Réveil difficile

Je me réveille au milieu de cadavres de bouteilles. Il fait à peine jour et je baigne dans mon vomi. J’ai la tête dans un étau, la nausée, la trouille. Je me redresse. Ça cogne. Fort. Je dégueule à vide. Je m’effondre et me rendors en espérant que ça va passer. Quand je rouvre les yeux, il est midi. À peu près. Ça cogne encore, mais un peu moins fort. J’arrive à me relever. La nausée est presque partie. Je me traîne jusqu’à la salle de bain, je retire péniblement mes vêtements et j’entre dans la douche. Je fais couler l’eau. Le jet glacé me donne envie de hurler. Je règle la température. Une douche bien chaude, mais pas trop. J’attrape un savon et je me frotte mollement. Je n’ai pas d’énergie pour me frictionner alors je m’attarde longtemps en espérant me récurer suffisamment pour me débarrasser de l’odeur et des résidus de vomi. Je reste un long moment, je profite du semblant de bien-être que me procure le jet chaud. Je finis par m’en extirper.

 

Une fois séchée et habillée, j’avale une aspirine et je retourne me coucher. Cette fois, je prends le temps d’aller jusque dans mon lit. Je m’enroule dans les draps et je plonge dans un profond sommeil, pourvoyeur d’oubli. En guise de sommeil profond, je passe un moment agité, hanté de rêves, de peur et de cris. Le visage du serveur de la veille est de la partie et je réalise qu’en couchant avec lui juste après avoir appris, je l’ai lié à tout jamais à ma maladie.

 

Cette fois, quand j’ouvre les yeux, il est tard. J’ai faim. Ce qui veut dire que je ne vais plus vomir. Ma tête va presque mieux. Je reprends un cacheton, que je fais passer avec un café. Pendant que je grignote, je me dis que, putain, je suis vraiment conne de m’infliger gratuitement un avant-goût de ce que la chimio me réserve pour très bientôt. Mon regard se promène et s’arrête sur mon sac à main. Je vois mes papelards de cancéreuse qui dépassent. Je m’occuperai de ça demain. Je ne sais pas ce que je vais dire à mon boulot. Rien, sans doute. Ma famille ? Je ne veux pas de leur inquiétude, de leur soutien, de leur fausse sollicitude, de leurs angoisses, ni de leur terreur. J’ai déjà les miennes qui me dévorent aussi sûrement que le cancer me grignote gentiment le nichon. Ça se passe entre lui et moi. C’est un combat à mort sans témoin.

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