“Prends bien soin de ta poupée”!
Ce petit quelque chose aux yeux ternes et au visage figé et placide t’est confié, et tu la regardes, cette dénommée poupée. Coiffer, habiller, décorer, prendre le thé… sont des choses que l’on réunit sous le verbe “jouer”. Fragile est cette poupée et tu la portes doucement pour ne pas la briser, cette jolie poupée.
Répétée, répétée, répétée est cette phrase : “Va donc jouer avec ta poupée”.
Le cadeau devient une responsabilité, et cette responsabilité devient objet de rejet, celui qui te conduit à partir ailleurs, protégée de ces adultes pensées avec ta jolie poupée.
Mais être protégée grâce à ta poupée ne te sauve pas de tes propres pensées. Toi aussi, tu es dotée d’un esprit soumis à quelques pensées.
Jouer te lasse et ces yeux de verre, tu les croises.
Lassée, c’est toi qui devient poupée.
Tu grandis, loin des autres, et te replies sur toi même, obligée à jouer à la poupée. Privée, tu restes avec elle, ta poupée brisée. Pourtant en apparence elle est intacte mais ta poupée, enfance volée, est réellement brisée.
Les larmes ne te viennent pas à cette triste pensée, stigmatisée et pouponnée.
Ton visage, avec cette solitude, ne sait s’exprimer, et toi aussi, ton visage est figé et placide.
Tes yeux en revanche gardent cette animosité de la vie, de cette vie qui t’a été volée par cette poupée.
Tu te figes, te fragilises, et il ne reste qu’une coquille de porcelaine où ton esprit emprisonné perd sa vivacité à ne pouvoir que témoigner dans le silence, à jouer avec ta jolie poupée.