Prologue

 

Gardienne de l’eau, gardienne du temps. Trouver sa place auprès du vent. Regarder sans nommer, ouvrir ses yeux d’enfants. Sentir ce soleil si doux qui invite au rêve. Ici tout est calme, pas un bruit, pas un frémissement. Est-ce ainsi le monde d’avant ? Mais la magie se brise déjà et le temps reprend ses droits, son inexorable marche en avant. Un jour de confinement, un jour de contemplation. Un moment entre soi et soi, plus d’échappatoire. Se regarder en face sans distractions.

Je vois le monde, sa vérité, la vie telle quelle est. Loin des artifices, des trompe l’œil, des masques qui nous dissimulent. Nue face à l’océan. Tout est encore possible, infinie profondeur de mon âme… Que de mondes à explorer, que de temples à révérer. Plonger au cœur de son histoire, en remonter la perle de son brouillard, se laisser happer par la lumière en dedans… Il est temps pour moi de franchir la frontière, d’aller plus loin que mes barrières. Je suis sur le seuil et je m’apprête à faire un petit pas. Un saut dans mon néant. Ici je n’ai plus peur, les doutes veulent revenir en plein champs mais ce sont maintenant des voix lointaines. Il faut plonger. J’ai presque hâte. Excitation. Qu’y a-t-il en bas ? Aujourd’hui il est temps que je franchisse le néant et que je plonge dans le fond du … bol que tu me tends.

 

Aujourd’hui il est temps que je dépasse mes doutes, que je plonge au cœur de mon histoire.

La vie semble toujours ainsi : on croit arriver à un moment magique et il se dérobe. Les grands moments n’existent que dans les romans. Dans la vie c’est plus… prosaïque. Je pensais être sur le point d’avoir accès à une connaissance nouvelle, un flash enfin ! Un éclaircissement. Mais la vie parle en énigmes et à la fin c’est agaçant. Pas de grande révélation. Non. Encore une farce de l’existence. Est-ce comme ça pour tout le monde ? Quand je regarde les gens autour de moi ils semblent heureux de leur place, de leurs choix, de leur vie ! Je ressens toujours ce décalage, comme si je n’étais pas encore arrivée, comme si… Cette sensation inexplicable d’être encore un embryon, une chrysalide et de ne pas réussir à comprendre comment sortir de cet état. Je regarde le temps qui passe et rien ne bouge en dedans de moi. Les années défilent et je me sens la même. Vieillir c’est découvrir subitement que son corps s’est modifié, que les gens nous parlent autrement. Mais dans ma tête rien n’a changé. Je regarde émerveillée les nuages qui défilent dans le ciel et j’oublie tout le reste pour m’inventer des histoires dans mon esprit. De cette tendance à partir dans mes pensées j’en ai fait mon métier, ma force : imaginer. Imaginer et dessiner, concevoir des choses nouvelles, du jamais vu, de l’inédit ! Quand je regarde les nuages qui passent mon esprit travaille et voit des formes et des concepts. Plus tard je pourrais les coucher sur le papier pour les retenir. Depuis ma cellule je contemple le ciel jour après jour. Ici rien ne bouge, je suis comme figée et pourtant dans ma tête je pars en voyage. Je vole haut jusqu’au soleil brulant, j’accompagne le vent et les étoiles. Mon corps immobile et la tête au firmament. Mais ce n’est pas la mort en vérité c’est le confinement. Un mot bizarre qui semble dire qu’on va être des idiots mais intelligemment. Bref là où démarre mon histoire l’humanité est cloitrée dans une bulle de verre et croyez-moi le temps ici semble s’être arrêté à jamais.

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Lucyie
Posté le 05/02/2022
J'aime beaucoup ton style d'écriture ! Le début en italique est super poétique !

"Gardienne de l’eau, gardienne du temps. Trouver sa place auprès du vent. Regarder sans nommer, ouvrir ses yeux d’enfants." -> J'a-do-re.

C'est très mystérieux, ça donne envie de lire la suite !
louvemeraude
Posté le 05/02/2022
merci beaucoup ce début est très différent de la suite et pourtant il a existé dès le début de mon écriture
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