Pourquoi tant de haine ? (2e partie)

Ce soleil, éblouissant et chaleureux

vint à moi, lors d'un été bienheureux

J'entrouvris la porte, à demi-éveillée,

De mes yeux ébahis, je vis cet horizon

pleins de promesses brisées et de silences déchus

 

Réflexions sur la douleur – Vol. I (extrait)

 

Il faisait froid ce matin-là. La pièce où je me suis réveillée n'était pas grande. On pouvait sentir le vent s’engouffrer dans les lézardes, qui parcouraient les murs si peu épais. Le toit n'était pas tout jeune non plus, et souffrait de blessures par endroits. Le froid et la pluie pénétraient facilement dans la mansarde. Habituellement, mon père faisait brûler quelques bûches dans l'âtre, pour nous réchauffer. Le coq me réveillait le matin, mais ce jour-là, ce fut le froid. « Bizarre qu’il fasse si frais en cette saison », pensais-je. Ma chambre était plongée les ténèbres, ces dernières brisées par quelques rayons de lumières qui traversaient les volets. Je rompis le silence qui régnait dans la pièce, n'appelant personne en particulier. Juste quelqu'un. La sensation de solitude et d'abandon m'envahit. Je pris peur, sautai à la hâte de mon lit et me dépêchai d’atteindre la porte. J’eus du mal à atteindre la poignée. Une fois la porte ouverte, j’aperçus avec effroi ce qui trônait en majesté dans la maison. Rien. Le vide. J’appelai à l’aide, mes parents, quelqu’un. Personne. Je sortis à toute vitesse et réalisai que le soleil se faisait timide. Je compris quelque chose qui me glaça le sang: le hameau était désert. Le chêne de l'arrière-cour était dépourvu des habits sinoples qui faisaient sa splendeur. À la place, des oiseaux de malheur me hurlaient dessus, tous perchés sur les branches. Je ne comprenais pas pourquoi l'arbre ne s’écroulait pas, portant un nombre incalculable de ces ombres noires qui me fixaient. Je leur hurlais de déguerpir, leur jetais des pierres. J’étais terrifiée par leurs croassements. Mon père m’avait appris que ces oiseaux étaient porteurs d’un message funeste, et qu’il fallait les éviter, au possible. Hélas, ils restèrent posés sur les branches, à me donner des noms d’engeances à plumes, dans une langue que je ne comprenais pas. Un vent glacial souffla soudain, qui les fit s’enfuir. Rassurée de les avoir chassés, je me figeai lorsque je sentis une présence dans mon dos. La chair de poule recouvrait intégralement mes bras et mon dos. Une ombre planait sur mon corps, en intégralité. Devais-je me retourner ? J’avais du mal à respirer, j’avais l’impression que l’air refusait d’entrer dans mes poumons. La peur dominait mon corps, me paralysant. Une seule chose pouvait parer cette sensation : ma curiosité, que mes parents qualifiaient de « maladive ». Je sentis une main se poser sur mon épaule, et j’y risquai un coup d’œil. Cette main… il n'y avait presque plus de peau dessus, elle avait été brûlée. L’odeur de la chair calcinée pénétra mes narines. Mon estomac n’apprécia pas la torture que lui infligeaient ma vue et mon odorat. Aucun son ne sortit de ma bouche. La pression que la main exerçait s'intensifia. Une larme coula le long de ma joue et je me retournai d'un coup. La main n'avait pas lâché mon épaule, et mon action soudaine fit que je me retrouvai, nez à nez, avec rien. Devant moi se trouvait un corps sans tête, brûlé à plusieurs endroits. Ce corps, qui me dominait largement et que je ne percevais pas bien, me terrorisait. Je me mis à hurler, les sanglots ruisselant le long de mes joues tels une cascade. Le sang coulait lui aussi, émanant du corps sans tête, et quelques gouttes de ce liquide écarlate atterrirent sur ma tunique. Je me débattais pour sortir de son étreinte, mais l'être me prit des deux mains, par les épaules. Je détournai la tête, ne pouvant supporter la vue de cette chose qui me dégoûtait, pensant que cela suffirait à m’en échapper. Elle me rapprocha d'elle, à la force de ces bras. J'ai alors compris que le soleil ne se lèvera plus jamais.

 

• • •

 

Bérengère ouvrit les yeux, affolée. Sa respiration était forte, saccadée, et elle tentait tant bien que mal de se reprendre. Elle se trouvait allongée sur un matelas à même le sol qui se trouvait au centre de la pièce. La bretteuse avait, elle, le haut du corps enroulé de bandages. La sueur perlait sur son front et son teint était rougi. Elle connaissait peu cette sensation de chaleur sur tout le visage, qui se concentre parfois dans les joues. « Encore ce rêve », se dit-t-elle en expirant profondément. Elle se trouvait dans une pièce peu meublée. La lumière y pénétrait par une petite lucarne, située sur le mur à gauche de son lit de fortune. Une petite étagère à sa droite, près de ce qui devait être la porte. Bérengère se calma, peu à peu. « Allez, reprends-toi », se dit-elle. Elle devait rester vigilante. Elle voulut bouger le bras pour essuyer la sueur qui venait lui piquer les yeux, mais la douleur la rappela à l’ordre. Sa liberté de mouvement était restreinte, par les bandages qui lui avaient probablement sauvé la vie. Mais cela n’était pas le plus important pour le moment. Sa prudence naturelle la gardait en alerte. Était-elle en danger ? Elle n’y réfléchit pas bien longtemps, la poignée de la porte était en train de se baisser. Comme nombre de poignées de porte, même la plus grande précaution ne garantissait une ouverture en silence. La poignée grinça fatalement et Bérengère se prépara mentalement. Elle prit une grande respiration, mais demeura immobile. Les yeux fermés, elle sentit les faibles vibrations des pas du visiteur, se rapprochant d’elle lentement. « Si c’est un homme, il est sacrément maigre », pensa-t-elle. Bérengère ne voulait pas tenter un bref coup d’œil. Son cœur, dont les battements se faisaient très fort, s’arrêta presque lorsque le visiteur prit la parole.

« Je sais que vous êtes consciente », lui annonça-t-il. Sa voix était douce, d'une grande clarté et d'une gentillesse presque palpable. Déroutée, elle ouvrit les yeux. Bérengère rencontra alors contre toute attente le visage d’une femme. Elle était d’une grande beauté, les cheveux longs noir de jais, et le visage chaleureux. Elle était grande, élancée, et avait une cicatrice au coin de la lèvre inférieure. La cicatrice était loin de faire tache sur un tel visage, car elle disparaissait à chaque fois qu’elle souriait. Ses yeux couleur d'ambre transmettaient une immense bonté, mais également une grande force de caractère. Elle soulevait un seau à moitié rempli d'eau de la main gauche.

« Bien le bonjour. Vous ne risquez rien ici » la rassura-t-elle. Elle lui fit un grand sourire, éblouissant et réconfortant. « Je suis Gélaï, et j'ai pris soin de vous lorsque vous étiez inconsciente. » Elle s'agenouilla auprès de la bretteuse et lui passa un torchon mouillé sur le front pour éponger la sueur.

« Comment vous avez su que j'étais réveillée ?

– Vous avez commencé à hurler dans votre sommeil et lorsque je suis arrivée devant la porte, il n'y avait plus de cris. J'ai alors pensé que vous étiez réveillée. J'avais vu juste, dit-elle l'air satisfait. Vous vous souvenez de votre cauchemar ?

– Je ne m'en souviens jamais » mentit-elle. Son interlocuteur la fixa. Elle ne la croyait visiblement pas. Gélaï remit en place une mèche de ses cheveux noirs derrière l'oreille. « J'ai dormi combien de temps ?

– Deux jours complets. J’ai pensé au bout d’un moment que vous ne vous réveilleriez pas. » Elle paraissait soucieuse, les mains jointes.

« Je dois me lever », répondit Bérengère, en tentant de se redresser. Gélaï mit sa main sur l'épaule de la blessée, et y appliqua une douce pression, intimant le repos. La bretteuse se ravisa, la douleur de son épaule et le tournis qu'elle ressentait l'aidant grandement dans sa décision.

« Vous devez vous ménager, rétorqua la femme, d'un air réprobateur. Vous avez perdu beaucoup de sang, c'est une chance que Balthazar et Findhail aient réussi à vous ramener ici avant votre mort.

– Findhail ? Qui est-ce ? lui demanda Bérengère, inquiète.

– Vous aviez bien dû voir un forgeron, non loin de la boutique de Balthazar, l'air taciturne ? Eh bien c'est mon époux. déclara-t-elle avec fierté.

– Ah, lui répondit-elle. Et le potier, qu'en est-il de lui ? » Bérengère se concentra sur la raison initiale de sa présence à Dablhan. « Est-il dans le coin ?

– Je le ferai venir, mais pas tout de suite. Vous devez vous reposer, ensuite, vous discuterez. Il y a beaucoup à faire, semble-t-il. » Gélaï prit un air sérieux qui surprit Bérengère. D'apparence joviale, il émanait de la femme une grande détermination. De plus, il se cache pour le moment ; le faire venir prendra du temps.

« Et où sommes-nous ? lui demanda enfin Bérengère.

– Toujours à Dablhan » dit-elle. Une certaine lassitude se sentait lorsqu’elle répondit à la blessée. « Ce n’est pas une époque où il fait bon vivre… humain ou non. » La pause que prit Gélaï dans sa phrase retint l'attention de la bretteuse, qui ne fit cependant aucun commentaire. « Reposez-vous, et dans quelques jours, vous verrez Balthazar. » Gélaï se releva et prit la porte, laissant Bérengère à ses doutes, ses questionnements et sa douleur.

 

• • •

 

Deux jours plus tard, la soignante débarqua dans la chambre, mais plus tôt que la veille. Bérengère était assise sur un tabouret, grimaçant en essayant d’exercer son bras endolori. La bretteuse comprit à la manière avec laquelle Gélaï la fixa qu’il fallait qu’elle arrête sur-le-champ.

« Je dois bien exercer mon bras, non ? rétorqua Bérengère, qui tentait maladroitement de se justifier.

– Il faut exercer le bras après que la blessure soit guérie, lui répondit-t-elle. À ce rythme, vous allez rouvrir les points de suture. » Gélaï la toisait du regard, les bras croisés, comme une mère qui lance un regard réprobateur à son enfant. Bérengère abandonna, remit en place l’attelle que lui avait confectionnée son hôte et se leva. Elle portait des braies couleur marron, avec des mocassins de cuir usagés. Le haut de son corps était entouré de bandages, épousant les courbes de sa poitrine et qui avaient été changés la veille au soir par Gélaï. Seul son bras droit demeurait libre de mouvement. Bérengère se leva et fit face à Gélaï, qui lui donna des instructions à suivre pour rejoindre Balthazar. Elle apprit qu’il y avait dehors une cour intérieure, avec une fontaine et un banc, et qu’une fois assise sur le banc, le potier se montrerait.

 

La cour intérieure ne déplut pas à Bérengère. Elle n’appréciait pas particulièrement ce genre de lieux, propices aux amours interdits, aux rencontres de conspirateurs et autres fariboles qu’elle pensait inventées par les conteurs d’histoires, mais cet endroit lui plaisait. Le ciel était clair, l’air était frais. Elle frissonnait par occasion, mais elle appréciait ce temps. La fontaine se démarquait par la couleur de sa pierre, aussi sombre que la nuit. L’édifice par lequel l’eau s’écoulait était néanmoins stylisé, orné de figures animales et de rosaces. Le banc, quant à lui, était en bois, mais ce bois lui-même n’était pas en forme. Bérengère hésita à s’asseoir. « Qu’est-ce qui me dit que tu ne te fendras pas en deux si je m’assieds », se demanda-t-elle en lorgnant vers le banc.

« T’es censée t’asseoir tu sais. » La voix venait d’une alcôve de la cour intérieure, de laquelle sortit le potier, toujours vêtu de son tablier blanc. Il avança en boitant vers la bretteuse. Une fois près d’elle et de la fontaine, il observa le banc quelques secondes et sourit. « Quoique, t’as bien raison de pas t’asseoir dessus, ‘y va plus tenir longtemps. » Balthazar toussait par moment. « Tu sais, il existe une légende autour de cette fontaine…

– Tu m’as vraiment fait venir ici pour me parler légendes et fables ? » rétorqua-t-elle, irritée. Elle n'avait pas risqué sa vie pour des bavardages.

« T’as quoi contre les belles histoires ? » lui rétorqua-t-il. Vexé, Il avait les bras croisés, et le regard chargé de défi.

« Les légendes, les mythes, ce genre de choses, c’est surtout des billevesées, écrites par des gens sans imagination, avec une mauvaise vue et un dos cassé. Et surtout, ce genre d’histoires portent une vision idéalisée d’évènements tragiques qui peuvent arriver dans la vie. De mauvaises surprises en somme. J’ai déjà croisé des gamins, la tête pleine d’histoires de ce genre, qui ont joué les héros quand des brigands ont attaqué leur village. Résultat, ils ont tous été massacrés, dépecés, puis pendus aux mêmes arbres sur lesquels ils jouaient auparavant. » Balthazar sentit un frisson lui parcourir l’échine. Bérengère avait un peu haussé la voix, résonnant entre les bâtiments de la cour intérieure.

« Je comprends, lui répondit-il. Gamin, j’ai toujours aimé ce genre d’histoires. Il avait la mine triste, mais se reprit et fixa la bretteuse dans les yeux. Mais maintenant, je sais différencier une légende de la réalité. Pour la peine, laisse-moi te raconter quelque chose. Tu comprendras où je veux en venir.

– Très bien, vas-y » lui répondit-elle en soupirant. Le nain pointa du doigt la structure au milieu de l'arrière-cour.

« La légende raconte que la fontaine était autrefois blanche tel l’albâtre, et qu’une eau aussi claire que du cristal en jaillissait. Mais la lune, entité d’une pure blancheur, fut outrée de la clarté de l’édifice. récita-t-il solennellement. En réponse à l’outrage, elle lança une malédiction sur l’eau qui s’écoule de cette fontaine. C’est ainsi qu’au petit matin, les Dablhanis découvrirent l’objet de leur fierté ainsi souillé. Les habitants abandonnèrent alors la fontaine telle quelle, et l’oublièrent, petit à petit. » La voix du nain semblait s’être altérée sur ces derniers mots.

« C’est une belle histoire, admit la bretteuse.

– Tu sais ce qu’on dit, les légendes recèlent un fond de vérité. Eh bien, laisse-moi vérifier ce fond. » Le potier s’approcha de la fontaine. Il s’était retroussé la manche droite et plongea sa main dans l’eau. Bérengère fut surprise, pour le moins.

« Mais enfin, qu’est-ce que tu fais ? s'exclama-t-elle. Le seul intérêt d’une légende, c’est sa morale, non ? Pour en tirer des leçons.

– Et la morale dans ce cas, c’est qu’il faut pas faire chier la lune, c’est ça ? Ah ! » s'esclaffa-t-il. Balthazar remua son bras dans l’eau. Il le ressortit, le brandissant aussi haut que possible. Mouillé, couvert de vase et d’algues, il se tourna vers Bérengère. « Cette histoire, elle est comme mon bras : elle pue la vase. Voilà ce que ça donne, ton fond de vérité. » Bérengère lâcha un rire, bref mais franc, à la vue du potier. Cela ne l'avait nullement convaincu de quoi que ce soit, mais cette vision ajouta un peu de couleur à une journée plutôt morose. « Allez rentrons, 'faut que je lave tout ce merdier » dit-il en tenant son bras à distance de son corps.

Ils rentrèrent à l’intérieur de la maison. Gélaï s’était mise à la cuisine. L’odeur de pain chaud et de miel envahissait la pièce. La femme s’était coiffée d’un foulard, afin que ses cheveux ne la gênent pas lors de ses préparations.

« Dis donc Gélaï, tu sais que je cuisine bien aussi, tu devrais me laisser te remplacer, lui lança Balthazar, en se rapprochant d’elle.

– Oh mais fais donc... c'est quoi cette odeur ? répliqua l'hôte en se bouchant le nez et en s’éloignant du nain.

– Le potier a décidé de se mettre au parfum, répliqua Bérengère, amusée.

– Les mains, c'est comme le reste. Ça se lave. J’vois pas de quoi en faire tout un fromage, répondit-il, agacé.

– Et je peux savoir pourquoi tu as fait ça ? demanda la maîtresse de maison.

– Pour enseigner une leçon à ton invitée » expliqua-t-il.

Le nain prit le seau qui se trouvait sur le plan de travail près de Gélaï, à demi-rempli d’eau, un morceau de savon beige et un torchon, troué par endroits. Il s’assit à la table et commença à frotter son bras, avec énergie. Après une bonne minute de frottage vigoureux, il sentit son bras, fit la grimace. « Ça partira jamais, bons dieux ! » s’exclama-t-il. Gélaï était en train d’essuyer des bols de bois avec un torchon, et leur tournait le dos. Bérengère perçut le sourire qu’elle émit lorsque le nain jura.

« Loin de moi l’idée de gâcher ta toilette, mais je pense qu’on doit parler sérieusement », lui annonça Bérengère. Elle s’assit, elle aussi, en face du nain. Comme prévu, elle dépassait le potier une fois assise, mais elle se sentait gênée. Le nain soupira.

« Le Furet, hein ? Pourquoi pas, après tout. » Gélaï s’arrêta un instant, puis reprit son activité. « Je pensais attendre que Findhail soit rentré pour ça, mais soit. Tu sais que la cité autonome de Dablhan est dirigée par le conseil des Dix, hein ? » Bérengère haussa les épaules.

– Non et je m’en fiche, ce qui m’intéresse, c’est le Furet.

– Sois pas si impatiente, lui rétorqua-t-il. Tu connais pas la ville et comment elle fonctionne, ça ne peut que te servir. Le conseil c'est dix membres, d’origines diverses, mais tous appartenant à l’élite de Dablhan. Ils sont supposés défendre les intérêts de la cité et y être fidèles, corps et âme. De ce point de vue, on ne peut pas leur reprocher grand-chose, puisqu’ils arrivent à s’en mettre pleins les poches tout en se faisant bien voir par les Dablhanis.

– Tu t’égares, le reprit Bérengère.

– Pour le moment, contente-toi de retenir juste ça. Et pour en revenir au Furet, personne de sait de qui il s'agit.

– Ça, je m’en doutais un peu. Autrement, je vois pas l’intérêt d’utiliser un pseudonyme. Dis-moi quelque chose que j’ignore.

– Ce que tu ignores, c’est que l’on sait de source sûre qu’il s’agit d’un des conseillers. Et pour découvrir qui c’est et l’atteindre, tu dois d'abord dissiper le mystère autour de son identité.

– La ville est vaste. Comment faire pour trouver des informations ? Ça va pas être simple. » Bérengère se cala dans le fond de sa chaise, pensive.

« Tu devrais aller avec elle, Balthazar, intervint Gélaï, faisant face a ses deux invités. Tu lui dois bien ça, non ?

– T’en penses quoi ? » demanda le nain à l'adresse de la bretteuse. C’est vrai que comme tu connais pas la ville, avoir un guide, ça pourrait t’être utile.

– Je veux pas t’embarquer dans mon histoire. Tu ne me dois rien. » Bérengère lui adressa un sourire, auquel le nain ne répondit que par son poing droit sur la table. « Doucement avec ma table ! » s'exclama Gélaï. Le nain l'ignora.

« T’as peut-être l’impression que je te dois rien, mais si je suis encore en vie, c'est grâce à toi. Ce salopard a brûlé ma maison, et je pardonne pas facilement. De plus, J’suis peut-être pas très doué pour castagne, mais je sais bien juger les gens. Après tout, j'suis marchand de métier. Alors, marché conclu ? » demanda-t-il, la main droite tendue vers Bérengère.

Elle réfléchit, observant la main tendue et ce que cela représentait. Elle ne voulait pas embarquer le nain là-dedans mais elle ne pouvait progresser sans aide.

« Marché conclu » finit-elle par répondre, en lui serrant la main.

 

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Zlaw
Posté le 17/06/2020
Un chapitre un peu plus calme que les précédents, avec moins de violence directe. Ce n'est pas de refus. Je ne vais pas dire que c'est toujours bien de changer, parce que j'aurais certainement passé un tout aussi bon moment s'il y avait à nouveau eu des passages de combat, mais en le cas présent la transition est bonne.

Certes, le rêve (peut-être l'ombre d'un souvenir?) du début n'est pas tout rose non plus. Loin s'en faut, même. Mais ce n'est pas exactement le même type de gore qu'on a pu voir jusqu'ici. Il y avait un côté brillant, éclatant, paradoxalement vivant, dans la façon dont Bérengère a dézingué tous ses adversaires jusqu'à maintenant. Dans cette séquence, en revanche, on peut presque goûter la cendre dans l'air, distinguer le voile de la mort sur le décor. Vraiment angoissant. Et qu'est-ce que ça signifie ? Prémonitoire ou bien manifestation de traumatismes enfouis ?

L'idée d'écrire ce passage à la première personne alors que Bérengère a toujours été et continue à être décrite par narration extérieure est excellente . Ça permet vraiment l'immersion. Je me suis demandée si tout le chapitre allait être comme ça, si on avait changé de point de vue, mais non, et c'est encore plus malin.

J'aime beaucoup Gélaï. Elle est très belle et douce. La façon dont Bérengère lit tout son caractère juste par son visage et son regard paraît presque hâtive mais en fait on ressent vraiment son aura bienveillante dans tout ce qu'elle fait au court du texte. Elle a un côté très maternel, quand elle croise les bras pour réprimander sa patiente de forcer sur ses points de suture, et quand elle attache ses cheveux pour pouvoir faire la vaisselle. Elle apporte une vraie pointe de chaleur à l'ambiance générale.

On retrouve Balthazar fidèle à lui-même, c'est-à-dire qui ne se laisse jamais démonter. Je n'ai pas trop compris l'intérêt du rendez-vous 'clandestin' dans la cour, si c'est juste à quelques mètres de chez Gélaï et Findhail, où ils vont de toute manière terminer leur conversation. Mais le décor de ces retrouvailles est tellement féérique que je ne t'en tiens pas rigueur. Et quand je dis féérique, c'est parce que je ne trouve pas de meilleur mot pour exprime le côté scintillant dans le crépuscule de ce que je me suis imaginé. Simple (une fontaine et un banc) mais efficace.

Côté intrigue, on avance très doucement. Bérengère cherche le Furet, on le savait déjà. Mais Balthazar n'a pas tant d'information de plus qu'elle à son sujet, en fin de compte. Se profile donc une forme d'aventure à l'horizon, où il va falloir découvrir la ville et infiltrer ses hautes sphères afin de démasquer le rongeur.
On ne sait toujours pas POURQUOI Bérengère chercher cet individu. Est-ce que c'est personnel, est-ce qu'elle a un contrat sur sa tête, est-ce qu'elle a une autre raison beaucoup plus inattendue ? En tous cas ça n'a pas l'air d'être un charmant personnage, s'il est derrière l'incendie de l'échoppe du potier.
D'ailleurs, comment est-ce que Balthazar établit ce lien ? Parce que rien ne se passe de criminel dans la ville sans l'aval du mystérieux mafieux ?

J'espère qu'on va formellement rencontrer Findhail, ne serait-ce que pour le voir avec son épouse. Je suis sûre qu'ils font un tableau magnifique, tous les deux.
J'espère qu'on aura le fin mot de l'histoire sur 'la bête' évoquée dans les premiers chapitres. Est-ce que la façon de se battre de Bérengère est-elle simplement si féroce ou bien y a-t-il autre chose ? Et quid de cet homme qui semblait à ses trousses, même si elle en a été promptement débarrassée ? Qui l'a envoyé ? Le Furet ? Ce serait une logique circulaire, mais pourquoi pas.
J'ai aussi hâte qu'on élucide l'origine et/ou la signification du cauchemar funeste de notre bretteuse.

En tous cas j'aime bien la dynamique de conversations entre elle et Balthazar. Leur premier échange était un peu...brusque, je l'ai déjà dit. Il venait d'être un peu secoué par une mauvaise rencontre, et elle ne l'a pas trop ménagé, mais visiblement qu'ils se sauvent l'un l'autre les a implicitement rapprochés, et ils bénéficient maintenant d'une sorte de badinage permanent très agréable à lire.

Voilà. J'ai parlé beaucoup. Je ne m'avancerais pas à dire que j'ai parlé bien. En tous cas je ne suis pas déçue d'avoir commencé cette histoire. =)
Karlsefni
Posté le 17/06/2020
Haha, tellement de questionnements, et j'ai si peu de réponses à donner...
En tout cas, un grand merci pour cette assiduité qui me gênerait presque, mais qui ne peut que m'encourager à continuer dans ma voie. Si cela peut rassurer, je ne compte pas spécialement lier tous les évènements narrés depuis le début: par exemple, en ce qui concerne la bête, mon but était simplement d'étayer mon univers, de rajouter de la consistance, en insistant bien sur le fait que les humanoïdes ne dominent clairement pas leur monde, et qu'il existe des êtres et des créatures qui feraient frémir le plus téméraires de mes personnages. Peut-être cela va décevoir mes lecteurs présents et futurs, mais je pense qu'il est important de laisser des choses "suivrent leur cours" et de ne pas tout lier, avec des histoires qui se dressent en parallèle, le quotidien des habitants de Dabhlan, etc... Tout cela, je le pense, rajoute de la consistance et du réalisme à l'identité d'un univers et de ses codes.
Encore une fois, merci du commentaire, toujours aussi pertinent et instructif !
Zlaw
Posté le 18/06/2020
Si je puis me permettre un conseil de la faible hauteur de ma maigre expérience : il ne faut jamais se plier aux remarques et questions des lecteurs. Déjà parce que tu n'arriveras jamais à contenter tout le monde, et surtout parce que c'est ton histoire et que tu as donc forcément 'raison', si je puis dire. Tu as ta voix, elle n'appartient qu'à toi, et si on vient te lire c'est qu'on veut l'entendre.
Je suis curieuse sur la bête, j'ai envisagé que peut-être il y avait quelque chose de ce côté-là, mais ce sont mes pistes, mon enquête. Si jamais aucune suite ou aucun impact n'est donné, c'est bien aussi. L'une des raisons pour lesquelles on lit les autres, c'est pour être surpris. Si tout est toujours cousu de fil blanc je pense qu'on peut s'ennuyer. Ça dépend de ce qu'on recherche, c'est sûr, mais ce n'est clairement pas ton objectif ici, il me semble.

Voilà. Je voulais juste te retirer cette pression s'il y en avait la moindre once, parce qu'il m'est arrivé de me mettre la même sans raison et ce n'est pas du tout mon but en posant mes questions et émettant mes hypothèses. Au contraire. Tu vas dans la direction que tu veux, et moi j'ai décidé de te suivre. =)
Et si tu déçois quelqu'un un jour au point qu'il ou elle arête sa lecture, c'est plus leur perte que la tienne. Trahir son histoire juste pour plaire paraît un peu...vendu, commercial. Mais ce n'est peut-être que mon opinion.

Bonne journée !
Karlsefni
Posté le 18/06/2020
Oui en effet, je comprends bien cette mise en garde, qui est d'autant plus importante car j'y pense constamment. Mais je ne compte pas "brader" mon histoire, bien au contraire, je compte bien y rester fidèle.
Merci en tout cas pour la prévention !
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