Rêve mi-seiche, mi-raison

Par Unam
Notes de l’auteur : Juste parce que...

(Photo de Masaaki Komori sur Unsplash)

Dieu est un poulpe. Il m’a dit – ou peut-être était-ce Elle, car le poulpe est hermaphrodite n’est-ce pas ; bref, sans manquer de me rappeler l’incomplétude de l’être, Dieu le poulpe m’a dit : « Tu as une histoire à écrire, conte-la à l’encre de ta meilleure vie », ce qui, en soi, est absurde car comment pourrai-je vérifier que ce fut la meilleure d’entre toutes, quand viendrait la fin ?

Alors je lui répondis quelque chose qui surprit ma bouche autant que l’atmosphère entre nous et qui se transcrit ainsi : « Vous avez dit ça déjà la dernière fois. » Nous nous regardâmes un instant infini, ses yeux globuleux ne laissant transparaître aucune émotion. Me répondrait-on si je demandais encore ? La bête n’est pas d’un naturel très causant. Mais, après tout, on en était là, Il ou Elle avait quelque chose à me dire et je me jetais à l’eau : « J’ai droit à combien de vies ? » dis-je sans détours. « J’ai combien de jambes ? » me répliqua-t-on sèchement. Un Dieu, ça ne fait pas de réponses directes. « D’accord. Alors, j’en suis à combien ? » Là, on ne me répondit plus. Une déité, ça aime aussi les énigmes. 

Obligé de quitter l’arène en ayant eu le dernier mot mais sans réponse définitive j’eus si tôt fait d’oublier cet échange-clé pour cause de notification Whatsapp intempestive : un nouvel être était né à l’autre bout de la planète ; je m’empressais d’envoyer des cœurs et des bisous tout plein à la petite créature fripée, chauve et sans dents emmitouflée dans sa layette moelleuse sur mon écran. C’est impressionnant ce que les nouveau-nés ont en commun avec le troisième âge. Reviennent-ils d’une vie qui s’est mal terminée pour faire un nouvel essai ? Comme dans un jeu vidéo où, une vie perdue, on se remet en selle, chargé à bloc, avec en tête une idée fixe, un seul objectif : le monde d’après ! 

Le soir venu, allongé dans mon anémone de mer, je me laissais bercer par les courants qui viennent de loin, et qui portent en leur houle un flot d’idées nouvelles. Le regard fixé vers la surface où tout brille et où rien n’est stable, j’observais ces idées se former, s’agrandir, se déformer et disparaitre au gré des vagues, pointes salines soufflées du bout du vent. Ce soir-là, la mer était calme mais je sentais venir l’orage. Au large, vu d’en-dessous, une tempête arrive sans prévenir : on sait que ça chauffe là-haut mais en profondeur tout est calme. En profondeur, tout est toujours calme. C’est un peu le problème parfois ; le risque c’est de s’ennuyer. Mais observer le remue-ménage d’en bas, ça bouge les meubles à l’intérieur. Dieu a raison, je ne peux pas m’endormir sur mes coraux quand le monde respire autour de moi.

Je m’assoupis pourtant en pensant à la meilleure vie d’Henri, mon nouveau neveu. Si Henri vivait sa meilleure vie, la meilleure d’entre toutes, il aurait des parents aimants qui le cajoleraient tout le temps, surtout quand il en aurait besoin, des parents qui s’aimeraient et qui seraient heureux d’être ensemble, d’être une famille. Ils joueraient ensemble, souvent. Et riraient beaucoup. Ils encourageraient Henri dans toutes ses découvertes et auraient beaucoup d’amis avec qui ils continueraient à découvrir le monde et à rire beaucoup. Henri aussi aurait beaucoup d’amis avec qui il jouerait tout le temps, même à l’âge adulte, et avec qui il continuerait à rire beaucoup et à découvrir le monde. Tout serait facile, joyeux et plaisant pour Henri. Tout doucement, je trouvais la paix dans le sommeil, le cœur plein d’amour – et de craintes, pour Henri. 

Le lendemain je me réveillais rafraichi et prêt à jouer mon rôle, dans la vie d’Henri, et dans la mienne, dans l’espoir d’une vie meilleure.  

La nuit d’après, Dieu m’apparut encore, sous la forme d’une araignée cette fois-ci. J’étais terrifié car j’ai une phobie des araignées. Il ou Elle m’a dit – de nouveau, je n’ai pas pensé à vérifier le sexe – : « T’as encore rien compris! J’me demande pourquoi j’me décarcasse des fois! »

Allez comprendre…

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Cocochoup
Posté le 17/06/2020
alors on peut dire que cette entrée en matière est réellement énigmatique et intrigante! Je suis très curieuse de lire la suite pour savoir où tu emmènes .
En tout cas j'ai déjà relevé quelques phrases que j'ai énormément aimé; je suivrai la suite avec attention!
Unam
Posté le 30/06/2020
Salut Cocochoup,

Ah non, c'était pas censé être une nouvelle, juste un essai, sans queue ni tête (et probablement sans suite😅)
Mais merci beaucoup de t'être arrêtée par ici et merci pour tes commentaires.
Peut-être que ça me donnera des idées pour une autre histoire ceci-dit...🤔
Vous lisez