Présomptions

Par Enaxela
Notes de l’auteur : Comme je suis toute nouvelle dans cette communauté, je tiens à demander pardon pour la potentielle mauvaise mise en page de mon texte. Je ne suis pas encore très à l'aise avec la mécanique du site, hihi.

An 1430. Canton du Valais, Suisse.

Elle l’emplissait, la contenait, la guidait. L’énergie du désespoir manœuvrait ses mouvements, éclairait les sentiers et animait la seule pensée qui saturait sa conscience. Elle était dans un état second, à demi-éveillée, mue par quelque chose de plus fort qu’elle. Ses pieds martelaient silencieusement les feuilles mortes, n’obéissant qu’à la puissance de son instinct.  Elle continua ainsi jusqu’à ce que plus aucun de leurs cris féroces ne refasse écho.  Alors, elle se glissa sous les branches d’un conifère et attendit dans la pénombre, haletante.

Des fragments d’idées éparpillées par les dernières minutes s’agglutinèrent. Henri. Mon bébé. Tout essayé. Absolument tout. Ô, Seigneur! Faites qu’il repose en paix! Je l’aime tant. Mon bébé. Ils croient que c’est moi. Ils croient que j’ai tué Henri. Les morceaux du casse-tête virevoltaient dans son esprit, lui donnaient la nausée. Son corps se plia, affaibli de douleur et de calamités. Elle s’agenouilla, secouée de spasmes, brûlée de larmes désespérées.

   - Là, sous le sapin !

Ces mots lui firent l’effet de coups de fouet sillonnant son dos. Elle se releva, épouvantée. Et puis le temps sembla s’arrêter. Elle stoppa net sa course, le pied tordu sous une racine, et tomba lourdement au sol.

Avant qu’elle puisse relever la tête, un essaim d’hommes armés de fourches et de bâtons enflammés l’encercla, lui beuglant de rester immobile. Horrifiée, elle hurla à s’en déchirer les poumons, frappa toutes les surfaces que rencontraient ses pieds, puis tenta de se relever. Sa crise fut de courte durée, réprimée par un enchaînement de coups à l’abdomen et aux tempes. Elle sombra dans les bras cotonneux de l’inconscience.

 

---------------------

Sa vision se dédoubla, revint fixe, puis s’embrouilla de nouveau. Un souffle glacial lui lécha les épaules, le ventre, les hanches. Elle frissonna avec faiblesse. Son regard  parcourut nonchalamment les murs qui l’entouraient, les bougies qui vacillaient, puis les silhouettes statiques. Ce fut lorsque sa vue et sa conscience se synchronisèrent qu’elle considéra une demie douzaine d’individus attendant qu’elle émerge de sa torpeur.

L’un d’eux s’approcha, brandissant un crucifix :

   - Quod autem istos omnipotens et universos Ioppitas eradicaturus creaturae sunt in Dei servitio diaboli[1].

 

Il parlait d’une voix caverneuse, éraillée de vieillesse.

   - Alena De Ponte, grogna-t-il en agitant la croix devant lui, vous êtes accusée d’avoir mis fin à la vie de votre fils. Il semblerait que vous ayez eu recours à des méthodes hérétiques    impliquant les forces du Malin.

Stoïque, elle marmonna d’une voix qui trahissait pourtant sa défaillance :

   - Le docteur Auguste a diagnostiqué une variole. Nous avons tout essayé, il…

L’homme la gifla au visage et lui pris violement le menton entre ses doigts, dardant son regard d’acier dans le sien.

   -  Sachez que ce valeureux médecin est venu lui-même, pour l’honneur du Seigneur, nous faire part de vos obscures pratiques. Et nunc non potest accipere eius bonus et    conscientia bona conversatus ...[2]

Il se tourna vers ses congénères, puis un grand costaud se détacha du groupe, muni d’un long fil argenté. C’est au moment où Alena sentit le regard de cet homme peser sur son intimité qu’elle constata qu’elle était entièrement dévêtue. L’inquisiteur s’approcha, palpa sa fine taille du bout des doigts et, lentement, perça sa chair rose à l’aide d’une longue aiguille à tisser. Saisie de douleur, Alena tenta de se débattre, en vain. Ses poignets et chevilles étaient fermement ligotés au mur. 

   - La pointe de cette aiguille nous révélera ta véritable nature, pythonissam![3] siffla l’homme au crucifix. Sera indolore la parcelle de peau où le Diable a apposé son baiser…

   - Je ne suis pas soumise aux enfers, s’étrangla Alena. J’ai foi en Dieu ! Je l’ai imploré de sauver mon fils. 

L’aiguille s’enfonça davantage, lui arrachant un hurlement d’horreur. Elle se cambrait, se tortillait, aveuglée par les larmes qui  ruisselaient le long de son visage.

   - Foutaises! cria l’homme. Dis-nous où sont les autres fidèles! Et qui te commande, à quel démon obéis-tu?

 

Affaiblie par la douleur aigüe qui lui perforait le ventre et profondément humiliée par la vulnérabilité de son corps ainsi exposé, elle souffla:

   - Au démon Vatefairevoir…

L’épine de fer pénétra son épiderme, sectionna ses vaisseaux sanguins, et s’enfonça brusquement dans les mailles de ses muscles. La conscience quitta son regard et se réfugia là où souffrance et tourment n’existaient plus. Dans le lointain, elle put encore saisir quelques bribes de paroles :

   - Mittite eum in cellula maxime infecta. Non es longe a complevit cum ea. Veru est de Sion praevaricari cuiquam liceat.[4]

 

 

[1] « Le Tout-Puissant nous a chargés d’éradiquer toutes créatures au service du Diable. »

[2] « Il peut désormais profiter de sa prime en ayant la conscience tranquille… »

[3] « Sorcière ! »

[4] « Enfermez-la dans la cellule la plus infecte. Nous sommes loin d’en avoir fini avec elle. Le bûcher de Sion lui est irrévocable. »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
deb3083
Posté le 28/08/2020
Début prometteur ! Comme cela a été signalé avant moi, il est vrai que les diverses phrases en latin et devoir se rendre à la fin du texte pour avoir la traduction gênent un peu la lecture.

J'ai aussi été surprise par certains mots employés. comme le "va te faire voir". Ok, Alena se "moque" d'une certaine manière de son bourreau mais je pense que le terme employé correspond plutôt à un langage moderne et non du moyen âge.
il existe sur internet plusieurs sites et blogs qui recensent les insultes et le vocabulaire utilisées au moyen âge, n'hésite pas à les consulter, cela enrichira ton récit et lui donnera plus de "caractère" et d'authenticité
TUSCARORA
Posté le 30/01/2020
Le début de ce récit semble prometteur. Cependant je suis très gênée par l'espace très important laissé entre les paragraphes, d'une part. D'autre part, l'abondance et la longueur des formules latines rendent le récit difficile à lire car il faut se reporter à chaque fois en bas de page pour la traduction. Peut-être qu'une seule formule en latin suffisamment percutante et explicite suffirait pour bien faire comprendre qu'il s'agit d'inquisiteurs ou de chasseurs de sorcières.
Je dirais : sa vision se dédoubla, redevint fixe au lieu de revint fixe.
Ce n'est qu'un avis. En tous cas, bonne continuation, j'attends la suite.
Vous lisez