RETOUR Á ITHAQUE

Euryloque 

Que s’est-il passé Ulysse ?

Ulysse

Tu me reconnais donc, Euryloque ?

Euryloque 

Comment pourrais-je t’oublier Ulysse, mon capitaine. J’ai juste un peu la nausée et comme un voile sur mes souvenirs. Il s’est passé quelque chose de grave ?

Amphidamas

Moi aussi, je me souviens que j’ai oublié un truc important.

 

Ulysse prend ses compagnons dans ses bras, tout joyeux.

 

Ulysse

Quel soulagement de vous retrouver à nouveau chers compagnons ! Nous venons d’échapper à un bien terrible malheur. Peut-être le plus grand que nous ayons jamais affronté jusqu’à aujourd’hui. Car quoi de pire que l’oubli de notre foyer, de nos femmes et nos enfants, nos mères et nos pères…

Politès

Et nos cousins et nos neveux !

Amphidamas

Et nos grands parents !

Euryloque

Et nos frères et sœurs !

Politès

Et nos frères qui sont devenus des sœurs et qui aiment des frères et des sœurs qui aiment d’autres sœurs et qui sont devenus des frères et des moitiés frères et des moitiés sœurs et qui sont devenus ou qui voudraient devenir des…

 

Il s’aperçoit que tout le monde le regarde intensément.

 

Politès

(A Ulysse) Mais pardon, je t’ai coupé. Tu voulais dire un truc… ?

Ulysse

Je sais que votre famille vous manque. Mais réjouissez-vous, compagnons d’infortune ! C’est l’heure du retour. Encore quelques mois et nous pourrons serrer dans nos bras…

Euryloque

Nos femmes et nos enfants…

Amphidamas

Nos mères et nos pères…

Politès

Nos frères…

Ulysse

Oui, oui. Voilà. Toute la famille ! Même les familles recomposées ou genrées. Tout le monde !

 

Cri d’allégresse des marins.

 

Ulysse

Mais avant cela, prions Poséidon de rendre clément notre voyage de retour. « Dieu de la mer, fais que celle-ci soit calme et paisible et qu’elle danse le long des golfs clairs au son de la lyre d’Appolon ».

 

Cri d’allégresse des marins.

 

Ulysse

Et maintenant, compagnons d’armes, embarquons !

 

Cri d’allégresse des marins, sauf un.

 

Politès

Pardon. Désolé de casser l’ambiance, mais embarquer sur quoi ? Nous n’avons plus de bateau.

Ulysse

Ah, oui. J’avais oublié. Mais qu’importe ! Regarde en face de toi, Politès. Que vois-tu ?

Politès

Une forêt.

Ulysse

Regarde mieux.

Politès

Ben… je vois des arbres.

Ulysse

C’est du bois, n’est-ce pas ?

Politès

En principe, oui.

Ulysse

(Lui tendant une hache) Prends cette hache et laisse aller ton imagination. Que vois-tu maintenant ?

Politès

Heu… ? Ah ! Oui, je vois où tu veux en venir, mais… pff… il y a du boulot.

Ulysse

Du chêne aussi.

Politès

Non, je voulais dire, il y a du… ça ne va pas être de tout repos…

Ulysse

Nous nous reposerons quand nous serons morts, Politès. En attendant, tu vas me faire un fameux trois mâts, fin comme un oiseau. Hissez haut !

 

Alors que les hommes se mettent au travail en chantant « Santiano » d’Hugues Aufrey, le vieil Ulysse entre, vient chanter un moment avec eux, puis s’adresse au public. La musique joyeuse change et devient inquiétante.

 

Odysseus (narrateur)

Dois-je encore préciser que notre joie fut de courte durée et que nos espoirs de revoir nos familles furent de nouveau mis à sac par la volonté impitoyable des Dieux. Une mer changeante, violette ou grise selon l’humeur des vents. Une mer immense, vide et inhumaine. Nous sommes déjà dans un autre monde. Par une nuit d’errance, nous naviguons à vue quand un brouillard dense entoure notre nef d’ébène. Plus aucun moyen de se repérer. Brusquement des gros rouleaux nous échouent, une fois de plus, sur le rivage comme si une main divine, jouait avec nous et nous déposait où elle le souhaitait selon son bon plaisir. Et la suite allait être tout sauf une partie de plaisir. Car sans le savoir nous venions de débarquer au pays des géants.

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JeannieC.
Posté le 04/07/2022
Re !
>> "Dieu de la mer, fait que la mer soit calme et paisible" > fais que ? et la redite de "mer" est voulue ?
Une plaisante scène de transition, avec les vannes autour de la famille et le sérieux du pieux Ulysse qui ne manque pas de prier Poséïdon quand même. J'ai souri à voir Ulysse perdre quand même lui aussi la carte à un moment donné, à oublier qu'ils n'avaient plus le navire. Mais c'est parti pour se la jouer Noé sur l'air de "Santiano" !
"Une mer immense, vide et inhumaine." Cette phrase est très belle, avec ce rappel de l'inhumanité de la mer pour les Grecs, la terreur de l'impossible sépulture et de l'oubli dans son ventre.

Toujours un plaisir !
A bientôt !
Larsenac
Posté le 04/07/2022
Re aussi !
Merci de pointer les petites fautes et tu as raison, la redite est involontaire et elle m' échappé. Je vais y remédier. La langue française est suffisamment riche et variée pour éviter de répéter les mêmes mots surtout dans la même phrase.
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