Partie I - Chapitre 2

Par Vylma

Le lendemain matin, une légère bruine couvrait la ville. Les températures étaient douces en cette fin du mois de juin, et le café était déjà agité. De la musique s’échappait de l’établissement et résonnait dans la rue. Sur la terrasse, deux femmes discutaient.

— Le petit Victor est revenu en cours, disait la première.

Dénommée Marthe, elle avait la trentaine, les cheveux relevés en arrière et un regard sévère derrière des lunettes en demi-lunes.

— Il a été absent pendant deux semaines, mais il a repris le piano et le violon hier, continua-t-elle. Je m’inquiète pour ce petit.

— C’est le plus jeune des De Vermeil, c’est bien ça ? demanda la deuxième, Joséphine, une jeune femme soignée et élégante.

— Oui. J’ai déjà eu ses trois frères et sa soeur en cours auparavant, mais aucun n’est resté longtemps. Par contre, Victor a vraiment du talent. Et puis il s’entend très bien avec Emile, le petit des Leroy. Je pense que ça le motive à être régulier.

— Ce sont deux familles très étranges ces deux-là. Je ne sais pas trop quoi penser des De Vermeil ; ils sont distants, assez antipathiques et ils ne viennent jamais à la messe…

— C’est vrai… A chaque fois que je les croise, les rares fois où ils viennent chercher Victor, ils me fixent avec des regards qui me font froid dans le dos. Tu te souviens de l’incendie de la grange du vieux Jean l’hiver dernier ? C’est leur aîné qui est suspecté d’avoir mis le feu…

— Ca ne m’étonne pas. Quand sont-ils revenus déjà ?

— De leur séjour en Amérique latine ? répondit Marthe. Je ne sais même plus où ils étaient exactement. Ils sont rentrés ici l’été dernier je dirais. Ils étaient partis pendant quoi, cinq ans ?

— Quelque chose comme ça oui. J’ai déjà parlé à la gouvernante qu’ils avaient avant leur départ, elle me disait ne pas les reconnaître à leur retour. Ils ne l’ont même pas réembauché ! La pauvre n’a pas pu revoir les enfants et a continué à faire des petits boulots.

Un silence s’installa autour de cette table. Les deux femmes regardaient leurs tasses de café vides d’un air distrait.

— Et les Leroy, repris Marthe, qu’est-ce que tu leur trouve d’étrange ?

— Eux c’est différent, c’est plus une impression. Ils sont toujours polis quoique très discrets, ils ne posent pas de problèmes, mais tu ne trouves pas qu’il y a quelque chose de bizarre dans leur expression ? Ils sont comment dire… figés. Ils ont une manière de parler étrange, ils répètent certains mots sans raison. Et leurs bras semblent trop longs… Ils me font un peu peur.

— Ils sont un peu dégingandés et un peu à l’ouest mais je pense que tu exagères. Ils sont très attentionnés envers leur fils en tout cas. Ils viennent à toutes ses représentations, ce qui n’est pas le cas des De Vermeil.

Puis Marthe reprit après un silence :

— Par contre en parlant de choses étranges, il m’est arrivé quelque chose de vraiment singulier cette nuit. J’avais nettoyé la classe après le cours de piano du soir, j’étais montée souper et lire un peu, quand j'ai entendu de la musique du rez-de-chaussée. Je pensais qu’un enfant était revenu bien qu’il soit vraiment tard, mais peut-être pour me faire une farce ou quelque chose comme cela. J’entendais encore la mélodie en descendant l’escalier, mais elle s’est arrêtée juste après avoir ouvert la porte de la classe. Je jurerais avoir vu le piano jouer une dernière note seul… Il n’y avait personne dans la classe et les fenêtres étaient fermées. C’est à ne rien y comprendre.
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Driller_Killer
Posté le 20/01/2020
Ha mais oui drôle d'ambiance !
On dirait des commérages mais le malaise qui en ressort est palpable...
J'adore :) que va t-on découvrir dans cet étrange village ?
Vylma
Posté le 21/01/2020
Merci pour ta lecture et ton commentaire ! ^^
Aliv
Posté le 09/01/2020
Encore un très bon chapitre.
J'aime bien le concept d'informer le lecteur par des dialogues.
Surtout que les dialogues sont intéressants, pas du tout barbant. Ils servent à quelque chose.
Vylma
Posté le 09/01/2020
Merci ! Je n'étais pas sûre de mon coup, parce que c'était un peu un challenge d'écrire sous cette forme, limite en mode "pièce de théâtre". Je ne suis pas trop à l'aise avec les dialogues à la base, donc je m'entraîne :P
Aliv
Posté le 09/01/2020
Je trouve que tu débrouille très bien. Rassure toi.
Aliv
Posté le 09/01/2020
Zut j'ai oublié un s. Désolée.
Mary
Posté le 24/01/2019
Je vais faire ma pinailleuse, mais pour moi il y a un problème de concordance des temps ici.
"J’avais nettoyé la classe après le cours de piano du soir, j’étais montée souper et lire un peu, quand j’entendis de la musique du rez-de-chaussée"
Je mettrai un passé simple à "entendre" pour faire "quand j'ai entendu", puisque tu reviens dans l'immédiateté après avoir parlé au plus-que-parfait. 
Après j'arrête de faire ma chieuse, mais il faudrait au moins nommer ta deuxième femme. Il est aisé de cerner Marthe, en revanche l'autre reste un mystère total, ce qui fait qu'on se demande un peu qui elle est et ce qu'elle fait là. A moins que ce ne soit voulu ;)  
 
Vylma
Posté le 24/01/2019
Merci beaucoup pour ton retour !
En effet, je n'étais pas convaincu par cette phrase, ta proposition passe mieux.
Et la deuxième femme est nommée un peu plus loin, mais ça fait effectivement bizarre qu'elle ne soit pas du tout nommée dans ce dialogue...
J'ai modifié tout ça ! 
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