Satan et Cupidon

Par Dédé

 

— Arrêtez ! Arrêtez ! Je ne m'appelle pas Andréa... Ce que vous dites ne peut pas être vrai... Arrêtez ! Arrêtez !

— Mais, écoute-moi... Je sais que c'est difficile à entendre et que tu veux fuir la réalité à tout prix mais c'est la vérité !

— Je ne fuis pas la réalité. Je vous fuis, vous. Nuance !

— Mais tu es Andréa ! Ma femme, bon sang !

— Absolument pas...

— Mais bien sûr que si, enfin !

— Je vous garantis que non...

— Écoute la voix raisonnable de Cupidon qui te susurre à l'oreille mon amour pour moi.

— Vous avez perdu la tête pour de bon, ma parole...

— Peut-être que je t'aime à en perdre la tête, c'est possible.

— Mais admettez enfin que ce n'est pas réciproque...

— Cupidon ne me laisserait pas abandonner. Sa flèche est dans mon cœur pour toujours, tout comme mon amour pour toi.

— Aimez-moi de loin sans jamais croiser mon regard, je vous prie. C'est gênant, vous me faites un peu peur...

— Je ne peux t'aimer de loin. Mon amour m'oblige à être près de toi. J'ai besoin de toi, tu comprends ?

— Et moi, j'ai besoin que vous preniez vos distances !

— Mais c'est plus fort que moi...

— Alors soyez encore plus fort que ça !

— Mais Cupidon...

— Arrêtez avec vos Cupidons ! Cupidon ne vaut rien.

— Cupidon représente tellement pour les gens comme moi...

— Les gens comme vous ?

— Oui ! Les gens qui souffrent de leurs sentiments amoureux.

— Mais vous êtes vraiment pas bien dans votre tête...

— Tu n'étais pas aussi méchante avant... Andréa... Ton amnésie t'a tant changée... Je ne te reconnais plus...

— Combien de fois va-t-il falloir vous le dire ? Je ne suis pas Andréa ! Je suis méchante, je ne vous aime pas, vous m'effrayez... Tiens ! Je suis même Satan en personne !

— Satan ? Tu ne ressembles en rien à Satan...

— Actuellement, je me sens beaucoup plus proche de Satan que de votre Andréa. L'avantage avec l'amnésie, c'est que je peux me permettre d'être qui je veux. Et en votre présence, j'ai de violentes envies d'être Satan...

— Avant ton amnésie, tu adorais être ma petite peluche d'amour...

— Si c'est encore un délire insufflé par Cupidon, c'est niais et de très mauvais goût. Jamais je n'appellerai quelqu'un de la sorte, même Adrien !

— Adrien ? Alors, c'est vrai ? Tu es amoureuse de lui ?

— Je l'aime bien plus que je ne vous aime, si c'est votre question.

— Oh... Mon cœur saigne...

— Demandez donc à Cupidon de vous donner un pansement. Il a l'air si bon votre Cupidon.

— Mais pourquoi es-tu si cruelle, Andréa ? Pourquoi ?

— Je suis Satan, je t'avais prévenu...

— Tu n'es pas Satan, ce n'est pas vrai... Cupidon a aussi frappé ton cœur de sa douce flèche d'amour. Je sais que tu m'aimes encore au fond de toi.

— Je n'ai pas dû creuser assez profond parce que jusque là, je ne ressens aucune once d'amour à votre égard. Vous me révulsez, même !

— Que de violence ! Mon Dieu...

— Vous faites tout pour que je vous déteste.

— Sais-tu qu'il n'y a qu'un pas entre l'amour et la haine ?

— Un pas de géant alors !

— Un tout petit pas...

— Et sinon, si on laissait Cupidon, l'amour et les petit pas de côté ?

— Non...

— Non ?

— Non. Je ne le veux pas. Ça voudrait dire renoncer à toi et je m'y refuse, j'ai dû te le dire quarante-deux fois déjà !

— Vous savez que plus vous parlez et plus j'ai envie de tuer votre petit Cupidon chéri de mes propres mains...

— Vraiment ?

— J'ai envie de faire d'atroces choses à Cupidon ! Si seulement ça pouvait me permettre d'avoir la paix...

— Et que ferais-tu à ce pauvre Cupidon qui n'a rien demandé ?

— Je l'étoufferai avec mon oreiller au réveil.

— Dès le réveil, tu lui ferais du mal ?

— Matin, midi, soir et nuit s'il le faut.

— Et s'il résiste à l'attaque au réveil ?

— Alors j'attrape sa tête de chérubin et je le noie dans mon bol de céréales.

— Et s'il aime le lait ?

— Je lui enfonce la tête dans le siphon de la douche.

— Quelle violence... Mais je reste persuadé qu'il survivrait à de telles attaques !

— Dans ce cas, je me débrouille pour le jeter sous les roues d'un bus, pour l'emmener à la décharge, pour le jeter dans les égouts... Je vais me débrouiller mais j'aurais sa peau avant qu'il ait la mienne.

— Mais Cupidon n'est-il pas immortel ?

— Franchement, vous me cassez les pieds ! L'immortalité ? Vous n'avez pas trouvé autre chose comme répartie ?

— L'immortalité est une arme extrêmement puissante, Andréa.

— Ne m'appelez pas Andréa, je vous dis... Et encore une fois, vous me faites vraiment peur...

— Avant, tu m'aimais d'un amour inconditionnel et immortel.

— Si, et j'ai bien dit si, c'était le cas, maintenant c'est fini tout ça...

— Tu es sûre ?

— Vous savez... Quand j'y pense, je me dis que mon amnésie est un signe de l'Univers. Je devais être malheureuse avec vous, et l'Univers m'a fait un énorme cadeau en effaçant toute mon ardoise de souvenirs pour ainsi me permettre de vivre une nouvelle vie. La vie que j'étais supposée avoir. Si ce que vous dites est vrai, vous n'auriez été qu'une simple erreur de parcours. Une erreur qui m'aurait emprisonnée et empêchée de connaître ma véritable destinée, ma fin heureuse avec Adrien...

— Ta fin heureuse est avec moi !

— Non, je ne crois pas !

— Arrête tes faux airs sataniques et reviens à la maison, Andréa... Je t'en prie...

— Il n'en a jamais été question et je ne reviendrai jamais. Je ne sais plus comment être plus claire que ça...

— Tu m'autorises donc à tourner la page, à refaire ma vie ?

— Mais je vous y autorise plutôt deux fois qu'une !

— Tu es sûre ?

— Lorsque vous vous marierez, je pourrais même officier la cérémonie tellement votre existence ne me fait ni chaud ni froid, je vous dis.

— Tu en es absolument sûre ?

— Je n'ai jamais été plus sûre de quoi que ce soit...

— Très bien, je demande parce qu'il se peut que quelqu'un d'autre prenne ta place dans ma vie. C'était complètement inattendu mais ça a été le coup de foudre dès le premier regard sur le divan...

— C'est très bien pour vous, tant que vous me fichez la paix !

— Elle lit dans mon âme comme dans un livre de psychologie, elle a des dons d'interprétation incroyables, elle aime énormément les divans, elle sait écouter... Elle est aussi de bons conseils. Dans un sens, elle me rappelle un peu toi avant ton amnésie.

— Soit, grand bien vous fasse.

— Maintenant que j'ai la certitude que nous deux, c'est fini, j'aimerai bien qu'elle me lise ses théories freudiennes avant d'éteindre la lumière pour rejoindre Morphée.

— Je ne veux pas chipoter mais nous deux, ça n'a jamais commencé...

— Bref, je veux arrêter de me battre pour toi. Ça me fait beaucoup trop de mal, tu sais...

— Et moi, je commence à avoir mal aux oreilles d'entendre vos histoires sur Cupidon et Freud depuis tout à l'heure.

— Je ne t'embêterai pas plus longtemps, Andréa...

— Jane, je m'appelle Jane !

— Jane. Maintenant que l'on a convenu que tu n'es pas ou plus ma femme, je peux essayer de t'appeler Jane mais je risque d'avoir quelques difficultés.

— Si l'on ne se parle pas, le problème ne se posera pas.

 

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