Prologue

Notes de l’auteur : Chant des Âges I ; Prologue

* * *

 

Au sortir d’un songe, An la Mère s’éveillant

Éprouvant la chaleur de l’amour inspiré

Par le visage d’En, auprès d’elle reposant, 

Songea l’existence et se mit à penser :

Quel est cet être merveilleux, ici reposant ;

Une âme éternelle, aurais-je pu oublier ? 

Sa beauté idéale, dans mes yeux, reflétants, 

Tel un doux songe, pourra-t-elle enfin m’éveiller ?

Voilà que je vois cet amour interdit,

Moi la Mère isolée, toi le Père solitaire.

Quel cruel amour que celui infini,

Que condamne à jamais la mortelle frontière.

 

* * *

 

Au sortir d’un rêve, En le père s’éveillant,

Éprouvant le repos de l’amour conservé ;

Par le visage d’An, auprès d’En, s’éloignant,

Pensa l’existence et se mit à rêver :

Mes souvenirs s’effacent de la chair des morts,

Ne reste que l’amour, pour elle l’oubliée.

Je contemple son cycle, oubliant le sort,

Mais me résigne ici, car sa vie est sacrée.

Voyant la nuit partir, An entonne le chant,

Des étreintes plaintives de l’aube nouvelle  ;

Qu’un amour sélène dans un vide bruyant, 

De mille cycles maudits, lui seul soit éternel.

 

* * *


 

Prologue

 

I  

 

À la lumière naissante d’Anor, un monde s’apprêtait à se réveiller dans l’alizée matinale des hautes nébuleuses cendrées du ciel, balayant de sa fraîcheur les terres fertiles et prospères de la région du Vardem sous la douce étreinte violacée de l’atmosphère. Ses paysages nombreux et magnifiques, des terres inconnues que l’on devinait de l’autre côté de ses reliefs montagneux, du grand désert du Muirmir dans le septentrion et plus loin encore du côté de la grande mer, Frontière, l’hostile étrangeté de ces bordures terrestres et maritimes convaincu les premiers habitants de cette région à délaisser la vie nomade et à fleurir comme jeunes pousses sur ces territoires vastes et propices à leur développement. Le Peuple naissant ne s’aventurait pas plus loin que ces bordures familières, et abandonna les affres d’une vie passée sur les chemins absents pour cette floraison civilisationnelle. Guidé par les mots sacrés du Tertulum, le recueil le plus ancien connu dans ce monde qui narrait-là son origine, le Peuple s’était ainsi répandu dans ces espaces merveilleux. Mais le désir d’exploration, de découverte et d’émerveillement, si profondément ancré dans ses racines, finissait toujours par retrouver son chemin car Caela attise depuis la nuit des temps la curiosité de tous peuples qui façonnent les routes à sa surface. 

Dans la quiétude muette du ciel et l’ondoiement des arbres qui tapissent le sud de la région, cette fraicheure bienvenue annonçait le début de la saison des sables, qui promettait chaleur et prospérité. Par-delà le relief de la terre, derrière les dunes et les monts, cachés par les arbres, les taillis, les fleurs abondantes, il n’était pas rare d’apercevoir une silhouette familière, fusse-t-elle celle d’un homme, d’une femme, d’un monument ou d’une habitation. La vie suivait un cours régulier le long de ces routes dégagées par les voyageurs, et la lumière d’Anor se posait sur tous indistinctement dans son jour. C’est ainsi que le Vardem était monde dans le monde, profusant d’animation dans l’immobile tranquilité de ses paysages par le Peuple qui, bien que pourtant l’avoir bravé dans de multiples directions, n’en avait toujours pas vu la fin. Il lui restait bien sûr de nouvelles jungles, de nouveaux déserts et d’autres visibles montagnes à dominer de sa présence, mais le joyau qui trônait sur ce vaste domaine offert par les Sept concentrait sur lui toute l’attention.

 

II

 

Un bastion singulier avait émergé du sol, de nombreuses générations avant ce jour nouveau, comme un assemblage magnifique des legs d’anciennes cultures disparues dans le feu du temps. Entourée par ces fertiles terres que pouvaient lui envier les autres agrégats de vie ailleurs dans ce monde, la majestueuse cité de Zarastol personnifiait à elle seule le chemin parcouru par le Peuple, tant et si bien qu’il fut de l’avis de tous qu’elle en était le centre même si cette affirmation était acceptée à contrecoeur ailleurs où la vie abondait moins. Entre les dunes, dans le nord aux portes du désert, sillonnant les vallons, dans le sud, il s’y trouvait toujours une route tracée par le temps et les voyageurs qui menait inéluctablement à cet épicentre. Les dizaines de milliers d’âmes qui allaient et venaient sur ses rues et dans sa direction étaient bien le seul bourdonnement qui pouvait perturber la tranquillité de l’aurore dans laquelle baignait le Vardem au quotidien. Les majestueux édifices aux teintes de bronze, d’olive, d’ocre et de blanc, projetaient l’ombre de la civilisation sur la terre maîtrisée; là où partout ailleurs les villes ne consistaient qu’en des bâtisses de fortune pour se protéger des saisons les plus dures de la course d’Anor.

Dans le balbutiement de vies plus lointaines, il était impensable d’imaginer qu’une telle prouesse soit possible. Bien sûr, il existait des exceptions; poussés par le dynamisme et le rayonnement de Zarastol, de modestes campements se dirigèrent eux-aussi vers le chemin de la grandeur, mais leur quête restait encore humble dans l’ombre de la Majestueuse. Elle était aussi la seule à faire fi de son immobilité, et ses frontières dépassaient de loin ses propres remparts. Au travers des voyages des zarastolites, qui parcouraient le monde en portant le message de sa richesse et de son progrès, la cité ne cessait de resplendir. Sur la côte, des embarcations naviguaient presque chaque jour dans les terres plus au sud, à la limite du Karsar. Il y avait, seulement les rumeurs, des peuples barbares qui s’étaient enfoncés dans les dangereuses forêts de la contrée, mais personne ne s’y était aventuré. Il ne faisait pourtant aucun doute que si une cité pouvait rivaliser avec Zarastol, elle aurait été connue de tous. 

De même, plus au nord, les quelques villages et campements dignes d’intérêts étaient encore fréquentés, mais seulement pour les richesses qu’exploitaient les marchands zarastolites, pour la majorité des cas. Zarastol, se tenant sur le front de mer comme un ultime rempart à la vie sauvage, était là le phare qui illuminait ce monde de ses lumières et réconfortait les voyageurs égarés qui retrouvaient son chemin. Ce n’était pourtant pas la première cité à changer le cours du monde. Creusée dans le désert, des cycles auparavant, la Muirmiton fut la seule à égaler son magnétisme. La cité des sables, comme elle avait été surnommée, était le point de passage de toutes les tribus nomades du désert, érigée comme un temple enfoui dans la roche sableuse et protégée par une cavité naturelle. 

 

III

 

La Muirmiton, dont le nom signifie Puit-de-sable, avait été fondée avec comme philosophie première d’accueillir les nomades et marchands fatigués par la rudesse des saisons, de l’aridité des alentours montagneux et bien sûr surtout de leurs voyages, mais une vague de nouveaux habitants inquiétait de plus en plus les Grands-sages du Pilier Circulaire où se regroupaient les grands décideurs de l’avenir de l’antique cité. Il fallait, pour préserver l’harmonie entre les peuples qui se rencontraient-là à la croisée des chemins, inscrire dans la roche sableuse l’histoire de ce monde naissant et de cette union qu’il fallait préserver à l’abri des menaces désormais oubliées. Dans les profondeurs de la cité, derrière les portes robustes de ses salles de conservation, fut rédigé le recueil des histoires communes de tous les peuples qui étaient parvenue jusqu’à elle, le recueil des Sept. L’histoire du monde, même si elle prédate la rédaction de l’ouvrage, trouve dans ce recueil son point de départ. Il se dit même que les sept Constellaires eux-mêmes participèrent à sa création, et que ce livre sacré nommé plus communément le Tertulum était la volonté et l’histoire écrite des Sept.  

Derrière l’immense porte du Palais de Zarastoli, où se réunissait le Siège, une réunion de crise avait été demandée plus tôt dans la journée par l’une des riches familles qui la composait.  Magnifiquement décorée en dépit de la sobriété des roches de sable dans laquelle la cité toute entière avait été incrustée comme une pierre précieuse, la secrétude de son extérieur était tout à l’image de la procession des familles influentes qui émergèrent dans la cité pendant son essor, qui façonnèrent pour les cycles à venir la base des écrits, des histoires, des lois et des coutumes qui influencent encore le monde de nos jours même hors de l’influence du Tertulum sur les peuples de la région. 

Il est dit que le hall intérieur était la pièce la plus belle et la plus illuminée de toute la Muirmiton, au point qu’il eût été difficile de se rappeler que l’endroit était caché à l’intérieur d’un gouffre, une fois ses innombrables marches circulaires franchies. Sa profondeur était d’ailleurs tout aussi impressionnante que prodigieuse pour tous les récits de sa grandeur, vision qui donnait l’impression d’être au coeur même de Caela; des balcons éclairés par un long parcours de braises éternelles sur un réseau de rails dans les hauteurs des immenses colonnes blanches aux frises colorées dont ils faisaient le tour, éclairant les cloisons tapissées et les bibliothèques, séparant les pièces éclairées derrière chaque balcon. Au-dessus du hall au pied des marches, une voûte de roche étoilée par d’innombrables sources de lumières laissait alors s’échapper de la lumière à travers des embouchures habilement creusée et parfois même naturelles, qui s’assombrissaient dans la nuit tombante. 

Habitués, depuis des cycles pourtant, aux rudes saisons sèches et aux souffles de sable, les habitants assistèrent désemparés à la chute de Muirmiton emportée par une tempête sans précédent. Elle disparut un jour emportée par la tempête, en laissant derrière elle un héritage que se disputent encore les tribus survivantes qui se réfugièrent, pour la plupart, plus proche de la côte. Elle fut pendant un temps la Majestueuse avant toutes les autres, mais les saisons des sables n’avaient pas été des plus clémentes dans le passage du temps. C’est elle, et non Zarastol, qui marqua la première l’histoire du Peuple. Le récit du Tertulum commença ainsi dans cet endroit énigmatique, dans les murs circulaires de ce temple du désert. Un jour, nous raconte cette histoire, des cueilleurs se mirent en tête de fabriquer une immense toile pour recouvrir la fosse dans laquelle la Muirmiton fut construite. Il fut envisagé de construire une toile, suffisamment robuste pour empêcher le sable de pénétrer la fosse tout en laissant la lumière s’y enfoncer. Un jeune cueilleur proposa un jour au Grand-sage du temple un morceau d’écorce d’ifruvle. L’objet était si délicat et souple que le Grand-sage accepta immédiatement, mais le morceau que lui tandis le jeune garçon était parsemé de dessins de sa création. C’est grâce à cette trouvaille que le Grand-sage travailla sur la transcription d’une ancienne tradition orale et que les premières pages du Tertulum furent rédigées, comprenant le Chant des Âges et des morceaux de l’histoire des peuples qui habitèrent l’endroit jusqu’à la disparition de la Muirmiton. 

Le recueil fut sauvé, de justesse, par un jeune acolyte du temple qui tenaient alors les destins des générations disparues et de celles à venir; il s’appelait Zarath, fondateur de la cité à qui il donna son nom, Zarastol. 

 

(...)

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Lydasa.
Posté le 06/07/2020
Hello!
Voilà c'est la première fois que je lis tes écris, et je suis agréablement surprise par ton style. On y retrouve une poésie, des mots harmonieux et de magnifique description.

Juste un petit bémol, tes phrases sont un peu longue. Parfois les descriptions sont un peu longue et mériterais plus de virgule ou un point. J'ai eu l'impression de manqué d'air a la fin d'une phrase.

En tout cas on imagine bien les paysage majestueux, les villes grandiose et toute cette beauté qui nous fait tout de suite rêver. Pour un prologue ça met très bien l'ambiance, j'ai envie de lire la suite et de voire l'histoire de Zarath car j'imagine qu'il sera le centre de l'histoire?

Continue comme ça tu as une belle plume.
Vous lisez