Sarah cherche Juillet

Par Yeeerzo
Notes de l’auteur : La partie en italique est d'Aragon. J'ai écrit ce conte autour d'elle, en espérant qu'il vous plaira.

Sarah ne vient pas d'ici, elle vient d'ailleurs, là où sa peau mate ne frissonne pas sous la nuit. Elle déteste ce vent qui semble rieur et qui n'en a que faire de la voir pleurer son pays. Timide, elle essaye de se faire des amis et d'oublier ceux restés au loin. Sarah n'aime pas danser, elle reste souvent seule assise dans son coin. Par contre, elle aime aller à la mer, croit apercevoir ce qui lui manque à l'horizon. Elle se ment à elle-même, le sait bien, mais persiste à croire en l'arrivée de la nouvelle saison.

Malgré cette désagréable fraîcheur, Sarah retourne près de la vaste étendue d'eau, un soir. Avec le même regard perdu que celui qu'elle arbore, se tient une silhouette, près du phare. Elle rencontre ce garçon à la peau plus claire mais aux yeux plus sombres que les siens. Il lui fait penser au soleil qui traverse les feuilles et chasse la lune en séchant ses pleurs. Lui ne regrette rien, il se contente d'imaginer. Rêve des pays lointains qui ne finissent jamais enneigés. Elle, elle lui raconte, entre deux nuits enflammées, les jours où, petite, elle allait se baigner dans son lac préféré. Enfin, Sarah trouve un phare qui, plus que l'éclairer, peut la réchauffer et la guider jusqu'en Juillet.

Puis, elle et lui, se perdirent de vue. Elle pensait ne plus le revoir, mais grâce à lui voyait le monde différemment. Sûrement avec une touche d'espoir. Il ne se passa que quelques mois pour elle, des années pour lui. Comprit quand elle le revit.

Ta peau n'est plus douce. Elle est devenue rugueuse, presque sèche. Il y a quelque chose que tu as perdu, plus important que tout le reste : tes yeux ne rient plus. J'en ai même peur, car ils portaient en eux tout l'espoir du monde et peut-être plus encore. Mais ton sourire, gentiment moqueur, est tombé sagement triste comme le reste de ton corps. Tes mains étaient curieuses bien qu'hésitantes. Maintenant, l'une tient sûrement sa cigarette pendant que l'autre reste cachée dans la poche de ton vieux blouson. Finalement, il n'y a que lui qui n'a pas changé. Après tout, il était déjà usé lorsque l'on s'est rencontrés.

Ce jour-là, tout lui revient en mémoire et elle revoit ce pays comme elle n'aurait plus dû le voir. Comme il le lui avait promis. Sarah vit comme Marie meurt et elle est maintenant sûre d'une chose : l'amour s'achève avec la pluie comme la vie s'éteint avec le cœur. Elle n'aura jamais aimé cet endroit, triste à en pleurer, presque volontairement sourd à la joie. Finit par penser que ses habitants n'y sont pour rien, ne récoltent que ce que leur terre leur donne, lorsqu'elle le veut bien. Sa cabane lui manque tout comme le soleil de midi, ses parents et ses amis aussi. Jamais elle n'aura autant pleuré, que dans un pareil pays qui ne connaît pas l'été.

 

 

Mes pensées à Aragon et Eric Rohmer

Yerzo

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itchane
Posté le 25/10/2021
Hello !

Décidemment, il y a donc bien une grande mélancolie et nostalgie qui se dégage de tous ces textes.

J'ai beaucoup aimé cette rencontre entre celle qui a connu et celui qui s'imagine un même pays, au point que les rêves de l'un déteignent sur les souvenirs de l'autre.

Et je trouve aussi très belle cette dernière image d'un pays qui ne connaît pas l'été.

Toujours aussi beau et réussi, bravo ! ♥
Je pars découvrir le dernier des quatre : )
Yeeerzo
Posté le 30/10/2021
Merci beaucoup !
Edouard PArle
Posté le 14/10/2021
Coucou
La prose en rimes est très agréable à lire, c'est un format que j'aimerais plus voir sur le site.
Bravo pour ta plume, j'ai encore passé un très bon moment (=
A très bientôt !
Yeeerzo
Posté le 14/10/2021
Encore merci à toi !
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