Partie II - Chapitre 16

— Par ici !

La voix provenait du bas de l’escalier, où la foule avait commencé à se disperser en s’engouffrant dans ce qui s’avérait être l’entrée principale de la salle du trône. Hermès leur faisait signe, et Flora descendit à la suite d’Eric pour le rejoindre. Ils entrèrent dans une salle vide, et il referma rapidement la porte derrière eux.

Malgré l’angoisse qui la tenaillait, la jeune femme ne pouvait s’empêcher de dévisager l’homme qu’elle n’avait finalement que croisé depuis son réveil. Il s’entretenait avec Eric, et semblait s’agacer d’une chose qu’elle ne saisit pas immédiatement. Elle était trop occupé à lorgner sur sa chemise à crevées, son pantalon bleu nuit rehaussé de bottes, et ses mèches brunes qui s’échappaient d’un catogan défait.

Avait-il des rides ? Oui, surement. Et ses yeux ? De quelle couleur étaient-ils ? Se pourrait-il …

— D’accord Flora ?

Elle entendit son nom, et déglutit. Elle n’avait absolument rien suivit. Tentant de se rattraper, Flora prit une inspiration et croisant le regard mi-amusé, mi-curieux de Eric, elle sentit son courage s’enfuir.

— Je… Je n’écoutais pas, désolée fit-elle en se raclant la gorge.

Incapable de regarder Hermès dans les yeux, elle s’obstinait à regarder le mur sur lequel était représenté une fresque certainement merveilleuse, qu’elle était néanmoins en peine d’admirer. Hermès reprit la parole.

— La cérémonie va bientôt commencer, mais j’ai laissé Gabrielle dans sa chambre  à l’autre bout du palais en pensant avoir le temps de vérifier la mise en place. J’ai été pris de court par le début. Peux-tu rester ici Flora ?

A vrai dire, la jeune femme craignait de se retrouver seule, ou pire encore, avec une personne qu’elle ne connaisse pas. Mais Eric la rassura.

— Les gens se dirigent tous vers la salle du trône. On est dans l’antichambre de la bibliothèque, personne ne viendra par ici. Je dois vérifier quelque chose, et je reviendrai te chercher ensuite.

Flora ne put qu’acquiescer et après un dernier regard, ils la laissèrent seule.

Elle se tourna pour contempler le décors qui l’entourait. D’élégants fauteuils aux tons pastels desservaient de petites tables basses, toutes décorées et surmontées de fleurs odorantes. Les murs étaient recouverts de fresques sublimes, semblant conter une mythologie inconnue. Des meubles bas et vitrés protégeaient une collection de pierres, de fioles et de livres. Une porte fenêtre donnait sur les jardins, tandis qu’une autre, noire et close, devait mener à une autre pièce.

Le bruit dans le hall derrière la porte qu’avaient emprunté Hermès et Eric lui appris qu’elle avait un peu de temps devant elle. Flora alla s’asseoir sur un fauteuil confortable, et se mit à jouer avec la couture d’un coussin en velours. En survolant les titres sur la tranche des livres rangés dans la bibliothèque, elle se surprit à en lire quelques uns. D’autres, en revanche, étaient écrits avec une multitude de symboles et d’arabesques insolites qui ne lui disaient rien.

Flora observait depuis un moment un livre bleuté posé sur un pupitre en se demandant si elle avait le droit d’y poser ses mains, quand la porte noire s’ouvrit.

Un homme entra en finissant d’enfiler une longue veste sombre, et se figea devant la jeune femme, qui s’était levée mécaniquement.

Dans sa courte vie, Flora avait connu l’indifférence, la sournoiserie, la jalousie et la méchanceté. Mais jamais, jamais elle n’avait eut à subir une haine gratuite, telle qu’elle la lisait dans le regard de l’homme qui lui faisait face.

Il reprit ses mouvements, sans pour autant se départir du profond dégout qu’il ressentait à la vision de la tenue rouge que portait Flora. Celle-ci, les mains soudainement moite et la nuque tendue, sentait les battements de son coeur s’affoler. Elle ne s’était jamais autant sentie en danger.

— Gaïa.

Il avait parcouru les quelques mètres qui les séparaient sans efforts, sous l’impulsion du nom qu’il avait prononcé, telle une insulte jetée au visage de la jeune femme. Flora aurait voulu reculer, mettre de la distance, une table, un monde entre la colère qui vibrait dans le corps entier de l’inconnu, mais elle ne put bouger. Elle aperçut le fourreau d’une dague accrochée à la hanche de l’homme, et blêmit. S’interdisant néanmoins de trembler, elle redressa la tête et soutint le regard meurtrier.

— Je ne suis pas encore Gaïa, fit-elle avec plus d’assurance qu’elle n’en avait vraiment. Qui êtes-vous ?

Insensible à l’effort évident de Flora, l’inconnu siffla entres ses dents.

— Moi ? Je suis certainement celui qui te hait le plus dans ces environs.

Il avait parlé comme s’il crachait un poison, et la jeune femme ne put s’empêcher de frémir. Un reflet doré dans son regard la surprit.

— Vous êtes…

— Hadès, l’interrompit-il. Maitre des morts et de ceux qui précipitent la fin des autres. Tu t’en rappelleras bientôt.

La porte s’ouvrit derrière Flora, et elle sursauta. Elle avait presque oublié où elle se trouvait et ce qui allait arriver.

— Hadès, recule.

La voix méconnaissable la fit frissonner, et la jeune femme se tourna vers Eric, qui fulminait de rage. Hadès, quant à lui, ajusta sa veste et lança un regard tout aussi violent à celui qui venait d’arriver.

— J’aurais dû me douter que ce serait toi qui la gèrerait.

Flora se sentit rougir de honte. La gérer ?

Hadès fit volte face et se dirigea vers la sortie, sans un mot. Lorsque la porte claqua, Flora relâcha ses poings devenus blancs sous la pression. Eric s’était approché.

— T’as-t-il touché ? souffla—t-il a demi mot.

Elle se retourna et le vit sincèrement inquiet. Son coeur emballé reprenait enfin son rythme.

— Non. Non, il a … Il a juste été…

Mais Flora n’avait pas les mots. Comment pouvait-on autant haïr quelqu’un ? Elle ne le connaissait absolument pas. La certitude qu’avaient ces gens de la connaitre la perturbait réellement. Eric croisa les bras et la regarda, soucieux.

— Hadès est un cas à part. J’ai senti sa présence trop tard…

La porte s’ouvrit à nouveau, et cette fois, Gabrielle entra suivit d’Hermès. Il fronça les sourcils devant leur mine sombre.

— Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.

— Hadès était dans la bibliothèque à côté, raconta Eric. Il a confronté Flora avant que je n’arrive.

Hermès jura, et Gabrielle haussa un sourcil en l’entendant parler ainsi. Il se tourna vers Flora.

— Je suis désolé que tu l’aies rencontré seule. Il est… Particulier. Il n’osera pas te toucher, rassure-toi.

Il soupira, comme si le stress emmagasiné ces dernières heures le rattrapait soudainement.

— Ce sera bientôt à vous de jouer, annonça Hermès. Nous allons vous laisser seules, et on viendra vous chercher.

Flora croisa le regard de Gabrielle, qui semblait cette fois-ci loin de l’assurance qu’elle avait montré devant la salle des bains.

Après un dernier au revoir, un dernier signe de tête encourageant, ils sortirent, laissant les deux réincarnations seules.

Le silence qui régnait à présent pesait lourdement. Flora, toujours sous le coup de la haine qu’on lui avait infligé, sentait poindre une migraine mémorable. Gabrielle, resplendissante dans sa tenue rouge, s’était mise à faire les cent pas.

— Ils nous tannent avec nos futures responsabilités, et ils nous font mariner dans un placard !

Lorgnant rapidement sur le détails des fresques aux murs, Flora eu envie de répondre qu’il s’agissait d’une salle plutôt charmante. Mais elle se rappela qu’elle était, elle aussi, concernée par la cérémonie qui commençait.

Encore une fois, Flora se demandait comment elle en était arrivé là. Dans un monde inconnu, avec des individus flamboyants, et une mission qu’elle ne réalisait pas pleinement. Elle essuya ses mains humides sur son pantalon soyeux et sursauta à nouveau quand la porte s’ouvrit une nouvelle fois. Cette fois-ci, personne ne se tenait dans l’encadrement. Gabrielle et Flora échangèrent un regard.

Mais Flora sentit comme un courant d’air glisser sur sa peau. Elle frissonna, et surprit Gabrielle du coin de l’oeil s’agiter aussi. La brise surnaturelle qui faisait danser ses cheveux provenait du hall, dans lequel s’étaient tenus tous les invités tout à l’heure.

— Tu sens ?

— Tu entends ?

Toutes deux avaient parlé en même temps. Flora n’entendait rien de particulier, mais sentait la brise lui caresser la peau. Gabrielle ne sentait rien, mais entendait le son de l’eau.

Un rythme, une pulsation semblait vouloir les emporter. Un battement de coeur, le pouls de l’air et de la terre.

La porte ouverte les appelait, et elles traversèrent.

La nuit était tombée. Flora observait le ciel à travers le plafond percé de lucarnes, et la brise joueuse tira d’autant plus sur son bras pour qu’elle ne cesse de marcher. Gabrielle agitait distraitement la tête, comme si un insecte indélicat lui causait quelques tracas.

La force devenait plus impudente, plus pénétrante à mesure que les deux s’approchaient de la haute porte ouverte. Un homme en livrée attendait patiemment sur le seuil, son regard figé loin devant lui. Flora continuait d’avancer, incapable de résister au vent qui se jouait d’elle. Gabrielle la suivait, sachant pertinemment que rien ne cesserait tant qu’elles n’auront pas atteint la salle.

Elles l’atteignirent, et le silence tomba.

Une centaine de personne s’était rangée le long des murs latéraux, attendant patiemment l’arrivée des deux jeunes femmes. La pénombre était tenue en respect par de longues colonnes lumineuses, qui saillaient entre les plantes hautes et la végétation. Le dôme au dessus de leur tête scintillait de la lune qui s’était levée tôt, et au centre de la salle, trônait deux piédestaux.

En demi cercle autour, se tenaient sept silhouettes encapuchonnées et silencieuses. Flora vit Eric, Hermès, Hadès et d’autres qu’elles ne connaissait pas encore se tenir rangés à droite des socles et à gauche du dernier des inconnus drapés de noir.

Tous regardaient les nouvelles arrivées, et Flora eut envie de faire demi-tour. Elle risqua un regard vers Gabrielle, y cherchant peut être un réconfort qu’elle se savait bien en peine de trouver seule. Mais Gabrielle observait la scène, avec le courage et l’abnégation de ceux qui avaient cédé à une requête insistante.

Le vent vint lui souffler dans le cou une fois encore, et elle sut qu’elle ne pouvait plus reculer.

Elles se mirent à avancer ensemble. Leurs pas raisonnaient dans la salle majestueuse, et tous les suivirent du regard. Flora remarqua le roi Elendil, qui se tenait à sa gauche, à l’opposé des Dieux qui la couvaient du regard. Elle pouvait sentir la force que lui transmettait Eric en souriant, et la haine pulsative qui jaillissait de l’homme aux cheveux noirs à côté de lui. Hermès contemplait Gabrielle avec le regard de celui qui sait son enfant condamné, et semblait se retenir désespérément de tourner son regard vers les silhouettes mystérieuses.

Celles-ci n’avaient pas bronché, et nulle ne pouvait discerner un visage sous les capuches profondes. Il émanait du groupe une prestance singulière, comme s’ils étaient à la fois le centre de la cérémonie et de lointain spectateurs. Flora tentait vainement de percevoir des yeux, une bouche sous l’obscurité, mais rien n’était accessible. Une sueur froide coula le long de son dos, et elle finit par s’arrêter devant le piédestal gauche. Gabrielle se tint face au second, à sa droite.

— Bienvenue, élues des mères. Que commence ce soir la cérémonie de l’éveil.

La voix grave et caverneuse avait jailli, semblant venir de partout. La foule avait tressailli, et tous portèrent leur regard sur les sept regroupés. Soudain, un chatoiement dans l’air se produisit au-dessus des socles, et deux sphères brillantes apparurent dans les airs.

L’une, froide et bleue, se posa en face de Gabrielle dans un tintement de verre.

L’autre, chaude et rouge descendit dans un crépitement en face de Flora.

Les deux contemplaient les orbes qui s’étaient logées dans un creux jusqu’ici resté invisible. Dans leurs yeux brillait le reflet lumineux des pierres scintillantes, qui paraissaient chasser les ombres sur leur visage. De la taille d’une petite balle, elles illuminaient la salle entière. D’envoutants volutes dansaient en elles, comme des turbulences prises au piège d’une bogue de cristal.

Une petite exclamation dans la salle fut vite étouffée, et les deux jeunes femmes quittèrent enfin des yeux les sphères colorées.

 

Les Reliques étaient en place.

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ludivinecrtx
Posté le 09/05/2020
Coucou

Mais j'avais pas vu que tu avais encore posté !!!


BOn déjà sache qu'on a envie de lire la suite. Si j'avais eu encore un chapitre à lire, j'y serais directement allé pour voir la suite.

J'ai été aussi surprise des orbes. Tout se passe vite, ça à l'air simple bizarrement mais après ce na veut pas dire que tu dois le compliquer. Peut être le décrire plus?

Charmant ce Hadès, jolie entrée. Je te cite " — Moi ? Je suis certainement celui qui te hait le plus dans ces environs.

Il avait parlé comme s’il crachait un poison, et la jeune femme ne put s’empêcher de frémir. Un reflet doré dans son regard la surprit.

— Vous êtes…

— Hadès, l’interrompit-il. Maitre des morts et de ceux qui précipitent la fin des autres. Tu t’en rappelleras bientôt."

Bouh. petit frisson, surtout que moi je sais pourquoi il dit ça mdr.

Pauvre Flora, on sent que ça va mal se passer. Elle est si perdue dans tout ça. LA PAUVRE
Lucchiola
Posté le 20/05/2020
Oh merci pour le compliment !!

Hadès vend clairement du rêve hein ? C'est le genre de mec à plomber sa description dans un site de rencontre XD

POOR FLORA ! XD
Xendor
Posté le 07/05/2020
Coucou !

Pour ce chapitre je suis en attente de la suite. Rhaaaa je suis choqué. La cérémonie c'est juste ça. C'est surprenant que la remise des orbes soit aussi pragmatique que ça.

Par contre, Hadès. Il va falloir que les deux femmes s'expliquent avec lui, il pourrait être un traître si elles ne le font pas. Et puis Flora qui est paumée au milieu de tout ça. Ils n'auraient jamais dû lui demander ça ^^
Lucchiola
Posté le 07/05/2020
Haha non non ce n’est que le début, désolée 😬 et encore je sens que j’ai bâclé un peu. Et il me reste quelques coquilles à corriger mais j’étais tellement dans le speed ces derniers jours et je voulais telllllement finir ce chapitre que j’ai été perspicace 😏

La suite arrive !


Pour Flora, elle va clairement se faire manger aux petits oignons et avec un filet d’huile d’olive. Mais quand et comment ? 🤔
Xendor
Posté le 07/05/2020
C'est toute la question 🤔 Elle va finir sur une île de cannibales et se faire rôtir au feu 😁
Lucchiola
Posté le 20/05/2020
Outre quelques tortures, tu n'es pas loin oui ! XD
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