Partie 1 - Chapitre 8

Notes de l’auteur : TW : alcool/sang/violence physique

La soirée d’Halloween a lieu dans quelques jours, elle est déjà anxieuse rien que d’y penser. Elle aurait rêvé d’aller chez Hot Topic pour dénicher la perle rare, mais Andy avait déjà dû choisir leur costumes assortis pour l’occasion. L’année dernière ils étaient quaterback et cheerleader, rien que d’y repenser, elle a la nausée. 

Sa jupe était beaucoup trop courte, son crop top en dévoilait trop. Elle avait servi de potiche à ses côtés toute la soirée, à l’entendre se vanter de sa plus belle création , Elle.

Elle ignorait à quoi s’attendre cette année, elle n’allait pas tarder à être fixée. Le bruit de ses roues sur les gravillons lui donne des frissons. Depuis la soirée il est resté assez distant avec elle, ce qui ne l’avait pas dérangé outre mesure.

Il ne sonne pas, elle entend la porte s’ouvrir avant qu’il ne salue sa mère. Celle-ci s'empresse de répondre d’une voix guillerette. 

― Juliette est là ? 

    Il ne pose cette question que pour la convenance, il sait pertinemment qu’elle ne peut être qu’ici, elle n’a nulle part ailleurs où aller.

― Oui dans sa chambre comme toujours. 

    Elle coupe sa musique puis retire son écouteur lorsque ses pas résonne dans les marches. Elle camoufle le tout sous son oreiller, avant de se saisir d’un de ces innombrables livres. Elle reconnait tout de suite cette couverture bleu ciel et ces deux nuages, noir et blanc. Elle l’a déjà tant lu, que l’ouvrir à une page au hasard ne la décontenance pas.

    Elle a un léger sursaut lorsqu’il ouvre la porte, son bouquin l’ayant déjà trop absorbée. Elle aimait tant être aux côtés d’Hazel, Augustus et Isaac, qu’elle perdait vite la notion de ce qui l’entourait.

Il tient dans sa main un grand sac de protection noir dans lequel, elle le devine déjà, se trouve son futur costume. Il a également une boîte de chaussures de grande marque. Il pose le tout délicatement sur le lit avant de lui arracher son livre des mains.

― Tu lis encore ce truc ? Tu es franchement ridicule, les belles histoires c’est que dans les livres Princesse.

    Ça elle en avait plus que conscience. Il jette le bouquin sur le lit, sans s'inquiéter qu’elle sache à quelle page elle pouvait se trouver. Il dézippe la housse et laisse apparaître un ensemble noir. 

― Et je suis censé être qui ? Catwoman ?

― Pour que ton corps soit galbé dans une combinaison en cuir ? Tu rêves. Tu seras Sandy Olsson et moi Danny Zuko de Grease.

    Ce n’est pas pire que la Cheerleader mais pas loin. Elle n’aimait pas ce film, le fait que la pauvre Sandy doive devenir “sexy” pour que Dany se décide à assumer leur relation la révolte.

― Tu n’as pas peur que je sois aguicheuse avec un legging en similicuir ?

    Elle le cherchait, il n’aimait pas ça, ses narines se dilataient comme celles d’un taureau.

― Je ne te lâcherai pas d’une semelle ne t’inquiète pas.

    Il lui tend la boîte à chaussures qu’elle ouvre sans grande envie. Des louboutins entièrement rouges pour aller avec le reste de sa panoplie.

― Tu penses que je vais tomber à genoux devant toi pour ce genre de cadeaux ? 

    Elle aurait aimé pouvoir remonter le temps et ne jamais poser cette question. 

― Si je te veux à genoux, il suffit que je demande et tu obéis, c’est bien clair ? Les cadeaux c’est pour les autres, pour qu’ils voient que je te gâte, petite ingrate.

    Le paraître encore et toujours, il ne vivait que pour ça. 

― Tu as de la chance que ta mère soit là, je t’aurais fait regretter chacun de tes mots.   

    Elle retenait son souffle. Elle ne voulait pas être sa docile petite amie, elle détestait ce rôle, et tous les sacrifices qu’elle devait faire. Elle se questionne, si elle se montre “sage”, finira-t-il par se lasser d’elle ? Ou au contraire le fait de l’avoir dressée, l'amusera d’autant plus.

    Il part, elle respire à nouveau. Cette relation l'oppresse de plus en plus. Elle ignore où tout cela va les mener. Elle ne veut pas penser à ça, à cet avenir que lui semble déjà avoir prévu. Elle, gentille femme au foyer, tandis que lui parcourt le pays,  auréolé de cette gloire qui ne fera qu’accroître son égo.

 

    Le reflet que le miroir lui renvoie ressemble à une étrangère. Les lèvres outrageusement rouges, les yeux charbonneux et cette tignasse bouclée, c’était kitch au possible. 

Sa mère bavait littéralement devant ses chaussures qu’elle ne porterait qu’une fois. Elle peinait bien assez pour se déplacer avec ses échasses. 

Andy arrive à dix-huit heure tapante. Les cheveux gominés, un tshirt blanc, col v, un blue jean Levis des plus basiques, des boots vernis noir et une veste de cuir. Une simple caricature.

 Ce n’est pas ce costume qu’elle aurait voulu porter, pas ce cavalier à ses côtés. Elle se voyait en Emily, Sally ou Kim au bras de son Victor, Jack ou Edward. Elle savait qui pourrait endosser à merveille l’un de ces rôles. 

Ne pas penser à lui, à ses yeux digne d’un océan gelée. Il serait peut-être là. Elle ne savait pas si ce genre de soirée lui déplaisait autant qu'à elle.

― Bonne soirée.

    Sa mère les a pris en photo avant qu’ils ne s'éclipsent. 

― Ça vous fera des souvenirs à raconter. 

À qui ? À leurs enfants? Rien que cette pensée la répugne. Il n’avait jamais évoqué ce point avec elle, et tant mieux. Si elle tombait enceinte, elle était perdue.

    Une fois arrivés, ils se retrouvent entre des Harley Quinn cherchant leur Joker à tout prix, des zombies atroces et une multitude de vampires assoiffés. Josh est déguisé en Jack Sparrow, le tout s'accorde à merveille avec sa peau hâlée et sa longue chevelure châtain. Il a ajouté quelques perles, ainsi que l'illustre bandana du pirate que tout le monde connaît.

    Lorsqu’il finit par regarder dans sa direction, elle mime avec ses lèvres “Chris”. Pour toute réponse, il hausse les épaules, décontenancé. 

   

La soirée se passe comme toujours, Andy ne quitte pas son groupe habituel. Ils échangent sur leurs matchs à venir, les équipes de NFL et leur nouveau bolide. Elle les écoute distraitement, peu concerné par ses sujets. Il a son bras autour de ses hanches, chaque fois qu’elle tente de se décoller de lui, ne serait-ce d'un centimètre, il la serre plus près encore qu’avant. Sa main agrippe par moment ses fesses, si elle ne se retenait pas, elle lui assènerait une énorme baffe. Son geste s’attarde.

― Bonsoir Andy.

    La voix rauque la fait vibrer. L’odeur qu’il dégage, mélange de cuir et de tabac, ne laisse aucun doute sur la personne qui vient de faire son entrée. Il n’est pas costumé, portant ses habituels vêtements noirs. Sa veste a changé. Celle-ci est couverte de clou au niveau du col et des manches. Il porte un collier composé de grosses mailles, fermé par un cadenas. 

Quelque chose dans son regard la fige sur place. Il est sombre, rempli d’une noirceur qu’elle ne soupçonnait même pas.

― Franchement Dany Zuko, tu n’avais rien de plus cliché ? Quoi que c’est mieux que ton “costume” de l’an dernier.

    Il sort une flasque en argent de sa poche avant d’en avaler une gorgée. Son regard se tourne vers la jeune femme.

― Juliette, tu es sublime en Sandy, mais bizarrement, je t’aurais imaginé dans quelque chose de plus Burtonien.

    Une bouffée de chaleur la saisit, il est tellement sexy dans cette tenue, son attitude effrontée ne fait qu’augmenter cet effet. Le fait qu’il l’ait décrypté en quelques regards la fascine.

― Dégage Adams !

    Le footballeur perd visiblement patience. 

― Tu veux qu’on reprenne là où j’ai été interrompu Matthews ?

    Il lache la belle blonde pour s’approcher de son adversaire

― Comme si tu avais la moindre chance.

    Ils se toisent tels deux mastodontes. La musique a cessé, la tension est palpable. Tous attendent le premier coup qui lancera ce combat de géants. Les gars de la bande sont sur le qui-vive. C’est le brun qui brise le silence en premier.

― Retrouve-moi sur le parking si tu l’oses, et sans ta bande de petits toutous.

― Tu en fais partie je te signale.

    Il ne répond pas, préférant avaler une énième gorgée de liquide se trouvant dans sa flasque avant de s’éclipser. 

― Gardez un œil sur elle, ajoute leur chef avant de suivre son opposant.

    C’est Josh qui s’avance pour rester à ses côtés. Elle préfère lui plutôt qu’un autre.

― Je ne pensais pas qu’il viendrait

    Elle ne sait pas si elle peut lui parler sans le mettre en danger lui aussi.

 

*

 

    Il ne s’attendait pas à le trouver encore sur le parking, les picots de sa veste reflètent la lumière des lampadaires.

― L’autorité c’est décidément pas ton truc

― Pas envers des connards de ton espèce.

    Seuls quelques pas les séparent l’un de l’autre.

― Je vais t’exploser la gueule.

    Le premier coup est à l’initiative de son adversaire. Il ne parvient pas à l’éviter. Son poing s'écrase sur son menton, lui faisant cracher du sang. Le tatoué ne se laisse pas déstabiliser par cette réussite. Il repart à la charge du footballeur. Son second assaut s’écrase dans le ventre d’Andy qui peine à suivre son rival.

― Même si tu gagnes ce soir, elle ne sera jamais à toi.

    Josh n’a pas menti, lorsque la haine s’empare de Chris, il devient plus que dangereux. Il veut tester ses limites, voir son point de rupture. S’ils doivent se battre à nouveau, il doit y être mieux préparé. Sa phrase a l’effet escompté, le brun reprend de plus belle. Sa rage se ressent dans chaque contact. 

Andy parvient à le blesser à la lèvre, mais ça ne l’impacte pas. Une bête sauvage, voilà ce qu’il devient sous le joug de la colère. C’est pourquoi Andy le voulait. C’est une arme de destruction qui ne paie pas de mine de prime abord, mais une fois les barrières abaissées, il est tel un rouleau compresseur. Il n’avait pas prévu qu’il se retourne contre lui.

 Accepterait-il de l’argent contre son allégeance totale et absolue ? Il en doutait fort. La seule chose que Chris désire, c’est Elle et jamais il ne fera de concessions à son sujet.

― Tu ne déclares pas forfait Matthews ?

― Plutôt crever.

    Il essuie sa bouche d’un revers de main, du sang coule du bord de ses lèvres, il est en très mauvaise posture, les genoux à terre. Par chance, personne n’est venu assister au spectacle. 

― Rend moi ma liberté. 

    Celle-là, il ne l’avait pas vu venir, le brun souhaitait donc autre chose que Juliette.

― Et j’y gagne quoi ? 

    Il se relève difficilement, la douleur des coups portés à son estomac toujours présente. Il veut être son égal pour avoir cette discussion.

― Je te la rends, si tu oublies Juliette.

    Il avait les cartes en mains. Chris avait certes dominé leur combat, c'est lui qui avait la clé de sa délivrance. 

― Tout mais pas ça …

― C’est l’unique condition, j’en ai peur.

    Il voyait dans les yeux de son rival une profonde détresse. Préférera-t-il être émancipé des ordres et autres obligations, ou comptait-elle pour lui à ce point. Il se régala de la total perdition dans lequel se noyait Chris à cet instant.

― J’accepte, sa voix se brise.

― Ravi de te rendre ta liberté. 

    Il venait de lui offrir son destin sur un plateau d’argent. Ça arrangeait ses affaires.

― Dernier avertissement, je n’aurais aucune once de pitié à me venger si tu te permets le moindre écart la concernant.

    Il va rejoindre sa Sandy, avec une nouvelle assurance, mais aussi des informations précieuses. S’il doit de nouveau l’affronter, il sera armé. 

 

*

 

Il avait craqué, espérant que la déferlante de force avec laquelle il avait maîtrisé son adversaire suffirait à le faire lâcher. Il aurait dû lui exploser le visage à coup de Doc Martens avant de demander sa clémence.

    Pourquoi avait-il accepté ce marché ? Il avale le restant de sa flasque, pas assez saoul pour ne pas penser à elle, trop pour avoir cru gagner cette bataille. Au vu de ce que Josh lui avait dit, il aurait pensé qu’Andy aurait usé d’un stratagème pour le garder dans ses rangs. Finalement, la seule peur du footballeur était de perdre sa captive.

    Elle, si belle dans ce costume qui met en avant chacune de ses courbes, il en aurait perdu la tête s’il s’était trouvé près d’elle plus longtemps. Ses yeux charbonneux donnant encore plus d’éclat à ses iris déjà hors du commun. Même le parfum hors de prix, il n’en doutait pas, de son compagnon, n’avait pas réussi à masquer son odeur familière de violette.

Il en est fou, chaque jour un peu plus. Il voulait plus, tellement plus. Il rêvait de l’avoir au creux de ses bras, de sentir ses lèvres contre les siennes. De lui dire “Je t’aime” avant de la couvrir de baiser. Il souhaitait guérir ses blessures, la rendre plus forte encore. 

   

Il aurait mieux fait de garder ses chaînes, tout en l’admirant discrètement. Il allait prendre des risques inconsidérés, autant pour elle que pour lui, s’il ne prenait pas en compte la dernière mise en garde de son ennemi. C’est par elle qu’il le fera souffrir à l’avenir il en était persuadé. Rien que cette évidence le tenaille.    

Il était parvenu pendant une semaine à tout faire taire. Chaque parcelle de son cerveau tenu au silence, aucune once de remords, de regrets, de peine, de colère. Son corps avait fini par se rebeller. La dose d’alcool qu’il avait absorbé dépasse l’entendement. Un amoncellement de bouteilles jonche le sol de son armoire. Sa porte de chambre reste désormais verrouillée dès qu’il quitte les lieux. Personne ne doit savoir.

Il avait de quoi arriver à ses fins dans le coffre de sa voiture, il devait rentrer. Certes, il voulait devenir un monstre sans cœur, sans pour autant détruire la vie de ses parents en se foutant en l’air. Son aversion bouillonnait dans ses veines, tel un volcan prêt à imploser. 

Il enclenche le contact, avant d’appuyer de toutes ses forces sur la pédales d’accélération. Il avait besoin d’un shoot d’adrénaline assez fort, pour tenir le coup jusqu'à sa chambre. Frôler la mort sans mourir, tenter le diable, par tous les moyens. Il se surprend même à fermer les yeux dans un virage. Priant malgré lui pour rejoindre les étoiles.

Le désespoir en lui le consume tel un brasier. Il n’avait plus personne à qui s'accrocher pour ne pas sombrer. Refusant d’y mêler à nouveau ses parents. Sa mère commençait à s'interroger. Ses absences, ses mensonges, ses sautes d’humeur et cette décision de clôturer son seul espace d’intimité, étaient des signaux d’alerte qu’elle paraissait constater. Elle a essayé en vain de lui parler. Il n’écouterait personne, pas cette fois. Il irait au bout de sa chute, jusqu’au point d’impact.

 

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