Prologue: Ailes brisées

  Les cris des enfants, les pleurs des mères, le son des pas des soldats armés de leurs épées. Tout ne lui semblait être qu'un cauchemar. La ville était ravagée par les flammes tandis que des corps gisaient sans vie au pied d'une armée tâchée de sang. La jeune fille regardait de ses yeux d'enfant mourir un par un tout ceux qu'elle aimait. Le monde s'était recouvert d'un voile rouge tandis qu'elle se cachait dans les décombres de sa maison, sa mère la tenant fermement dans ses bras. Irène lui donna une dague avant de lui lancer un dernier regard et de lui murmurer à l'oreille: « Ne le laisse pas te voir ma fille. Je t’aime. »


  Ce furent les derniers mots que la jeune Laria entendit de sa mère avant qu'elle ne se jette sous l'épée de l'ennemi dans le souhait désespéré de sauver son unique enfant. Laria étouffa un cri tout en regardant la scène du coin de l'œil. Le corps froid de sa mère regardait dans sa direction. Elle, qui avait tant pris soin d'elle alors qu'elle n'était pas liée par le sang, avait enfin rejoint son bien aimé. Cette femme, qui s’était battue toute sa vie, dans ce monde où elfe, fée et humain se faisaient la guerre avait enfin rejoint son mari, laissant derrière elle une petite fée, une simple enfant qui en avait déjà trop vu. La jeune fille de cinq ans à peine venait de perdre la seule famille qu'elle avait. C'est alors que le soldat commença à s'approcher d'elle. Le corps encore secoué par les sanglots, Laria commença à courir, mais l'homme tira une flèche qui se logea dans son aile gauche. Sans s’arrêter, elle continua sa route dans les décombres et les cadavres de son village, se cachant dans les gravats jusqu'à arriver à l'orée de la forêt. Son aile était lancinante et elle arracha d'un coup sec la pointe de la flèche dans un cri étouffé par les pleurs. Son aile au reflet de lune avait maintenant une déchirure béante, mais malgré la douleur et la peur, elle ne pensait plus qu'à se venger. Les humains étaient si cruels et avides de pouvoir qu'ils étaient prêts à tout pour arriver à leur fin. Ils avaient décimé son peuple qui avait fini par s'isoler dans un endroit secret et maintenant ils avaient tué la seule famille qu’elle avait pour un coup d’état. Leur ambition et leur égoïsme les empêchaient de voir ce qui étaient sous leurs yeux. Elle avait perdu sa mère car quelqu’un avait voulu s’emparer du pouvoir et pour cela il avait dû tuer ce qui se dressait en travers de sa route. Un tyran en remplaçait un autre, détruisant tout sur son passage. On venait de lui arracher sa famille et son aile, symbole de son ascendance féerique. Elle arracherait tout à son tour à celui qui avait tué sa mère. Elle prit alors la dague mise soigneusement dans la poche de sa robe teintée d’un rouge sang et commença à couper la fine membrane de son aile. Elle fourra un morceau de tissu dans sa bouche pour s’empêcher de crier. Elle qui avait toujours détesté ses ailes qui la différenciaient des humains, elles les arrachaient enfin de ses mains. Il n’y avait plus personne pour veiller sur elle maintenant et ses ailes qu’elle ne savait même pas utiliser n’étaient qu’un poids. Aurait-elle même été capable de voler après une telle déchirure? Laria était capable de camoufler ses petites oreilles pointues sous son épaisse couche de cheveux noirs, mais ses ailes étaient trop encombrantes. Elle n'avait maintenant plus ce poids qui l’empêchait de complètement s'intégrer. Mais pourrait-elle au moins s'intégrer en étant orpheline? Elle n'en savait rien mais dans ses yeux bleus glacés brillait une lueur de vengeance. Elle s’en sortirait et elle ferait payer à tous ceux qui avaient contribué à ce massacre. Elle les tuerait tous jusqu'au dernier. Ce n'était peut-être que les divagations d'une enfant effondrée par la mort de ceux qu'elle aimait mais elle survivrait et tuerait les investigateurs de ce bain de sang. Elle se le jura au fond d'elle, qu'importe le moyen elle leur ferait payer. Son corps frêle se releva alors de la boue dans laquelle elle s'était assise tandis que les hurlements du champ de bataille plus loin résonnaient toujours à ses oreilles. Ses longs cheveux noirs de jais avaient pris les teintes rouges du sang tandis que son regard fixait la lune cachée par les nuages.