Partie I : Le totem ~ Prologue

Notes de l’auteur : Avis aux lecteurs ! Ce livre est en cours de correction, je reposte au fur et à mesure, donc quelques éléments peuvent vous paraître incohérents. La plupart ne se remarqueront pas, je préviens juste que Keatys change de nom, elle s'appelle désormais Ealys. Voilà, bonne lecture !

Les feuilles chantaient doucement à la faveur d’un vent frais. Les ombres s’étiraient nonchalamment et coulaient le long des troncs. L’air bruissait de murmures, de mouvements et de frémissements, baigné du rouge pâle du crépuscule mourant. 

Les pas sourds des chevaux sur l’herbe retentissaient dans l’atmosphère avant de se fondre dans la mélodie de la nuit rampante. Un silence presque total emplissait le groupe qui avançait à la lueur d’une unique torche.

Asha n’observait pas le chemin devant elle. Elle préférait porter son regard vers la voûte de feuilles rougie par le soleil et mouchetée de morceaux de ciel où naissaient des étoiles timides. Elle contemplait le firmament, les arbres, les buissons, les animaux dont les silhouettes filaient entre les branches. Sur l’une d’elles, elle aperçut une colonne de fourmis. 

Près de la fillette, juché sur un autre cheval, Kurtis bailla bruyamment. Sa sœur, qui tenait les rênes de la monture le rabroua à voix basse. Il flottait autour d’eux une interdiction solennelle, celle de briser le silence. Pourtant certains ne percevaient pas cette prohibition inaudible. C’était le cas d’Oèn. Le garçon s’adressa à Keira, qui montait avec Asha.

— Eh, tu crois que tu vas avoir peur ? demanda-t-il d’un ton nerveux.

— Sans doute, répondit la petite fille. Père a dit que c’était très effrayant.

Oèn gonfla ses biceps imaginaires.

— Moi je suis sûr que j’aurai pas peur ! s’exclama-t-il.

— Ne fanfaronne pas trop, lança Ealys, la plus vieille des enfants du haut de ses douze ans. Tu ne sais pas ce que tu vas voir.

Son air sérieux fit déglutir l’assemblée. 

— Ce n’est pas si terrible que ça, si ? s’enquit Oèn.

Derrière eux, les quatre Arsalaïs accompagnant le groupe se gardèrent bien d’affirmer ou non les propos de leur apprentie. Ealys avait déjà assisté au Sacrifice lors de son baptême, elle venait pour aider son mentor. Ses yeux bleu pâle étaient alourdis d’une brume noire. Kurtis, coincé contre elle, ravala ses larmes. À sept ans, c’était le plus jeune.

Aedan, qui menait le groupe, s’arrêta à l’endroit où le chemin se séparait en deux. Il fit volte-face et balaya les enfants du regard.

— À partir de maintenant, je ne veux pas un bruit, déclara-t-il d’une voix autoritaire. Ne vous reposez pas trop sur le Voile, un simple cri ou un mouvement trop brusque peut le rendre inefficace. Je compte sur vous pour vous montrer le plus discrets possible.

Sur ces paroles sans appel, il s’engagea sur le sentier de droite, le plus étroit. Asha fixa la main crispée de son père qui tenait la torche. Il était toujours sec, mais la manière dont les veines affleuraient sa peau lui fit penser qu’il était nerveux. Après tout, il prenait un risque en emmenant autant de jeunes au Sacrifice. Mais c’était mieux pour eux, apparemment, de traverser cette épreuve ensemble.

Aedan descendit de son étalon noir et frotta sa torche par terre pour l’éteindre. Il faisait complètement nuit désormais. Le groupe se sépara alors en deux : les Arsalaïs et Ealys qui se rendaient sur un cercle de pierre pour tisser le Voile, et les enfants dirigés par Aedan. Il les emmena au milieu de broussailles épaisses alourdies d’un noir moite jusqu’à un tronc épais. De là, il leur fit signe de grimper. Oèn qui voulait montrer ses progrès, s’élança et manqua de tomber, car l’écorce lisse offrait peu de prises. Artis soupira et se servit des autres arbres pour arriver à l’endroit où les branches s’écartaient, vite suivie par Asha et Keira. Oèn grogna, il ne voulait pas capituler et retenta sa chance sur le large tronc. Kurtis, quant à lui, n’avait jamais appris à grimper. Aedan le hissa donc jusqu’aux bras forts d’Artis. Il se tourna ensuite vers le dernier à terre qui ne réussissait pas, malgré ses efforts, à monter par le chemin qu’il avait choisi. L’adulte s’approcha du garnement et enfonça son regard dur dans ses yeux tendres. D’un doigt sec, il désigna le chemin qu’avait emprunté les filles. Oèn baissa les yeux et obéit, le rouge aux joues.

— Ton père fait trop peur, souffla-t-il à Keira une fois en haut.

— Chut ! siffla l’intéressé depuis le sol.

Il désigna le sommet de l’arbre. Les enfants savaient qu’ils devaient se choisir un poste d’observation. Ils se dispersèrent dans les branchages, bondissant avec l’agilité d’écureuils. Asha resta à une hauteur limitée, aidant Kurtis à s’installer à ses côtés. 

Tous attendirent quelques minutes, immobiles. Un hululement leur parvint enfin depuis le cercle des Arsalaïs, signe que le Voile qui les cachait était en place. Alors, tous les enfants étendirent le cou pour apercevoir la scène en contrebas.

Un monde anguleux s’ouvrit sous leurs yeux. Une allée de pierre blanche partait d’un village un peu plus loin pour s’abîmer devant une volée de marches taillées au millimètre près. Elles menaient à un immense parterre de cette même roche livide. Le tout était surplombé d’une estrade de marbre blanc en forme de triangle, au centre de laquelle était dressé un piquet de métal. Des torches avaient été allumées pour souligner les contours de l’autel et le chemin qui y menait. Elles caressaient les longues toges blanches des prêtres d’une lumière orangée. 

L’allée fut bientôt envahie d’une foule silencieuse qui avançait religieusement. Les villageois gardaient la tête baissée et emplissaient peu à peu le parterre. Hommes, femmes et enfants étaient réunis pour assister à l’une des cérémonies les plus importantes de leur culte. 

Lorsque, au bout d’une petite heure, tous les spectateurs furent arrivés, un prêtre s’avança sur le devant de l’estrade. Comme tout homme de foi, son visage était caché derrière un masque de tissu sur lequel était brodé l’emblème de la Trinité : un triangle doré dont chaque sommet était entouré d’un cercle. L’homme sans visage leva les bras devant la foule. Sa voix puissante s’éleva et rebondit sur la pierre pour venir frapper les oreilles des enfants cachés.

— Mes chers fils, mes chères filles, nous voici réunis pour célébrer un évènement majeur : la libération d’une âme. Cette pauvre âme souillée par la Marque qui ne demande qu’à retrouver le Ciel. Aujourd’hui nous allons extraire le Sinistre de son corps et l’envoyer rejoindre notre Mère aimante. Que cette jeune âme vienne à nous.

Sur le chemin de pierre, deux prêtres approchaient, tenant une fillette de l’âge d’Asha. Elle tremblait, peinant à mettre un pied devant l’autre, et tournait la tête en tous sens d’un air terrifié. Elle fut traînée jusqu’à l’autel et attachée au piquet sous une nuée de regards silencieux. Les flammes scintillèrent dans ses larmes.

Le prêtre qui avait parlé s’approcha d’elle et l’engloutit dans son ombre. Sa main jaillit de sa longue manche et agrippa le bas de sa robe pour la soulever et exhiber le corps de l’enfant aux yeux de tous. Sur le ventre frissonnant d’une pâleur effrayée se détachait une spirale large et noire de la taille d’une paume. Une légère vague de murmures parcourut l’assemblée.

— Ceci, reprit le sans-visage, est la Marque du Sinistre qui a pénétré cette fillette. Il n’a pas sa place dans le monde des vivants et souille sa victime d’une ignominie innommable. Il nous appartient de l’en délivrer.

Un éclair passa sous sa toge, un couteau court en forme de triangle effilé venait d’apparaître sous le feu des torches. Le son de tambours s’éleva au rythme d’un cœur qui bat.

La petite fille se pressa contre son piquet, le visage écartelé par la peur. Ses lèvres noyées par les larmes s’agitèrent convulsivement pour former une prière d’une voix suraiguë. 

— Je vous en supplie… s’étrangla-t-elle.

— Tais-toi, ordonna le prêtre. N’aie crainte, la délivrance est proche.

Il leva le couteau sacrificiel au plus haut.

Dans les arbres, Kurtis se serra contre Asha.

Le rythme des tambours s’accéléra, comme les cœurs des spectateurs. Chaque coup produisait un frisson qui remonta comme une vague le long de l’échine d’Asha.

— Par le Souverain, juge de toute âme. Puisses-Tu être clément ! clama le prêtre.

Il raffermit sa prise sur le manche de la lame.

— Par la Mère, protectrice des innocents. Puisses-Tu être généreuse !

— Pitié… balbutia la sacrifiée sur le point de suffoquer.

— Par le Sinistre, maître du monde des morts. Puisses-Tu quitter ce corps ! 

La fillette se tendit, émettant un son étouffé et strident. La lame luisait à la lumière ravageuse des flammes. Kurtis ferma les yeux tandis que le bruit des tambours devenait assourdissant.

Asha fixait la scène, figée. 

Elle vit le prêtre lancer son bras d’un geste vif. La fillette eut un sursaut lorsque le métal ouvrit une plaie nette dans sa gorge. 

Les tambours se turent.

L’enfant fut agitée de tremblement qui enflèrent jusqu’à devenir des convulsions. Au milieu des vagues qui agitaient son corps, ses lèvres prises de spasmes vomissaient des supplications à peine audibles. Elle se courba en avant, sa gorge déversait un torrent de sang dans un large récipient posé à ses pieds.

Les soubresauts se turent peu à peu, les yeux de la fillette fixaient, exorbités, la coupole rouge de sa vie. Ce n’est que lorsqu’elle fut totalement immobile que le prêtre se retourna vers le parterre, brandissant fièrement sa lame pourpre.

— Que les Trois accueillent cette âme égarée et libérée de l’impie ! exulta-t-il. 

Une clameur d’abord hésitante naquit dans l’assemblée. Elle crut bientôt, les bras se levèrent et les voix se libérèrent en un hourra unanime.

Kurtis sanglotait, agrippé à la tunique d’Asha. Ses yeux étaient braqués sur le corps de la fillette qui pendait à ses liens, intenses. Elle pouvait apercevoir le bord horrifié de son visage. Tout autour, les gens criaient de joie.

Mais l’horreur n’était pas encore arrivée à son terme.

— Maintenant que l’âme de Mona est libérée, dit le prêtre d’une voix plus sombre, il convient de punir les responsables de la Marque.

À l’autre bout de l’allée, quatre personnes s’avancèrent vers l’autel. Deux sans-visage et un couple. Ils gravirent les marches pâles qui menaient au corps de la fillette. Le couple stoppa net à la vision du cadavre pendant, il eut un mouvement de recul comme s’il avait reçu un puissant coup. La femme tomba à genoux, le corps agité de tremblements tandis que l’homme fondait en larmes.

— Ma fille… souffla-t-il entre deux sanglots.

— Voici les parents de notre chère Mona, siffla le prêtre. Par leur éducation et leur mœurs, ils ont attiré le Sinistre sur leur fille. C’est un péché grave ! Il doit être purgé par le sang.

L’homme et la femme se serrèrent l’un contre l’autre, évitant du regard le piquet ensanglanté. Mais le prêtre marcha à grande enjambée vers le corps et se saisit de la coupole remplie du sang de Mona. Il revint sur ses pas et la leva au-dessus de sa tête.

— Une seconde naissance dans le sang ! cria-t-il.

Ses collègues attrapèrent les vêtements du couple et les arrachèrent, déchirant le tissu pour révéler leur peau agitée de puissants frissons. Avant qu’ils n’aient le temps de réaliser ce qu’il se passait, un liquide poisseux leur tomba dessus. 

La mère se mit à hurler tandis que le père mêlait au sang répandu au sol le contenu de son propre estomac. Ils tentaient tant bien que mal d’éviter la cascade encore chaude qui les maculait d’un rouge sale. La coupole fut vite vidée et ils se retrouvèrent recroquevillés sur le sol, secoués de sanglots convulsifs. Un silence pesant embourba la scène.

— Après cette seconde naissance, reprit le maître de cérémonie, il vous faut aller demander la grâce de la Mère à Triliance. Puisse ce pèlerinage permettre à vos esprits de trouver la sérénité et de ne plus souiller votre descendance. Allez, votre chemin sera celui de la rédemption.

Frémissant, le couple resta un long moment les yeux exorbités tournés vers la silhouette ombreuse du prêtre. Ce n’est qu’avec une lenteur raide qu’ils se relevèrent et tournèrent les talons, poussés en avant par les sans-visage. Avant de disparaître de sa vue, la mère jeta un dernier regard vers sa fille, charogne flasque pendant face contre terre. Des larmes inondèrent immédiatement ses joues et elle détourna vivement la tête en manquant de s’effondrer au sol. Un silence sombre les suivit jusqu’à l’entrée du village, puis le prêtre signa la fin de la cérémonie.

Cachés dans la forêt, le groupe de Sylviens se retrouva à la croisée des chemins. 

Les Arsalaïs affichaient une mine respectueuse, Ealys tentait de cacher ses tremblements. Oèn ne fanfaronnait plus. Il fixait le sol comme s’il pouvait y creuser un trou à la seule force de son regard. Artis ravala ses larmes, mais Kurtis et Keira ne prenaient pas cette peine et sanglotaient en chœur. Asha conservait un visage impassible, mais le fond de ses iris bleu ciel était agité. La lune éclairait sa peau d’une lueur blafarde.

— Ce que vous venez de voir, déclara Aedan, est le prix sanglant de notre sécurité. Quand le Cercle a tissé, il y a mille ans, de nouveaux souvenirs et une nouvelle religion à leurs ennemis, ils savaient que nous devrions demeurer cachés. Mais ils savaient aussi qu’en disant les Porteurs de la Marque habités par le Sinistre ils condamnaient des milliers d’innocents à être sacrifiés. Après un pareil spectacle, vous vous dites peut-être que le sang versé est inutile. Il ne l’est pas. Les Porteurs sont nés pour nous exterminer, notre survie passe par leur disparition. Gardez à l’esprit ce que vous avez vu ce soir, vous considèrerez votre confort d’un autre œil. Ne vous avisez pas d’être distraits, fainéants ou irrespectueux. Pensez à la souffrance qui permet votre vie tranquille. 

Ses yeux durs se plantèrent dans chacun de ceux des enfants qui rentrèrent la tête dans les épaules. 

— Bien, il est l’heure de rentrer. 

Il ralluma sa torche et remonta en selle, vite imité par le reste du groupe. 

Hormis les sanglots, personne ne faisait un bruit. Asha regardait les morceaux de firmament qui passaient au-dessus d’elle. Sur une branche, des fourmis dépeçaient un papillon bleu. 

 

*

 

Conan avait dû se mordre la langue pour s’empêcher de hurler. Ses parents avaient dû le retenir pour qu’il ne se précipite pas au secours de son amie sacrifiée. Des larmes acides brûlaient ses joues et sa langue était emplie du goût âcre du sang. 

Sa mère le serrait contre lui sur le chemin du retour. Sa vision était tellement brouillée qu’il trébuchait sans cesse. Alors qu’il pleurait tout son soûl, ressassant la scène d’horreur à laquelle il avait assisté, ses parents échangèrent un regard qui étala un orage sur leur visage. Les supplications de Mona retentissaient encore à leurs oreilles.

 

*

 

Dans le lit qu’elle partageait avec sa sœur, Asha n’arrivait pas à dormir. Elle fixait un coin de lune qu’elle pouvait apercevoir par la fenêtre ronde, s’abreuvant de sa lumière opaline. 

— Dis, souffla-t-elle à Keira.

— Quoi ? répondit celle-ci qui tentait de s’immerger dans un sommeil qu’elle savait plein de cauchemars.

— Tu ne penses pas qu’on pourrait faire autrement ?

— Comment ça, autrement ?

— Tu crois qu’on est obligé de tuer des gens, comme ça ?

Keira haussa les épaules.

— C’est horrible, mais nécessaire. Puisque c’est Père qui le dit, c’est vrai. De toutes façons on ne peut pas changer le monde.

Asha ne répondit pas et sa sœur finit par s’endormir.

La fillette se redressa. Elle contempla ses pieds pendant un moment avant de se lever d’un bond. Elle sortit discrètement de sa cellule d’osier et passa sur la pointe des orteils devant le lit de son père. Un peu plus loin, Ealys et Kurtis dormaient dans les bras l’un de l’autre. Aucun ne se réveilla. 

Asha émergea dans l’air frais de la nuit et descendit les marches de bois qui menaient à l’herbe tendre. Elle évita les quelques personnes du village encore debout et se glissa jusqu’à la prairie où dormaient les chevaux. Elle caressa une jument nommée Melys jusqu’à ce que l’animal s’éveille.

— Désolée, je ne te laisse pas te reposer, mais j’ai besoin de toi.

Le cheval lui offrit son dos en renâclant et elle s’empressa de l’enfourcher. Elle talonna sa monture pour arriver le plus vite possible, personne ne devait remarquer son absence. Le sentier d’argent baigné par la lune se déroula sous les sabots de Melys. Les insectes nocturnes chantaient sous les feuilles bleutées. Une atmosphère ouatée et cristalline entourait la fillette. Elle parvint enfin aux abords de la forêt. Là, elle quitta sa monture et se fraya un chemin entre les broussailles. Elle retrouva le grand arbre qui leur avait servi de perchoir mais n’y grimpa pas, elle le contourna. Légèrement tremblante, elle franchit la Frontière qui séparait le monde des Sylviens de celui des hommes. Elle espérait qu’aucun sort ne l’empêcherait de revenir sur ses pas.

Asha émergea pour la première fois de sa vie de la forêt. Elle se sentit immédiatement exposée et fragile mais elle lutta contre l’envie de se réfugier sous le couvert des arbres et avança d’un pas mal assuré sur le marbre froid. Ses pieds nus n’avaient jamais connu de sol si dur, elle perdit un instant l’équilibre. Mais elle fut vite absorbée par la vision du piquet qui la dominait. Elle frissonna, des traces de sang étaient encore visibles çà et là, taches noires qui aspiraient la lumière. Asha s’accroupit à l’endroit où la coupole avait recueilli la vie de Mona. 

— Je suis désolée… murmura-t-elle les larmes aux yeux.

Un bruit de pas la fit soudain sursauter. Elle se retourna, un garçon de son âge était arrivé en haut des marches. Il stoppa net en l’apercevant. Elle vit scintiller des larmes blafardes sur ses joues.

— Qui… qui es-tu ? s’enquit-il d’une voix chevrotante.

— Je m’appelle Asha, répondit-elle, soulagée que le sort permettant de comprendre et parler la langue des hommes fasse toujours effet. Et toi ?

— Heu… Conan.

— Qu’est-ce que tu es venu faire ici ?

— Je sais pas trop… j’en ai ressenti le besoin.

— Ah… comme moi. Tu connaissais… Mona ?

Il renifla.

— Oui, c’était mon amie.

N’y tenant plus, il s’assit sur le sol, les jambes flageolantes. Asha s’approcha et remarqua que ses joues étaient fripées tant il avait pleuré.

— Moi je ne la connaissais pas, mais j’ai quand même trouvé ça horrible.

Il hocha la tête en retenant un énième sanglot.

— Je comprends pas pourquoi il a fallu faire ça. Mona… elle était comme tout le monde. Elle était pas habitée par le mal.

La fillette se blottit contre lui.

— Rien ne justifie ça, souffla-t-elle.

Son regard se porta sur la voûte étoilée qu’elle n’avait jamais vue aussi grande. 

— Chez moi, fit-elle, on dit que les gens deviennent des étoiles quand ils meurent. 

Conan releva un peu la tête.

— Ah bon ?

— Oui. Comme ça ils peuvent veiller sur nous le temps de rejoindre la Source. Ça veut dire que Mona nous observe peut-être.

Il porta son regard sur la myriade d’astres luminescents.

— C’est laquelle Mona ? 

— Mmmmmh, celle-là.

Asha leva le doigt vers le ciel.

— Celle-là ? s’enquit-il en pointant une étoile.

— Non, un peu plus à droite. Voilà, celle-là.

Il dévisagea la petite lumière vacillante.

— Comment tu peux savoir que c’est Mona, ça ?

— Je le sais, c’est tout.

Un sourire énigmatique affleura ses lèvres. Elle salua de la main le petit point brillant qui semblait rire. Conan l’imita.

— Chez moi, on danse pour rendre hommage aux morts, ajouta Asha. 

— Vous dansez ?

— Oui, car les danses ont le pouvoir de modifier de flux spirituel autour de nous.

— Quoi ?

— Heu… les morts perçoivent mieux notre hommage si on danse.

Il fronça le nez.

— Danser, c’est beaucoup trop joyeux. Là, je suis triste.

— Une danse peut être triste. Regarde, je vais te montrer.

Elle bondit sur ses jambes. D’un geste, elle réajusta ses cheveux ébouriffés et se mit en position. 

Lorsqu’elle commença à danser, elle sembla soudain légère comme une brise. Le vent froissa les arbres qui se mirent à chuchoter une musique. Elle effectua deux pas sur le côté, puis un en avant. Ses membres semblaient avoir gagné en souplesse. Ses mouvements, d’abord amples, se firent plus rapides. Ils étaient habités d’une harmonie qu’il n’aurait pas su décrire. La complainte des feuilles soulignait chacun de ses gestes dans un ballet léger mais empreint d’une tristesse indélébile. Plusieurs fois, Asha leva les mais vers les étoiles, elle semblait les inviter à la rejoindre dans sa danse. Et les étoiles semblaient vouloir la suivre. 

Conan dut cligner des yeux, il lui semblait que les étoiles tournoyaient au même rythme que la danseuse, refluant à chaque pas en arrière, brillant à chaque saut et tourbillonnant à chaque demi-tour. Les étoiles dansaient et se reflétaient dans les larmes de ravissement du garçon. Il eut l’impression que Mona chuchotait à son oreille et lui faisait promettre de ne pas se laisser abattre. Il le lui promit, pleurant de tristesse et d’émerveillement.

Lorsqu’Asha cessa sa danse mortuaire, elle aussi pleurait. D’une mélancolie pure qui coulait sur ses joues sans un bruit.

— Désolée, dit-elle en s’essuyant les yeux, ce n’est pas la vraie danse d’hommage, je ne la connais pas. J’ai improvisé.

— C’est magnifique, souffla Conan.

Un sourire éloigna les larmes du visage de la petite fille.

— Merci.

Elle jeta un dernier regard au firmament. 

— Je dois y aller, annonça-t-elle. Je dois rentrer chez moi. 

— Chez toi ? C’est où ce chez toi où les gens dansent pour les morts ?

Elle mit son doigt sur ses lèvres.

— C’est un secret, murmura-t-elle.

— Mais…

— J’y vais.

Elle fit volte-face, caressant une dernière fois le piquet.

— Au revoir Mona.

— Attends ! cria Conan.

Elle se retourna.

— Est-ce qu’on pourra se revoir… un jour ? bredouilla-t-il.

Asha sourit.

— À la demi-lune, tu seras là ?

— Heu… oui je suppose.

— Alors nous nous reverrons.

— Où ça ?

— Ici.

Il balaya la scène du regard.

— C’est un peu sinistre, ici, non ?

— C’est vrai, un peu plus loin alors. Je te trouverai, ne t’inquiète pas.

— D’a… d’accord. À la demi-lune, alors.

— À la demi-lune.

La fillette disparut dans la forêt. Conan resta un long moment à regarder les broussailles encore frémissantes.

— Mais c’est la forêt des dieux… réalisa-t-il.

 

*

 

Sur le chemin du retour, Asha avait le cœur plus léger. Elle se glissa dans son lit avec un sourire de joie et de tristesse mêlées. À côté d’elle, Keira remua, elle faisait visiblement un cauchemar. Sa sœur l’enlaça en fredonnant une berceuse et l’endormie finit par se calmer. Asha, elle, sommeillait déjà. Ses rêves étaient emplis d’étoiles qui dansaient.

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EmelineDony
Posté le 01/09/2021
Coucou !
Depuis le temps que j'ai envie de lire ton histoire et qu'elle traîne dans ma PàL, je suis contente d'enfin pouvoir commencer. D'ailleurs, j'ai choisi Danse étoilée pour débuter le Pumpkin Autumn Challenge (un challenge de lecture saisonnier), puisque ça rentrait dans la catégorie "Petit peuple, féérie, nature".

A vrai dire, je ne pensais pas que ton prologue soit aussi dur et grave ; je m'attendais à être émergée en douceur dans un monde magique. Mais c'est pas plus mal, au contraire, c'est même mieux, ça change des débuts tout doux tout mignon.

La mort d'un enfant ça choque, surtout dans le cas d'un meurtre, mais, pourtant, tes descriptions sont presque poétiques et adoucissent un peu la scène. Il y a beaucoup de mystères dans ce que tu écris, ça m'intrigue et j'ai hâte d'en savoir plus. J'ai vraiment apprécié la note d'espoir que tu as installée dans les derniers paragraphes !

Le seul point "négatif" que j'ai relevé, c'est la longueur de ce prologue. Je n'ai pas l'habitude de lire quelque chose d'aussi long en ouverture de roman, mais puisque tu écris très bien, ça reste agréable à lire !
AudreyLys
Posté le 01/09/2021
Hey !
Je ne connaissais pas ce Pumpkin Autumn Challenge^^ Tu as combien de thème ?
Ah, DE c'est pas tout doux et tout mignon x) Il faut que le lecteur le comprenne très vite
Ça me fait plaisir que tu notes l'aspect poétique, puisque c'est une des volontés que j'avais en écrivant^^
Haha oui, moi non plus je n'ai pas l'habitude de faire des prologues aussi longs, celui-ci a en réalité la longueur d'un chapitre random.
Merci pour ton passage et ton gentil com <3
Rienthal
Posté le 05/08/2021
Ah il fait frémir ce prologue, tiraillé que je suis entre horreur et espoir. En tout cas c'est super bien écrit, presque chantant. Dans les premières lignes j'avais l'impression d'entendre le début d'une balade.

Il y a quelque petites coquilles mais la je n'ai qu'une envie lire la suite.
AudreyLys
Posté le 06/08/2021
Oh ! quand tu m'as dis que tu lirais je n'attendais pas pas de commentaire, ça fait plaisir ^^
Merciiiiii
csbeambong
Posté le 08/05/2021
J'adore ton style, la façon dont tu introduis tes personnages et plonges le lecteur dans la scène avec les décors. Le prologue est intriguant, prenant, choquant aussi donc ça donne envie de continuer.
AudreyLys
Posté le 08/05/2021
Merci beaucoup pour ta lecture et ton com’ <3
_HP_
Posté le 21/06/2020
Coucooouuu <3

J'ai décidé que j'allais lire DE, qui est dans ma PàL depuis un moment 😄 Donc me voilàààààà (ne flippe surtout pas si tu reçois les notifications de mes commentaires ces prochains jours, je compte bien me mettre à jour ! 😝😂😂😂)

J'aime beaucoup ce prologue, il est super intriguant, super dur aussi avec la scène du meurtre, des parents, brrr !!
Tu poses un contexte qui est assez fragile, on a pas toutes les informations, pas mal de questions flottent à la fin d'un prologue (ce qui est mieux, j'ai envie de dire xD).
Y a pas mal de personnage, et j'avoue qu'au début j'ai eu du mal avec les noms, les sexes et les liens familiaux 😅 Mais je ne doute pas réussir à m'en sortir par la suite ! 😜
Tu as une très belle plume, j'ai été happée, ce prologue est très agréable à lire, poétique à certains moments (je parle par exemple de la danse étoilée, justement 😝😂)
Je suis vraiment très curieuse de lire la suite !

Des petites remarques 😅

• "Mais c’était mieux pour eux, apparemment, de traverser cette épreuve ensembles" → ensemble ? 🤔
• "L’allée fut bientôt envahit d’une foule silencieuse qui avançait religieusement" → envahie ^^
• "réunis pour assister à l’une des cérémonie les plus importantes de leur culte." → je crois que c'est "cérémonies" ^-^"
• "Tais-toi, ordonna le prêtre. N’aies crainte, la délivrance est proche" → n'aie ^^
• "Il ralluma sa torche et remonta en scelle, vite imité par le reste du groupe" → selle :p
• "- Désolée, je ne te laisse pas de te reposer, mais j’ai besoin de toi." → "de repos", ou "te reposer" ^^
• "des traces de sang était encore visibles ça-et-là, taches noire qui aspiraient" → noires ^^
• "C’est vrai, un peu plus loins alors. Je te trouvai, ne t’inquiète pas" → loin / "trouverai", je suppose ^^
• "Ses rêves étaient emplies d’étoiles qui dansaient" → emplis
AudreyLys
Posté le 21/06/2020
Oh, HPouille ! Coucooouuu <3
Vas-y bombarde-moi de commentaires chuis prête héhé

T’inquiète pas pour les perso on y revient petit à petit !
Merci <3
Et merci pour les coquilles !
Alice_Lath
Posté le 05/05/2020
Eh bien, ton prologue est vraiment magnifique! Je l'ai savouré de bout en bout, j'ai senti la patte Bottero en filigrane (peut-être en hommage), mais en tout cas, tu as su en faire ta propre identité. Je suis vraiment très curieuse de lire la suite et je suis bluffée par ce début très prometteur, j'ai été embarquée dedans avec plaisir et j'avoue avoir hâte de découvrir la suite héhéhé
AudreyLys
Posté le 05/05/2020
Je suis super contente que ça t’aies plu ! C’est pas vraiment un hommage, mais une inspiration. Je ne fais pas exprès, mais son style est tellement magnifique qu’il m’a marquée. Je suis d’autant plus heureuse que tu trouves du Bottero dans ce que j'écris ^^
J'espère que la suite te plaira tout autant !
Alice_Lath
Posté le 05/05/2020
Hahaha, tu sais, c'est pas une mauvaise chose d'être inspirée, au contraire, il faut que tu perçoives ça comme un compliment huhu
AudreyLys
Posté le 05/05/2020
Ah mais c'est le cas^^
Géraud
Posté le 23/04/2020
Fiou. Difficile à lire ! Le meurtre d'un enfant, c'est toujours un sujet difficile. Mais c'est un beau texte très poétique, avec un chouette contraste entre la poésie et l'horreur.
AudreyLys
Posté le 24/04/2020
Merci <3
Pluma Atramenta
Posté le 28/03/2020
Ta couverture ma donné envie de lire ton livre (J'adore les étoiles) et le prologue est super ! Ton écriture est subtile. Tout en poétisant, tu as réussi à décrire une scène affreuse.... J'admets avoir voulu émerger dès le massacre survenu, mais ma curiosité m'a poussé à bout... pour le mieux !
Je te tire mon chapeau ! Je cours lire la suite !
AudreyLys
Posté le 28/03/2020
Oooooow merci beaucoup pour ce gentil com' <3 j'espère que la suite te plaira tout autant ^^
Pluma Atramenta
Posté le 28/03/2020
Merci ! Continues de sillonner la Voie de l'inspiration, AudreyLys !
AudreyLys
Posté le 28/03/2020
❤️
GaelleLuciole
Posté le 22/09/2019
je dois avouer que j'ai eu envie d'échapper à cette scène de massacre, c'est donc que tu as réussi à rendre l'horreur très réelle.

voici les erreurs/coquilles qui m'ont sautées aux yeux (prête?):

cet prohibition inaudible
-> cette
Kaetys avait déjà assister au Sacrifice
-> avait déjà assisté
souille sa victime d’un ignominie innommable.
-> une ignominie
Par le Souverain, juge de tout âme
-> de toute âme
- Quoi ? Répondit celle-ci qui tenait de s’immerger dans un sommeil qu’elle savait plein de cauchemars.
-> tentait de
Comme ça ils peuvent veiller sur nous le temp
-> le temps
Asha leva les mais vers les étoiles,
-> les mains
Sur le ventre frissonnant d’une pâleur effrayée
-> ce n'est pas une erreur mais je trouve l'association "frissonnant" et "d'une valeur effrayée" assez étrange. Mais ce n'est qu'un avis.

à part cela, le prologue nous entraine avec succès dans un monde coupé en deux. D'une part les hommes et leur mémoire altérée, d'autre part les sylvestres, responsables de cette altération. Les uns tuent pour le compte des autres sans le savoir. On pressent la guerre lorsque le voile des illusions va se déchirer. la tension dramatique est bien posée puisque que la logique d'auto-préservation a déjà atteint sa limite et son paradoxe. ça me rappelle quelques unes de mes lectures. Je n'arrive pas à me souvenir avec exactitude les références.
AudreyLys
Posté le 22/09/2019
Je vais prendre ça pour un compliment ^^
Merci pour le relevé de coquilles On a beau passé le texte au peigne fin il en reste toujours...
Très bonne analyse^^Si jamais tu te souviens des références dis-le moi, ça m'intéresse :D
GaelleLuciole
Posté le 22/09/2019
j'ai trouvé! mais je reste incertaine que ce soit la seule. Alors c'est en BD: ELFES de Jean-Luc Istin, Nicolas Jarry. À un moment l'histoire est oubliée par les humains, ce qui arrange les Elfes, si bien qu'ils répètent les conflits d'antan. Mais c'est dans un volume sur.... plein d'autres. Toujours dans Elfes, on découvre que l'un d'eux a manipulé une histoire au sujet d'un autre, si bien qu'il est condamné d'avance et devient ce qu'on avait peur qu'il devienne... mais pas de spoil. hein?

Pour le reste, oui, prends-le comme un compliment, c'était positif!
AudreyLys
Posté le 22/09/2019
Je ne connais pas ELFES mais c'est marrant parce que à la base les Sylviens (et non pas sylvestres j'ai changé désolée, je croyais que j'avais tout remplacé dans le prologue) devaient être des elfes XD

Ah mais je prends toujours la détresse de mes lecteurs comme un compliment, ça veut que je fais bien mon job ;-)
El
Posté le 19/08/2019
C'est très beau, j'aime beaucoup tes descriptions. Certaines scènes m'ont même fait imaginer des dessins (que je serais bien incapable de reproduire par contre). Et j'aime bien les noms.
Tu décris si bien que c'en était assez affreux, pour la scène du sacrifice ;-;
AudreyLys
Posté le 19/08/2019
Merci, je fais de mon mieux pour garder un aspect poétique malgré l'horreur ^^
El
Posté le 19/08/2019
Eh bien c'est réussi (pour moi) :D
Eleryna
Posté le 19/08/2019
Bonjour,
Je viens de lire ton prologue et je suis sous le charme. Très jolie écriture. J’aime beaucoup. Bon j’ai trouvé des fautes et des passages un peu compliqués. Mais honnêtement ton histoire est intrigante.
La scène du massacre est vraiment dure... avec les parents en plus, c'était difficile. Mais bravo à toi :)
La petite Asha me plaît beaucoup.
Je vais, je crois, lire la suite de ce pas ;)
AudreyLys
Posté le 19/08/2019
Merci^^
Ah les fautes x( il en reste toujours ! Si tu as le courage, signale-les moi (ainsi que les passages compliqués)
Re-merci, et bientôt j'espère ^^
Eleryna
Posté le 19/08/2019
Ah si j’ai le droit de te montrer les fautes et tout le reste, pas de problème ;)
Bon par contre je devrais me mettre sur mon pc, car sur mon petit téléphone c’est pas le top lol

Mais vraiment, j’adore 😊
AudreyLys
Posté le 19/08/2019
Au contraire, signaler les fautes (appelées coquilles ici) m'aident beaucoup (presque autant que le commentaire en lui-même) Pa sue problèmes^^
Sorryf
Posté le 26/07/2019
Tu connais mon désamour pour les prologues... mais j'ai trouvé celui-ci très joli, enfin attend : très AFFREUX et très joli, lol ! l'histoire promet d'être très intéressante.
Je comprend d'ou vient le titre maintenant ! très beau passage.
le sacrifice était horrible ! pourquoi ils s'en sont pris à cette pauvre gamine ! et je ne m'attendais pas à ce que les parents restent en vie, ça m'a fait trop de peine T.T
AudreyLys
Posté le 26/07/2019
À la base ça ne devait pas être un prologue, mais le chapitre 1. Sauf que mon prologue était nul alors je l'ai mis comme ça XD Mais du coup je suis contente que ça t'aies plu, même si c'est affreux.
Il y a une deuxième explication pour le titre, mais ça viendra plus tard. Je suis contente, pour une fois j'ia trouvé un titre qui va bien avec l'histoire ! (et qui est beau)
Oui x) c'était le but. Et les parents... bah tu comprends faut bien les punir c'est leur faute après tout XD Nan mais en vrai moi aussi je trouve ça horrible, mais c'est juste la base de l'histoire alors je pouvais pas y couper.  
Contente que ça t'aies plu, je posetrai la suite dimanche je pense, parce que je n'ai avancé sur le Baroudeur.
Merci pour ta lecture ton com <3 (d'ailleurs c'est quand qu'il sort le prochain chapitre de KEM ?) 
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