusa Narwen

- Je n’ai pas bien compris cette phrase, mais il me semble y avoir décelé comme une pointe d’ironie amusée.

- Ah bon ? J’ai une autre phrase à ton service : le travail des uns fait le bonheur des autres.

- Merci.

- Du point de vue de la sécurité, au regard de la population actuelle en état de se déplacer, il ne doit pas y avoir de problème actuellement.

Un grand silence répond à la question de Narwen.

- IRAL ! tu m’entends ?

- Oui Narwen ! C’était une question ? Si oui : rien à signaler au sein de l’enceinte. La porte Est a brièvement activé le système anti-intrusion, il y a peu.

- QUOI ? Et c’est maintenant que tu me préviens ?

- Depuis votre mise en stase, ce n’est pas la première fois que cela arrive. Au cours des cinq cents premières années, il a été dénombré plus de deux mille activations. Les dispositifs visuels automatiques extérieurs m’ont toujours donné le même schéma : de la pluie qui active nos veilleurs et la présence d’un animal fouisseur, du minuscule slanuf au gros zemplou. Au fil des cycles, les dispositifs visuels extérieurs sont devenus inopérants. Peu à peu, les activations se sont faites de plus en plus rares. Finalement, j’ai classé cette activation dans ma mémoire-grenier au rayon : Faits répétitifs insignifiants.

- De quand date la dernière activation ?

- Un peu plus de deux heures avant la mise en route du processus de dégagement de la base.

- Si c’était une bestiole et qu’elle était restée dans les environs de la porte, il n’en reste rien.

Une petite série de trois bips renouvelés toutes les trois secondes se fait discrètement entendre dans le bureau de Narwen. Sur l’un des murs, en face du bureau de bois du Tsechen, un plan en relief de la base apparait. Trois petits points rouges s’allument sur un des murs de la base et clignotent au rythme des bips. Ils indiquent l’ouverture d’une porte donnant sur l’extérieur. Narwen tend un doigt vers les points.

- Bonjour Tsechen. Je suis Karial, temporairement chargé de la sécurité.

- Bonjour Karial. La raison de l’ouverture de cet accès ?

- Mission de reconnaissance biologique. Ils sont encore dans le sas, sous la douche de décontamination. Voulez-vous leur parler ?

- Oui… Bonjour les chanceux ! Quel est le motif de l’évasion massive de cinq biologistes ?

- Bonjour Tsechen ! Permettez-moi de rectifier : trois biologistes, un géologue, et un spécialiste des transmissions. Pour ma part, je suis spécialisé dans la biologie végétale, j’ai avec moi un biologiste de la diversité animale, et un biologiste spécialisé dans les éléments pathogènes. Le géologue pour vérifier les structures du terrain. Il le connait bien. C’est déjà lui qui en a fait le relevé, il y a 998 527 ans.

- Bravo ! Ça, c’est de la persévérance dans le travail ! Si cela se trouve, vous allez ramasser des cailloux qui sont nés en même temps que vous.

Le géologue se met à rire.

- Vous ne croyez pas si bien dire. Des grosses pierres, peut-être pas, mais des cailloux qui aujourd’hui doivent débuter leur transformation en gravillons et en sable, certainement !

Narwen sourit.

-Bien répondu ! Quant à toi, l’expert en communication, rends-nous vite nos yeux, nos oreilles et notre langue. Il nous faut pouvoir contacter au plus vite les autres abris.

Baissant le ton pour qu’ils ne l’entendent pas, il murmure d’une voix triste, « s’ils existent encore. », se reprenant, il rajoute à l’intention des explorateurs.

« Dès que vous aurez terminé vos rapports, je vous veux dans mon bureau. Et n’enlevez pas vos combinaisons de protections sous prétexte qu’il fait trop chaud. En quelques milliers de spires, tant de choses ont dû évoluer, dans un sens ou dans un autre, qu’il est prudent de considérer que nous découvrons une terre nouvelle où le pied de l’Exerys n’a jamais mis la main. Tant que nous n’aurons pas analysé vos rapports, il convient de considérer notre planète comme une terre hostile.

- Tsechen, en tant qu’expert en communications, je vais vérifier méticuleusement nos installations de communications proches et les rendre totalement opérationnelles.

Trois petits coups brefs, suivis de deux autres se font entendre

- Entre Viliack, la porte n’est pas fermée !

Le visiteur entre. C’est un Exten deux fois moins grand que Narwen, avec une apparence plus chétive. Une apparence seulement.  Sous son derme brun zébré de vert et de jaune, zébrures qui ont la particularité de changer de nuances au cours des saisons, se devine un corps musculeux, comme le sont également ses jambes et sa queue. Ce n’est pas pour rien que les Extens les ont, depuis toujours, surnommés les sprinteurs insaisissables.  

- Que la paix soit dans ton esprit, Narwen !

- Que la paix soit dans ton esprit, Viliack !

Narwen a toujours aimé cette salutation propre aux Extens. Celle-ci remonte à des temps extrêmement reculés. Elle fut surement une des phrases qui permit aux peuples d’Exerys de passer de l’état sauvage à celui de peuples civilisés, puis à celui de Peuples Civilisés Unis, et ce, malgré une histoire commune extrêmement chaotique. Pendant des siècles et probablement depuis le deuxième néolithique, elle fut la phrase, quasi sacralisée, prononcée avant toutes les réunions, dans tous les symposiums.

- La visite d’un grand ami est toujours un immense plaisir pour moi !

- Il en est de même pour moi, Narwen. Je viens à toi à deux titres : comme l’ami qui s’enquière de ta santé, mais également aussi au titre de médecin.

- Aïe ! quand la même phrase comporte du chaud et du froid, ce n’est guère de bon augure pour la personne concernée.

- Rien de grave, il s’est produit comme un léger dysfonctionnement lors de la phase deux de ton réveil. Ton robot assistant a eu quelques millisecondes de non-alimentation… et comme il était en fin de purge… Comme médecin spécialiste des nanites, j’ai vérifié dans ton sang si tu avais encore celles chargées de corriger les microlésions cryogéniques. Tu en as toujours.

- Grave ?

- Non, mais problématique. Pour schématiser :  tes anticorps défendent ton corps de toute intrusion organique ; les nanites le réparent. La présence des nanites en question était de suppléer, en début et en fin de stase, à la non-réaction de ton corps si un problème du genre mini thrombose, œdème, ou lésion cellulaire grave apparaissait. Le problème avec notre machinerie complexe, et somme toute assez fragile, c’est que le corps est un petit peu paresseux. Il prend assez vite l’habitude que quelque chose intervienne à sa place. Par exemple, pour une raison ou une autre, on apporte un fac-similé d’un agent chimique produit normalement par l’organisme, ce dernier ne va plus le fabriquer. Si l'on arrête le fac-similé, le corps ne reprendra la fabrication de la molécule naturelle qu'au bout d'un temps plus ou moins variable. C’est le problème de l’accoutumance. Tu es en parfaite santé, mais je préfère retirer ces nanites en surplus. Nous en avons suffisamment reçu dans les premiers jours qui ont suivi notre naissance, et une bonne variété, pour éviter ce surplus. 

- Bien. Au travail cher toubib !

- Puisque j’ai ton consentement éclairé... Une I.A.B.P-C.M attend derrière la porte. Je la fais rentrer et on y va ! Je te préviens, je vais t’injecter un léger sédatif avec une dose de Coulak et tu vas somnoler au moins quatre heures.

- Cela n’a pas d’importance. Pour le moment, je n’ai rien d’autre à faire qu’à attendre.

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