Prose vulgaire

Ce serait vulgaire d'être heureux. C'est vrai, le bonheur ce serait l'affaire des tapageurs, une sordide histoire d'impudeur. Parce que c'est obscène de chanter les beautés qui meurent, de danser sur des champs stériles, d'écrire des mots d'amour sur des autels en ruine. C'est une manière de cracher sur le monde un arc-en-ciel malade, pâle comme l'est novembre, et de se réjouir : insulte ! Les saintes montgolfières aux couleurs vives, aux motifs bariolés - aéronefs sans texture - qui cernent le périph' de leur imposante absence au sein d'impropres représentations mentales : insulte ! Croquer des fa bémol sans même savoir ce qu'un fa bémol goûte : insulte !
    C'est vrai le bonheur a quelque chose de grossier et quelles ignobles fleurs vais-je bien pouvoir planter sur des boulevards en feu ? Il y a de l'indécence dans mon rire quand la veuve pleure son mort. Tous nos plaisirs sont vils, tous nos cynismes gais !
    Pourtant je chante les éclats ridés de passés dont je ne sais pas trop s'ils étaient plus prospères. Je danse à l'épuisement dans les fragiles aquarelles du bas empire - magnifiques lumières sur des eaux ascendantes. J'écris tout ce que j'ai d'amour et de béat lyrisme dans des recueils sans équilibre, peinturlurant grossièrement la toile blanche d'un chevalet bancal. Sans cette vulgarité-là, moi, je n'aurais pas pu vivre.

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Eska
Posté le 08/02/2023
Bonjour Adrien,

J'ai pris le temps ces derniers jours de me plonger dans ce recueil et le termine à l'instant.
Il me semble important en préambule, de dire que ma culture littéraire à parfois fait défaut, et que j'ai certainement manqué quelques unes des références les plus fines dans certains textes malgré mes recherches !

Cela étant dit, je me suis régalé. Des vers doux amers à la mélancolie amoureuse mâtinée de douceur qui traversent ces textes, on est transportés ailleurs, dans un cœur étranger, le temps d'une lecture. Le lexique employé est d'une richesse rare, et manié avec adresse. Je dirais aussi, au regard de ce que j'ai mentionné en préambule, que la puissance évocatrice de tes poèmes est simplement formidable. Bien que n'étant pas muni de toutes les clés, j'ai toujours été emporté par les images, les atmosphères que tu sais faire infuser en peu de mots. J'ai toujours pu ressentir ce que tu souhaitais transmettre. Cela, je pense, en dit long sur les qualités de ces vers.

Je pourrais citer beaucoup de strophes pour leurs qualités, mais je conclurais avec la suivante : "Pourtant je chante les éclats ridés de passés dont je ne sais pas trop s'ils étaient plus prospères. " Superbement juste.

Bref, bravo, tout simplement !
Adrien Vermeil
Posté le 09/02/2023
Merci infiniment pour ton message, qui me va droit au cœur, vraiment. Je suis touché par ce que tu dis au plus haut point. Et je suis si heureux que ma poésie ait réussi à te « parler » à ce degrés. Bien sûr, c'est avant tout un plaisir intime que l'écriture poétique, mais il y a dans le partage de cette intimité un plaisir d'une autre nature - je suis sûr que tu comprends ce que j'essaie de dire même si je l'explique d'une manière un peu obscure. Je te remercie pour ta lecture et ton enthousiasme, qui m'ont - il faut bien le dire - ému à la lecture de ton commentaire. Au plaisir de te lire bientôt !
Mnémosyne
Posté le 22/01/2023
Une réflexion bien amenée par un titre clairement annonciateur. J'aime beaucoup suivre ces bribes d'idées qui partent en arborescence. Une "prose vulgaire" et en même temps, vraiment poétique. J'ai un coup de cœur pour ce passage : " Parce que c'est obscène de chanter les beautés qui meurent, de danser sur des champs stériles, d'écrire des mots d'amour sur des autels en ruine."

Au plaisir de te lire !
Adrien Vermeil
Posté le 03/02/2023
Merci beaucoup pour ton message !
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