Partie III : Guerre et Pets - Chapitre 17 : Le dernier bar avant la tempête

Chapitre 17 : Le dernier bar avant la tempête

 

Evangile de Spirale, chant numéro 2, verset 4

 

« ‘Iilaaha les bénit et leur dit : Soyez fécondes, multipliez, emplissez la mer et soumettez-là. »

*

Les deux garçons se faisaient face, étrangement lumineux dans un monde de suie. L’un d’entre eux leva le bras, et l’autre fit le même geste au même moment, comme le reflet d’un miroir.

C’est un miroir, pensa Balthazar dans son rêve, avant de réaliser qu’il avait tort.

 

Les deux adolescents étaient étrangement semblables, comme pourraient l’être les membres d’une même fratrie. Celui de gauche était plus maigre, plus noueux, son nez était plus grand. Celui de droite avait des traits plus fins, plus élégants, ses cheveux épais tournaient en belles boucles noires tandis que son double avait les cheveux plus courts.

Lequel est moi ? se demandait Balthazar, mais aucun ne lui ressemblait parfaitement. Il avait le nez de l’un, son allure maigrichonne, les pomettes fines de l’autre et ses beaux cheveux. Et ils avaient tous les deux leur jambes.

— C’est toi, Andr ?

Il y avait une troisième personne à présent. Lù était debout entre les deux garçons, différente du présent : elle possédait ses deux yeux, ses cheveux étaient coupés en carré court, plongeant, et elle était vêtu d’une longue robe blanche brodée de piécettes tintinnabulantes.

Elle leva le bras et un oeil était incrusté dans la paume de sa main. L’oeil le regarda et le miroir se brisa.

 

Balthazar se réveilla en sursaut.

La cellule était plongée dans la pénombre. Seul un maigre rayon de lune venait éclairer le visage de Taïris, impassible et tourné vers la nuit. Il était assis sur la couchette, les genoux repliés contre le torse.

Depuis qu’on les avait enfermés ensemble, le robot n’avait pas bougé d’un pouce, plongé dans un mutisme mélancolique auquel il ne devrait pas avoir droit. Balthazar ne connaissait pas du tout Abbas, mais quand il repensait au déroulement des évènements, il sentait son coeur se gonfler de rancoeur.

Un léger chuintement leur indiqua que la trape en dessous de la porte du cachot venait d’être ouverte, laissant passer un plateau sur lequel trônait deux bouts de pain rassis et une soupe de topinambours.

La lumière qui se glissa par la trappe vint éclairer le joyaux qui brillait sur le bracelet de Balthazar.

L’adolescent avait atrocement faim et se jeta sur la pitance. Son ventre était tellement creux qu’il devait être en train de se digérer lui-même. Il avala la soupe sans attendre qu’elle refroidisse et se brûla la lange.

Ce n’était pas vraiment assez pour satisfaire son appétit.

Le silence retomba, uniquement brisé par les gargouillements de son ventre. Balthazar jetait des coup d’oeil furtifs en direction du bol et du pain de son codétenu qui n’avait pas bougé d’un poil.

Est-ce qu’un robot avait besoin de manger ?

Ce dernier fini par remarquer son manège :

— Tu peux prendre ma part, si tu veux.

— Pas besoin de manger ?

Taïriss tourna la tête vers lui, interrogateur, et Balthazar ajouta :

— Je sais ce que tu es. Plus ou moins.

— Et toi, tu es un Pillier.

— Elle te l’a dit ?

— Non, je m’en doutais. Ton attitude bizarre. Et les égratignures que tu t’es fait lors de la chasse sont déjà refermées.

Un silence pesant s’écoula entre eux comme une gelée nauséabonde. Balthazar finit par demander :

— Le garçon. Tu t’en veux pour ce que tu as fait ?

— J’aurai dû trouver un autre moyen.

L’adolescent fit un sourire ironique :

— Oh, ne rien faire aurait été une solution très acceptable. Une balle ne peut pas te tuer, non?

— Elle peut m’abimer et par cela dévoiler ma nature. Et je ne pouvais pas laisser faire ça, car Lù m’avait demandé de prendre soin de moi. Et je ne peux pas lui désobéir.

Balthazar resta pensif. Lù ne lui avait pas vraiment présenté les choses sous cet angle. Etait-il son amoureux... ou son esclave? Quand il posa la question, Taïriss secoua la tête avec mélancolie :

— Cette question n’a pas de véritable réponse. Les deux sont vrais. Quand à ma servitude, Lù n’y est pour rien. J’avais pour consigne d’obéir à sa famille bien avant qu’elle n’hérite de moi. C’est ainsi.

Les yeux noirs glissèrent sur le jeune garçon :

— Et toi ? Tu as dit que tu te souvenais d’elle, que tu te souvenais de quand elle était Portail. C’est vrai ?

Balthazar hésita avant de s’épancher :

— Je... J’ai des bribes de souvenirs, mais rien de net. Il y a cette ville, avec de hauts remparts et des murs de terre rouge. C’est une cité au bord de la mer, qui entoure une oasis et de luxuriants jardins.

— Tu parles de Luminosa, la première ville des brunes.

— Il y a aussi des cavaliers, qui attaquent la ville, des hommes armés...

— Les Euphrates, sans aucun doute. Tout cela a du sens.

— Et je me souviens de cette femme. Je travaillais pour elle. J’enluminais un livre pour elle, dans les jardins de Luminosa. Et jusqu’à peu, je ne me souvenais pas de son visage. Jusqu’à ce que je vois Lù sur le cheval. Le cheval avait des grelots, et je ne sais pas pourquoi, ce son avait quelque chose de terriblement familier. Et son visage... son visage à contre jour. C’était elle, n’est ce pas?

— Je n’en sais rien.

Balthazar le regarda d’un air interloqué avant que Taïris ne s’explique :

— A ce moment-là, nous ne voyagions pas encore ensemble. Mais elle est déjà venu ici il y a longtemps, c’est certain. Et elle pense être Portail, sans en être sûre. Sa mémoire est comme une carte rongée. Ce qui est certain, c’est que quelque chose d’important s’est passé ici.

— Comment le savez-vous?

— Parce qu’avant de voyager avec moi, elle prenait des notes. Sur des carnets de voyage. Mais pour ce monde-ci, les pages ont été arrachées. Lù a arraché les pages et maintenant elle ne se souvient plus.

— Elle a essayer d’oublier?

Taïris hocha pensivement la tête.

— C’est ce que je crois. C’est pourquoi je ne voulais pas la laisser revenir seule, ici. Je la crois plus en danger que ce qu’elle croit. Et toi, toi qui a au moins 2000 ans, si tu te souviens de l’apôtre Portail… la clef peut se trouver dans ta mémoire autant que dans la sienne.

*

Des années plus tôt…

 

La sueur coulait entre les omoplates de Terfez, son bras était raide et ses doigts crispés sur la crosse de son pistolet.

Il faisait chaud, les perroquets et les perruches croassaient, les autres gamines retenaient leur souffle.

— PAN !

Elle avait appuyé sur la détente. A presque cent pieds, la vielle bouteille de rhum éclata, mélangeant son odeur d’alcool frelaté à celle des frangipaniers et des herbes dorées par le soleil.

Terfez se décrispa et s’autorisa un sourire satisfait tandis que son bras et l’arme retombaient le long de son flanc, sous les hourras de sa dizaine de camarades.

La petite corniche où elles se trouvaient toutes dominait la ville et la mer, les cours étaient fini et Melchior était en train de la regarder. La pré-adolescente jeta un coup d’oeil pour vérifier qu’il n’avait rien perdu de son exploit.

Le garçon était assis contre un arbre et lui souriait. Chemise bien repassée, cheveux ondulés, dents blanches, yeux mélancoliques. Les iris de Terfez, d’une couleur indéfinissable, se dilatèrent ; son coeur se mit à battre plus vite dans sa poitrine.

Pour elle, le fils de Spirale était le plus beau garçon d’Hàgiopolis. Elle remonta nerveusement sa cascade de tresses noires en un énorme chignon.

Tout à l’heure, dans la montée, elle avait étudié son cou, et comment la douceur de ses épaules se dissimulait dans l’ombre du coton amidonné. Elle s’était laissé hypnotiser par le doux balancement des hanches qui marchaient juste devant elle.

Bravache, elle avait retiré sa tunique, pour mieux sentir ses yeux à lui se poser sur sa peau.

Elle était la fille de Dédale. Il était le fils de Spirale. Elle était remarquablement douée. Il était magnifiquement beau. C’était l’été ; ils avaient treize ans ; ils flirtaient délicieusement au milieu de leurs amis. Tout était parfait.

C’était à ce moment-là de ses pensées que Terfez fut interrompue. On entendait des rires au milieu des arbres et bientôt un autre groupe arriva : un groupe d’adolescentes plus âgées. Les deux premières, deux rousses se bidonnaient, bras dessus, bras dessous. La première, dont la crinière carotte faisaient un épais fouillis mal peigné autour de sa tête, racontait :

— Et là, je lui dit : mais touche-donc si tu aimes !

Le groupe hurla de rire avant de s’immobiliser, réalisant qu’il n’était plus seul. La deuxième rousse, une grande tige aux interminables cheveux teint d’un henné sanguin, sourit d’un air ravit.

— Regarde, Mangouste, les petites s’entrainent à tirer sur des bouteilles.

Immédiatement, l’humeur de la pré-adolescente s’assombrit. Elle détestait qu’on la qualifie de petite. Bien que le qualificatif s’adressa au groupe, elle le prenait contre son mètre vingt.

— Tu devrais leur montrer, Honorine ! C’est toi la meilleure tireuse de l’île !

Terfez voulut protester. On a pas besoin de votre démonstration ! Mais au même moment, elle sentit la main de Melchior se poser sur son bras et elle se raidit.

— Tu sais qui c’est ? murmura-t-il, les yeux brillants.

La pré-adolescente fronça les sourcils :

— Comment le saurais-je ?

— Sa mère est l’am shagira de la mort, elle prendra la suite de la mienne. .

— Et alors ?

— Rien, je la vois de temps en temps, c’est tout. Sa mère est souvent sur Mumit, alors Honorine est en apprentissage là-bas.

Terfez haussa les épaules. A ce moment-là, la dénommé Mangouste se posta loin des deux groupes, récupéra deux bouteilles vides et les jeta successivement en l’air. Honorine tira deux pistolets de ses baudriers et eut ce geste insupportable qui fit à la fois voler sa longue chevelure de feu et voleter le jabot de sa chemise crème aux large manches — Terfez repasserait ce moment dans sa tête, des centaines de fois, une fois seule dans ses appartements — et tira deux fois en l’air. Les deux bouteilles éclatèrent comme des bulles de savon.

Toutes les personnes présentes applaudirent à tout rompre ; toutes, sauf Terfez qui avait la vague impression d’avoir avalé de travers.

— Je devrais peut-être me présenter à la place de ma vieille, se vanta ouvertement la grande fille maigre en rejetant à nouveau dans son dos ses cheveux.

— Elle est incroyable, chuchota Melchior.

— Peuh, d’ici quelques années, je ferai bien mieux.

Honorine l’avait entendu et lui sourit d’un air moqueur :

— J’attends de voir ça, petite méduse.

— Il ne faut pas être jalouse ! ajouta Melchior en plissant les yeux d’un air espiègle.

Tout le monde éclata de rire et Terfez rougit jusqu’à la pointe des cheveux. Il lui avait fallut serrer les poings en silence, attendre son heure en feignant le calme alors qu’à l’intérieur, elle bouillait en observant le regard remplit d’admiration de Melchior pour cette horrible fille chevaline.

Enfin, les deux groupes s’étaient dispersés et Terfez était rentrée à pas moroses en direction du temple de la vie. L’ascension de la falaise lui avait parut plus pénible encore que d’habitude.

Elle n’était pas aussitôt rentrée qu’une garde l’intercepta avant qu’elle ne retourne dans ses appartements.

— L’amy kabira Dédale souhaite vous parler.

Terfez sentit sa gorge se nouer. Sa mère désirait la voir ? Ça n’arrivait pas tout les jours.

Elle suivi la garde jusqu’à la chambre de la grande prêtresse, avant que la soldate ne les laisse seules.

— Mère ? vous m’avez faite demander ?

La silhouette sombre était assise dans son fauteuil ; elle priait. TErfez attendit en silence que sa génitrice termine et se relève.

— On m’a dit que des bouteilles de vin avaient disparues à la cave.

— Je n’y suis pour rien, je...

— Ne mens pas. Quelqu’un t’a vu. Tu es encore allée t’entrainer au tir avec tes misérables amies.

Terfez garda le silence et baissa le menton.

— Si tu t’entraine, fais-moi au moins le plaisir de le faire sur des bouteilles vides.

La silhouette se leva et Terfez entendit distinctement le bruit du ceinturon qu’on détachait.

*

— Alors quand Balthazar meurt, le monde recommence, c’est ça ?

Honorine hocha la tête lentement.

Elle et Lù étaient installées, plutôt étroitement, dans le nid-de-pie de Mumit. La première était plutôt à son aise, scrutant la ville en plissant les yeux tandis que la seconde sentait son déjeuner lui remonter dans l’estomac au rythme du roulis qui les faisait pencher ça à gauche, ça à droite.

— Oui, c’est être déjà arrivé avant. Et ça aurait revenu encore et encore si toi n’être pas venu à Hàgiopolis.

— Raconte-moi.

— Tante moi être l’ancien oracle et parfois elle invoquer la grande bouche pour revenir dans le temps quand ça l’arrangeait bien. Mais tante qui était très vieille en avoir marre alors vouloir donner son pouvoir. D’ailleurs pas vraiment tante, mais plus arrière-arrière-arrière-grand-tante. Plus que ça. Mais Honorine de la même famille et posséder le pouvoir pour devenir grande prêtresse de Manat à son tour.

— Alors vous avez organisé une passation ?

— Moi pas comprendre « passation ». Juste tante en avoir marre et décider de me le donner alors pâles ont organisées immense fête pour que je puisse recevoir le pouvoir. Et cette fête est pour Honorine moi le début et la fin de la grande boucle du temps. Brunes ont profité de grande fête pour attaquer mon village. Juste après moi recevoir Grande bouche. Elles prendre petits enfants pour elles et vendre les adultes sur continent. Ceux trop farouche, les brunes les tuaient. C’est comme ça...

Honorine s’arrêta soudain et ses yeux jaunes étaient à la fois farouches et embués de larmes. Le vent de la mer faisait danser ses mèches devant ses paupières et elle les essuya tout en écartant sa chevelure.

— Elles tuées mon père. Mon père qui était doux et idiot comme concombre de mer. Elles tué lui quatre fois car lui vouloir me sauver.

Lù compris immédiatement ce que la jeune pâle voulait dire :

— Quatre fois. Le monde a donc recommencé quatre fois. A chaque fois que Balthazar est mort, c’est cela ?

— Je crois. J’étais pas là, mais je le sens, lui. Je crois mort lui départ de la boucle du temps. Les brunes qui m’ont prises compris que moi était prêtresse de Iibliss et avoir fait moi prisonnière pour invoquer grande bouche et maudire les trois grandes mères de Hàgiopolis. Ennemies de brunes de la ville.

— Mais ces brunes se sont fait tuer par les djumbees.

Honorine la dévisagea avec perplexité :

— Qu’est-ce être djumbees ?

— Ce sont des corps de sombres mortes pendant la guerre qui hantent les marais.

La pâle secoua la tête :

— Honorine jamais entendre parler de ça.

— Moi non plus, je n’y croyais pas. Mais quand on est venues te chercher dans le marais, je les ai vus. Dégoulinants d’eau, les yeux tout blancs. C’était terrifiant. Et quand nous sommes arrivés dans le village où l’on t’avais caché, tous les habitants avaient été noyés, ce qui est la façon de faire d’un djumbee, pas d’un animal.

— Ça pouvoir être aussi la façon de faire d’un humain. En tout cas, ça pouvoir expliquer pourquoi Honorine plus recevoir de nourriture. Moi penser mourir, mais à ce moment moi sentir le garçon.

— Balthazar ?

— Je pense. Moi ne pas le voir. Moi au fond du puit à chaque fois. Mais sentir lui, comme je dis. Et après, le reconnaitre quand toi venir. En tout cas, lui mourir. Et quand lui mourir, alors ‘Iibliss vient. Le temps couler à l’envers et revenir le jour de la fête où Honorine devenir prêtresse de ‘Iibliss. Encore et Encore. Et papa mourir, mourir, mourir... Et au début, Honorine peut rien faire, toujours passer pareil. Quand Honorine finit par se souvenir, alors trop tard. Honorine au fond du puit. Plus pouvoir se sauver. Jusqu’à ce que toi vienne. Alors le destin changer. Honorine sortir du puit et le garçon être sauvé. Pour le moment.

Lù resta silencieuse un moment avant de demander :

— Sais-tu ce qui fait que ‘Iibliss vient ?

Honorine eut l’air furieuse contre elle-même avant de murmurer :

— ‘Iibliss contrôle temps. Tante d’Honorine savoir comment faire, mais capturée avec mère d’Honorine avant de bien vouloir dire à moi comment faire. Moi prêtresse inutile. Je pas savoir comment manipuler ‘Iibliss. Quand tout finit ici, moi partir secourir ma famille. Mais rien possible si monde recommence.

— Je comprends.

Lù sembla sur le point d’ajouter quelque chose, puis se ravisa. Sa compagne ne remarqua rien et enchaina :

— Et toi ? Quelle déesse es-tu la prêtresse ? ‘Ilaaha ?

Les yeux gris se dilatèrent :

— C’est ce que tu crois ? Que je suis une prêtresse ?

— Oui, depuis que Honorine devenue prêtresse de ‘Iibliss. Je ressens celles servent autres divinités. Raclure, Balthazar, toi. Je crois que ‘Iibliss s’intéresse à vous plus qu’aux autres.

Son interlocutrice resta pensive avant de dire :

— Ma déesse me permet de me déplacer. Si ‘Iibliss bouge le temps, ma déesse bouge l’espace. Je viens de très loin d’ici. Je ne pense pas pouvoir t’expliquer bien avec les mots que tu connais maintenant. Mais je te montrerai bientôt.

La pâle la dévisagea en plissant les yeux :

— Tu devrais faire attention toi. Toi plus faible que tu crois.

Lù enfonça les mains au fond de ses poches :

— Qu’est ce que ça veut dire ?

En bas, sur le pont, une mousse mis ses mains en porte-voix pour crier :

— Réunion dans la cabine du Capitaine dans cinq minutes ! On vous attends !

Les deux adolescentes l’ignorèrent. La pâle chassa à nouveau les boucle que le vent lui envoyait dans les yeux :

— Je pas savoir comment dire, je sentir. Balthazar être très fragile, après c’est toi. Raclure et moi pas fragile, fort. ‘Iibliss ne nous aime pas. Mais ‘Iibliss renifler autour de ‘Iibliss et c’est ça qui la fait venir. Toi aussi. ‘Iibliss t’aime bien, mais toi avoir encore un protecteur. Dernier rempart contre ‘Iibliss.

Lù hocha la tête pensivement :

— Je crois que je comprends ce que tu veux me dire. C’est intéressant.

— Comment toi comprendre alors que Honorine être perdue ?

— Parce que je suis une « prêtresse » comme tu dis, depuis plus longtemps que toi. Et je sais des choses que tu ignores.

— Le protecteur, c’est le garçon Taïriss?

Lù secoua la tête :

— Non, c’est une autre personne. Je ne l’ai pas emmené ici. Tant que Tony sera en vie, ‘Iibliss ne pourra pas venir par moi.

— Tony ?

Lù ouvrit la bouche, mais en bas, la mousse chargée de les appeler les abreuva d’une nuée d’injures qui ne devraient pas être répétées.

*

— Amiral de bateau-lavoir !

— Moule à gaufre !

— Mouette de fond de cale !

— Baguenaude !

— Je vous vous conchie, écrevisse de rempart !

Lactae leva un sourcil :

— Bon, ça suffit maintenant.

Le Capitaine Cougnette montra ses chicots, qu’elle avait fort noirâtres :

— Ce sera terminé quand il se sera excusé.

— C’est un perroquet.

— Il a chié sur mes chaussures.

— C’est un perroquet.

— Et vous êtes sa maîtresse, mon honneur sera lavé si vous vous excusez à sa place.

Larifari était partie pour désamorcer la situation tandis que les coins de la bouches de Lactae se relevait en un rictus carnassier, mais Spirale fût plus rapide :

— Bon maintenant que nous sommes toutes là, le premier qui l’ouvre pour dire une nouvelle connerie, je le fais passer par la planche.

Sa migraine refusait de la quitter. Elle se servit un nouveau verre — au delà d’une certaine limite d’alcoolémie, elle ne sentait plus grand chose. La peur et la douleur étaient un lointain souvenir.

L’injonction sembla calmer tout le monde ; seul Taboulé battit des ailes en signe de protestation sur l’épaule de sa maitresse. La planche ne lui faisait pas peur.

Lactae, Larifari, Dolores, la Capitaine Cougnette, Spirale, Honorine, Lù et Tartine étaient installées en cercle autour du bureau de l’Amy Kabira de la mort et préparaient les hostilités.

— Alors, on en est où dans les comptes ? grogna Cougnette. Depuis tout à l’heure, ça n’arrête pas de rentrer et sortir d’ici. Au port, les femmes se regroupent. On a quoi comme soutient ?

Spirale avait l’air sombre :

— Pas autant que nécessaire, j’en ai peur. La plupart ont plutôt leur sympathie de notre côté, mais celle qui a l’or, c’est Dédale… et l’or fait tourner le coeur des plus fidèles, si on n’y prend pas garde.

— Personne ne va nous rejoindre alors ? demanda Tartine.

— Si, bien sûr, mais ça ne me parait pas suffisant pour pouvoir prendre la forteresse de la Vie. Et c’est là notre point principal. Si on prend le refuge de Dédale et l’agora, alors la guerre est terminée.

Lactae croisa les bras :

— Bon et plus précisément, on a qui ?

Spirale se gratta la tête :

— Les équipage de Blédine et Meringue sont pour nous. Celui de Macédoine aussi, mais je soupçonne qu’il y ait un ou deux traitres dans ses rangs, donc aucune information stratégique ne doit passer par elles. Le quartier des docks nous est acquis. Le haut de la ville - quartier des pendues, cercle du commerce - est pour Dédale.

— Et au milieu ?

Les sourcils de la Grande Mère de la mort se froncèrent :

— Au milieu se trouvent les couardes, celles qui ne veulent pas choisir. elles préfèrent notre camps, mais mouillent leur froc à l’idée de s’opposer à Dédale.

Tartine secoua la main :

— Ça encore, ça paraît humain. Si seulement on avait plus d’or avec nous, certaines retrouveraient sans doute leur courage.

Larifari se gratta le menton :

— On pourrait essayer de le voler, cet or.

Lù croisa les bras :

— L’or est au temple de la vie. Si il faut prendre le temple de la vie pour en avoir, vous tournez en rond.

Honorine intervint :

— Vous trouver or ailleurs. Trouver beaucoup trésors comme ça plus riche que Dédale.

Tartine renifla :

— Parce que tu crois que les trésors ça court les rues, peut-être ? A t’entendre, on pourrait toutes être riche sans trop faire d’effort.

Elle maugréa dans sa barbe quelque chose contre les pâles et Honorine haussa les épaules, froissée.

Dolorès de Figeras eut une petite toux discrète dans sa main avant de lâcher :

— Oui, enfin, les trésors, ça s’invente.

Tout les regards convergèrent vers elle.

— Qu’est ce que ça veut dire ? demanda Spirale.

— Ça signifie que le bruit court que la prêtresse Spirale s’est enfuie de Luminosa de façon flamboyante, en libérant tout les prisonniers de la prison, en dérobant trois navires sombres et en dérobant la cassette de la fortune personnelle de la commodore. Commodore qu’elle a tué elle-même. Enfin, ceci n’est qu’une rumeur, mais il est facile de la faire courir. De plus, nous avons le corps de Di Rodrigues, qui pourrait faire vaciller la foi des plus septiques.

— Vous voulez dire que nous devrions mentir ? gronda Larifari.

— Oh, inciter n’est pas vraiment mentir, surtout que comme je vous l’ai dit, il ne s’agit que d’une rumeur. Et si je peux me permettre, je pense que l’ennemi ne se gênera pas pour nous mettre des bâtons dans les roues avec des mensonges si nécessaire.

La petite mère de la mort réfléchit :

— Ça me parait immoral, mais pas idiot. Si ça nous permet de lutter contre l’appétit d’or de nos paires.

— Reste la peur que leur inspire Dédale, chuchota Tartine.

Lactae posa son menton entre ses doigts :

— Dans ce cas, qu’est-ce qui leur fait plus peur que Dédale ?

— Les djinns, ricana le Capitaine Cougnette.

— Les djumbees, frissonna Larifari.

Dolorès de Figeras dévisagea soudain Spirale avec beaucoup trop d’intensité. Celle-ci le lui rendit.

— Ce regard me dit que vous avez une idée.

— Et je crois bien que vous avez raison, signora.

*

La pièce était remplie de vapeurs parfumée au bois de rose et des pétales de fleurs parsemaient le bain.

Dédale s’avança vers le baquet d’eau brûlante qu’on avait installé dans sa chambre et ôta son pantalon. Puis elle s’assit sur le bord et entreprit de détacher les sangles de cuir qui retenaient sa jambe de bois. Elle ne se débarrassa de son baudrier qu’au dernier moment, juste avant de se plonger dans l’eau silencieusement, jusqu’à ce que son visage soit immergé et que ses centaines de nattes tintinnabulantes dessinent un arbre flottant autour de son crâne.

Elle ressortit et inspira profondément.

Voilà. On y était. D’une façon ou d’une autre, elle avait raté son coup en vendant Spirale aux sombres. Voilà que sa grande ennemie était de retour, et avec trois vaisseaux supplémentaires, par dessus le marché.

Malgré tout, elle gardait l’avantage. La ville était majoritairement dans sa poche et elle avait le fort, les armes et l’or.

Maintenant qu’elle avait donné ses directives à sa milice, il était temps de faire le vide avant la bataille à venir. Le bain brûlant et un massage l’aideraient à dormir.

Quand elle sentit que quelqu’un entrait dans la pièce, Dédale réalisa immédiatement que ce n’était pas son masseur habituel. Elle laissa pendre sa main doucement près de son baudrier, jusqu’à ce que ses doigts se referment sur son pistolet. Cependant, l’inconnu était entouré d’une odeur familière de cèdre et elle se détendit, lâchant le pistolet quand les mains se posèrent sur sa nuque avant de se mettre à lui pétrir doucement les épaules.

— Il y a donc encore certaines de mes femmes capable de se laisser acheter... Combien as-tu donné pour qu’on te laisse entrer ?

— Tu manques cruellement d’imagination quand il ne s’agit pas de me violenter. Il existera toujours des êtres qui préfèreront le sexe à l’argent.

Dédale renifla de dédain et tourna son profil dégoulinant en direction de Melchior qui la toisait, vêtu d’un de ses habituels peignoirs lâches. Le proxénète sourit et appuya davantage ses pouces sur les muscles tendus.

— En fait, j’ai demandé asile. Pour moi et mes gitons. Crois-moi tes femmes ne sont que trop heureuses de pouvoir profiter d’une dernière nuit peau contre peau avant la bataille.

— Et mon avis ?

— Je suis là pour te le demander.

Elle demeura silencieuse.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es méfiante ?

— Autant demander si la mer est eau et tanafas.

Il rit.

— Et si j’étais venu pour t‘assassiner, Dédale ? Tu as senti tout de suite que je n’étais pas ton masseur, alors pourquoi m’avoir laissé aller aussi loin ?

La grande mère eut un ricanement amer :

— Parce que tu n’as pas le cran. Tu préfèrerais me voir morte, mais me tuer te couterai ta précieuse carcasse et tu n’es pas prêt à t’en séparer. Tout cela est limpide pour moi.

Elle plissa ses yeux indéfinissables et siffla :

— Ce qui l’est beaucoup moins en revanche, c’est pourquoi tu es là. Pourquoi tu ne l’as pas rejointe ?

— Mon commerce se trouve en ville, répondit Melchior, nonchalamment.

— Sous tes airs détachés, je te croyait plus romantique.

— Je m’autoriserai à être romantique le jour où les femmes seront moins égoïstes. Même mon affection est devenu une compétition entre vous deux.

— Malgré tout, c’est elle que tu as choisie.

— Que veux-tu, c’est la femme la plus classe que je connaisse. Quand à toi, tu me ressembles beaucoup trop. Tu es cette petite fille effrayée qui n’attire l’attention de ceux qu’elle aime qu’en les brutalisant.

Dédale éclata d’un grand rire rauque et dut tousser dans sa main pour reprendre son sérieux :

— Alors c’est comme ça que tu me vois ?

Melchior sourit doucement, tendrement. Il rassembla les tresses noires entre ses mains et en fit une grande torsade qu’il plaça sur l’épaule de la grande prêtresse.

— Oh oui. Oui. Tu es terrifiée.

— Ta Spirale n’a pas un tel pouvoir sur moi.

— Ce n’est pas à elle que je pensais.

Les chandelles dessinaient sur le mur l’ombre du profil de Dédale. Le proxénète le redessina nonchalamment du doigt.

— Je pensais à tout ces regards qui t’observent du coin de l’oeil dans ton dos. Le poids du sang. La charge que ta mère t’a mis sur le dos. Tes ancêtres a qui tu n’as pu donner une héritière. La honte de la famille. Oh oui, je sens tout leurs yeux désapprobateurs sur toi.

La peau de la femme avait pris une teinte de cendre et sa mâchoire était contractée. Elle siffla :

— Bientôt je me débarrasserai de cette malédiction.

— Il n’y a pas d’autre malédiction que ta paranoïa. C’est ta peur seule qui éjecte les bébés de ton corps. De vous deux, tu es la seule empoisonneuse.

— Qu’est ce que tu en sais ?

— Il n’y a pas de malice en Spirale. Elle est beaucoup plus simple que toi. Tu imagines mille complot à la minute, mais si Spirale avait voulu se débarrasser de toi, elle t’aurai attaqué frontalement. Tu n’es pas le seule petit louveteau à imiter en tout point sa maman louve. Tu connaissais la réputation de droiture de Spirale l’ancienne.

— Qu’est ce que tu essayes de me dire ?

— Tu as comploté contre Spirale pour prendre les devants car tu imagines qu’elle te préparais le même genre de filouterie. Prendre le pouvoir plutôt que de la laisser prendre les devants. Même si cela doit te mener à ta perte, car la loi ne permet pas à une prêtresse de régner seule. Tôt ou tard, tu seras punies pour ce que tu fais. Et ça, alors que Spirale n’a pas touché un cheveux de Lulla.

— Alors qui ?

Melchior haussa les épaules :

— Je l’ignore.

Dédale ricana:

— Toi qui sait toujours tout !

— Je sais que toi et Spirale êtes dévorées par le déshonneur et que cela sera votre perte à toutes deux.

Alors qu’il lui massait doucement le cuir chevelu, elle l’agrippa par sa queue de cheval.

— Tu vas trop loin, proxénète.

— Vraiment. Et si je pouvais me permettre d’aller trop loin ?

— Tu n’as pas les moyens pour ça.

— Tu crois ?

Il détacha un à un les doigts crispés sur ses longues boucles.

— J’ai un arrangement à te proposer.

— Qu’est ce que tu pourrais me proposer qui m’intéresserai ?

— Ma sécurité, en échange du moyen de sauver notre fils.

*

Le goût âcre du rhum bon marché se répandit sur ses papilles avant de s’écouler dans son oesophage. Larifari toussa. Le gout était infect, mais elle n’avait rien d’autre sous la main. De plus, on ne la laisserai pas tranquille si elle sortait un meilleur cru.

L’entrepont dodelinait doucement au rythme des vagues, balançant de droite à gauche les pirates endormies ou comatant dans leurs hamacs crasseux.

La petite mère de la mort suçotait le goulot de sa bouteille en attendant l’aube. Pas moyen de dormir correctement cette nuit.

Un léger bruit de pas lui fit lever les yeux ; Lactae se glissait en dessous de plusieurs hamacs et se dirigeait vers elle.

Un pirate grogna :

— Tu veux un bout de pieu ?

Lactae secoua ses cheveux turquoises.

— Ca va, je vais partager le hamac de Lari.

La principale concernée sentit un noeud se former dans son estomac tandis que la marine se retournait dans son hamac et se remettait à ronfler. La petite mère de la naissance arriva jusqu’à elle et lui jeta d’un air nonchalant :

— Pousse tes jambes que je m’installe.

Larifari grogna mais obtempéra en repliant ses genoux pour que l’autre puisse s’installer tête bêche. Elle murmura pour qu’on ne puisse pas l’entendre.

— Comment va ton pied ?

— Constate par toi-même.

Avec un parfait sans gêne, Lactae posa son pied nu sur le sternum de son interlocutrice qui fronça les sourcils avant d’inspecter minutieusement celui-ci. Il restait une vague cicatrice blanche là où la lame avait traversé, mais il n’y avait plus de trace de la blessure infectée qu’on avait pu y trouver la veille même.

— Ca te fait encore mal ?

La petite mère de la naissance secoua la tête et Larifari souffla :

— Qu’est ce que tu penses de ça ?

Il y avait peu de lumière dans l’entrepont, mais un vague rayon de lune leur permettait de s’étudier dans les ténèbres. Les yeux bruns en amandes de Lactae dans les globes jaunes et globuleux de Larifari. Elles se comprirent sans en dire plus : qu’est ce que ce miracle disait sur Lù ?

— Ce n’est qu’un très bon médicament... hésita Lactae.

— Et le rayon sombre sur la plage ?

L’autre réfléchit ; les questions se bousculaient dans sa tête. Est-ce que les dernière révélation sur la petite mère de la naissance remettaient en question sa foi ? Et pour Larifari, est-ce qu’elle acceptait cette information sans la remettre en question ? Prudemment, elle répondit :

— Je pense qu’il est sage d’accepter de ne pas être capable de répondre à toute les questions. Et aussi de ne pas accepter à bras ouvert la première personne à nous donner une explication si elle n’en apporte pas de preuves.

A sa grande surprise, Larifari hocha la tête lentement tout en sirotant son rhum. Lactae hésita :

— Tu crois que c’est bien le moment de boire ?

— Je bois juste assez pour chasser la peur. On en aura pas besoin demain.

Le petite mère de la naissance médita cette réponse, s’enfonça davantage dans le hamac et tendit la main. Sa compagne hésita avant de lui céder la bouteille :

— Tu n’as pas le droit, tu sais ?

— On sera peut-être mortes, demain. Tout ça parce que nos grandes mères veulent se mettre dessus depuis qu’elles sont mômes. Ce soir, on a le droit à quelques incartades.

Malgré ses paroles, elle se contenta de renifler le goulot de la bouteille, grimaça et rendit la bouteille à Larifari avec un sourire entendu.

Celle-ci plissa des yeux avant de prendre une gorgée supplémentaire.

Elle sentait la chaleur de Lactae contre sa jambe et la pression de son pied était toujours sur son sternum, faisant battre son coeur plus vite. Elle aurait aimé sentir l’odeur de l’autre, même celle de ses orteils, mais l’entreponts était trop chargé d’effluves d’étoupe, de sueur et de bois et son nez anesthésié par l’alcool. La petite mère de la mort comprenait à demi-mot que Lactae n’aurait pas dû se trouver là. Que puisqu’elle savait ce qu’elle savait, elle n’aurait pas dû venir se rouler dans son nid. Est-ce qu’elle pouvait espérer ? Ou bien était-ce un cadeau, avant une bataille où elles mouraient sans doute ?

— Tu te pose trop de questions, soupira Lactae. Arrête de froncer les sourcils comme ça et dors.

Larifari voulu répliquer, mais l’autre venait de fermer les yeux. Résignée à ne pas avoir de réponses, elle sera contre elle sa bouteille et se laissa glisser dans le sommeil.

*

Quand la porte de la cale s’ouvrit, le ventre de Gaspard faisait un bruit qui rappelait désagréablement un râle d’agonie.

— Un petit creux ?

La silhouette immense de Spirale se découpait dans l’encadrement de la porte et le jeune homme se redressa brutalement sur sa paillasse. La reine pirate portait d’une main une planche à découper sur laquelle reposaient des galettes de patate douce, des tranches de mangue confites, des dates et des blancs de poulets grillés marinés au lait de coco. De l’autre, elle posa un plein pichet de vin aux épices sur la table branlante avant de s’asseoir nonchalamment en tailleur sur le sol.

— Si tu veux bien te joindre à moi…

Le jeune homme et la grande mère se dévisagèrent un instant avant que Spirale ne pioche dans le plat à main nue. Elle grignota une galette de patate douce et sourit ; la mimique dessina des petites pattes doigts au coin de ses yeux.

— Est-ce que je te fais peur, mon garçon ? Ce n’est pas empoisonné, je ne vais pas te faire de mal.

Gaspard ne la lâchait pas des yeux. Il souffla :

— Je sais.

— Tu es bien sûr de toi.

— Vous n’êtes pas comme ma mère.

La prêtresse eut une moue étonnée tandis que Gaspard se levait enfin pour la rejoindre à table. Il attrapa un morceau de poulet et se mit à dévorer. Spirale se servit un verre de vin et fit tourner le breuvage dans son verre :

— Est-ce que nous nous connaissons ?

— Nous nous sommes rencontrés, une fois. C’était il y a longtemps.

Elle le détailla et il baissa ses yeux sur ses doigts tâché de sauce.

— Vous aviez perdu votre chapeau.

Elle ouvrit grand les yeux :

— L’or de la Costa radiente.

— Oui, l’or est passé par dessus bord également. Mais votre chapeau était plus important.

Spirale tripota le bord du tricorne mité :

— C’est celui de ma mère.

— Je sais.

Les yeux sombres se plissèrent :

— Tu sais.

— Je sais beaucoup de choses à propos de vous. Je suis ramasseur d’algues et je travaille à côté de l’endroit où mouille votre navire. Je sais que votre chandelle reste allumée tard et que vous aimez dormir jusqu’au repas de midi. Vous aimez manger, mais pas proprement. Vous êtes gentille avec votre équipage et en échange il font semblant de rire à vos blagues médiocres. Vous buvez trop, du mauvais alcool. Vos femmes vous adorent. Ma mère vous déteste. Vous n’avez jamais frappé un esclave, vous n’avez jamais tué quelqu’un sans y être obligé. Vous ne chantez juste que ivre. Vous êtes une abominable joueuse de salamandre et bigorneau, mais vous vous débrouillez à la belotte. Parfois, vous brisez les règles et rejoignez votre amant à terre.

Ils se dévisagèrent et Gaspard termina :

— Mon père.

Spirale avait l’air beaucoup plus méfiante :

— Depuis combien de temps m’espionnes-tu ?

— Je ne vous espionne pas, je vous regarde. Souvent je ne fais même pas exprès.

La grande prêtresse était totalement décontenancé. Etait-ce une sorte de piège de mauvais goût? Elle qui pensait dominer cet échange se trouvait soudainement en mauvaise posture. Sans le faire exprès, Gaspard vint à son secours.

— Ne vous méprenez pas. Je ressens quelque chose de particulier pour vous. Je vous le dis car je crois que plus jamais je ne serai seul en votre présence. Vous êtes la seule sur cette île à savoir montrer votre affection sans honte. Je sais que vous êtes ici pour me demander quelque chose, mais ce n’est pas parce que vous me plaisez que je vous aiderai sans contrepartie.

Un silence s’étendit entre eux. Spirale posa son visage pensif contre sa paume.

— Qu’est ce que tu veux ?

— Qu’est ce que vous, vous voulez ?

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Nathalie
Posté le 13/11/2022
Bonjour Gueule de Loup

Mes propositions de corrections :

et soumettez-là → et soumettez-la

que la trape en dessous → trappe

Ce dernier fini par remarquer son manège → finit

J’aurai dû trouver un autre moyen → J’aurais

Quand à ma servitude → Quant à ma

A ce moment-là → À ce moment-là,

Mais elle est déjà venu ici → venue

Elle a essayer d’oublier → essayé

A presque cent pieds → À presque

je lui dit → dis

d’un air ravit. → ravi

On a pas besoin de votre démonstration ! → On n’a pas

A ce moment-là, la dénommé Mangouste → À ce moment-là, la dénommée Mangouste

Il lui avait fallut serrer les poings en silence → fallu

le regard remplit d’admiration → rempli

lui avait parut → paru

Ça n’arrivait pas tout les jours. → tous

Elle suivi la garde → suivit

TErfez attendit → Terfez

des bouteilles de vin avaient disparues à la cave. → disparu

Si tu t’entraine → Si tu t’entraînes

A chaque fois que → À chaque fois

l’on t’avais caché → on t’avait cachée

du puit à chaque fois → puits

au fond du puit → puits

sortir du puit → puits

On vous attends ! → On vous attends !

les boucle → les boucles

les coins de la bouches de → bouche

préfèrent notre camps, → préfèrent notre camp,

A t’entendre, on pourrait toutes être riche sans trop faire d’effort. → À t’entendre, on pourrait toutes être riches sans trop faire d’efforts.

Tout les regards convergèrent vers elle. → Tous

en libérant tout les prisonniers de la prison → tous

plus septiques → plus sceptiques

vapeurs parfumée au bois → parfumées

mes femmes capable de se → capables

je te croyait → croyais

mon affection est devenu → devenue

Tes ancêtres a qui → à qui

je sens tout leurs yeux → tous

Tu n’es pas le seule petit louveteau → seul

tu seras punies pour ce que tu fais → punie

qui m’intéresserai → qui m’intéresserait

les dernière révélation → les dernières révélations

toute les questions → toutes

A sa grande surprise, → À sa

On en aura pas besoin demain → On n’en aura pas

Tu te pose trop de questions → poses

elle sera contre elle → serra

La grande prêtresse était totalement décontenancé → décontenancée
Nothe
Posté le 02/09/2022
Salut ! Du coup tu avais demandé des retours sur la partie III et j'ai passé toute la semaine à la lire et la relire pour trouver des trucs intéressants à dire... Résultat je me suis mis la pression tout seul ahah ! Genre j'ai pris des notes et tout...
Je ne sais pas non plus très bien quels chapitres commenter, au début je pensais faire un gros master-post au dernier chapitre, mais ce serait sûrement un peu indigeste. Du coup je vais un peu mélanger les infos de la partie III mais je pense commenter sur des points précis dans les chapitres suivants, désolé pour le pâté confus !

Si je me souviens bien, une de tes peurs dans cette partie III c'était le fait que les scènes d'action soient confuses ou ennuyantes, parce que c'est dur à écrire (et c'est vrai). Je les ai beacoup relues et je trouve qu'elles marchent toutes très bien, avec une mention spéciale au combat adolescent d'Honorine et de Terfez et celui entre Lari et Murène. Ils sont tous les deux très différents, mais je pense qu'on en retrouve les ficelles dans tous les autres combats : celui d'Honorine et Terfez est très marquant grâce à son retournement d'ambiance hyper brutal qui fait très vite dégriser, genre ça commence avec une chanson à boire, un combat un peu comique, et d'un coup, il y a le geste très froid d'Honorine, et le fait qu'il arrive si vite, sans s'annoncer, le rend super percutant.

(D'AILLEURS aparté sur Honorine et Terfez : ahhhhhhh en vrai c'était tellement bien d'en apprendre plus sur leur relation et d'avoir le point de vue de Terfez... J'ai pas envie de dire "woah ça l'humanise" parce que c'est un commentaire cliché mais c'est vrai dans le sens où ça montre bien que même elle, qui s'érige un peu comme "adversaire principale" au cours de l'histoire, n'est pas à l'abri du poids de sa société et que, comme toutes les autres, elle en a subi les affres. Melchior a parfaitement raison lorsqu'il la décrit dans ce chapitre : c'est une femme redoutablement intelligente, mais dévorée par la paranoïa et la honte, et ses comportements sont tous très compréhensibles. Au delà de ton style, c'est l'une des caractéristiques de ton écriture que j'admire beaucoup chez toi, être capable d'écrire des personnages qui font preuve de beaucoup de cruauté ou de "méchanceté" (même si c'est un terme assez enfantin) sans pour autant qu'ils ne soient "méchants". Je ne sais pas si ça a du sens quand je l'explique, mais c'est très sincère !

MAIS OUI DU COUP - sa relation avec Honorine....... j'aime bien....... *Je sais* que ce n'est pas romantique, mais je ne pense pas que ça te surprenne non plus, il y a ce mélange d'admiration, d'obsession et de familiarité entre elles qui fait battre le coeur. La scène de leur combat est très bonne en ça qu'elle crystallise parfaitement tous ces sentiments, et on comprend tout de ces persos dans ces quelques paragraphes, c'était génial. Alors oui, c'est une meurtrière de guerre, mais je ne peux pas m'empêcher de ressentir de l'empathie pour Terfez, et j'aurais vraiment aimé qu'elle puisse elle aussi connaître la tranquillité d'esprit offerte à Honorine et qu'elles partent toutes les deux dans le soleil couchant <3)

Quant au combat entre Murène et Lari, il marche très bien parce qu'il est au contraire très froid et tendu dès le départ, et le fait que tu ne t'empêches pas de blesser Lari de manière très brutale permet aussi de re-centrer tout cet univers dans ce qu'il est : un endroit où on peut mourir vite et douloureusement, parce que ces femmes sont des guerrières et des pirates ! Et savoir que les persos principaux ne sont pas miraculeusement épargnés par cette violence fait qu'on a peur pour eux, et c'est cool ! La phrase de Lari après sa blessure, quand elle appelle Cougnette au secours alors qu'elle sait qu'elle est morte, ça m'a vraiment brisé le coeur, c'était parfait, sa détresse sonne très juste, comme une enfant qui appelerait sa mère. C'était vraiment super !

Les autres combats me sont un peu plus flous, mais je me repencherai dessus quand je commenterai les autres chapitres. Sinon, l'action générale de la partie s'enchaîne bien ; le seul point où j'ai peut-être un peu tiqué, c'est que comme le voyage de Lù vers la carte est écrit simultanément avec le reste du combat, on a l'impression qu'elle fait tout son chemin dans le peu de temps que dure la guerre civile. Du coup elle avait enterré la boîte plutôt près de la ville ? J'aurais imaginé qu'ils auraient dû marcher plus longtemps, ça me semble un peu court comme trajet. Mais à part ça, tout est très fluide !

Les derniers points qui concernent précisément ce chapitre - elle est très secondaire, mais j'aime beaucoup le personnage de Dolorès. Elle incarne une forme d'intelligence maligne qui fait très bien écho aux autres figures de générales, c'est un vrai capitaine, elle est assez classe. Un truc qui m'a fait tiquer, c'est qu'elle développe son plan de répandre une rumeur comme quoi Spirale aurait de l'argent à dépenser, mais je n'ai pas l'impression qu'elle finisse par le mettre en place (en tous cas je n'ai pas retrouvé de mention de ce mensonge après ?) Si au final ce n'est pas écrit, ce serait peut-être mieux d'effacer ce paragraphe parce qu'on s'attend à ce que ça soit mentionné plus tard (mais c'est une ruse cool, et ça donne un peu plus d'importance à Dolorès, alors ce serait dommage).

Un autre truc, c'est que je trouve qu'on s'embrouille un peu dans le flashback de Terfez et Honorine lorsque tout le monde se met à parler de leurs mères et des Amy Kabira. J'ai mis plusieurs lectures à comprendre que la mère d'Honorine n'était pas encore Spirale à ce moment-là, seulement petite mère de la mort. Peut-être que lui donner un prénom rendrait le paragraphe plus clair ?

Et enfin, je crois que je n'ai pas compris ce que Melchior insinue quand il dit qu'il a un stratagème pour sauver la vie de Gaspard. En quoi trouver la carte et le trésor lui garantiraient la vie sauve ? Parce que la guerre se terminerait plus vite ? Gaspard a choisi son camp et ce n'est pas celui de Dédale, elle ne peut pas vraiment le mettre en sécurité à ce moment-là. Est-ce qu'il y a quelque chose que je n'ai pas compris ?

Et on finit sur un petit peu de PINAILLAGE :

- le titre de la partie "Guerre et Pets" est drôle, mais comme c'est une partie qui reste quand même assez sérieuse, je trouve que ça tue un peu l'ambiance, on dirait que tu ne crois pas toi-même à l'importance de ce que tu racontes (surtout qu'en plus personne ne pète et on se sent vraiment trahi :'()

- tu oscilles dans cette partie entre écrire "djumbees" et "jumbees", il faut choisir !

- Pareil pour l'orthographe d'Amy Kabira/Am Shagira, mais dans toute l'histoire - les majuscules et les apostrophes sont très aléatoires, et comme il faut bien se concentrer pour se rappeler qui est qui quand tu lis, des fois c'est bête mais le changement de signe est perturbant

- Ca me rappelle que j'avais tiqué sur le titre donné à Gaspard dans le dernier chapitre qui, si je ne dis pas de bêtise, inverse le "père" et le "grand" (update : je suis allé vérifier, et effectivement, c'est bien écrit Kabir Alab). Si je me souviens bien, tu disais que tu avais traduit ça de l'arabe, et je ne connais pas la langue, mais je trouverais ça curieux que l'adjectif passe soudainement en première place ? (un peu comme le Y d'Amy Kabira qui ne se retrouve pas dans Am Shagira, je ne sais pas d'où il vient ?) C'est vrai que techniquement, on peut dire "on s'en fiche, c'est un titre fictif", mais dans le cas où on utilise une langue étrangère dans un roman, je serais plutôt partisan de l'utiliser de manière grammaticallement correcte (c'est un peu comme les gens qui utilisent de l'anglais à tort et à travers pour se donner un air). Après comme dit plus haut je ne connais pas du tout l'arabe, donc peut-être qu'en fait c'est cohérent ! Mais je soulève la question au cas-où.

Bref !! J'essaierai de commenter sur les autres chapitres plus tard (ce sera sûrement plus court !!) Bisous et à plus !!
Vous lisez