Partie une

Les villageois, dominés par la peur, se sont tous barricadés dans leurs maisons. Seul un grand homme, dans la force de l'âge, progresse péniblement dans les ruelles enneigées comme un prédateur pourchassant sa proie.

Ici, bien loin de l'agitation de la Révolution industrielle, le temps s'est arrêté : on vit des bienfaits de la forêt, mais aussi, et surtout, des très vieilles histoires.

Ce sont bien elles qui marquent aujourd'hui les traits soucieux d'Ivar, le propriétaire de la nouvelle scierie et – sans conteste ! – l'homme le plus influent du village. Il noue encore ses cheveux blancs comme les anciens vikings et porte même la fourrure du loup, celle que sa famille se transmet de génération en génération comme le symbole du chasseur. Pour toutes ses raisons, les habitants ne l'appellent pas autrement que le Jarl.

Mais ce soir-là, alors que la neige tombe sur les toits et sur les conifères, le Jarl s'achemine péniblement vers sa propre maison : un immense manoir à la sortie du village. Son domestique vient tout juste de le prévenir : son fils est rentré.

Enfin parvenu sur le perron, il pousse les battants de la double-porte d'entrée et pénètre dans sa demeure, le front couvert de sueur, le souffle court.

Le grand hall ressemble à s'y méprendre aux skali de l'ancien temps. Une grande table de bois dressée, des fenêtres étroites et un âtre flamboyant, crépitant. Tous les meubles ont été fabriqués à partir des sapins environnants. Du bois mort... Oui, maintenant que j'y pense, cette salle respire la mort, surtout avec ces murs ornés de têtes de sangliers, de cerfs et, depuis peu de temps, de petits loups. Leurs yeux de verre semblent balayer la pièce, allant du Jarl jusqu'à moi, à genoux sur le tapis.

Parce que oui, je suis là, terrorisé et couvert de sang.

Je vois bien que mon père me considère, horrifié. Sur mon visage, sur mes vêtements, la neige et le pourpre se mélangent abondamment, et mes yeux hagards fixe le sol. Mon âme est prisonnière des horreurs que je venais de voir. Des horreurs... et des visions.

Le Jarl s'approche lentement, pose un genou à terre près de moi et relève doucement ma tête.

« Isenwald... que c'est-il passé ? Où est ton frère ? »

Mon frère... même à ce moment-là, il n'y en a que pour lui.

Je le fixe un moment, toujours un peu perdu. J'ai vraiment du mal à revenir à l'instant, à oublier ce que j'ai vu là-bas, dans la forêt. Plus j'y repense, plus je suis furieux, enragé ! Au fond, tout ça ne serait jamais arrivé s'ils m'avaient écouté ! Ma respiration s'accélère à cette pensée. Je lance au Jarl un regard bestial, puis j'essaie d'articuler, entre deux souffles, le fond de ma pensée :

« Je... Je... Je... Je vous l'avais bien dit...

— Dit... quoi, fils ?

— Je...Je vous avais bien dit que ce n'était pas les loups ! »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Pouiny
Posté le 22/06/2023
Les contes et saison celtes me manque... je voulais les relire et surpris de voir qu'ils ont disparu ! T-T Donc je profite d'une insomnie pour voir ce que tu as fait d'autre. Le nord, ambiance vicking et loups sauvages, je prends aussi, j'aime beaucoup !

Franchement j'adore ton style. ça prend son temps, l'ambiance et les cadres sont bien posé, et ça reste quand même efficace. Je sens que ça va me plaire :D
Aude Réco
Posté le 04/02/2023
Bonsoir ! J'ignore si tu veux un retour sur l'ensemble de ton texte (incohérences, etc.) ou aussi sur les fautes, mais comme j'en ai relevées, je te l'indique (n'hésite pas à me le dire si ce n'est pas ce que tu cherches) : "Pour toutes ses raisons" (ces), "et mes yeux hagards fixe le sol" (fixent), "Mon âme est prisonnière des horreurs que je venais de voir" (que je viens), "que c'est-il passé" (s'est).
C'est un début prometteur. À la fin, tu en dis juste assez pour attiser la curiosité, mais pas trop pour ne pas perdre l'attention du lecteur. (Et c'est conforme à la "promesse" dans ton résumé.)
Nathalie
Posté le 24/01/2023
Bonjour M. de Mont-Tombe

Petite correction :
à genou → à genoux (à moins qu’il n’en ait qu’un seul à terre)

L’ambiance est donnée. C’est incisif et rapide, ça va droit au but. J’aime bien.
Vous lisez