Prologue

 

              Durant ma douce enfance, ma nourrice Omi me racontait des histoires presque tous les soirs.  Margot et moi passions nos journées dans le Palais de fumée, l’extérieur nous étant interdit, les contes d’Omi représentaient notre meilleure échappatoire. Je n’ai jamais apprécié cet état de prisonnière et pourtant mon enfance fut remplie d’amour et de douceur.

— Alors, quelle histoire ce soir ? Demanda-t-elle.

— Danaé et les peuples prédateurs ! s’écria Margot.

— Ho oui ! confirmais-je avec enthousiasme.

— Encore ?

— Oui ! Oui ! chantions-nous en cœur.

            Alors, elle s’installa entre nos deux lits d’enfants.

— Vous savez que le système Behive est placé au bout d’une des branches du milieu de l’Arbre-Univers ?

— Oui !

— Il comporte de multiples peuples, dont le nôtre, et tous ces habitants sont des... ?

— Fées !

— Il y a un millénaire, le peuple des Ciangim, appelés aussi : « les fées géantes » découvraient la première… porte magique qui permet de se déplacer de planète en planète !

            Nos yeux s’ouvrirent en grand, nous n’avions jamais vu de portes. Margot en avait emprunté une lorsqu’elle était encore un œuf, mais elle n’en avait aucun souvenir.

 — Ainsi, reprit Omi, de nombreuses colonies naquirent sur les planètes habitables. Tous les peuples…

— Même les fées sauvages ? demandais-je, alors que je connaissais la réponse.

— Oui ! Même les fées sauvages… ils se dispersèrent dans le système et commencèrent à se côtoyer, malgré leurs différences : plus pâle, plus petit, des yeux jaunes ou la peau bleue…

            Omi prit une voix grave :

— Mais… seuls les quatre peuples principaux ont su tirer un grand bénéfice des portes ! La magie se trouve en quantité très limitée sur chaque astre ! et les fées aspiraient à une vie sans effort… comme celle que vous vivez au Palais de fumée aujourd’hui… et les souverains ont réalisé qu’ils pouvaient se nourrir de la magie de certains autres peuples… Les Ofés, les Prinétés, les Asiafantes et les Ciangim, ont développé cette capacité de s’abreuver du pouvoir de leurs voisins, les prévenant de toutes faim, soif ou fatigue en échange du sacrifice d’autres fées…

            A ce moment-là, nous frémissions de plaisir, car l’histoire allait se pimenter :

— Pendant une décennie, un chaos sans nom régna, mettant en péril les peuples ne possédant pas cette habileté. Ils étaient devenus les premières victimes de ce qu’on appelle depuis lors « les peuples prédateurs ».

— Les victimes, ce sont les fées sauvages ! La coupa Margot, pour prouver qu’elle écoutait.

            Omi lui sourit avant de reprendre :

— La princesse Ofés, du nom de Danaé ne pouvait pas accepter le massacre de ces peuples ! De plus, elle voyait les risques et les dangers de la guerre qui ne finissait pas ! Alors, elle a enfilé l’armure de la déesse Mélusine, qui nous protège tous. Une tenue dorée brillant de mille feux. Elle a marché sur les planètes et grâce à la force de son armure, a convaincu les rois et les reines de cesser le conflit. Sa puissance a traversé les âges, donnant à la royauté Ofés une part de sa divinité.

            Je souriais, entendre le merveilleux récit de mon ancêtre me réjouissait toujours. Mon cœur se réchauffait, ma famille était déjà importante pour moi, et je ne pouvais qu’être fière de ses racines héroïques.

— Un accord fut trouvé entre les grandes puissances. Selon les possibilités de naissance et de prédation de chacun, un ordre fut établi : Les Asiafantes ont gagné 5 % des naissances des Prinétés qui, eux, reçoivent 5 % des naissances des Ciangim et 5 % des Asiafantes. En échanges, les fées géantes récupèrent 5 % au Prinétés, mais aussi 10 % aux Ofés. Ces derniers récupèrent 10 % des naissances Ciangim.

            Je soupirais, cette partie de l’histoire était ennuyeuse, à côté Margot tentait encore d’apprendre par cœur ces pourcentages. Tous les matins, je m’amusais à la voir essayer de les réciter sans succès.

— Comment est nommé ce moment d’échange ? interrogea Omi.

— Le cycle de prédation ! répondit Margot avec urgence.

— Oui ! Les nouveaux nés sélectionnés pendant l’hiver sont envoyés sur leurs planètes adéquates, puis réparties parmi les habitants, qui consomment leur magie… cela se déroule une fois par an, au premier jour du printemps sur Ciangims…

— Et raconte-nous pour les autres peuples ! demandai-je avec excitation

— Les fées sauvages ? Danaé considérait leurs rangs, trop réduits pour s’établir en cité. Elle chevaucha April, son majestueux cheval, jusqu’aux terres que ces fées occupaient, terrées dans l’ombre. Elle leur proposa d’être exclues du cycle de prédation pour garantir la pérennisation de leur population… en échange, ils acceptèrent de se mettre au service des peuples prédateurs…

— Comme toi, Omi ! ajouta Margot.

— Oui… comme moi…

— Une autre histoire ? Suppliais-je, d’une voix enfantine.

— Non, l’heure est venue de dormir, vous n’êtes pas encore en âge de consommer assez de magie pour ne pas vous reposer. Répondit-elle avec fermeté ?

— Mais ! Je suis la princesse, héritière de Danaé ! Tu dois m’obéir ! protestai-je, comme à mon habitude.

            Ma nourrice sourit avec douceur.

— Célidée, à cinq ans, on doit obéir à tout le monde.

            Elle m’embrassa sur le nez, et je n’osais rien ajouter. Le sommeil me prit assez vite, rêvant à un futur libre, où je serai celle qui s’occuperait du cycle de prédation, celle qui serait un modèle pour mon peuple.

La reine.

 

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